Et envoyera mondit sieur le président à mondit seigneur ladite consultation écrite et signée, avec les minutes de contract et procuration, le plus tost que faire se pourra.
»Faict à Champigny, le 21ejour de juillet, l'an 1577.»Loys de Bourbon.»
XII
Lettre de Brunynck au comte Jean de Nassau. 13 août 1577.(Groen van Prinsterer,Correspondance, 1resérie, t. VI, p. 131.)
»Monseigneur, arrivant dimanche, sur le soir, en ceste ville, je n'ay failly de dépescher doiz hier messaigier exprès devers Son Excellence (le prince d'Orange) pour l'advertir de tout le succès de mon voyage jusques à présent, et aussy de la délibération de vostre seigneurie pour venir avecq madamoiselle d'Orange en Hollande; chose dont je sçay Son Excellence recepvoir bien grand plaisir. Je suis adverty de certain marchant venu d'Hollande, que Son Excellence attend, de jour en jour, l'arrivée de ses enfans illecq, qui fait que je luy ay escript que mademoiselle partira sans faute, dans quatre ou cinq jours, de Dillanbourg, et que descendrons ainsy le Rhyn jusques à Emmeryck, et delà peult-estre au logis de monsieur le conte van Berch, dont ne passerons oultre sans avoir premièrement nouvelles deSon Excellence, ne sçaichant quels changemens ces altérations et nouvelles émotions en Brabant, peuvent avoir apporté.... Or, monseigneur, comme je suis asseuré que Son Excellence desire entièrement la venue de ses enfans en Hollande, je supplie très humblement vostre seigneurerie que madamoiselle d'Orange puisse partir de Dillanbourg pour le temps qui a esté préfixé, assavoir samedy ou dimanche prochain, et que puissions ainsy aller jusques à Emmeryck pour illecq entendre la résolution de Son Excellence, combien que je tiens qu'il n'y a aucun dangier. Je donne cependant icy ordre à tout ce qui est besoing pour le voyage de vos seigneuries, ayant desjà loué les batteaulx et faict aultres apprests. En cas que vostre seigneurie ne pourroit estre sitost preste, si est-ce qu'il vaut mieux que madamoiselle attende à Emmeryck qu'en ces quartiers icy, à cause de la mortalité qui augmente tous les jours; aussy la belle saison se passe et le mauvais temps est proche. J'espère, m'aydant Dieu, de partir dans un jour ou deux de ceste ville vers Mulheim pour, avecq ma femme, y attendre la venue de madamoiselle et y faire tous les autres préparatifs nécessaires. Coulongne, ce 13ejour d'aoust 1577.
De vostre seigneurie bien humble et obéissant serviteur.»Nicolas Brunynck.»
XIII
§ 1.
Le duc d'Anjou à ses agents. 28 mars 1578.(Bibl. nat., mss. f. fr., vol. 3.277, fo7.)
«Instruction de monseigneur aux sieurs de La Rochepot et Despruneaux, conseillers et chambellans ordinaires de mondit seigneur, envoyez de sa part vers les sieurs des estats généraux, prince d'Orange, et comte de Lalaing, et autres seigneurs des Pays-Bas.
»Premièrement, lesdits sieurs remonstreront auxdits sieurs des estats généraux, prince d'Orange, comte de Lalaing et aultres seigneursdesdits Pays-Bas, comme mondit seigneur a tousjours eu en singulière affection les secours et ayde de tous les moyens que Dieu luy a donnez pour pourveoir à la seureté et conservation de l'estat dudit païs, les rédimer d'oppression et violence et les maintenir en leurs anciens privilèges et droicts dudit païs; ce qu'il a cy-devant démonstré, et encores à présent, recognoissant la nécessité des affaires, il désire plus que jamais obliger à luy lesdits estats généraux, princes et seigneurs dudit païs par bons offices, prenant leur faict en sa protection et sauvegarde.
»Satisfaisant aux lettres que ledit sieur comte de Lalaing a escrites à Son Altesse et instructions à elle envoyées de sa part par le sieur de Linsart, mondit seigneur envoyé lesdits sieurs de La Rochepot et Despruneaux, ses conseillers et chambellans ordinaires, pour l'assurer, en premier lieu, de son affection et bonne volonté en son endroict, et recevoir les villes que ledit sieur comte a promis délivrer et mettre ès mains de mondit seigneur; ce qu'il désire estre promptement effectué afin de pourveoir aux remèdes nécessaires pour le soulagement dudit comte et conduite de l'armée que mondit seigneur entend y amener, deux mois après la délivrance desdites villes et places, ladite armée composée de, etc., etc., etc.
»Mondit seigneur entend, lorsque lesdites villes seront en sa possession, mettre dans icelles les garnisons qu'il avisera bon estre, et y établir les gouverneurs à sa dévotion; demeurant néantmoins ledit comte de Lalaing, lieutenant-général de mondit seigneur, audit pays.....
»Et, pour le regard de monsieur le prince d'Orange, lesdits sieurs de La Rochepot et Despruneaux l'asseureront de l'affection et bonne volonté que Son Altesse luy porte, ne desirant rien plus, en ce monde, que de le maintenir et conserver en sa religion, et tous autres qui en font profession, et avec telle liberté et asseurance qu'ils sçauroient désirer pour la manutention et exercice d'icelle, et mesme d'entretenir, garder et faire garder inviolablement le traité et accord fait avec luy à Gand, etc., etc., etc.
»Lesdits sieurs de La Rochepot et Despruneaux appèleront avec eux, en leurs négociations, lesdits sieurs de Mondoucet et Dalfiéran, qui sont instruits, de longue main, des affaires dudit païs.
»Lesdits sieurs de La Rochepot et Despruneaux feront instance à ce que mondit seigneursoit esleu et déclaré souverain desdits païs; etoù ilz ne vouldroient accorder ledit titre, après plusieurs remonstrances à eux faites pour les persuader de l'honorer de ce titre, comme chose qu'ils désirent, mondit seigneur se contentera du titre deprotecteurdudit païs.
Fait à ..... le 28ejour de mars 1578.»Françoys.»
§ 2.
Guillaume de Nassau à Despruneaux. 26 avril 1578.(Bibl. nat., mss. f. fr., vol, 3,277, fo14.)
Monsieur, je désireroys bien aussi de pouvoir privément communiquer avec vous de ce qui me semblerait convenir pour le bien et repos des consciences, dont je pense que principalement dépend la tranquillité de ce pays, comme aussy de la France; à quoy je sçay qu'il n'y a prince, en la chrestienté, qui nous y peut tant ayder que monseigneur d'Alençon. Ce n'est pas une opinion qui soit d'un jour ou de deux crue en mon esprit; car il y a jà longtemps que j'en suis résolu; et encores à présent je demeure en la mesme opinion. Je vous remercye cependantde la bonne assurance que vous me donnez de la volonté de Son Altesse. De ma part, pour l'humble service que je désire faire, toute ma vie, à mondit seigneur, je m'emploieray très volontiers à tout ce que Son Altesse jugera estre pour l'advancement de sa grandeur et le bien de ce pays; vous remerciant affectueusement de ce qu'il vous a pleu m'envoyer visiter et m'escrire; vous asseurant que je seray tousjours bien prest de vous faire plaisir et service, où il vous plaira de m'emploier, tant pour l'amour de monseigneur, vostre maistre, que pour l'amour de vous en particulier; qui sera l'endroict où, après m'estre recommandé affectueusement à voz bonnes grâces, je prieray Dieu, monsieur, de vous donner, en santé, bonne et longue vie. De Anvers, ce 26 avril 1578.
»Vostre très affectionné amy, à vous faire service,»Guillaume de Nassau.»
§ 3.
Despruneaux à Guillaume de Nassau. 22 juin 1578.(Groen van Prinsterer,Correspondance, 1resérie, t. VI, p. 399.)
»..... Monseigneur, vous croirés que tout ce que j'ay dans mon cœur est franc, et que le fondement de tout ce de quoy je me mesleray jamais sera premièrement à la gloire de Dieu (car, si je ne cuidois Son Altesse dutout induicte au repos et résolue à la conservation de l'une et l'autre religion, toutes les puissances ne m'en feroient mesler), et après à la grandeur et maintien de vous et de vostre maison. Je suis marry que je n'ay pu estre crû comme sincèrement j'ay parlé sur les trois faits alléguez, le premier pour la gloire de Dieu, le second pour la gloire de mon maistre, et le tiers pour la vostre..... Monseigneur, je désireroys que Son Altesse vous envoyast quelques-uns des siens qui vous fûst plus agréable que je ne suis, mais il ne pourroit un plus homme de bien et qui vous parlast plus franchement. Il y a maintenant près de Son Altesse monsieur de Lanoue, je serois très ayse qu'il fûst icy, je ne doubte qu'il ne vous soit plus agréable avecq très grande suffisance. Je serai très ayse, très content et satisfait, quand, par qui que ce fust, cest affaire se puisse acheminer au bien que je désire..... Je ne me puys départir d'icy, combien que j'en eûsse occasion, pour l'espérance que j'ay que Son Altesse viendra, et que vous serez celuy qui luy ayderez luy mestre trois couronnes sur la teste, après avoir esté cause de l'avoir fait venir.—Mons, 22 juin.
§ 4.
Guillaume de Nassau à Despruneaux. 26 juin 1578.(Bibl. nat., mss. f. fr., vol. 3.277, fo42.)
«Monsieur, la venue de M. de Dampmartin, envoïé de la part de monseigneur d'Anjou, m'a empesché de vous respondre, combien qu'à sa venue, je fusse sur le point de vous escrire. Quant à ce quevous m'escripvez par les premières et secondes lettres, je ne puis le trouver mauvais, venant de votre part, m'assurant que vous désirez, faisant le service de monseigneur, vostre maistre, me faire aussy plaisir. Mais je crois qu'il y a autant d'occasions, de vostre part, de se plaindre de ce que nous n'avons pas esté crus, que vous estimez en avoir occasion, de vostre costé. Quant à ce qui me touche, je vous prie de croire que, partout où je verrai, faisant service aux estats, avoir moïen de monstrer combien j'ai envie de faire cognoistre à mondit seigneur que je luy suis affectionné serviteur, je serai toujours très aise de le faire. Ledit sieur de Dampmartin a esté ouï, aux estats, et on a requis qu'il donne par escript ce qu'il a proposé; ce que j'espère qu'il fera, et que messieurs les estats luy donneront responce dont il aura occasion de se contenter. A tant, après m'estre affectueusement recommandé à vos bonnes grâces, je prieray Dieu, monsieur, de vous tenir en sa saincte et digne garde.
»En Anvers, ce 26 juin 1578.»Vostre bien bon amy, à vous faire service,»Guillaume de Nassau.»
§ 5
Le duc d'Anjou à Guillaume de Nassau. 13 juillet 1578.(Groen van Prinsterer,Correspondance, 1resérie, t. VI, p. 404.)
«Mon cousin, j'estime qu'avez souffisamment esté adverty des levées que j'ay faictes en France, pour assister, secourir et ayder messieurs des estats généraux de ces pays, en leur juste querelle; qui me gardera vous en escrire aultre chose. Je vous diray seulement que, estant mes forces prestes à marcher, j'ay donné charge à ung de mes plus spéciaux serviteurs, que cognoissez, de les assembler en corps d'armée; et cependant je me suis achemyné par delà avec aucuns de mes plus confidens et spéciaux serviteurs; espérant que mes susdites forces me suyvront de près; de quoy je vous ay bien voulu advertir incontinent, et prier me faire sçavoir de vos nouvelles, qui me seront tousjours fort agréables, et surtout quand me donnerez quelque espérance de vous veoir et conférer avec vous des moyens qu'il fauldradoresnavant user pour réprimer l'audace et insolence insupportable de l'ennemy; vous assurant, mon cousin, que si vostre commodité pouvoit permettre de faire un voïage en ceste ville, me semble, soubs vostre prudent advis, que les affaires se pourroient beaucoup mieux et plus facilement achemyner, au gré et contentement de l'un et de l'autre... surtout, mon cousin, je desire que nous ayons bonne intelligence et correspondance ensemble, afin que marchant d'un mesme pied et zèle, nous ostions à l'ennemy toute l'espérance qu'il a fondée sur la division qu'il tâche par tous subtils moyens et inventions de faire naistre entre nous, laquelle, si ainsy estoit, ne sçaurait apporter que l'entière ruine et subversion de tout ce pauvre pays, la conservation et salut duquel dépend, après Dieu, de nostre mutuelle intelligence, très parfaite union et vraye concorde; de quoy nous pourrions amplement traiter et discourir, et plus en présence que par nulle aultre voye; ce que, comme dict est, je remectrai à vostre très saige et prudent advis, etc.
»Vostre bien bon cousin,»Françoys.»
§ 6.
Promesse faite par le duc d'Anjou à Guillaume de Nassau. 18 août 1578.(Bibl. nat., mss. f. fr., vol. 3.277, fo65.)
«Nous, Françoys, fils de France, frère unique du roy, duc d'Anjou et d'Alençon, en satisfaisant à la promesse faicte par nostre cher et bien-aimé le sieur de Bussi, premier gentilhomme de nostre chambre, à monsieur le prince d'Orange, du 9 aoust dernier, promettons, avant que le traité encommencé entre nous et les sieurs des estats des Pays-Bas se parface et conclue, que nous n'entreprendrons aucune chose et nous opposerons à ce qu'on entreprenne contre ledit sieur prince, ny autres faisant profession de la religion réformée, à cause de ladite religion, ainsi que nous nous emploierons pour les maintenir également comme ceux qui font profession de la religion catholique romaine; comme aussi ledit sieur s'emploiera à ce qu'il ne soit fait aucune violence par ceux de la religion réformée contre ceux qui font profession de ladite religion catholique romaine; faisant promesse,advenant que les estats généraux de ces pays ordonnent qu'en quelques provinces de ce païs soit permis l'exercice libre de la religion réformée, nous nous emploierons à ce que les autres provinces qui, pour certaines raisons, n'auroient pu recevoir ladite religion, ne se séparent et disjoignent des autres provinces pour cest effect; au contraire procurerons et emploierons nostre autorité à ce que toutes les provinces de ces païs se tiendront jointes et unies comme elles ont esté par cy-devant et premièrement; en quelque état de prééminence que nous puissions parvenir, nous emploierons nostre autorité et moïens pour retirer le comte de Buren, fils dudit sieur prince, de la captivité en laquelle il est détenu, en Espagne, contre les droits et privilèges de Brabant, en le remettant en sa pleine liberté. Et pour confirmation de ce que dessus, avons escript et signé ces présentes de nostre main et scellées de nos armes.
»Donné à Mons, le 18ejour d'aoûst 1578.»François.»
XIV
§ 1.
Dépêche de Bellièvre au duc d'Anjou. 17 août 1578.(Bibl. nat., mss. f. fr., vol. 3,277, fo61.)
«Monseigneur, estant venu en ceste ville d'Anvers pour satisfaire à vostre commandement, le premier propos qui m'a esté dit par M. le prince d'Orange a esté que arrivèrent, devant hyer au soir, en ceste ville d'Anvers, deux députés de Flandre quy luy rapportèrent que M. de Lamotte, gouverneur de Gravelines, avoit prié ceux de Flandre luy envoyer de leur part deux personnages auxquels ils eussent fiance; ce qu'ils firent. Ledit sieur de Lamotte leur dit que vous, monseigneur, luy aviez par deux fois envoyé un nommé sieur d'Alféran, qui luy avoit monstré, de vostre part, comme ces païs sont perdus pour le roy d'Espagne, et que, s'ils ne tombent entre vos mains, ils seront dominés par un ennemi de la foy catholique; que nous estiés icy venu avec forces suffisantes pour vous en faire seigneur; que vous aviés pourle moins vingt-cinq mille hommes de pied et grand nombre de cavalerie; et estoit vostre intention d'extirper la nouvelle religion, et faire massacrer le prince d'Orange. Vous luy offriés de grands biens et pensions, moyennant qu'il se mist de vostre costé. Monseigneur, je me trouvay fort estonné d'ouïr ce langage, c'est, au dire ancien: calomniés hardiment, il en demeure tousjours quelque chose. Si cette calomnie ne sera vivement effacée, elle avancera ces peuples à faire la paix, plus que toutes ambassades. Or, monseigneur, il est plus que requis que vous pourvoyés soigneusement à oster de l'opinion de ces peuples une si mauvaise opinion de vous, que ledit sieur de Lamotte y a voulu imprimer. J'entends que la vérité est que le sieur d'Alféran a esté pardevers ledit sieur de Lamotte; pour le moins, ils le croyent icy. Il sera bon qu'ils sachent le vray de ce qui est passé; et comme ceux des estats vous envoyent les députés de Flandre pour faire entendre ce qu'ils ont ouy, il vous plaira de considérer si aussy il ne sera bon que vous leur envoyés icy le sieur d'Alféran, pour les advertir de ce qui a passé, et qu'il déclare qu'il se veut rendre responsable de son dire et de ses actions. J'estime aussy, monseigneur, qu'il seroit à propos que vous envoyés avec luy personnages notables et de qualité, pour les assurer de vostre bonne volonté. M. Despruneaux, qui n'est suspect de vouloir faire massacrer ceux de la nouvelle opinion, vous y pourra faire bon service; comme, monseigneur, l'affaire requiert que vous fassiez si expresse déclaration de la bonne volonté que vous portés à toute ceste nation, que rien n'en puisse demeurer au contraire en leurs opinions. Quant à monsieur le prince d'Orange, c'est un fort sage seigneur, et qui prendra raison en payement. Vous avés, ce me semble, plus d'intérêt de le bien assurer de vous, que luy n'a de l'estre de vous. Vous ne tirerés pas aisément, ni au premier coup, toutes les promesses de luy que l'on voudrait. Ce aussy à quoy il obligera sa promesse, j'estime qu'il n'y voudroit pas faillir. Il est doncq question que vous veoyés comme vous l'amènerés à s'obliger à vous, car, s'il vous sera ennemy ou contraire, je ne dis pas, monseigneur, que vous n'ayés de grandes forces et que vous ne puissiez faire ressentir à ce pays le déplaisir que l'on vous feroit, etc., etc.»
§ 2.
Dépêche de Lanoue au duc d'Anjou. 18 août 1578.(Bibl. nat., mss. f. fr., vol. 3.277, fo63.)
«Monseigneur, depuis deux jours il est arrivé vers messieurs des estats aucuns hommes de Flandre qui leur ont faict un rapport dont j'ai bien voulu advertir Votre Alteze. La chose est telle: c'est que le sieur de Lamotte, qui est dans Gravelines, envoya quérir depuis naguières quelques notables personnages dudit païs et leur dict qu'il les vouloit advertir de chose qui importoit grandement à la patrie, pour le faire entendre auxdits sieurs des estats, savoir est: qu'Alféran estoit venu vers luy de la part de Vostre Alteze et lui avoit remonstré que trois causes principalement vous avoient esmeu de venir pardessà : l'une, pour vous en faire maistre, l'autre, pour ruiner la religion réformée, et la dernière, pour chasser le prince d'Orange, et que, si vouloit vous favoriser et tenir vostre party, que vous le feriez grand. Puis après il leur dist que, puisqu'on parloit de changer de maistre, qu'encores se valoit-il mieux tenir à l'ancien, qui estoit le roy d'Espagne, que tomber sous la main des Françoys, et qu'il avoit cinquante mille escus dans un coffre qu'il monstra alors auxdicts personnages, disant qu'il en aideroit les estats, s'ils vouloyent demeurer fidèles audict roy d'Espagne et s'employer contre les huguenots du pays et contre le prince d'Orange.—Voilà la somme de ces propos, tant ce qu'Alféran luy a dit, que le parlement qu'il faict pour reprendre le parti des Espagnols. Je pense que le but auquel il tend, c'est, par ces artifices et choses controuvées, vous mettre en défiance et diviser les uns et les autres, pour mieux avancer les affaires de don Juan.—Messieurs des estats pourront bien en escrire à Vostre Alteze, et peut-être vous envoyer les personnes qui ont parlé audit Lamotte. Toutefois j'ay bien voulu vous prévenir par ceste lettre, afin que vous soyez tousjours instruit davantage.—Il est très nécessaire, monseigneur, pour monstrer tousjours plus la sincérité de vos actions, que vous rendiez ce faict éclairci à ceux qui en pourroient estre en quelque doubte; et sera assez à temps d'en répondre, si lesdits estatsenvoyent vers Vostre Alteze pour cet effect. Je ne sçay si Alféran se seroit tant oublié, d'avoir tenu un tel langage, car ce seroit vous faire tort. Mais, afin qu'il n'arrive de tels inconvéniens, il est expédient d'aviser aux personnes qu'on emploie, qui soient telz qui ne puissent rien mesler de leurs particulières factions avec ce qui leur sera commandé.—Monseigneur, j'ay opinion que vendredy, l'armée de M. le duc Casimir se joindra et marchera, ou incontinent après. Et pour ce, sera bon que vostre Alteze diligente de tenir la sienne preste, parce que il pourra survenir occasion qui commandera qu'elle marche, et vous aussi pareillement; car le temporiser nuirroit aux affaires communes. Et d'aultant qu'il y a plusieurs choses à pourvoir et accomoder avant que Vostre Altèze puisse desloger, on ne doit perdre une seule heure de temps.—Monseigneur, vous pourrez donner avis à M. le prince d'Orange de l'estat en quoy estes; et quand lui ferez cest honneur de prendre conseil de luy en affaires présentes, il vous en mandera fidèlement son opinion et ce qui sera convenable que faciez, soit pour vous avancer ou retarder; mais il me semble que Vostre Alteze doit se haster. A grand peine vous pourra-on ayder de pouldre, du costé de deçà , dont aurez grand besoin, pour le grand nombre d'arquebusiers qu'avez. Monseigneur, il servira aussi grandement que vous envoyez quelqu'un vers M. le duc Casimir, afin de le bien disposer en vostre endroict; ce qu'à mon jugement se fera aisément; et si je le voy bientost, je luy parlerai comme il faut.—J'ay parlé à M. le prince d'Orange pour le sieur de Richebourg, s'il trouve bon qu'il accompagne M. de Bellièvre. Et quant à ce que Vostre Altèze craint d'estre soupçonnée de moienner la paix avec don Juan, elle ne s'en doit mettre en peine. On croit plustost que les François désirent la guerre.—Monseigneur, si vostre cavallerie ne s'arme ainsy qu'elle n'est en France, en ce pays on ne le trouvera beau. Il y a bonne commodité d'y pourvoir par l'abondance des armes qu'on y trouve.—Je partirai demain d'icy pour m'en aller à Bruxelles, pour après aller au camp; et en cest endroit je ferai fin, pour supplier le Créateur, monseigneur, vous tenir en sa sainte garde.
»De Anvers, ce 18 août 1578.»Vostre très humble et très obéissant serviteur à jamais.»Lanoue.»
XV
Résolution des états généraux donnant au prince d'Orange, à l'occasion du baptême de sa fille,Catharina-Belgia, la terre et comté de Linghen.—Anvers, 21 septembre 1578.(Archives du royaume.—Gachard,Correspondance de Guillaume le Taciturne, t. VI, p. 313, 314.)
«Ayant les estats généraulx des Pays-Bas délibérez sur le présent qu'on poulroit faire à monseigneur le prince d'Aurange, en tesmoignage du baptesme de la fille de Son Excellence, nomméeKatharina-Belgia, auquel iceulx estats par certains leurs députez ont assisté, se sont advisez et résoluz que, pour les grandes raisons, cogneues à un chascun, qu'ils ont de recognoiltre le soing et travail que Son Excellence prend continuellement pour le bien et conservation du pays, ne se pourroit faire présent plus convenable et agréable à sadicte Excellence, que de la terre et comté de Linghen, avecq les actions, droits et dépendances d'icelle, mesme avecq la forteresse, artillerie et munitions, et en tout tel estat comme elle est présentement, et soubz les charges y appartenantes, à en prendre la possession incontinent, à condition expresse que sadicte Excellence, ou aultre ayant cause dudicte comté après icelle, sera tenue d'en payer annuellement au prouffit de sadite fille, une rente héritable de trois mille livres Arthois, racheptable au denier seize, et que de ce, au prouffit de ladicte fille, seront dépeschées lettres en forme deue et vaillable.»
»Et d'aultant que ledit seigneur prince a droit de demander au roy d'Espaigne la somme de cent soixante mille livres, du prix de quarante groz, monnoye de Flandres, à raison de ses gaiges, pensions, traistemens, obligations et debtes liquides, escheant à la fin du mois de juillet 1578, sera tenu quicter lesdites debtes, comme il a franchement quicté et quicte par ces présentes. Et, moyennant ce, ont lesdits estats accordé et accordent audit seigneur prince de demeurer seigneur et possesseur de ladicte terre et comté de Linghen, aux conditionssusdistes, estant icelle terre de beaucoup plus grande valeur que la somme par ledit seigneur prince quictée.
»Davantage, promectent lesdictz estatz de payer et satisfaire les drossart, aultres officiers et soldatz qui sont à présent audict Linghen, à leurs propres coustz et dépens, jusque au jour que ledit seigneur prince sera mis en réelle et actuelle possession de ladicte terre et seigneurie de Linghen: aultrement demeurera audit seigneur prince son action libre et franche pour ladicte somme desdicts cent soixante mille florins.
»En oultre, au cas que, pour la deffense et tuition du païs, fût contrainct ledict seigneur prince mestre en ladicte place garnison extraordinaire, comme elle y est à présent, ne sera tenu entretenir ladicte garnison à ses despens, ainsi sera ladicte garnison extraordinaire payée par lesdicts sieurs les estats, ou aultres ayant droict, estant ledit sieur prince seulement subject à entretenir la garnison ordinaire à ses despens.
»Requerront lesdicts estats à Son Altèze que lettres-patentes en forme deue sur ce soyent despeschées.
»Faict en Anvers, le 21ejour de septembre 1578.»
XVI
Union d'Utrecht. 23 janvier 1579.(Lepetit,Grande chronique de Hollande, Zélande, etc., etc., t. 2 p. 372.)
«Comme on a cogneu depuis la pacification faite à Gand, par laquelle les provinces de ces Pays-Bas s'estoient obligées de s'entre-secourir de corps et de biens, pour chasser hors desdits pays les Espagnols et leurs adhérens, ayant lesdits Espagnols, avec dom Juan et autres leurs chefs et capitaines cherché tous moyens, comme ils font encore journellement, de réduire lesdites provinces, tant en général qu'en particulier, sous leur servitude et tyrannie, et tant par armes que par leurs practiques les diviser et desmembrer, rompant leur union faite par ladite pacification, à la totale ruine desdits pays; comme de fait on a vu que, continuans en leurdit dessein, depuis peu de temps ilsauroyent par leurs lettres sollicité quelques villes et quartiers desdites provinces, s'estant nommément advancez de faire irruption au pays de Gueldre;
»Pour ce est-il que ceux de la duché de Gueldre et conté de Zutphen, ceux des contés de Hollande, Zélande, Utrecht, Frise et les Ommelandes entre les rivières d'Ems et Lauwers, ont trouvé expédient et nécessaire de s'allier et conjoindre plus estroictement et particulièrement par ensemble, non pas pour se départir de l'union faite à la pacification de Gand, mais pour tant plus la confirmer et se pourvoir contre tous inconvéniens èsquelz ils pourroient eschoir par les pratiques, surprises et efforts de leurs ennemis; et pour sçavoir comment, en telles occurences, ils se pourront conserver et garantir; aussi pour éviter et retrancher ultérieurement division desdites provinces et des membres d'icelles; demeurant au surplus ladite union et pacification de Gand en sa force et vigueur suyvant quoy les députez desdites provinces, chacun en leur regard, suffisamment authorisez, ont conclu et arresté les points et articles qui s'en suyvent, sans, en tout cas, se vouloir par cestes aucunement distraire ny aliéner du Saint-Empire.
»1oEn premier lieu, que lesdites provinces font alliance, union et confédération par ensemble, comme par ces présentes elles se sont alliées, unies et confédérez à jamais, de demeurer ainsi en toutes sortes et manières, comme si toutes ne fûssent qu'une province seule, sans qu'elles se puissent en nul temps, à l'advenir, désunir ny séparer, ny par testament, codicille, donation, cession, eschange, vendition, traitez de paix ou de mariage, ny pour nulle autre occasion que ce soit ou puisse estre; demeurans néanmoins sains et entiers, sans aucune diminution ny altération les privilèges spéciaux et particuliers, droicts, franchises, exemptions, statuts, coustumes, usances et toutes autres droictures et prééminences que chacune desdites provinces, villes, membres et habitants d'icelles peuvent avoir. En quoi ils ne veulent non seulement point préjudicier ny donner empeschement aucun, mais assisteront les uns les autres par tous moyens, voire de corps et de biens, si besoin est, à les deffendre, les confirmer et maintenir contre et envers tous qui en iceux les voudroient troubler ou inquiéter. Bien entendu que des différends qu'aucunes desdites provinces, membres et villes de ceste union peuvent avoir entre elles, ou par après se pourroient susciter touchant leurs privilèges et franchises,exemptions, droicts, statuts, et anciennes coustumes, usances ou autres droictures, il en sera vuydé par voye de justice ordinaire ou par arbitres et appointemens amiables, sans que les autres pays ou provinces, membres ou villes à qui tels différends ne touchent (si avant que parties se submectent au droict), s'en puissent aucunement mesler, sinon d'intercession tendante à accord.
»2oQue lesdictes provinces, en conformité et pour confirmation de ladicte alliance et union, seront tenues et obligées de s'entr'aider et entre-secourir, les unes les autres, de tous leurs moyens, corps et biens, effusion de leur sang et danger de leurs vies, contre tous efforts, envahies et attentats qu'on leur voudroit faire, sous quelque couleur ou prétexte que ce soit, du roy d'Espagne ou de quelque autre: ou à cause qu'en vertu du traité de la pacification de Gand, ils auroient prins les armes contre dom Juan, ou d'avoir receu pour gouverneur l'archiduc Mathias, ou de quelques autres dépendances de ce, et de tout ce qui s'en est ensuivi, ou s'en pourroit encore ensuyvre: et sur ce sous couleur de vouloir restablir par les armes la religion catholique romaine, des nouveauctez et altérations qui depuis l'an 1578 sont advenues en aucunes desdites provinces, membres et villes, ou bien pour cause de ceste présente union et confédération, ou autre cause semblable: et ce, en cas qu'on voulût user desdits efforts, envahies et attentats, aussi bien en particulier sur l'une desdites provinces, que sur toutes, en général.
»3oQue lesdites provinces seront aussi tenues et obligées de, en pareille manière, s'entre-secourir et défendre contre tous sieurs princes et potentats, pays, villes et républiques estrangères quy, soit en général ou en particulier, leur voudroient grever et nuire, ou faire la guerre; bien entendu que l'assistance qui en sera décernée par la généralité de cette union se fera avec cognoissance de cause.
»4oEt pour tant mieux assurer lesdites provinces, membres et villes contre toute force ennemie, que les villes frontières et celles qu'on trouvera en avoir besoin, en quelque province que ce soit, seront, par l'advis et ordonnance de la généralité de ceste union, fortifiées, aux dépens des villes et de la province où elles sont situées et assises, à ces fins aydées de la généralité, pour la moitié. Mais, s'il se trouve expédient de bastir quelques nouvelles forteresses, ou d'en desmolir aucunes en icelles provinces, que les frais seront à la charge de la généralité.
»5oEt, pour subvenir à la dépense qu'il conviendra faire, en cas que dessus, pour la tuition et défense desdites provinces, a esté accordé que, par toutes lesdites provinces unies concordablement, et sur un même pied, seront mis sus, et de trois mois en trois mois, affermées au plus offrant, ou collectées, certaines gabelles sur toutes sortes de vins et bières, sur la moulture des grains, sur le sel, sur les draps d'or, d'argent, et de laine, sur les bestes qui se tueront, sur tous chevaux et bœufs qui se vendront ou échangeront, sur tous biens sujets au grand pois ou balances, et sur tous autres biens qui, par commun advis et consentement, se trouveront estre convenables, suyvant les ordonnances qui en seront pourjectées et dressées, et qu'à ces fins on employera pareillement les domaines du roy d'Espaigne, défalquées les charges qui y sont.
»6oLesquels moyens se pourront augmenter ou diminuer, haulser ou abaisser, selon l'exigence des affaires, confirmez seulement pour subvenir à la défense commune, et pour ce que la généralité sera submise de supporter sans, en nulle manière, les pouvoir appliquer à nul autre usage.
»7oQue les villes frontières et toutes les autres, que requis sera, et qui en auront besoin, seront, en tout temps, tenues de recevoir toute telle garnison que lesdites Provinces-Unies trouveront convenir, et qui, par l'advis du gouverneur de la province où les villes requièrent garnison, sera ordonné, sans le pouvoir refuser; lesquelles garnisons seront payées de leur solde par lesdites Provinces-Unies: et les capitaines et soldats, pardessus le serment général, en feront un particulier à la ville ou province où ils seront posez, ce qui se couchera ès articles de leur retenue. Aussi qu'il se tiendra tel ordre et discipline entre tous gens de guerre, que les bourgeois et habitans des villes et pays, tant ecclésiastiques que séculiers, ne soyent trop chargez, ny fouliez outre raison. Lesquelles garnisons seront non plus exemptes d'axes et impôts, que les bourgeois et communes des lieux où ils seront mis, moyennant que la généralité de ladite bourgeoisie leur paye leur argent de service et logis, comme il s'est faict jusqu'à présent en Hollande.
»8oEt afin, qu'à toutes occurences et en tout temps on puisse estre assisté des gens du pays, les habitans de chacune desdites Provinces-Unies, èz villes et champs, feront tout au plus long, en dedans un mois de la date de ceste, passez à monstre et couchez par escrit,depuis les 18 jusqu'à 60 ans, afin que le nombre d'iceux estant cogneu à la première assemblée des confédérez, il en soit ordonné par plus grande asseurance et défense du pays, comme se trouvera convenir.
»9oNuls accordz ne traités de trèves ny de paix ne se pourront faire, ny guerres se susciter, nuls impôts se lever, nulles contributions se mettre sus, concernant la généralité de ceste union, que par l'advis et commun consentement de toutes lesdites provinces. Et en toutes autres choses touchant l'entretenement de ceste confédération et de ce qui en dépend, on se réglera selon ce qui sera advisé et résolu par la pluralité des voix des provinces comprises en ceste union, lesquelles seront recueillies comme on a fait jusques à présent en la généralité des estats, et ce, par provision, tant qu'autrement ne soit ordonné par les dispositions communes des confédérez. Mais si ès dicts traitez de trèves, paix, guerres, ou contributions, lesdites provinces ne se sçavent accorder par ensemble, lesdits différends se remettront et référeront, par provision, sur les gouverneurs et lieutenans qui sont à présent ès dites provinces, lesquels accorderont les parties ou décideront de leurs différends comme ils trouveront estre pour raison. Et si lesdits sieurs gouverneurs et lieutenans ne convenaient point par ensemble, ils pourront prendre tels adjoints et assesseurs non partiaux que bon leur semblera, et seront les parties tenues d'accomplir et entretenir ce qui par lesdits gouverneurs et lieutenans aura esté, en manière que dessus, déterminé.
»10oQue nulles desdites provinces, villes ou membres ne pourront faire aucune confédération ou alliance avec nuls sieurs ou pays de leur voisinage, sans consentement de ces provinces unies et de leurs confédérez.
»11oTrop bien est accordé que, si quelques sieurs princes ou pays voisins desiroyent de s'adjoindre par alliance et confédération avec les Provinces-Unies, que par l'advis et agréation de toutes ilz y seront reçus et admis.
»12oQu'au fait de la monnaie, assavoir au cours et évaluation des ors et argents, toutes lesdites provinces auront à se conformer et régler selon les ordonnances qui, à la première opportunité en seront dressées, que l'une ne pourra changer ny altérer sans l'autre.
»13oQuant au point de la religion, ceux de Hollande et de Zélande s'y comporteront comme bon leur semblera; et, au regard des autresprovinces de ceste union, elles se pourront gouverner en cela selon le placart de l'archiduc Mathias, gouverneur général des Pas-Bas, mesme par l'advis du conseil d'Estat et des estats généraux touchant la liberté de religion. Ou bien elles pourront, soit en général ou en particulier, y mettre tel ordre et réglement que, pour le repos de leurs provinces, villes et membres particuliers, tant ecclésiastiques que séculiers, en la conservation, chacune, de ses biens, droits et prérogatives, ils trouveront mieux convenir, sans que par nulle autre province, leur puisse en cela estre faict ny donné aucun destourbier ou empeschement, demeurant un chacun libre en sa religion, sans qu'à cause d'icelle personne ne puisse estre recherché, suyvant la pacification de Gand.
»14oQue toutes personnes conventuelles et ecclésiastiques suyvant ladite pacification, jouiront de leurs biens qui sont situez et assis en aucune de ces provinces respectivement. Et s'il y avoit aucuns ecclésiastiques, lesquels durant les guerres de Hollande et Zélande à l'encontre des Espagnols estoyent sous le commandement desdits Espagnols et se sont depuis retirez de leurs couvents ou colléges et venus se rejeter en Hollande ou Zélande, qu'on leur fera, par ceux de leursdits cloistres ou couvens, donner alimentation et entretenement suffisant, leur vie durant, comme pareillement on fera à ceux de Hollande et Zélande qui en sont sortiz et retirez en aucune de ces provinces unies.
»15oQue pareillement sera donné l'alimentation et entretenement, leur vie durant, selon la commodité du revenu de leurs cloistres ou couvens, à toutes personnes de ces pays unis qui s'en voudront départir, ou jà en sont départis, soit pour religion ou autre occasion raisonnable: bien entendu qu'à ceux qui depuis la date de cestes se voudront habituer èsdits cloistres et couvents et qui après en voudroyent sortir, ne leur sera donné aucune alimentation, mais s'en pourront retirer, si bon leur semble, en retenant à eux ce qu'ils y auront apporté. Et que tous ceux qui présentement sont ès dits couvens ou qui par cy-après y voudront entrer, demeureront libres en leur religion, profession et habits, à la charge, qu'en tous autres cas, ils soyent obéissans à leurs généraux.
»16oEt s'il advenoit, que Dieu ne veuille, qu'entre lesdites provinces il y survint quelque malentendu, questions ou divisions, en quoy elles ne sçauroient s'accorder, qu'icelles, si avant que le fait toucheune province en particulier, seront appoinctées et vuidées par les autres provinces ou par celles que, d'entre elles, elles voudroyent dénommer. Mais s'il touche toutes les provinces, en général, cela se vuidera par les gouverneurs et lieutenans des provinces, comme il est dit, article 9 cy-dessus, lesquels seront tenus de faire droit aux parties, ou de les accorder, en dedans un mois, ou en plus bref temps, si le cas le requiert, après en avoir esté sommez et requis par l'une ou l'autre des parties; et ce qui par les autres provinces, ou leurs députez, ou par lesdits gouverneurs ou lieutenans aura esté dit et prononcé, sera suivi, et accompli, sans, en ce, se pouvoir prévaloir d'aucune provision de droict, soit d'appel, relief, revision, nullité ne autres prétentions, quelles qu'elles soyent.
»17oQue lesdites provinces, villes et membres d'icelles se garderont de donner aucune occasion de guerre ou noise à ceuls de leurs voisins, princes, scieurs, pays, villes ou républiques; pour à quoy obvier seront lesdites Provinces-Unies tenues de faire bon, bref droit et expédition de justice, aussi bien aux forains et estrangers, qu'à leurs sujets et citoyens. Et si aucune d'entre elles y estoit défaillante, les autres, leurs confédérez, tiendront la main, par tous moyens raisonnables, que cela soit fait, et que tous abus qui le pourroient empescher ou retarder le cours de la justice soyent corrigez et réformez, selon le droict et suyvant les priviléges et anciennes coutumes d'icelles.
»18oNe pourra nulle desdites provinces, villes ou membres, mettre sus aucune imposition, argent de convoy, ny autre pareille charge, au préjudice des autres, sans commun consentement de tous, ny surcharger aucuns de ses confedérez plus avant que soy mesmes, ou ses habitans.
»19oQue pour mettre ordre à toutes choses occurrentes et aux difficultez qui se pourroient présenter, lesdits confédérez seront tenus, sur le mand et rescription qui leur sera faicte par ceux qui seront autorisés quant à ce, de comparoistre en ladite ville d'Utrecht, au jour qui sera limité, pour entendre à ce que par les lettres de rescription sera exprimé, si la chose ne requiert d'estre secrète, pour sur ce délibérer, et par commun advis et consentement, ou par la pluralité des voix, y résoudre et ordonner, jaçoit qu'aucuns ne comparussent pas: auquel cas, ceux qui comparaîtront, pendant ce temps, procéder à la résolution et détermination de ce qu'ils trouveront convenable et proufitable au bien public de ces Provinces-Unies; et ce qui aura esté ainsi résolus'accomplira mesmes par ceux qui n'ont point comparu, ne fût que la chose fût de trop grande importance et qu'elle pût souffrir le délayer; auquel cas, on rescrivera à ceux qui ont esté défaillans de s'y trouver à certain jour limité, à peine de perdre l'effet de leur voix, pour cette fois. Et lors, ce qui aura été fait demeurera ferme et valable, ores qu'aucunes desdites provinces ayant esté absentes; sauf qu'à ceux qui n'auront eu le moyen de comparoistre, il leur sera loisible d'y envoyer leurs advis par escrit, pour au recueil de toutes les voix, y avoir tel regard qu'il appartiendra.
»20oEt à ces fins seront tous et chacun desdits confédérez tenus de rescrire à ceux qui auront l'autorité, de faire assembler lesdites Provinces-Unies, de toutes choses qui pourront occurrer et venir au devant ou qui leur semblera tendre au bien ou au mal desdites provinces et confédérez, pour sur ce les faire convoquer comme dessus.
»21oEt si avant qu'il s'y représente quelque obscurité ou ambiguité par où pourroit naître dispute ou question, l'interprétation d'icelles appartiendra auxdits confédérez qui, par commun advis les pourront esclarcir et en ordonner ce que de raison. Et si sur icelles ils ne tomboient d'accord, ils auront recours aux gouverneurs et lieutenans des provinces, comme dict est.
»22oComme pareillement s'il se trouvoit nécessaire d'augmenter on diminuer quelque chose aux articles de cette union, confédération et alliance en aucuns de leurs points, que cela se fera par commun advis et consentement de tous lesdits confédérez, et non autrement.
»23oTous lesquels poincts et articles et chacun d'eux en particulier lesdites Provinces-Unies ont promis et promettent par cestes d'accomplir et entretenir, sans y contrevenir ny souffrir y estre contrevenu directement ou indirectement en aucune manière. Et si, avant qu'aucune chose se face on attente au contraire par aucun d'entre eux, que dès maintenant et pour lors, ils le déclarent nul et de nulle valeur, obligeant à ce leurs personnes et tous les manans et habitans respectivement desdites provinces, villes et membres, ensemble tous leurs biens pour iceux en cas de contraventions estre, par toutes places, pardevant tous seigneurs, juges et juridictions où on les pourra recouvrer, saisir, arrestez et empeschez, pour l'effect et accomplissement de ces présentes et de ce qui en dépend, renonçans, à ces fins, à toutes exceptions, grâces, privilèges, relèvemens, et généralement à tous bénéfices de droit qui, au contraire de cestes, leur pourroientayder et servir, et spécialement au droict qui dict générale renonciation non valoir si la spéciale ne précède.
»24oEt pour plus grande corroboration seront tous gouverneurs et lieutenans desdites provinces, qui y sont à présent, ou qui y pourront estre en temps advenir, ensemble tous magistrats et hauts officiers desdites provinces, villes ou membres, tenus de jurer et prêter le serment d'entretenir et faire entretenir tous les poincts et articles et chacun d'eux en particulier de ceste union et confédération.
»Comme pareillements seront tenus de faire le mesme serment tous corps de confrairies ordinaires et compaignies bourgeoises en chacune desdites villes et places de ladite union.
»De ce en seront dépeschés lettres en forme par les gouverneurs, lieutenans, membres et villes des provinces, à ce spécialement requises, soubsignées.
»Et fut ceste présente faite et soussignée en ladite ville d'Utrecht, le 23 de janvier 1579.»
Après avoir reproduit le texte ci-dessus de l'union d'Utrecht, Lepetit (Gr. chron. de Holl. et Zél., t. II, p. 376) dit:
«Le 4ede février ensuyvant, ceste union fut signée par ceux de Gand; le 3ede may, par le prince d'Orange, en Anvers; le 11ede juin, par George de Lalain, comte de Remberghes, gouverneur de Frise, d'Overyssel et Groningue et des Ommelandes. Après, ceux d'Anvers suivirent ceux de Bruges, de Bréda, et plusieurs autres.—Tout ceci se faisoit tandis que ceux d'Artois, de Hainaut, Lille, Douay Orchies, tramoient leur désunion et pourchassoient leur réconciliation particulière vers le prince de Parme, lors campé devant Maëstricht, s'excusant vers les autres confédérez, qu'ils ne pouvoient souffrir aucune altération de la religion romaine.»
XVII
Petri Foresti opera omnia.—Observat. et curat. medic. de febribus,lib. 2, observ. 4. (Francof. 1660, et Lugd. Batav., 1593.)
Illustriss. Dominus princeps Auraïcus, cum per hyemem Delphis ageret, et in stupha longo tempore degeret, apertis sæpe fenestris, quæ adturrim templi antiqui spectabant, unde ventus perpendicularis et ex parte Borealis intrabat, ita ut in gutturis inflammationem incideret, quam et valida febris subsequebatur, cùm aliquantulum inhoeruisset: quæ per viginti quatuor horas tantùm duravit, febre non ampliciis redeunte, licet vires utcumque ex valida illa febre dejectæ fuerint. Utebatur autem tunc gargarismo quodam sibi familiari in eodem gutturis malo, quo alias commode uti solebat ab ejusdemgenerosissima uxoreconfecto... Verum cùm inde nihil juvaminis sentiret,27 januarii anno 1581Excellentia sua me vocavit. (Suit l'exposé du traitement de la maladie.)—Fuitque istis remediis illustriss. Dominus princeps magna cum nostra laude curatus, ut postea validus ac robustus Amstelrodamum accesserit. Cùmque Excellentissimus Dominus princepstertio juliirediisset, ejusque Excellentiam,tùm Dominam ejus uxorem generosissimam Carolam, ex stemmate nobilissimo Borboniorum ortam, strenuissimi Ducis Monpenserii filiam, in Haghà Comitis salutarem, ea ipsa admodum liberalis duobus scyphis deauratis me donavit, pigans æternæ memoriæ gratitudinis post se relinquens.
XVIII
Déclaration des états généraux des Provinces-Unies du 26 juillet 1581,moins le préambule, qui a été déjà reproduit au chap. IX.(Lepetit,Chronique de Hollande et Zélande, t. II, p. 428 et suiv.)
«Or, il est ainsi que le roy d'Espagne, après le trespas de feu, de haute mémoire, l'Empereur Charles cinquiesme, son père, de qui luy sont transportés tous ces pays, oubliant les services que, tant sondit père que luy mesme avaient receu de ces pays et inhabitans d'iceulx, par lesquels principalement le roy d'Espagne avoit obtenu si glorieuses et mémorables victoires contre ses ennemis, que son nom et puissance en estoient renommez et redoubtez par tout le monde; oubliant aussi les admonitions lesquelles ladite majesté impériale luy avoit par cy-devant faites: au contraire a donné audience, foi et crédit à ceux du conseil d'Espagne estans lez luy, ayant ledit conseil conçu une haine secrète contre ces pays et leur liberté; pour autant qu'il ne leur étoit permis d'y commander et les gouverner, ou de servir eniceux les pricipaux estats et offices, ainsi qu'ils sont au royaume de Naples, Sicile, Milan, aux Indes, et autres pays sujets à la puissance du roy: estant aussy amorcez de la richesse desdits pays, à la plus part d'entre eux bien cognue. Ledit conseil, ou mesme des principaux d'iceluy, ont par diverses foys remonstré au roy que, pour sa réputation et plus grande autorité de Sa Majesté, il valoit mieux conquester de nouveau ces Pays-Bas, pour alors y pouvoir commander librement, à son plaisir, et absolutement, c'est-à -dire, tyranniser, à sa volonté, que de les gouverner sous telles conditions qu'il avoit, à la réception de la seigneurie desdits pays, juré d'observer.
»Le roy d'Espagne suyvant depuis lors ce conseil, a cherché tous moyens pour réduire ces pays, les despouillant de leur ancienne liberté, en servitude, sous le gouvernement des Espagnols. Ayant, sous prétexte de la religion, premièrement voulu mettre ez principales et plus puissantes villes nouveaux évesques, les dotant de l'incorporation des plus riches abbayes, adjoustant à chacun évesque neuf chanoines pour luy servir de conseillers, dont les trois auroient la charge péculière de l'inquisition; par laquelle incorporation lesdits évesques, estant ses créatures à sa dévotion et commandement (qui eûssent peu estre choisis aussi bien d'estrangers que de naturels du pays) auroient le premier bien et la première voix ez assemblées des estats desdits pays: et par l'adjonction desdits chanoines, auroit introduit l'inquisition d'Espagne, laquelle, de tout temps, a esté en ces pays en aussy grande horreur et autant odieuse comme l'extrême servitude mesmes, ainsi qu'il est notoire à un chacun; tellement que la majesté impériale l'ayant autrefois mise en avant à cesdits pays, icelle, moiennant les remontrances faictes à Sa Majesté, cessa de plus la proposer, monstrant en cela la grande affection qu'il portoit à ses subjectz.
»Mais nonobstant diverses remontrances faites au roy d'Espaigne, tant par les provinces et villes particulières, que par aulcuns des principaux seigneurs du pays, nommément par le baron de Montigny, et depuis par le comte d'Egmont, qui, par consentement de la duchesse de Parme, alors régente d'iceux pays, par advis du conseil d'Estat et de la généralité, ont, à ces fins, successivement esté envoyés en Espaigne. Et nonobstant aussy que le roy leur auroit, de bouche, donné espoir que, suivant leur requeste, il pourvoiroit au contentement du pays. Si est-ce toutefois que par lettres il a fait puis aprèstout le contraire; commandant bien expressément et sous peine d'encourir son indignation, de recevoir incontinent les nouveaux évesques et de les mettre en possession de leurs évêchez et abbayes incorporées: d'effectuer l'inquisition, où elle avoit auparavant esté encommencée à pratiquer, et d'obéyr et ensuivre les décrets et statuts du concile de Trente, lesquels, en divers points, contrarient aux priviléges du pays.
»Ce qu'estant venu à la cognoissance de la commune, a donné juste occasion d'une grande altération entre eux et grandement diminué la bonne affection, laquelle, comme bons sujets, ils avoyent de tout temps portée au roy et à ses prédécesseurs; car ils mettoient principalement en considération que le roy ne prétendoit pas tant seulement tyranniser sur leurs personnes et biens, mais aussi sur leurs consciences, desquelles ils n'entendoient estre responsables ou tenus d'en rendre compte qu'à Dieu seul.
»A cette occasion, et pour la pitié qu'ils avoient du pauvre peuple, les principaux de la noblesse du pays exhibèrent, l'an 1566, certaine remonstrance, par forme de requeste, suppliant par icelle, pour apaiser la commune, et éviter toutes émotions et séditions, qu'il pleust à Sa Majesté, monstrant l'amour et affection que, comme prince benin et clément, il portoit à ses sujets, de modérer lesdits points, et signamment ceux qui concernoient la rigoureuse inquisition et supplices pour le fait de la religion.
»Et pour remonstrer le mesme plus particulièrement au roy et avec plus d'autorité et luy donner à entendre combien il estoit nécessaire pour le bien et prospérité du pays, et pour le maintenir en repos et tranquillité, d'oster les susdites nouvelletez et modérer la rigueur des placarts publicz sur le faict de la religion: Se sont ledit marquis de Berghe et ledit baron de Montigny, à la requeste de ladite dame la régente, du conseil d'Estat et des estats généraux de tous les pays, comme ambassadeurs, acheminez vers Espagne, là où le roi, au lieu de leur donner audience et pourvoir aux inconvéniens par eux remontrez (lesquels, pour n'y avoir remédié à temps, comme l'urgente nécessité le requéroit, s'estoient desjà en effect commencé à descouvrir par tout le pays entre la commune), par instinct, persuasion et sentence du conseil d'Espagne il a fait déclarer rebelles et coupables du crime de lèze-majesté tous ceux qui avoient faict ladite remonstrance, et d'avoir forfait corps et biens.
»Et pardessus ce, pensant estre totalement asseuré desdits pays par les forces et violence du duc d'Alve et les avoir réduits sous sa plénière puissance et tyrannie, il a fait, puis après, contre tout droit des gens (de tout temps inviolablement observé, mesmes entre les plus barbares et cruelles nations et princes les plus tyranniques), emprisonner et mourir lesdits seigneurs ambassadeurs, confisquant tous leurs biens.
»Et nonobstant que toute la susdite altération survenue l'an 1566, à l'occasion que dit est, eût été quasi assoupie par la régente et ceux de sa suite, et que la plus grande part de ceux qui s'étaient présentés devant elle pour la liberté du pays se fûssent retirés, ou eûssent été déchassés, et les autres assujétis: ce néantmoins, pour ne négliger l'opportunité que ceux du conseil d'Espagne avoient si longtemps cherchée et espérée, selon qu'ouvertement donnèrent à cognoistre les lettres interceptées, audit an 1566, de l'ambassadeur d'Espagne, nommé d'Alava, escrites à la duchesse de Parme, pour avoir moyen, sous quelque prétexte, d'abolir tous les priviléges du pays et de le pouvoir faire gouverner tyranniquement par les Espagnols, comme ils faisoyent les Indes et autres pays par eux de nouveau conquestez, il a par l'instruction et conseil desdits Espagnols, monstrant en cela le peu d'affection qu'il portoit à ses sujets de ces pays, contrevenant à ce qu'il estoit obligé, comme leur prince, protecteur et bon pasteur, envoyé en ces pays le duc d'Alve, fort renommé pour sa rigueur et cruauté, l'un des principaux ennemys des mesmes pays, accompagné d'un conseil de personnes de mesme naturel et humeur que lui.
»Et combien que ledit duc d'Alve soit entré en ce pays avec son armée, sans aucune rencontre ny empeschement, et qu'il ayt esté receu des povres inhabitans avec toute révérence et honneur, n'en attendant que toute bénignité et clémence, suyvant ce que le roy leur avoit tant de fois promis par ses lettres fainctement escrites, voire mesme qu'il estoit délibéré de se trouver en personne au pays et d'y venir donner ordre à tout, au contentement d'un chacun.
»Ayant iceluy roy, outre cela, au temps du parlement du duc d'Alve pour venir par deçà , fait armer, aux costes d'Espagne, une flotte de navires pour l'amener icy, et une autre en Zélande pour l'aller rencontrer et recevoir, comme il en faisoit courir le bruit, aux grands frais et dépens du pays: pour tant mieux amuser et abuser les povressujets et plus facilement les attirer en ses filets. Nonobstant quoy, iceluy duc d'Alve, incontinent après sa venue, bien qu'il fûst estranger, nullement de sang royal, déclara qu'il avait commission du roy, de grand capitaine, et, peu après, de gouverneur général de ces pays: chose du tout contraire aux priviléges et anciens usages d'iceux. Et descouvrant suffisamment ses desseins, mit subitement garnison éz principales villes et forteresses du pays, fit bastir aux plus puissantes et riches villes des citadelles, pour les tenir en sujétion. Et par charge du roy, comme il disoit, appela aimablement vers luy, tant par lettres qu'autrement, les principaux seigneurs du pays, sous prétexte d'avoir affaire de leurs conseils et assistance pour le bien et service du roy et des pays.
»Après quoy il fit appréhender prisonniers ceux qui, ayant donné foy à ses lettres, s'étoient venus présenter: qu'il a, contre les priviléges, fait mener hors du pays de Brabant, où ils avaient esté appréhendez, faisant pardevant lui et son conseil, encores qu'ils ne fûssent juges compétens, instruire leur procès. Et devant qu'ils fûssent instruits et les seigneurs accusez, pleinement ouys en leur défense, jugez avoir commis crime de perduellion, les faisant publiquement et ignominieusement mettre à mort.
»Les autres, qui, pour mieux recognoistre les faintises des Espagnols, s'estoyent retirez et tenus hors du pays, déclarez rebelles, et d'avoir commis crime de lèze-majesté, d'avoir forfait corps et biens, et comme tels, confisqué tout ce qu'ils avoient pardeçà ; le tout, afin que les povres inhabitans ne s'en pûssent ayder, en la juste défense de leur liberté contre l'oppression des Espagnols et de leurs forces, à l'assistance desdits seigneurs et princes; pardessus une infinité d'autres gentilshommes et notables bourgeois, lesquels il a en partie fait mourir et en partie déchassez, pour confisquer leurs biens: travaillant le reste des bons inhabitans tant par fourragement de soldats, qu'autres outrages, en leurs femmes, enfans et biens: comme aussi par diverses exactions et tailles; les contraignant de contribuer tant aux bastimens des nouvelles citadelles et fortifications des villes, qu'il fit à leur oppression, que de fournir centiesmes et vingtiesmes deniers, pour le paiement des soldats, en partie par luy amenez et en partie par luy levez de nouveau, pour les employer contre leurs compatriotes; et ceux qui, au danger de leur vie, se hazardoient à défendre la liberté du pays, afin qu'aux sujets ainsi appauvris il ne restât aucunmoyen pour empescher ses desseins, et mieux effectuer l'instruction qui lui avoit esté baillée en Espagne, à sçavoir de traiter ces pays comme nouvellement conquis.
»A laquelle fin, il changea pareillement, en aucuns lieux et villes principales l'ordre du gouvernement et de la justice, érigea nouveaux consaux, à la manière d'Espagne, directement contre les priviléges du pays.
»Et finalement s'estimant hors de toute crainte, voulut par force introduire certaine imposition d'un dixième denier sur toutes sortes de marchandises et manufactures, à la totale ruine de la commune, de laquelle le bien et la prospérité consiste, la plupart, au trafique et manufactures; et ce, nonobstant une infinité de remonstrances faites au contraire, tant par chacune des provinces en particulier, que de toutes, en général; ce que par violence il auroit ainsi effectué, si ce n'eust esté que, bientost après, par le moyen de monseigneur le prince d'Orange et de bon nombre de gentilshommes et autres natifs de ces pays, bannis par ce duc d'Alve, suivant le party dudit seigneur prince et estant pour la pluspart en son service, et autres inhabitans affectionnez à la liberté de leur patrie, les provinces de Hollande et de Zélande ne se fûssent révoltées et mises sous la protection dudit seigneur prince.
»Contre lesquelles deux provinces ledit duc d'Alve a depuis, durant son gouvernement, et après lui, le grand commandeur de Castille, envoyé en son lieu par le roy, non pour adoucir et modérer quelque peu la tyrannie de son prédécesseur, mais pour la poursuivre plus couvertement et cauteleusement qu'il n'avoit fait, contraint les provinces, qui par leurs garnisons et citadelles étoient réduites sous le joug espagnol, d'employer leurs personnes et tous leurs moyens pour aider à les subjuguer, sans toutefoys en rien soulager lesdites provinces, ainsi en les traitant comme ennemis, présentant aux Espagnols, sous ombre d'une mutinerie, à la vue dudit commandeur, d'entrer par force en la ville d'Anvers, y séjourner l'espace de six semaines, vivans à discrétion, à la charge des povres bourgeois, les contraignant pardessus ce, pour estre deschargez de leurs violences, de fournir la somme de quatre cent mille florins pour le paiement de la solde desdits Espagnols. Quoy fait, lesdits soldats prenans par la connivence de leurs chefs, tant plus de hardiesse, se sont avancez de prendre ouvertement les armes contre le pays: tâchans premièrementde surprendre la ville de Bruxelles, et au lieu du siége ancien et ordinaire des princes de pardeçà , faire illec un nid de leurs rapines; ce que, en leur succédant selon leur dessein, prinrent par force et violence la ville d'Alost, et tost après forcèrent la ville de Maëstricht. Et depuis estant violemment entrez en la ville d'Anvers, l'ont pillée, saccagée et mise à feu et à sang, et ainsi traitée, que les plus barbares et cruels ennemis d'un pays n'en auroient sceu faire davantage ne pire: au dommage indicible non seulement des povres inhabitans, mais quasi de toutes les nations du monde, qui avoyent illec leurs marchandises, debtes et argent.
«Et combien que lesdits Espagnols, par ordonnance du conseil d'Estat, auquel le roy, par le trespas advenu dudit grand commandeur peu auparavant avait conféré le gouvernement général du pays, fûssent, en la présence mesme de Jéronimo de Rhoda, déclairez et publiez ennemis du pays, ledit de Rhoda toutefois, de son autorité privée, comme il est à présumer en vertu de certaine secrète instruction qu'il avoit d'Espagne, entreprist d'estre chef desdits Espagnols et de leurs adhérens; de manière que, sans respecter ledit conseil d'estat, il usurpa le nom et authorité du roy, contrefit son sceau et se porta en gouverneur et lieutenant du roy en ces pays.
«Ce qu'au mesme instant esmeut les estats d'accorder avec mondit sieur le prince d'Orange et les estats de Hollande et Zélande; lequel accord a par ledit conseil d'Estat, comme légitimes gouverneurs, esté approuvé, pour, conjoinctement et de main commune, faire la guerre aux Espagnols, communs ennemis de la patrie et les déchasser de ces pays; sans toutefois que comme bons sujets ils aient entretant obmis par diverses remonstrances et humbles requestes de pourchasser avec toute diligence, par tous moyens convenables et possibles vers le roy: qu'en prenant égard aux fautes, troubles et inconvéniens déjà survenus et apparentement encore à suivre, il luy plût faire sortir les Espagnols hors de ces pays, et premièrement ceux qui auroient esté cause des saccagemens et ruines des principales villes de son pays, et d'autres innumérables forces et violences que ses povres sujets avoient souffert, à la consolation et soulagement de ceux qui les avoient endurez, et à l'exemple de tous autres.
«Si est-ce nonobstant que le roy encores qu'il fît semblant par paroles que ce qui estoit advenu luy desplaisoit et estoit contre son gré, et qu'il avoit intention d'en punir les chefs et auteurs et de vouloir pourvoiret donner ordre avec toute clémence au repos du pays, comme il appartenoit à un prince bénin, n'a pas seulement négligé de faire la punition dudit chef et auteurs, ains au contraire, comme assez il appert que tout estoit avec son consentement et préalable délibération de son conseil d'Espagne, ainsi que certaines lettres siennes, peu après interceptées ont donné pleine foy: par lesquelles estoit escrit audit Rhoda et aux autres capitaines, auteurs du mal, que le roy non seulement ne blâmoit point leur fait, mais le trouvoit bon et le prisoit, promettant les récompenses, signament ledit Rhoda, comme ayant fait un singulier service; ce qu'à son retour en Espagne et à tous autres ministres de sa tyrannie exercée en ces pays il auroit par effet démontré.
»Au mesme temps aussy, le roy pensant de tant mieux esblouyr les yeux de ses sujets, envoya en ces pays, pour gouverneur général, son frère bastard, dom Juan d'Autriche, comme estant de son sang; lequel sous prétexte de déclarer aux estats qu'il trouvoit bonne et approuvoit la pacification faite à Gand, promit de faire sortir les Espagnols, de faire punir les auteurs des violences et désordres advenus en ces pays, et de mettre ordre au repos général et réintégration de leur ancienne liberté: tascher de séparer lesdits Estats et de subjuguer un pays et l'autre après.
»Par permission et providence de Dieu, ennemy de toute tyrannie, il fut découvert, par l'interception de certaines lettres, qu'il avoit charge du roy de se reigler en ces pays suyvant l'instruction qui luy seroyt donnée par Rhoda; et, pour couvrir telle chose, le roy défendoit à dom Juan et à Rhoda de ne s'entrevoir ou parler l'un à l'autre; luy commandant de se comporter avec les grands et principaux seigneurs avec toute bénignité et bénévolence, pour gagner leurs affections: jusques à ce que, par leur assistance et moyen, il eût pû réduire la Hollande et Zélande, pour après faire sa volonté des autres provinces. Sur quoy aussy dom Juan, nonobstant qu'il avoit solennellement juré, en présence de tous les estats du pays, d'observer ladite pacification de Gand, contrairement à cela, chercha par le moyen de leurs colonels, lesquels il avoit déjà à sa dévotion, toutes manières pour, par grandes promesses, gagner les soldats allemands, lesquels estoient alors en garnison et avoient en garde les principales villes et forteresses du pays, desquels par ce moyen il se fit maistre; comme déjà , par l'induction de leurs colonels, il les avoit gagnez et attirez, setenant assuré des places par eux occupées: pour, par ce moyen, forcer ceux qui ne se voudroient joindre avec luy à faire la guerre au prince d'Orange et à ceux de Hollande et Zélande; par ainsi susciter une plus sanglante et cruelle guerre intestine, qu'elle n'avoit esté auparavant.
»Mais comme toutes choses qui se traitent fainctement, couvertement et par dissimulation ne peuvent longtemps demeurer cachées, venant les menées de don Juan à estre descouvertes, comme qu'il sceut effectuer ce qu'il avoit désigné, il ne sceut mener ses conceptions et entreprises à la fin qu'il prétendoit.
»Ce nonobstant, toutefois, il suscita nouvelle guerre laquelle dure encore jusques à présent, au lieu d'un repos et paix assurée, dont, à son arrivée, il se vantoit tant.
»Lesquelles susdites raisons nous ont donné assés d'occasions pour deschasser le roy d'Espagne, et de chercher un autre puissant et benin seigneur pour ayder à deffendre ces pays et les prendre en sa protection. Et ce, d'autant plus que lesdits pays ont desjà receu telles foules, souffert tels outrages, et ont esté délaissez et abandonnez par leur prince jà par l'espace de plus de vingt ans, durant lesquels les habitans ont esté traitez, non comme sujets, mais comme ennemis; leur propre prince et seigneur s'efforçant de les ruiner par force d'armes.
»En outre, après le trespas de don Juan, ayant envoyé le baron de Selles, lequel, sous prétexte de mettre en avant quelques moyens d'accord, déclaira suffisamment que le roy ne vouloit advouer la pacification faite à Gand, laquelle toutefois dom Juan avoit juré en son nom de maintenir, mettant ainsi, de jour à autre, plus graves conditions d'accord.
»Nonobstant quoy, nous n'avons, pour nous acquitter de nostre devoir, voulu laisser, par humbles remonstrances escrites, y employant mesme la faveur et intercession des principaux seigneurs et princes de la chrestienté, et par tous moyens, continuellement et sans intermission, de chercher à nous réconcilier et accorder avec le roy.
»Ayant aussi eu dernièrement bien longtemps noz députez à Coulogne, espéransillec, par intercession de la majesté impériale et des seigneurs princes électeurs estant à ce entremis, d'impétrer une paix assurée, avec quelque gracieuse et modérée liberté de la religion (laquelle concerne principalement Dieu et les consciences) selon que la constitution des affaires du pays le requéroit pour lors.
»Mais nous avons finalement trouvé par expérience, que par icelle remonstrance et communication à Coulogne ne pouvions rien obtenir du roy, et que ladite communication estoit seulement pratiquée et servoit pour désunir les provinces et les mettre en discord, pour tout plus facilement vaincre et subjuguer l'un devant, et l'autre après, et exécuter contre icelles leurs premiers desseins.
»Ce qui est depuis évidemment apparu par certain placard de proscription que le roy fit publier, par lequel nous et tous les habitans desdites Provinces-Unies, officiers d'icelles et tenant leur party, sont déclairez rebelles, et pour tels, avoir forfait, corps et biens, promettant en oultre grande somme de deniers à celuy qui tueroit ledit seigneur prince; le tout, pour rendre odieux les propres habitans, empescher leur navigation et trafique, et les mettre en un extrême désespoir: tellement que, désespérant totalement de tous moyens de réconciliation, et destituez de tout autre remède et secours, avons, suivant la loy de nature, pour la tuition et deffence de noz (et des autres habitans) droits, priviléges et anciennes coustumes, et de la liberté de la patrie, la vie et l'honneur de nous, nos femmes et enfans, et postérité, afin qu'ils ne viennent à tomber en la servitude des Espagnols, délaissant à bon droit le roy d'Espagne, esté contraints de trouver et practiquer autres moyens, tels que, pour nostre plus grande sûreté et conservation de nos droits, privilèges et libertés susdites, avons advisé le mieux convenir.
«Sçavoir faisons que, toutes les choses susdites considérées, et pressez de l'extrême nécessité, comme dit est, avons, par commun accord, délibération et consentement, déclaré, etc., etc., etc.»
XIX
Circonstances qui déterminèrent Jauréguy à attenter à la vie du prince d'Orange.(De Thou,Hist. univ., t. VI, p. 178 à 180.)
«Depuis la proscription du prince d'Orange, Jean d'Ysunca, Biscayen, natif de la ville de Victoria, qui avoit été autrefois commissaire des vivres aux Pays-Bas, cherchoit continuellement quelque moyen d'avancer sa fortune. Pendant qu'il étoit occupé de cette pensée, il apprit que Gaspard d'Annastro, son compatriote, qui faisoit depuis longtemps la banque à Anvers, étoit sur le point de faire banqueroute. Il crut que dans le désordre où étoient ses affaires il ne seroit pas difficile de l'engager à quelque coup hardi.
»Il y avoit environ dix mois qu'il lui avoit écrit de Lisbonne, et il l'avoit depuis fait solliciter par ses émissaires d'entreprendre une chose qui lui seroit, disoit-il, aussi honorable qu'utile, qui tourneroit à la gloire de Dieu, que le prince d'Orange attaquoit par son hérésie, et à la tranquillité des Pays-Bas qu'il troubloit par sa révolte. Et, pour l'encourager, il lui envoya un brevet du roi, qui lui promettoit, après l'action, quatre-vingt mille ducats, argent comptant, une commanderie de Saint-Jacques, et une fortune éclatante.