Des rayons couleur de cuivre rouge glissaient, obliques, sur la toub fauve des murs, dans la grande cour. J’étais assise sur une pierre, et j’attendais Sidi Brahim. Comme tous les soirs, les femmes venaient à la fontaine, et je regardais leur procession lente et la splendeur de leurs haillons dans la lumière.
Il y en avait de jeunes et de vieilles, de belles et de hideuses, et d’autres qui passaient, la tête courbée, sans qu’on sût rien d’elles qu’un salut à peine murmuré.
Sous la voûte basse de la porte qui donne sur la cour intérieure, deux jeunes femmes s’arrêtèrent.
L’une était une négresse soudanaise au visage rond, aux larges yeux roux d’une douceur animale. De lourdes chaînettes d’argent, passées dans les lobes de ses oreilles, retombaient sur ses épaules, et des serpents d’argent attachaient les deux longues nattes de ses cheveux très noirs, étalées sur sa poitrine.
Une mlahfa jaune citron s’enroulait en plis mous autour de son grand corps maigre. Assise, les coudes aux genoux, elle parlait, avec des gestes expressifs de ses mains aux paumes tournées et des cliquetis de bracelets.
L’autre, une mulâtresse, restait debout, attirante, et d’une étrange beauté, avec son sombre et fin profil aquilin, ses grands yeux tristes, ses lèvres voluptueuses et arquées découvrant des dents aiguës.
Une mlahfa de laine rouge, d’une teinte de sang pâli, drapait souplement ses formes pures. Un des pans de ses voiles tombait droit et raide de sa tête à ses reins cambrés, en passant derrière son beau bras nu, couleur de bronze ancien. Elle se tenait très droite, avec sa grande amphore en terre cuite posée sur sa hanche arrondie.
La mulâtresse écoutait sa compagne, gravement, sans sourire.
… Une brise légère agita leurs voiles qui répandirent une odeur pénétrante de cannelle poivrée et de chair noire en moiteur. — Contre le fond gris rosé de la muraille, les deux femmes restèrent longtemps à bavarder dans la lueur violette du soir, qui s’assombrissait peu à peu sous l’arche de la porte.
Elles me parurent très belles ainsi, dans le décor de ce coin de cour, les deux Africaines aux draperies vives…