Éducation sexuelle de la jeune fille (et du jeune homme), préparation au mariage pour l’union de cœur et non plus d’intérêts, suppression de la dot, droit à l’amour et même à l’enfant pour la jeune fille, lorsque le mariage lui est impossible, respect dû à la maternité légale ou non : autant de réformes qui ne sont encore que desAnticipations, selon le mot de Wells, et qui ne pourront se réaliser que lorsque l’opinion, les mœurs et les lois seront à l’unisson. Il dépend du moins de chacun de nous de hâter cet avènement.
Par contre, toutes les réformes qui relèveraient la condition de la femme dans l’ordre public ou civil, sont mûres et à point, et ne dépendent plus que de textes de lois définitifs.
Pour que la femme soit électrice ou même éligible, — et le plus tôt sera le mieux ! — tout au plus convient-il d’attendre qu’on ait modifié notre système électoral ; car, juste en idéologie et parfaitement injuste dans la pratique, le suffrage universel appelle au scrutin des masses ignorantes ou crédules, sans préparation à la dignité de leur acte que les promesses emphatiques des candidats, le recrutement d’un enthousiasme abreuvé chez les bistros.
Il faut avoir le courage de dire ce que tout le monde pense. Le suffrage universel a fourni les preuves de son imperfection, d’abord par le choix de Parlements médiocres, composés presque uniquement par les professions libérales et non par les compétences économiques et professionnelles ; ensuite par le choix de parlements ne représentant pas, en raison des abstentions, l’image fidèle d’une opinion publique que trop d’électeurs blasés et rebutés renoncent à exprimer.
De là, cette atmosphère de malaise, de suspicion et d’hostilité même qui enveloppe d’une généralisation parfois injuste les représentants de la nation, et qui excite chez eux une irritation incompréhensive d’autant plus sincère qu’ils s’estiment naïvement délégués à leur poste par l’élan de la nation entière. Pour ces raisons trop évidentes, l’élection des femmes gagnera à dépendre d’un scrutin amélioré où le nombre aveugle ne fera plus sentir sa pression incertaine, mais où tout ce qui compte et a le droit de compter dans le pays aura sa part d’action morale.
Quant à la femme mariée, veuve ou divorcée, il convient de lui accorder, d’urgence, tous les droits d’éducation des enfants et de contrôle dans la conduite du ménage ; il convient aussi de l’affranchir au même titre que l’homme, en lui garantissant la disposition, non seulement de ce qu’elle gagne par son travail, mais de ce qu’elle apporte de son chef.
Mariée, elle ne doit plus être dans son foyer une serve de corps et de volonté. La suppression du délit d’adultère, de l’excuse de meurtre pour le mari, l’établissement du divorce pour des causes déterminées, par consentement mutuel et même par la volonté d’un seul s’imposent d’autant plus immédiats, que certaines de ces mesures, à la veille de la guerre, étaient l’objet de propositions de lois et de rapports devant la Chambre.
Mais, disent les partisans dustatu quo, cramponnés aux pierres branlantes d’un édifice qui de partout craque, mais alors vous détruisez la famille, cellule de la société, la famille sur laquelle tout repose : l’organisation et la force de la Patrie ?
Eh ! non, nous ne détruisons pas la famille. C’est elle-même qui, d’elle-même, comme tout ce qui est humain, comme tout ce qui vit, évolue et évoluera. Pourquoi une cellule enkystée et pétrifiée, au lieu d’une cellule vivante, en fonction d’énergie et en réaction de l’ambiance ?
Mais elle a évolué de tout temps, la famille ! Il n’est que d’ouvrir les yeux pour le constater. Est-ce que les rapports des enfants et des parents sont ce qu’ils étaient avant la Révolution ? Est-ce que, à l’autorité sévère et distante d’autrefois, n’a pas succédé une direction plus douce et plus familière ? Est-ce que les lois récentes sur le mariage jeune, le remariage avec son complice, est-ce que la transformation au bout de trois ans de la séparation de corps en divorce, est-ce que la possibilité de légitimer des enfants adultérins n’ont pas modifié déjà profondément la famille ?
Pourquoi donc resterait-elle immuable dans le courant universel ? Par quel arbitraire et infructueux abus d’autorité prétendez-vous la paralyser ?
La famille restera toujours la famille, et sur cette forte assise vraisemblablement reposera toujours la Société ; mais plus il entrera d’air, de lumière, de souplesse dans cet organisme essentiel, plus l’intérêt général en profitera. Est-ce que, selon les pays, la famille ne subit pas des modalités différentes ? Est-ce que les événements, les bouleversements sociaux ne la transforment pas ? Est-ce que la guerre l’aura secouée en vain ?
C’est fatal, rien n’y peut : vivre, c’est changer ! La famille d’aujourd’hui a vécu ; soit, mais celle de demain est déjà vivante !