Ab. pour Paris.--3 mois, 8 fr.--6 mois, 16 fr.--Un an. 30 fr.Prix de chaque Nº 75 c.--La collection mens. br., 2 fr 75.Ab. pour les Dep.--3 mois. 9 fr.--6 mois, 17 fr.--Un an. 32 fr.pour l'étranger,--3 mois. 10 fr.--6 mois, 20 fr.--Un an. 40 fr.Nº 9. Vol. 1.--SAMEDI 29 AVRIL 1843.Bureaux, rue de Seine, 33.SOMMAIRECourrier de Paris.Vue de la salle de vente au Palais-Royal; portrait de Monrose.--Court scientifique, Sorbonne: zoologie.--Une visite à la Chambre des Députés.Portraits de M. Sauzet et de M. Shaw Lefebvre, speaker de la Chambre des Communes; plan et vue intérieure de la Chambre des Députés.--Femmes françaises auteurs dramatiques.--Théâtres.Lucrèce, tragédie en cinq actes, de M. Ponsard;Judith, tragédie en trois actes;Hermance, comédie de madame Ancelot;une scène de Judith et une scène d'Hermance; lePuits d'Amour, opéra comique en trois actes:une scène du Puits d'Amour.--La Vengeance des Trépassés, nouvelle (5e partie).Délire de Léonor.--Industrie. Le sucre de canne et le sucre de betterave.--Statistique. Le Mont-de-Piété de Paris.--Bulletin bibliographique, avechuit gravures.--Modes.Quatre gravures.--Courses au Champ-de-Mars.--Madame Viardot à Vienne.--Rébus.Courrier de Paris.MONROSE.--MADAME DAMOREAU.--LES BOUTIQUES ET LES COMTESSES.--M. LE PRINCE DE MOSKOWA.--LE LILAS ET LA PIERRE DE TAILLE.--LA POLITIQUE ET LES CASSEROLES.--M. ALEXANDRE DUMAS.--LES DEMOISELLES DE SAINT-CYR.--LES POETES AU DÉSESPOIR.--UN MOT DE BOILEAU.--LE CHAMP-DE-MARS A LOUER.La semaine a commencé tristement, avec la nouvelle de la mort de Monrose. Comment ne pas s'occuper d'abord de ce trépas subit qui nous enlève un de nos plus adorables et de nos plus spirituels comédiens? L'autre jour, un millionnaire expirait dans son luxe et dans sa magnifique oisiveté. Qui s'en est inquiété? Quels regrets cette mort splendide a-t-elle excités dans la ville? On a dit: Il vivait, il est mort, et un instant après, excepté les héritier», personne n'y songeait plus. Monrose meurt, il meurt pauvre, et voilà que partout on s'en afflige. Ainsi la foule a d'admirables moments de discernement et de justice; elle est ingrate parfois, et les philosophes n'ont pas manqué de l'en accuser. Mais entre deux tombes, il est rare qu'elle se trompe et ne se contente pas de donner un regard de curiosité au mort fastueux, pour aller accompagner de ses adieux le mort utile. C'est ainsi que Monrose a recueilli la part des souvenirs et des regrets, dans cette rencontre funèbre. Avec le riche s'est éteint le bruit de ses fêtes retentissantes: sur la tombe de Monrose, survit la mémoire de ses services, de son talent et de l'honnête plaisir qu'il a donné. Et qui pourrait nier que la vie d'un comédien comme Monrose ne soit aussi regrettable qu'elle a été agréable et utile aux autres? N'est-ce donc rien d'avoir attiré la foule, pendant plus de trente ans, aux jeux poétiques de la fantaisie et de l'esprit, pour lui offrir animés et vivants, par une sorte de merveilleuse incarnation, tous les types sortis du cerveau de nos meilleurs auteurs comiques? L'acteur qui s'associe avec ce bonheur, cette vérité et cette puissance aux créations de l'esprit et du génie, n'honore-t-il pas, à son tour, son pays et son époque? N'a-t-il point sa place marquée à la droite des hommes illustres dont il a été le traducteur habile et le véridique interprète?Vente publique au profit de la Guadeloupe, dans la Salle de la Reine au Palais-Royal.La comédie avait tout préparé pour que Monrose ne pût lui échapper. Fils de comédien, né en pleine comédie, il fut pour ainsi dire ondoyé dans la coulisse. Vers 1785, à Besançon, naquit Monrose. Autour de son berceau, tout jouait la comédie: père, mère, tantes, frères et soeurs. On peut dire que Monrose suça, au biberon, des fragments de Molière, de Regnard, de Marivaux et de Beaumarchais. Enfant, il avait déjà des airs éveillés de Frontin, de Figaro, de Labranche et de Mascarille. Devenu jeune homme, il ne dégénéra point de ses pères; Monrose lit ses premières armes en province, comme Molière peut-être, entre quatre chandelles sur quelques planches mal closes. Puis, il vint à Paris; ce fut un grand jour pour notre artiste que le jour où il monta, Figaro imberbe, sur le théâtre des jeunes élèves, armé de la guitare et coiffé de la résille. On l'applaudit; car il était difficile à cet oeil intelligent, à cette vive et mobile physionomie, à toute cette verve et à tout cet esprit, de ne pas réussir dès son premier mot. De là , Monrose passa au théâtre Montansier; par Thalie! c'était faire un pas de géant. Il y rencontra Brunet et Tiercelin; Potier ne devait pas tarder à compléter le triumvirat. Monrose, tout Figaro qu'il était, eut peur de ces grands noms et de ces grandes renommées; dans un accès de modestie, il alla chercher des rivaux moins en crédit; et ainsi Monrose échappa au vaudeville. Molière s'en réjouit et l'adopta définitivement.Monrose.Monrose fit rire Bordeaux, égaya Nantes, amusa l'Italie, à la suite de mademoiselle Rancourt qui avait l'emploi de l'épouvanter; quand la sombre Cléopâtre ou l'implacable Athalie avait donné le frisson à Naples et à Milan, Monrose arrivait, et le sourire et la gaieté avec lui. L'invasion de 1814 força Monrose de rentrer en France, comme s'il eût été un corps d'armée ou un capitaine. Les succès qu'il obtint sur le grand théâtre de Lyon émurent la Comédie-Française, qui l'appela enfin et lui dit: Sois mon Figaro!Depuis ce moment, Monrose s'était donné corps et âme à l'étude de son art, au culte des maîtres de la scène, à la prospérité du théâtre, aux plaisirs du public, prêtant aux poètes anciens et nouveaux le feu de son regard, l'accent vibrant de sa parole, la vivacité et l'ardeur de son talent incisif. Et partout, en tout temps, avec tout le monde, soit qu'il eût affaire à Molière ou à Regnard, à Dancourt, à Beaumarchais, à Boissy, à Destouches, à Marivaux, à Le Sage; soit que Picard, Alexandre Duval, ou M. Scribe, l'appelassent à leur aide, il leur prêtait à tous avec prodigalité, vieux ou jeunes, hommes de génie ou hommes d'esprit, les trésors de verve comique dont il était doué: un organe sonore, mordant et souple, un geste prompt, net, expressif, étincelant, un coup d'oeil plein de hardiesse, d'intelligence et de feu, la singulière mobilité d'un masque enjoué et provoquant, la charmante légèreté du jarret et de l'allure, la promptitude du trait et de la répartie aiguisée au fil de la parole, et tous ces jets éblouissants, toutes ces fantaisies audacieuses qui caractérisent le Frontin, le Mascarille et le Figaro; art charmant, qui faisait de Monrose le comédien le plus piquant, le plus spirituel, le plus délié, le plus hardi, le plus entraînant, et aujourd'hui le plus regrettable.Maintenant, cette gaieté est éteinte et ensevelie. Mais le public sait-il assez tout ce que coûte à l'acteur le rire qu'il excite et le plaisir qu'il donne? A la fin de sa vie, Monrose était tombé dans une sombre mélancolie; il est mort inquiet et profondément triste. O public! amuse-toi et ris à gorge déployée!--Le cortège funèbre était nombreux: les lettres et le théâtre s'y montraient en deuil. M. Samson a prononcé sur la tombe des paroles touchantes; et qui pouvait mieux parler de Monrose que l'homme dont le talent survivant adoucit sa perte? A ce titre M. Régnier, de la Comédie-Française, aurait pu louer Monrose à coté de M. Samson.--Ainsi, tout est dit, en ce monde, pour ce charmant comédien, qui fut en même temps un homme de talent et un honnête homme. Mais quelle voix délicate et souple chante mélodieusement du côté de l'Opéra? Cette voix a une douceur et un charme auxquels nous ne sommes plus accoutumés; elle arrive et chatouille notre oreille meurtrie par les efforts violents et les oeuvres assourdissantes. Qu'est-ce donc? un gosier de fauvette ou madame Damoreau? C'est madame Damoreau! Vraiment, nos seigneurs et maîtres les théâtres lyriques sont de singuliers sultans: ils avaient là , en leur pouvoir, cette voix exquise et suave, cette mélodie qui s'appelle madame Cinti-Damoreau, et les maladroits l'ont laissée partir et s'envoler de royaume en royaume, jusqu'au fond de la Russie, comme un écho charmant qui s'éteint en s'éloignant, et qu'on écoute encore. L'écho est revenu, la fée mélodieuse vient de reparaître au milieu de son cortège de notes gracieuses et caressantes, mais de reparaître un soir seulement, pour recueillir la moisson dorée et parfumée d'une représentation à bénéfice. N'aurez-vous pas, cette fois, le bon esprit de la garder et de la retenir? et faudra-t-il qu'elle aille encore attendrir les rochers de quelque Norvège-, adoucir et civiliser les ours du Volga ou du Don, ou faire marcher les murailles de Novogorod?On va le soir porter son bravo à la voix de madame Damoreau; le matin, on avait donné son offrande aux infortunes de la Guadeloupe: ainsi l'on passe de la charité au plaisir. Quel meilleur emploi de la vie? Si le plaisir est ingénieux à séduire, heureusement la charité ne l'est pas moins. Après les bals bienfaisants et les concerts philanthropiques, que faire? Il semblait qu'on fût à bout d'attrayantes inventions; mais la charité a de l'imagination, Dieu merci! Voyez-vous ce palais d'un roi transformé en bazar? Des boutiques, des marchandises, des marchandes s'établissent et s'étalent sous ces lambris qui n'ont abrité jusqu'ici que des princes, des rois et des empereurs. Entrez, Messieurs! entrez, Mesdames! le vaste magasin est ouvert: choisissez à votre goût, achetez à votre fantaisie: l'or que vous jetterez ici retombera en consolations sur une terrible infortune; il donnera du pain aux affamés et relèvera les maisons incendiées. Marie-Amélie a patronné de sa protection royale cette vente publique au profit de la Guadeloupe infortunée, et aussitôt la salle du Palais-Royal, dite salle de la Reine, s'est ouverte à cette pensée bienfaisante. Comtesses et duchesses, le faubourg Saint-Germain et la Chaussée-d'Antin, prennent pince au comptoir. Voulez-vous des tableaux et des bronzes? madame de Chabot en tient un entrepôt complet. Des bretelles ou des gants? voyez madame de Montesquiou. Madame de Coigny ne laisse rien à désirer pour la confection des châles et des mantelets; et pour la bijouterie, mesdames d'Elchingen, de Fezensac, d'Hautpoul et de Castellane n'ont pas leurs pareilles. N'oubliez pas surtout mesdames de Trévise, de Praslin, de Ségur, de Montjoye, d'Audenarde, du Roure, de Lariboissière, de Vatry, etc., etc., elles sont assorties à la dernière mode et dans le goût du jour.Nota bene. On ne marchande pas, mais on est libre de donner 300 fr. d'un paquet de plumes et 1,000 fr. d'une boîte de pains à cacheter. Rare et délicieux trafic, où le vendeur ne garde rien pour lui, et où l'acheteur délie les cordons de sa bourse avec plaisir! D'une part, la grâce charmante et désintéressée des marchandes; de l'autre, la prodigalité du chaland, et plus loin, un grand désastre qu'on soulage!N'ayant pas de babilles à gagner comme leurs pères, les fils des héros de l'Empire cherchent un champ de combat dans les arts. Heureux ceux qui trouvent à y occuper noblement leurs loisirs! Il y a quelques semaines, l'héritier d'un nom des plus redoutés et des plus vaillants a lancé, au second Théâtre-Français, une petite comédie en vers, faute de pouvoir jeter un escadron sur les Prussiens et les Cosaques. Aujourd'hui c'est M. le prince de la Moscowa qui dirige une armée harmonique dont il est le fondateur et le général. Les différents régimens, flûtes, violons, basses, bassons, tout ce qui constitue la grande armée musicale, ont fait l'autre jour leurs manoeuvres dans la salle de Hertz. M. le prince de la Moscowa commandait avec un sang-froid et un talent remarquables, et son armée a triomphé sur toute la ligne. Quelle plus charmante et plus agréable victoire, aujourd'hui que le temple de Janus est fermé!La pierre de taille envahit Paris de plus en plus: c'est le moment de s'écrier comme Horace: «Bientôt les villes ne laisseront plus un sillon à la charrue!» Un pauvre jardin était échappé, sous mes fenêtres, à la férocité de la truelle; ils viennent de le détruire! et quelle saison ont-ils choisie pour cet assassinat? le mois de mai, le temps on la victime me souriait dans sa jeune verdure et renaissait. Un lilas en fleurs est resté, charmant, parfumé, étalant sa robe embaumée. Le premier jour, à la vue de cette fleur si tendre, le coeur leur a manqué; mais, les maçons qu'ils sont, ils la tueront demain!Les grands préparatifs pour le bal de M. Sauzet continuent; il est surtout question d'un souper monstre: le président de la Chambre des Députés irait sur les brisées de Lucullus. M. Sauzet est pourvu, dit-on, d'un Vatel bien capable, par ses talents superfins, de sortir victorieusement de cette grande nuit culinaire. Un député du centre, ami particulier de M. Sauzet, vient d'être mis en communication avec ce grand homme, pour s'entendre sur le menu: M. Sauzet a bien d'autres soins en tête, et le repas parlementaire qu'il préside tous les jours en séance publique lui suffit et au-delà . L'ami s'entretenait donc avec le grand Vatel.--Vous savez que nous avons toute la Chambre, lui dit-il, la gauche et la droite, le centre, le tiers-parti et les extrémités. Comment pouvez-vous traiter tous les partis?--Monsieur, répondit fièrement Vatel, comme homme, j'ai une opinion; mais comme cuisinier, je n'en ai pas.»A la première représentation deLucrèceon a remarqué que M. Alexandre Dumas sortait à tous les entr'actes, et se promenait dans les corridors, tête nue et dans une agitation singulière. Un de nos critiques les plus spirituels va droit à lui, et lui prenant la main: «Eh bien, mon cher, que dites-vous de cela?» M. Dumas, entr'ouvrant sa loge, et prenant vivement sa canne et son chapeau: «Mon cher M. ****, je m'en vais, s'écrie-l-il; je vais travailler!» Est-ce une conversion, est-ce une impertinence?--La veille, M. Alexandre Dumas avait lu, au Théâtre-Français, un drame en cinq actes et en prose, intitulé:Les Demoiselles, de Saint-Cyr. Lucrècen'était pas née, et M. Dumas aura peut-être oublié de travailler ces demoiselles.Le succès de M. Ponsard jette le trouble et le désespoir dans la nation des dramaturges et des poètes; d'abord, les trois cents auteurs qui sont sortis du collège ou de l'École de Droit, avec une tragédie deLucrècedans la poche, ne peuvent comprendre qu'on leur ait préféré M. Ponsard; ils crient au passe-droit et à la trahison; les poètes en exercice ne sont pas moins blessés des couronnes qui tombent de toutes parts sur le jeune front de M. Ponsard. Ils se plaignent amèrement de la critique qui les dépossède de leur gloire, au profit de cette muse nouvelle-venue, et prétend que depuis vingt ans, depuis trente ans peut-être, la Melpomène n'a rien produit de comparable à Lucrèce. «Et ma tragédie, dit celui-ci; et mon drame, s'écrie celui-là ; pour qui et pour quoi les prenez-vous?» Je déclare que j'ai reçu, pour ma part, plus de vingt épîtres de reproches poignants et de réclamations attendrissantes; un tragique, entre autres, m'écrit: «Monsieur, vous affirmez qu'aucun succès, obtenu depuis trente ans, ne peut le disputer au succès deLucrèce. Vous devriez savoir, monsieur, que ma tragédie deCaracallaaurait été représentée plus de deux cents fois, si le Théâtre-Français avait voulu la jouer une seule. J'ai l'honneur de vous saluer.»Les Romains de M. Ponsard ont le grand mérite d'être Romains; ils ne ressemblent pas à ces héros latins à la Scudéry, dont Boileau se moque si ingénieusement.--«Mercure:Tiens, regarde tous ces gens-là , les connais-tu?--Le Français: Si je les connais; eh! ce sont la plupart des gens de mon quartier. Bonjour, madame, Lucrèce! bonjour, monsieur Brutus! comment vous portez-vous?»Le Champ-de-Mars lui-même n'échappera pas à la spéculation. On annonce qu'une société s'est formée pour le prendre à bail, et le transformer en café-restaurant et dansant. Nous arriverons, peu à peu, à faire une salle de billard de la plaine Saint-Denis.Cours scientifiques.SORBONNE.ZOOLOGIE.--M. DUCROTAY DE BLAINVILLE.M. de Blainville vient de reprendre à la Sorbonne le cours de zoologie. Pour le célèbre professeur, la zoologie n'est pas seulement une des sciences naturelles; elle se lie au contraire aux plus hautes questions de morale et de philosophie, et tout bon système zoologique doit être catholique. Comment un pyrrhonien, par exemple, pourrait-il admettre l'existence d'une longue série d'êtres qui se lient entre eux par des caractères définis, lorsqu'il doute de l'être lui-même? De même l'éclectique ne peut être que mauvais zoologiste; son système lui permettant de glaner partout, il est évident qu'il choisira ce qui lui convient, et négligera ce qui ne rentre pas dans son système. Nous avons entendu M. de Blainville définir la zoologie par cette phrase, un peu hardie peut-être:La zoologie est la pensée de Dieu traduite en animaux. Une intelligence suprême a présidé à la création, et l'ordre ne peut être que l'oeuvre d'une intelligence. Cette idée est grande et belle, et M. de Blainville l'expose avec tout le feu de l'éloquence et de la persuasion; mais de ce que l'ordre résulte de l'intelligence, s'ensuit-il nécessairement que l'ordre établi soit précisément celui que M. le professeur de Blainville croit voir dans le grand livre de la nature, qui renferme encore pour nous tant de secrets et de mystères? L'homme, dont les vues sont si courtes, les connaissances si imparfaites, peut-il espérer jamais embrasser l'ensemble et comprendre le plan du monde organisé? M. de Blainville est resté le seul défenseur actuel de l'idée d'uneéchelle animale, d'unesérie continuetelle que l'avait rêvée Bonnet. Champion déterminé, il soutient encore envers et contre tous que les animaux se suivent comme dans une chaîne un chaînon suit l'autre, chaîne décroissante dont le premier anneau seraitl'hommeet le dernierl'éponge, qui termine la série en liant le règne animal au règne végétal. Le cours de cette année doit avoir pour objet la démonstration de cette doctrine poursuivie dans toute la série. Le règne animal doit, pour ainsi dire, passer en entier devant les yeux du public, attentif de la Sorbonne, qui pourra juger par lui-même de la vérité des doctrines du maître.Afin de faire mieux comprendre à ses auditeurs ces notions si élevées, M. de Blainville affectionne la figure suivante:HommeSingeChatOiseauPtérodactyle.Lézard.Grenouille.Serpent.PoissonInsecte.Crabe.Huître.Corail.Infusoires.ÉpongesLe point le plus élevé de cette échelle est occupé par l'homme, le dernier par l'éponge, et l'espace qui les sépare est réservé pour la foule immense des animaux; chacun correspond à une ligne d'autant plus longue que son organisation est plus parfaite. Les espèces fossiles jouent un rôle très-important dans ce système; bien des échelons resteraient vides si, pour les remplir, M. de Blainville n'exhumait quelques vieux débris des temps anté-historiques. C'est ainsi que pour avoir un chaînon qui unisse les reptiles aux oiseaux, la nature semble avoir créé à dessein leptérodactyle,animal antédiluvien, espèce de lézard volant.L'espace nous manque pour réfuter cette doctrine spécieuse au premier coup d'oeil, idéal plein de grandeur, mais que l'observation dénient chaque jour. Il existe certainement une décroissance, une sorte de dégénération successive depuis le roi de la création jusqu'aux derniers des animaux; mais cette série n'est pas continue, deshiatusse trouvent à chaque pas, et, comme le grand Linné l'a dit, les affinités qui unissent les animaux entre eux ne pourraient peut-être s'exprimer jusqu'à un certain point qu'en donnant au tableau du régne animal la forme d'une carte de géographie où chaque province a des rapports intimes et plus ou moins étendus avec plusieurs provinces voisines.Quoi qu'il en soit, c'est avec les arguments les plus brillants et les plus spécieux que M. de Blainville défend sa thèse; il soutient son système, un peu ancien peut-être, avec une ardeur toute juvénile, et la sérieanimalen'eut jamais de plus éloquent défenseur.M. de Blainville admet complètement, et comme base fondamentale de son système, la théorie des causes finales. Il est parfaitement convaincu que si l'on aborde la science sans prévention et de bonne foi, il est impossible de ne pas reconnaître partout une relation évidente de cause à effet: rien n'a été créé sans but, et le but de toute création est toujours visible aux yeux du philosophe. Bernardin de Saint-Pierre s'était déclaré le défenseur ingénieux de cette doctrine. S'il nous était permis cependant d'exposer notre manière de voir après celle du savant observateur et de l'éloquent écrivain, peut-être trouverions-nous un peu hardie cette manie de tout expliquer, cette tendance de notre esprit qui nous porte à soulever sans cesse, d'une main audacieuse, les replis les plus cachés du voile de la nature. Ainsi, M. de Blainville croit expliquer parfaitement pourquoi il y a de grands chats et de petits chats, pourquoi le genreFelisde Linné renferme des espèces d'aussi grande taille que le lion et le tigre, et d'aussi petite que notre chat domestique; c'est parce qu'il existe des animaux herbivores et rongeurs de toutes les grandeurs, depuis le cerf jusqu'au lièvre, depuis le lapin jusqu'au rat. Rien de plus simple, les grands chats dévorent les cerfs, les petits prennent les souris. Il me semble qu'on oublie en ce moment que si le chat a été fait pour manger la souris, on pourrait dire avec autant de raison que la souris a été créée pour être mangée par le chat.Ces idées sont étroites et mesquines, ce sont les faibles produits de notre intelligence bornée qui veut tout comprendre. Dirons-nous pour cela que tout n'est que mystère, que nous ne pouvons rien lire dans le livre de la nature? Loin de là . Il est sans doute de grandes lois qu'il a été donné à l'homme de découvrir à force de patience et de génie; mais il ne faut pas trop se hâter de conclure. Soyons timides dans nos recherches. L'homme seul met en oeuvre de petits moyens pour arriver au but; mais les lois qui dirigent le monde sont grandes comme la création elle-même.Après avoir consacré la première leçon à poser les bases de son système, à exposer lasérie animale en ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas, suivant ses propres expressions, M. de Blainville entre en matière et démontre, les pièces en main, la vérité de ces assertions qui semblent d'abord un peu hypothétiques; c'est alors qu'il est véritablement grand professeur, et qu'il exprime les idées les plus ingénieuses avec une éloquence pleine d'originalité.M. de Blainville s'attache à démontrer que la série animale étant une série décroissante, tous les organes doivent exprimer cette décroissance, toujours plus visible à mesure que l'on descend l'échelle des êtres. Ainsi, si nous prenons pour exemple la grande division des mammifères, les quadrupèdes de Buffon, le premier d'entre eux sera le plus voisin de l'espèce humaine, et le dernier le plus rapproché des oiseaux, qui suivent immédiatement les mammifères. Les différences successives se traduiront à l'extérieur par des dégénérations correspondantes dans les organes. Les changements qui se manifestent dans l'organisation des animaux devant influer en premier lieu sur l'appareil digestif, puisqu'avant tout l'animal se nourrit. Olivier, pour exprimer ces caractères différentiels, avait donné une très-grande importance au système dentaire. Mais avant de mâcher ses aliments, l'animal doit les porter à sa bouche, et, quand c'est un être supérieur, c'est à l'aide de la main que ce mouvement s'exécute. Aussi M. de Blainville a-t-il établi ces divisions sur les caractères tirés de la perfection plus ou moins grande de cet organe. D'après sa définition, la main la plus parfaite sera celle dans laquelle les doigts seront le plus indépendants les uns des autres dans leurs mouvements. Or ce caractère ne se montre nulle part dans la série animale d'une manière plus complète que dans l'espèce humaine. Et, si nous suivons la série des mammifères, nous trouvons que la main se dégrade toujours davantage; les doigts, encore très-libres chez les singes, qui de tous les animaux sont les plus voisins de l'homme, le deviennent bientôt moins dans les chats, chez lesquels l'ongle les recouvre en partie, et finissent par se souder entièrement chez le cheval, on l'on ne trouve plus qu'un seul doigt, rentrant pour ainsi dire dans l'ongle qui l'enveloppe pour constituer le sabot. Dans les cétacés, dont l'organisation est si loin de la nôtre, la main a perdu tous ses mouvements, une peau dure et coriace la recouvre et la transforme en rame.Un second caractère de supériorité tiré de la main, et qui est encore porté au plus haut degré possible dans l'espèce humaine, est la différence extrême qui existe entre la main et le pied Suivant la remarque ingénieuse de Bichat, dans la main, la partit.' la plus considérable de l'organe est destinée au mouvement; dans le pied, c'est le contraire, la plus grande partie du membre est consacrée à l'immobilité, conformation que la station bipède rendait indispensable. Chez les animaux il n'en est plus ainsi, la main devient toujours plus semblable au pied, et dans certaines espèces, le cheval par exemple, cette similitude est portée à un tel point qu'il faut quelques connaissances anatomiques pour distinguer au premier coup d'oeil le squelette du membre antérieur de celui du membre postérieur.Pour donner à nos lecteurs quelque idée de la manière dont M. de Blainville expose les faits, nous avons pris la main pour exemple; mais tout autre organe aurait pu remplir également bien notre but. D'après les idées de l'illustre professeur, tous les organes des animaux ne sont en effet que des dépendances du système nerveux, et sont d'autant plus parfaits que ce système est plus développé lui-même. De là la délicatesse extrême, le mécanisme admirable de nos organes, instruments aveugles de l'intelligence. Mais de là aussi l'imperfection de ceux de ces êtres inférieurs qui sont pour ainsi dire aussi loin de l'homme sous le rapport physique que sous le rapport intellectuel et moral.Une visite à la Chambre des Députés..Tout le monde, en France, s'occupe de la Chambre des Députés; on en parle au moins une fois chaque jour en chaque commune de France. L'habitant de la province, lorsqu'il vient à Paris, ne manque pas plus de visiter le palais des représentants, qu'un vrai croyant de se prosterner dans le temple de la Mecque. Cependant, peut-être en est-il de la Chambre comme de beaucoup de choses qu'on a sous les yeux, et qu'on se contente de voir sans jamais les regarder; peut-être une vue d'ensemble manque-t-elle à ceux qui connaissent bien les détails, une vue des détails à ceux qui connaissent l'ensemble. Voulez-vous, lecteur, m'accepter pour cicérone, et me suivre au palais de ceux qui ont l'honneur d'être nos représentants, ou, si vous l'aimez mieux, qui nous font l'honneur de nous représenter?Chemin faisant, et pour semer la route de réflexions conformes à l'objet de notre voyage, jetons un moment les yeux, s'il vous plait, sur les vicissitudes du gouvernement représentatif, dans notre pays, depuis son origine. Il n'a pas encore soixante ans d'existence, ce qui paraît, pour les gouvernements, figurer à peu près les mois de nourrice, et pourtant que de changements, que de retours, que de convulsions dans ce berceau! Les peuples en révolution semblent, sous la main de Dieu, comme un balancier sous une main puissante. Sous cette impulsion, le pendule décrit d'abord un secteur énorme, et atteint, du premier bond, un point bien éloigné de son point de départ; puis, par un retour subit, il revient sur lui-même avec furie, et dépasse dans sa course rétrograde l'endroit d'où il avait pris son élan. Enfin, après quelques oscillations, il se fixe et s'arrête sur un point intermédiaire, rétrograde, si on ne pense qu'à celui qu'il avait d'abord atteint; progressif, si on considère celui qu'il avait quitté. Ainsi nous avons vu le balancier populaire, une fois mis en branle par la Constituante, s'élancer jusqu'à la Convention, puis revenir jusqu'au despotisme armé de l'Empire, plus dur, peut-être, plus solide et plus prestigieux certainement que celui de l'ancienne monarchie; enfin, après les oscillations de 1814 et de 1815, s'asseoir et se suspendre dans ce qu'on a nommé le régime constitutionnel.Les assemblées diverses qui ont représenté la France à ces époques si profondément différentes, bien qu'elles ne fussent souvent séparées que par quelques jours, ont, chacune par un caractère particulier, fidèlement reflété la physionomie des idées et des événements contemporains. La Constituante, noble, digne, majestueuse jusque dans ses divisions, pleine du plus pur enthousiasme qui ait jamais animé des hommes, pénétrée de la grandeur de sa mission et s'élevant jusqu'à elle: terrain vierge de l'éloquence politique où toutes les variétés de cette éloquence poussent avec les inconvénients et les grandeurs de la végétation primitive. Neuve arène où le docteur Guillotin, faisant son rapport sur la funèbre machine dont on lui attribue faussement l'invention, pouvait dire avec une inexpérience grotesque. «Avec ma machine, je vous coupe la tête en un clin d'oeil, et vous ne sentirez pas;» presque en même temps qu'une voix plus grande que celle de l'orateur antique criait; «La banqueroute est à vos portes et vous délibérez!» La Législative, plus tumultueuse, moins forte, déjà débordée par les passions, et avant plutôt le sentiment vague que la nette perception de ce qu'il faudrait faire. La Convention, rude, énergique, impitoyable, semblable à une statue de bronze de la Nécessité. Les Cinq-Cents, au 18 brumaire, jurant devivre libres ou de mourir, dernier cri du patriotisme écrasé sous le coursier du conquérant. Le Sénat et le Corps-Législatif, vieillards caducs, squelette» des assemblées précédentes, que le poison du despotisme, pareil à celui des Borgia, a fait passer en quelques instants de la jeunesse et de la force à la décrépitude et à l'impuissance. Enfin les chambres de la Restauration, ancêtres directs des nôtres, qui, après avoir accepté le deuil divin des rois, ont pensé, en 1830, qu'il leur appartenait d'humaniser les trônes.Cette rapide excursion à travers le précédent demi-siècle nous a conduits à la porte du Palais-Bourbon.Si nous somme» venu» par la place de la Concorde, croyez-moi, ne regardons pas long-temps l'édifice. Il est lourd sans même avoir l'apparence de la grandeur, nu sans les semblants de la simplicité. Ces murs aveugles qui s'attachent comme deux ailes à la colonnade du fronton, sont du style le plus indigent, et offrent l'aspect d'un bâtiment inachevé. Mais Alcibiade, commenté par Rabelais, nous apprend que la docte antiquité elle-même renfermait dans le» boîtes les plus bizarres les plus précieux onguents; ne nous arrêtons dont pas à l'apparence, et entrons ensemble dans le palais.Voici d'abord une première salle d'attente ou se tiennent quelques personnes de la livrée de la Chambre. Elles doivent vérifier les cartes d'admission dont il faut être porteur pour pénétrer plus avant. Telle est la consigne rigoureuse, mais elle n'est pas toujours exécutée, et il est rare, au contraire, qu'on ne puisse passer directement dans la salle suivante, qu'en style de palais on appelle la salle des Pas-Perdus. Deux groupe» de bronze se font face aux deux extrémités.L'un est une cent millième reproduction du Laocaon antique. Quoique dans la salle des séances, qui ouvre sur celle-ci, on parle souvent de l'hydre de l'anarchie, on m'a assuré que le serpent mythologique n'était nullement une allusion. L'autre groupe se compose de Paetus et de sa femme: ce groupe, qui, malgré la gravité du lieu, doit rappeler aux députés leurs plaisanteries de collège, n'est pas plus symbolique que le premier; car l'exaltation toute stoïcienne du suicide et du mépris de la vie, qu'il représente, n'a pas de sens applicable, que je sache, à nos pacifiques citoyens venant discuter annuellement les affaires du pays. Cette salle des Pas-Perdus présente généralement un aspect assez animé. Des groupe affairés s'y croisent en tous sens. Ici, c'est une famille de province qui accoste un huissier de la Chambre et l'envoie demander le député de l'arrondissement d'où elle vient pour qu'il lui donne des billets d'entrée. Là , c'est un solliciteur de fonctions publiques qui entretient un député de sa pétition; le député, soucieux, ennuyé comme un homme à qui on demande; le solliciteur, pressant, énergique, magniloquent comme un homme qui demande. Plus loin, un député prie un journaliste de rectifier une erreur qui s'est glissée dans le compte-rendu d'une des opinions qu'il a soutenues dans les bureaux. On cause, on va, on vient dans cette salle, avant, pendant et après les séances.Je ne vous parlerai pas de la salle des Conférences, ni de la bibliothèque, ni de la buvette, qui ne sont pas des lieux ouverts au public: je dirai seulement, comme un trait de moeurs qui n'est pas sans importance, que la buvette ne date que de l'Empire pour les assemblées délibérantes. Peut-être leur avait-elle été donnée pour les consoler de ne pas délibérer. La buvette de l'ancien régime, que défunte Batonette a illustrée, ainsi que les serviettes qu'elle en emportait, était pour la Convention, par exemple, parmi les traditions d'un passé détruit. Ce petit fait, si les recherches qui me l'ont fait connaître sont exactes, en dit plus qu'on ne pense: car il est notoire qu'il faut que les députés, comme les autres hommes, se trouvent dans des circonstances bien terribles pour qu'ils oublient de se rafraîchir.Un député de nos âmes nous a ouvert la salle des séances. Elle forme un hémicycle. Le bureau du président, assisté de deux secrétaires-députés, attire d'abord notre attention. Sur un gradin un peu supérieur on voit un petit bureau réservé au secrétaire de la Chambre, employé qui ne fait pas partie de la députation. Au-dessous du bureau du président se dresse la tribune. Capitole pour les uns. Calvaire pour les autres; pour le plus grand nombre, lieu saint qu'on craindrait de profaner en y montant. Aux deux côtés de la tribune, deux pupitres pour les sténographe» duMoniteur, devant, des sièges pour les huissiers. Un tableau représentant le serment du 9 août domine cette partie de la Chambre, flanquée parallèlement de deux statues figurant, l'une, la Liberté; l'autre, l'Ordre public. La muraille qui supporte ce tableau et ces statues est revêtue mi-partie de marbre, mi-partie de stuc; des panneaux vert et or et des bas-reliefs l'animent et la décorent. En face du président et venant se rattacher à son siége par les deux extrémités, s'étagent les bancs des députes. Les noms de droite, de centre, de gauche donnés aux fractions politiques de la Chambre, viennent de la position respective des membres qui les composent autour du fauteuil de la présidence. Des tribunes garnies de drap rouge sont percées, sur un double rang, dans toute l'étendue du demi-cercle, et embrassent tous les banc» de la Chambre: tribune des princes, tribune du corps diplomatique, tribune des pairs de France, tribune du conseil d'État, tribune des journalistes, tribune du public: cette dernière tribune ne contient guère que trente pinces. La publicité des séances de la Chambre, si on prend le mot au pied de la lettre, est donc à peu près une fiction. Mais il n'était pas dans le voeu du législateur de leur en donner, en ce sens, une plus étendue. On se souvenait de ces tribunes pleines d'orages de la Constituante et de la Convention, et on ne voulait laisser venir qu'un public assez limité pour pouvoir, au besoin, être mis tout entier au corps-de-garde. La véritable tribune publique, c'est celle des journalistes. Députés de l'opinion, ayant aussi leur droite, leur gauche et leur centre, silencieusement rapprochés dans l'étroit espace de cette tribune, réunis par une sorte de trève de Dieu, quelque violente que doive être la bataille du lendemain, quelque furieuse qu'ait été celle de la veille, ils laissent à la porte tous leurs souvenirs et tous leurs projets; ils sont la pour ainsi dire comme les yeux attentifs de la France, observant ses représentants, en attendant qu'ils deviennent les mille et mobiles voix de la patrie.(M. Sauzet, président de la Chambre des Députés.)Les tambours ont battu aux champs. Le président a passé devant la haie des gardes qui lui présentent les armes. Il entre dans la salle, et la séance est ouverte. On peut dire que chaque séance a sa physionomie distincte: quelquefois agitée, passionnée, sombre, concentrée; souvent calme, tranquille, assoupie, selon la nature des questions qui s'y succèdent. Cependant cette variété n'est pas sans quelque fond d'uniformité. Il y a des traits fondamentaux qui ne changent pas ou qui du moins ne se modifient guère, et parmi lesquels on peut compter l'absence de solennité dans la tenue de l'assemblée. Presque toujours, au commencement des séances, la Chambre ressemble, qu'on me passe la comparaison, à une classe d'écoliers indociles: les huissiers crient: Silence! au milieu du bruit; le président agite en vain sa sonnette; l'orateur qui est à la tribune s'entend à peine lui-même et n'est entendu de personne.MM.A. Entrées de MM. les Députés.G. Couloir de gauche.                    14. Soult, id.D. Couloir de droite.                    15. Duchâtel, id.B. Tribune des orateurs.                 16. Guizot, id.17. Berryer, député1. Le président de la Chambre.           18. Salvandy, id.M. Sauzet                           19. Thiers, id.2. Secrétaires: MM Boissy-d'Anglax,      20. Lefebvre, id.Las Cases....                       21. Carné, id.3. Secrétaire MM. de l'Espée             22. Jaubert, id.Lacrosse.                           23. Sébastiani, id.4. Huissiers.                            24. Fulchiron, id.5. Secrétaire de la présidence.          25. Gouin, id.6. Sténographes.                         26. Dupin, id7. Bnreau du Moniteur                    27. Vivien, id.28. Boudet, id.MM.                           29. G. de Beaumont.30. Tocquevilie, id.8. Cunin-Gridaine, ministre              31. Delessert, id.9. Teste, id.                            32. Vitet, id.10. Villemain, id.                       33. Duvergier de Hauranne, id.11. Martin (du Nord) id.                 34. Rémusat, id.12. Duperré, id.                         35. Billaut, id.13. Laplagne, id.                        36. Jacqueminot, id.MM.                           a. Tribune de MM. les rédacteurs37. Mauguin, id.                            en chef des journaux.38. H. Passy, id.                        b.--haute.39. Dufaure, id.                         c.--de MM. les journalistes.40. Ganneton, id.                        d.--de MM. les membres.41. Lamartine, id.                           du conseil municipal et42. La Rochejaquelein, id.                   officiers supérieurs de la43. La Bourdonnaye, id.                      garde nationale.44. Émile de Girardin. id.               e.--des ardes nationaux de45. Laffitte, id.                            service.46. Arago, id.                           f.--publique.47. Odilon Barrot, id.                   g.--haute.48. Ledru-Rollin, id.                    h.--basse.49. Cormenin, id.                        i.--des anciens députés.50. Dupont, id.                          k.--du conseil d'état.51. Tracy, id.                           l.--de MM. les questeurs.m.--de MM. le président etC. Couloir.                                  vice-président.E. Côté droit.                           n.--basse.F. Centre droit.                         o.--basse.P. Côté gauche.                          p.--de la maison du roi.O. Centre gauche.                        p.--de MM. les pairs de France.I. Tribunes du premier étage.            r.--du corps diplomatique.L. Tribunes du deuxième étage.           s.--basse.Il y a plusieurs causes à cette simplicité bourgeoise des séances: le défaut d'uniforme y est pour quelque chose, mais surtout le caractère et la position sociale des membres de la députation. Industriels pour la plupart, ils n'ont ni l'habitude, ni le goût, ni le besoin de ces formes que les aristocraties se plaisent à multiplier, et qui y sont en effet non-seulement des privilèges, mais des garanties et des libertés. Au contraire, ces formes répugnent aux pouvoirs démocratiques, pour qui elles n'ont plus de sens ni d'utilité: et plus ceux-ci ont d'attrait et de puissance réelle, plus ils dédaignent l'apparat et le costume. A la Chambre, les députés causent entre eux avec le laisser-aller du coin du feu; cependant ils votent une loi qui obligera trente millions d'hommes. Ils sont là quatre cents citoyens pour la plupart dans un costume plus que simple et que rien ne distingue; cependant ils sont en fait le premier pouvoir de l'État.(M. Shaw Lefebvre,président de la Chambre des Communes.)En Angleterre, la Chambre des Communes, qui, relativement au moins, joue le rôle d'une assemblée démocratique au sein d'une aristocratie, offre un singulier mélange de ce laisser-aller, de ce dédain du costume propre aux démocraties, et du respect de la forme et de la tradition qui caractérisent les pouvoirs aristocratiques. Si on compare, sous le rapport de la tenue, leshonorablesd'outre-Manche et nos députés, quelque turbulents que ceux-ci nous paraissent, ils doivent céder la palme du tumulte, du bruit, du genre débraillé, si je puis m'exprimer de la sorte, à leurs confrères de l'autre côté du détruit. Les journaux anglais eux-mêmes nous peignent, au milieu des séances parlementaires, lesmembers of Parliamentétendus sur leurs bancs, les uns plongés dans un bruyant sommeil, les autres affectant une toux opiniâtre, ou même simulant des cris d'animaux pour interrompre l'orateur du parti opposé. La gaieté de l'Old England,le sarcasme deJohn Bull, s'y montrent dans leur rudesse mordante ou dans leur naïve bonhomie. Rien ne ressemble plus à un pugilat que certaines discussions de la Chambre basse, et, quelque aigreur que nos représentants puissent apporter parfois dans leurs luttes oratoires, ils n'approchent jamais de la franchise toute nue des procédés parlementaires anglais. A côté de cette verve sans frein, il y a toutefois, dans la Chambre des Communes, un pouvoir qui figure l'élément traditionnel et aristocratique, lequel, jusqu'ici du moins, n'a jamais péri en Angleterre. Ce pouvoir, c'est le président, l'orateur, lespeaker. Au centre de cette foule qui s'agite, qui se rue, qui semble n'avoir d'autre règle que la passion du moment, ne voyez-vous pas cette calme et paisible figure, cette robe magistrale, cette perruque à flots blancs, à tournure carrée, qui semble un symbole de l'immobilité? Au milieu de ces habits modernes, négligés, qui dénotent que le costume n'est plus un signe de la position sociale, n'est-ce pas le passé lui-même qui revient au milieu du présent, avec ses solennelles allures, pour présider, comme un aïeul vénérable, les débats de ses petits-fils? Rien de plus original que lespeakerdans la Chambre des Communes: si elle ne se distingue de la nôtre, sous tous les autres rapports, que par du plus ou du moins, lespeakery introduit une différence radicale. Notre président, bien qu'il remplisse à peu près les mêmes fonctions, n'est nullement un personnage analogue. C'est un député comme un autre que rien ne distingue que la place au fauteuil, et qui, lorsqu'il la quitte, peut rentrer dans les rangs sans rien conserver de son caractère. Lespeaker, au contraire, est le président de la Chambre des Communes, et n'en fait pas véritablement partie, ou plutôt il est la figure de l'assemblée tout entière. La masse d'argent posée devant lui, attribut de l'autorité législative, l'appareil quasi-judiciaire de son costume, tout indique en lui la personnification du pouvoir des Communes. Les députés exercent ce pouvoir; lui, il le représente Toutes ses fonctions actives se bornent à ouvrir les séances par la formule de recensement, qu'il termine en se comptant lui-même, à donner la parole, à consulter l'assemblée, etc. Mais ses fonctions passives, si on peut dire, sont de personnifier, de signifier la majesté, l'autorité de l'assemblée qu'il préside. De ces deux sortes de fonctions, le président de la Chambre des Députés n'a que les premières. Sa sonnette, son habit ou redingote (je ne sache pas qu'il lui soit défendu de présider en redingote) ne peuvent rien figurer. Il est le président des représentants d'un pays dans lequel le sentiment de l'égalité prévaut sur celui de la liberté elle-même. Lespeakerest le chef des représentants d'un pays qui ne tient que peu de compte de l'égalité, et qui est pénétré de ce sentiment plastique du costume, de l'apparat, de la cérémonie, évidemment inspiré chez lui par une longue éducation aristocratique.Chambre des Députés.Pour qui arrive à la Chambre des Députés avec la résolution de ne voir que les faits actuel, sans la juger au point de vue du droit et de la théorie, l'audition des séances est encore un sujet de graves réflexions. Ces, hommes, à qui la loi a imposé le périlleux devoir de réglementer leurs semblables, ces hommes qui décident en dernier ressort de toutes les questions d'autorité et de liberté, de religion et de morale, d'économie politique et de droit public, du moins dans ce qu'elles ont d'extérieur, pour ainsi dire, et d'applicable à la vue des nations, ces hommes sont-ils par leurs lumières par leurs moeurs, tout à fait à la hauteur de cette mission redoutable? Ont-ils tous à un degré assez élevé l'amour dévoué de l'humanité, eux qui ont une tâche cent fois plus difficile et plus haute que de la gouverner; celle de la régler et de la conduire? Sont-ils tous mus par le sentiment religieux et éclairée de la marche incessante des hommes vers le mieux, sans lequel la loi étroite et injuste devient une barrière qui parque les peuples dans le malheur et dans l'ignorance, au lieu d'être la source féconde de leur amélioration dans la science du bien-être ou dans la science plus importante des moeurs? Il n'entre pas dans nos intentions de faire ici une satire trop facile et trop commune! Aucune malveillance ne nous anime, et ce serait sans vouloir diminuer en rien la sincérité, la dignité, ni les talents d'aucun des membres de la Chambre, qu'après nous être posé ces questions nous hésiterions à les résoudre par une heureuse affirmative. Il n'est que trop vrai que ce terne matérialisme, qui des doctrines philosophiques du dix-huitième siècle est aujourd'hui passé dans les moeurs, et qui forme comme la religion de nos contemporains, est trop fidèlement représenté à la Chambre par la majorité. Qui peut le nier? La majorité y est incrédule et indifférente. Les questions matérielles y ont le pas sur les questions morales: et qu'on ne dise pas que c'est là une nécessité de la politique pratique, une tendance utile qu'il faut encourager plutôt que la restreindre: car, encore qu'il soit hors de doute que les intérêts matériels d'un peuple sont dignes de toutes les méditations du législateur, il n'est pas moins incontestable que les questions d'intérêt matériel elles-mêmes sont susceptibles d'être traitées dans un esprit moral, que dis-je? ne peuvent être complètement et efficacement résolues que lorsqu'un esprit moral les a étudiées, éclairées, agrandies en les rattachant aux questions d'ordre supérieur, dont on ne les sépare jamais impunément. Or, c'est la ce qui manque surtout à la Chambre. Certains économistes peuvent se plaindre qu'elle n'apporte pas assez de lumières spéciales, qu'elle n'obéisse pas toujours dans ses décisions au mouvement progressif de la science contemporaine. Tout en admettant la justice de ces critiques, je dirais volontiers que ce ne serait là qu'un médiocre mal, qu'un mal pour ainsi dire inévitable. Les savants, comme les philosophes, vont toujours plus avant que leur siècle», et on ne peut faire un crime à celui-ci de ne les suivre qu'à pas inégaux. Mais lorsqu'à des lumières spéciales, même assez bornées, se joint un grand sens de la marche de l'humanité, une équitable conscience du droit et du devoir, tout se répare, tout s'accomplit dans une mesure suffisante, rien ne se déchire véritablement dans le tissu de cette grande trame dont Dieu a voulu que les siècles fussent les tisserands. Et, je le répète avec regret, c'est ce génie de l'ensemble, cette compréhension philosophique des choses, cette active et généreuse passion du bien public, ce sont toutes ces vertus essentielles du législateur qui sont souvent à désirer dans l'assemblée de nos représentants. On y est trop porté à n'imaginer que la politique consiste dans le dédain des grands problèmes de notre destinée, et se renferme tout entière dans je ne sais quelle prudence égoïste, quelle administration plus ou moins habile des intérêts de l'industrie, isolée de tous les autres mobiles de l'activité humaine On dira qu'il est impossible que les représentants d'une société engourdie dans le matérialisme aient un autre génie que le genre de la société qu'ils représentent. Sophisme, argument fataliste contre lequel doivent armer tous les nobles instincts. Sans doute il y a dans la loi du développement des peuples une force secrète qui les entraîne, mais cette force n'est pas irrésistible: mais les sociétés, comme les hommes, ne sont elles-mêmes ce qu'elles sont, mais il leur reste toujours l'initiative morale et la puissance nécessaire pour l'accomplir. Que les députés se souviennent que c'est d'en haut que viennent les exemples puissants énergiques, invincibles pour les masses; qu'ils se fassent la généreuse avant-garde de toutes les idées de civilisation, de morale, de droit, d'équité, d'amélioration du sort des classes souffrantes, et, quel que soit le sommeil qui s'est appesanti sur les âmes, le concours de la nation ne leur faillira pas. Nous sommes toujours les fils de ceux qui mouraient pour sauver l'intégrité du pays après avoir fondé sa liberté politique: et jamais les lois de l'honneur, du courage, de l'humanité et du patriotisme, ne seront invoqués avec sincérité et conviction sans éveiller aussitôt dans toutes les fibres de la France un long et immense frémissement.Femmes FrançaisesAUTEURS DRAMATIQUES.La critique, s'occupant à l'avance de la tragédie deJudith, tombée lundi dernier au Théâtre-Français, s'étonnait qu'une femme osât aborder le théâtre, et prétendait qu'une telle hardiesse n'avait pas d'exemple dans notre histoire littéraire. Une simple nomenclature prouve que la tragédie nouvelle n'est pas sans antécédents.La première femme dont il soit parlé dans l'histoire de notre théâtre estMarguerite ne Valois, soeur de François Ier et femme d'Henri d'Albret, roi de Navarre; elle mourut âgée de cinquante-neuf ans, le 18 décembre 1549. Il nous reste d'elle des mystères, des comédies et des farces:les Innocents, la Nativité de Jésus-Christ, l'Adoration des trois Rois, le Désert, la Farce de trop, prou, peu, moins.Louise Labé, connue sous le nom dela Belle Cordière, suivit de près la reine de Navarre; célèbre par sa beauté et son esprit, elle était encore renommée comme musicienne. Entre autres ouvrages, elle a composé une espèce de drame intitulé:le Débat de la Folie et de l'Amour, où La Fontaine a puisé le sujet d'une de ses plus jolies fables.Madeleine Desrocheset sa filleCatherine Desrochesparurent vers la même époque. Dans leursOeuvres poétiquesimprimées à Paris en 1578, on trouveTobie, tragi-comédie, et une pastorale à six personnages; on a aussi imprimé sous leur nom la tragédie dePanthée, jouée par les comédiens de l'hôtel de Bourgogne; mais on attribue généralement cette pièce à Jules de Guersans, avocat au parlement de Rennes, amant malheureux de Catherine Desroches.Pendant le fameux siège de La Rochelle, en 1573, sous Charles IX, les assiégés, qui se comparaient volontiers, dans leur campagne biblique, au peuple fidèle de Bethulie, accueillirent avec enthousiasme une tragédied'Holopherne.Cette pièce, qu'il serait sans doute curieux de comparer avec laJudithde madame de Girardin, était aussi l'oeuvre d'une femme, épouse d'un des chefs du parti calviniste, deCatherine de Parthenay, vicomtesse de Rohan.Le dix-septième siècle a donné au théâtre un assez grand nombre de femmes auteurs; parmi elles on compte mademoiselleCosnard, auteur de la tragédie desChastes Martyrs;madame deSaint-Balmont, qui fit celle deMarc et Marcellin;Françoise Pascal, dont on a joué l'Endijmionet leVieillard amoureux, pièce comique en vers de quatre pieds. Mais une femme plus connue que celles que nous venons de citer est madamede Villedieu(Marie Hortense Desjardins), dont les romans rendirent à la littérature contemporaine le service de faire passer le goût de ceux de Scudéri et de La Calprenède; en l'année 1662, elle fit représenter une tragédie deManlius Torquatus, bientôt suivie de celle deNitétiset duCarrousel du Dauphin: cette dernière pièce resta moins long-temps au théâtre que les précédentes.Les Petits Moutons de madameDesnoulièresl'ont assurément rendue plus célèbre que sa tragédie deGenséric, jouée sans aucun succès, en 1680, par la troupe de l'hôtel de Bourgogne.Parente des deux Corneille, mademoiselleBernardcrut sans doute que le talent dramatique appartenait à toute sa famille; elle fit représenter deux tragédies:Laodamie, en 1689, etBrutus, en 1691. Nous mettons sous les yeux de nos lecteurs un passage de cette dernière pièce, que Voltaire n'a pas dédaigné d'imiter:
Nº 9. Vol. 1.--SAMEDI 29 AVRIL 1843.Bureaux, rue de Seine, 33.
SOMMAIRECourrier de Paris.Vue de la salle de vente au Palais-Royal; portrait de Monrose.--Court scientifique, Sorbonne: zoologie.--Une visite à la Chambre des Députés.Portraits de M. Sauzet et de M. Shaw Lefebvre, speaker de la Chambre des Communes; plan et vue intérieure de la Chambre des Députés.--Femmes françaises auteurs dramatiques.--Théâtres.Lucrèce, tragédie en cinq actes, de M. Ponsard;Judith, tragédie en trois actes;Hermance, comédie de madame Ancelot;une scène de Judith et une scène d'Hermance; lePuits d'Amour, opéra comique en trois actes:une scène du Puits d'Amour.--La Vengeance des Trépassés, nouvelle (5e partie).Délire de Léonor.--Industrie. Le sucre de canne et le sucre de betterave.--Statistique. Le Mont-de-Piété de Paris.--Bulletin bibliographique, avechuit gravures.--Modes.Quatre gravures.--Courses au Champ-de-Mars.--Madame Viardot à Vienne.--Rébus.
Courrier de Paris.Vue de la salle de vente au Palais-Royal; portrait de Monrose.--Court scientifique, Sorbonne: zoologie.--Une visite à la Chambre des Députés.Portraits de M. Sauzet et de M. Shaw Lefebvre, speaker de la Chambre des Communes; plan et vue intérieure de la Chambre des Députés.--Femmes françaises auteurs dramatiques.--Théâtres.Lucrèce, tragédie en cinq actes, de M. Ponsard;Judith, tragédie en trois actes;Hermance, comédie de madame Ancelot;une scène de Judith et une scène d'Hermance; lePuits d'Amour, opéra comique en trois actes:une scène du Puits d'Amour.--La Vengeance des Trépassés, nouvelle (5e partie).Délire de Léonor.--Industrie. Le sucre de canne et le sucre de betterave.--Statistique. Le Mont-de-Piété de Paris.--Bulletin bibliographique, avechuit gravures.--Modes.Quatre gravures.--Courses au Champ-de-Mars.--Madame Viardot à Vienne.--Rébus.
MONROSE.--MADAME DAMOREAU.--LES BOUTIQUES ET LES COMTESSES.--M. LE PRINCE DE MOSKOWA.--LE LILAS ET LA PIERRE DE TAILLE.--LA POLITIQUE ET LES CASSEROLES.--M. ALEXANDRE DUMAS.--LES DEMOISELLES DE SAINT-CYR.--LES POETES AU DÉSESPOIR.--UN MOT DE BOILEAU.--LE CHAMP-DE-MARS A LOUER.
La semaine a commencé tristement, avec la nouvelle de la mort de Monrose. Comment ne pas s'occuper d'abord de ce trépas subit qui nous enlève un de nos plus adorables et de nos plus spirituels comédiens? L'autre jour, un millionnaire expirait dans son luxe et dans sa magnifique oisiveté. Qui s'en est inquiété? Quels regrets cette mort splendide a-t-elle excités dans la ville? On a dit: Il vivait, il est mort, et un instant après, excepté les héritier», personne n'y songeait plus. Monrose meurt, il meurt pauvre, et voilà que partout on s'en afflige. Ainsi la foule a d'admirables moments de discernement et de justice; elle est ingrate parfois, et les philosophes n'ont pas manqué de l'en accuser. Mais entre deux tombes, il est rare qu'elle se trompe et ne se contente pas de donner un regard de curiosité au mort fastueux, pour aller accompagner de ses adieux le mort utile. C'est ainsi que Monrose a recueilli la part des souvenirs et des regrets, dans cette rencontre funèbre. Avec le riche s'est éteint le bruit de ses fêtes retentissantes: sur la tombe de Monrose, survit la mémoire de ses services, de son talent et de l'honnête plaisir qu'il a donné. Et qui pourrait nier que la vie d'un comédien comme Monrose ne soit aussi regrettable qu'elle a été agréable et utile aux autres? N'est-ce donc rien d'avoir attiré la foule, pendant plus de trente ans, aux jeux poétiques de la fantaisie et de l'esprit, pour lui offrir animés et vivants, par une sorte de merveilleuse incarnation, tous les types sortis du cerveau de nos meilleurs auteurs comiques? L'acteur qui s'associe avec ce bonheur, cette vérité et cette puissance aux créations de l'esprit et du génie, n'honore-t-il pas, à son tour, son pays et son époque? N'a-t-il point sa place marquée à la droite des hommes illustres dont il a été le traducteur habile et le véridique interprète?
Vente publique au profit de la Guadeloupe, dans la Salle de la Reine au Palais-Royal.
La comédie avait tout préparé pour que Monrose ne pût lui échapper. Fils de comédien, né en pleine comédie, il fut pour ainsi dire ondoyé dans la coulisse. Vers 1785, à Besançon, naquit Monrose. Autour de son berceau, tout jouait la comédie: père, mère, tantes, frères et soeurs. On peut dire que Monrose suça, au biberon, des fragments de Molière, de Regnard, de Marivaux et de Beaumarchais. Enfant, il avait déjà des airs éveillés de Frontin, de Figaro, de Labranche et de Mascarille. Devenu jeune homme, il ne dégénéra point de ses pères; Monrose lit ses premières armes en province, comme Molière peut-être, entre quatre chandelles sur quelques planches mal closes. Puis, il vint à Paris; ce fut un grand jour pour notre artiste que le jour où il monta, Figaro imberbe, sur le théâtre des jeunes élèves, armé de la guitare et coiffé de la résille. On l'applaudit; car il était difficile à cet oeil intelligent, à cette vive et mobile physionomie, à toute cette verve et à tout cet esprit, de ne pas réussir dès son premier mot. De là , Monrose passa au théâtre Montansier; par Thalie! c'était faire un pas de géant. Il y rencontra Brunet et Tiercelin; Potier ne devait pas tarder à compléter le triumvirat. Monrose, tout Figaro qu'il était, eut peur de ces grands noms et de ces grandes renommées; dans un accès de modestie, il alla chercher des rivaux moins en crédit; et ainsi Monrose échappa au vaudeville. Molière s'en réjouit et l'adopta définitivement.
Monrose.
Monrose fit rire Bordeaux, égaya Nantes, amusa l'Italie, à la suite de mademoiselle Rancourt qui avait l'emploi de l'épouvanter; quand la sombre Cléopâtre ou l'implacable Athalie avait donné le frisson à Naples et à Milan, Monrose arrivait, et le sourire et la gaieté avec lui. L'invasion de 1814 força Monrose de rentrer en France, comme s'il eût été un corps d'armée ou un capitaine. Les succès qu'il obtint sur le grand théâtre de Lyon émurent la Comédie-Française, qui l'appela enfin et lui dit: Sois mon Figaro!
Depuis ce moment, Monrose s'était donné corps et âme à l'étude de son art, au culte des maîtres de la scène, à la prospérité du théâtre, aux plaisirs du public, prêtant aux poètes anciens et nouveaux le feu de son regard, l'accent vibrant de sa parole, la vivacité et l'ardeur de son talent incisif. Et partout, en tout temps, avec tout le monde, soit qu'il eût affaire à Molière ou à Regnard, à Dancourt, à Beaumarchais, à Boissy, à Destouches, à Marivaux, à Le Sage; soit que Picard, Alexandre Duval, ou M. Scribe, l'appelassent à leur aide, il leur prêtait à tous avec prodigalité, vieux ou jeunes, hommes de génie ou hommes d'esprit, les trésors de verve comique dont il était doué: un organe sonore, mordant et souple, un geste prompt, net, expressif, étincelant, un coup d'oeil plein de hardiesse, d'intelligence et de feu, la singulière mobilité d'un masque enjoué et provoquant, la charmante légèreté du jarret et de l'allure, la promptitude du trait et de la répartie aiguisée au fil de la parole, et tous ces jets éblouissants, toutes ces fantaisies audacieuses qui caractérisent le Frontin, le Mascarille et le Figaro; art charmant, qui faisait de Monrose le comédien le plus piquant, le plus spirituel, le plus délié, le plus hardi, le plus entraînant, et aujourd'hui le plus regrettable.
Maintenant, cette gaieté est éteinte et ensevelie. Mais le public sait-il assez tout ce que coûte à l'acteur le rire qu'il excite et le plaisir qu'il donne? A la fin de sa vie, Monrose était tombé dans une sombre mélancolie; il est mort inquiet et profondément triste. O public! amuse-toi et ris à gorge déployée!--Le cortège funèbre était nombreux: les lettres et le théâtre s'y montraient en deuil. M. Samson a prononcé sur la tombe des paroles touchantes; et qui pouvait mieux parler de Monrose que l'homme dont le talent survivant adoucit sa perte? A ce titre M. Régnier, de la Comédie-Française, aurait pu louer Monrose à coté de M. Samson.--Ainsi, tout est dit, en ce monde, pour ce charmant comédien, qui fut en même temps un homme de talent et un honnête homme. Mais quelle voix délicate et souple chante mélodieusement du côté de l'Opéra? Cette voix a une douceur et un charme auxquels nous ne sommes plus accoutumés; elle arrive et chatouille notre oreille meurtrie par les efforts violents et les oeuvres assourdissantes. Qu'est-ce donc? un gosier de fauvette ou madame Damoreau? C'est madame Damoreau! Vraiment, nos seigneurs et maîtres les théâtres lyriques sont de singuliers sultans: ils avaient là , en leur pouvoir, cette voix exquise et suave, cette mélodie qui s'appelle madame Cinti-Damoreau, et les maladroits l'ont laissée partir et s'envoler de royaume en royaume, jusqu'au fond de la Russie, comme un écho charmant qui s'éteint en s'éloignant, et qu'on écoute encore. L'écho est revenu, la fée mélodieuse vient de reparaître au milieu de son cortège de notes gracieuses et caressantes, mais de reparaître un soir seulement, pour recueillir la moisson dorée et parfumée d'une représentation à bénéfice. N'aurez-vous pas, cette fois, le bon esprit de la garder et de la retenir? et faudra-t-il qu'elle aille encore attendrir les rochers de quelque Norvège-, adoucir et civiliser les ours du Volga ou du Don, ou faire marcher les murailles de Novogorod?
On va le soir porter son bravo à la voix de madame Damoreau; le matin, on avait donné son offrande aux infortunes de la Guadeloupe: ainsi l'on passe de la charité au plaisir. Quel meilleur emploi de la vie? Si le plaisir est ingénieux à séduire, heureusement la charité ne l'est pas moins. Après les bals bienfaisants et les concerts philanthropiques, que faire? Il semblait qu'on fût à bout d'attrayantes inventions; mais la charité a de l'imagination, Dieu merci! Voyez-vous ce palais d'un roi transformé en bazar? Des boutiques, des marchandises, des marchandes s'établissent et s'étalent sous ces lambris qui n'ont abrité jusqu'ici que des princes, des rois et des empereurs. Entrez, Messieurs! entrez, Mesdames! le vaste magasin est ouvert: choisissez à votre goût, achetez à votre fantaisie: l'or que vous jetterez ici retombera en consolations sur une terrible infortune; il donnera du pain aux affamés et relèvera les maisons incendiées. Marie-Amélie a patronné de sa protection royale cette vente publique au profit de la Guadeloupe infortunée, et aussitôt la salle du Palais-Royal, dite salle de la Reine, s'est ouverte à cette pensée bienfaisante. Comtesses et duchesses, le faubourg Saint-Germain et la Chaussée-d'Antin, prennent pince au comptoir. Voulez-vous des tableaux et des bronzes? madame de Chabot en tient un entrepôt complet. Des bretelles ou des gants? voyez madame de Montesquiou. Madame de Coigny ne laisse rien à désirer pour la confection des châles et des mantelets; et pour la bijouterie, mesdames d'Elchingen, de Fezensac, d'Hautpoul et de Castellane n'ont pas leurs pareilles. N'oubliez pas surtout mesdames de Trévise, de Praslin, de Ségur, de Montjoye, d'Audenarde, du Roure, de Lariboissière, de Vatry, etc., etc., elles sont assorties à la dernière mode et dans le goût du jour.
Nota bene. On ne marchande pas, mais on est libre de donner 300 fr. d'un paquet de plumes et 1,000 fr. d'une boîte de pains à cacheter. Rare et délicieux trafic, où le vendeur ne garde rien pour lui, et où l'acheteur délie les cordons de sa bourse avec plaisir! D'une part, la grâce charmante et désintéressée des marchandes; de l'autre, la prodigalité du chaland, et plus loin, un grand désastre qu'on soulage!
N'ayant pas de babilles à gagner comme leurs pères, les fils des héros de l'Empire cherchent un champ de combat dans les arts. Heureux ceux qui trouvent à y occuper noblement leurs loisirs! Il y a quelques semaines, l'héritier d'un nom des plus redoutés et des plus vaillants a lancé, au second Théâtre-Français, une petite comédie en vers, faute de pouvoir jeter un escadron sur les Prussiens et les Cosaques. Aujourd'hui c'est M. le prince de la Moscowa qui dirige une armée harmonique dont il est le fondateur et le général. Les différents régimens, flûtes, violons, basses, bassons, tout ce qui constitue la grande armée musicale, ont fait l'autre jour leurs manoeuvres dans la salle de Hertz. M. le prince de la Moscowa commandait avec un sang-froid et un talent remarquables, et son armée a triomphé sur toute la ligne. Quelle plus charmante et plus agréable victoire, aujourd'hui que le temple de Janus est fermé!
La pierre de taille envahit Paris de plus en plus: c'est le moment de s'écrier comme Horace: «Bientôt les villes ne laisseront plus un sillon à la charrue!» Un pauvre jardin était échappé, sous mes fenêtres, à la férocité de la truelle; ils viennent de le détruire! et quelle saison ont-ils choisie pour cet assassinat? le mois de mai, le temps on la victime me souriait dans sa jeune verdure et renaissait. Un lilas en fleurs est resté, charmant, parfumé, étalant sa robe embaumée. Le premier jour, à la vue de cette fleur si tendre, le coeur leur a manqué; mais, les maçons qu'ils sont, ils la tueront demain!
Les grands préparatifs pour le bal de M. Sauzet continuent; il est surtout question d'un souper monstre: le président de la Chambre des Députés irait sur les brisées de Lucullus. M. Sauzet est pourvu, dit-on, d'un Vatel bien capable, par ses talents superfins, de sortir victorieusement de cette grande nuit culinaire. Un député du centre, ami particulier de M. Sauzet, vient d'être mis en communication avec ce grand homme, pour s'entendre sur le menu: M. Sauzet a bien d'autres soins en tête, et le repas parlementaire qu'il préside tous les jours en séance publique lui suffit et au-delà . L'ami s'entretenait donc avec le grand Vatel.--Vous savez que nous avons toute la Chambre, lui dit-il, la gauche et la droite, le centre, le tiers-parti et les extrémités. Comment pouvez-vous traiter tous les partis?--Monsieur, répondit fièrement Vatel, comme homme, j'ai une opinion; mais comme cuisinier, je n'en ai pas.»
A la première représentation deLucrèceon a remarqué que M. Alexandre Dumas sortait à tous les entr'actes, et se promenait dans les corridors, tête nue et dans une agitation singulière. Un de nos critiques les plus spirituels va droit à lui, et lui prenant la main: «Eh bien, mon cher, que dites-vous de cela?» M. Dumas, entr'ouvrant sa loge, et prenant vivement sa canne et son chapeau: «Mon cher M. ****, je m'en vais, s'écrie-l-il; je vais travailler!» Est-ce une conversion, est-ce une impertinence?--La veille, M. Alexandre Dumas avait lu, au Théâtre-Français, un drame en cinq actes et en prose, intitulé:Les Demoiselles, de Saint-Cyr. Lucrècen'était pas née, et M. Dumas aura peut-être oublié de travailler ces demoiselles.
Le succès de M. Ponsard jette le trouble et le désespoir dans la nation des dramaturges et des poètes; d'abord, les trois cents auteurs qui sont sortis du collège ou de l'École de Droit, avec une tragédie deLucrècedans la poche, ne peuvent comprendre qu'on leur ait préféré M. Ponsard; ils crient au passe-droit et à la trahison; les poètes en exercice ne sont pas moins blessés des couronnes qui tombent de toutes parts sur le jeune front de M. Ponsard. Ils se plaignent amèrement de la critique qui les dépossède de leur gloire, au profit de cette muse nouvelle-venue, et prétend que depuis vingt ans, depuis trente ans peut-être, la Melpomène n'a rien produit de comparable à Lucrèce. «Et ma tragédie, dit celui-ci; et mon drame, s'écrie celui-là ; pour qui et pour quoi les prenez-vous?» Je déclare que j'ai reçu, pour ma part, plus de vingt épîtres de reproches poignants et de réclamations attendrissantes; un tragique, entre autres, m'écrit: «Monsieur, vous affirmez qu'aucun succès, obtenu depuis trente ans, ne peut le disputer au succès deLucrèce. Vous devriez savoir, monsieur, que ma tragédie deCaracallaaurait été représentée plus de deux cents fois, si le Théâtre-Français avait voulu la jouer une seule. J'ai l'honneur de vous saluer.»
Les Romains de M. Ponsard ont le grand mérite d'être Romains; ils ne ressemblent pas à ces héros latins à la Scudéry, dont Boileau se moque si ingénieusement.--«Mercure:Tiens, regarde tous ces gens-là , les connais-tu?--Le Français: Si je les connais; eh! ce sont la plupart des gens de mon quartier. Bonjour, madame, Lucrèce! bonjour, monsieur Brutus! comment vous portez-vous?»
Le Champ-de-Mars lui-même n'échappera pas à la spéculation. On annonce qu'une société s'est formée pour le prendre à bail, et le transformer en café-restaurant et dansant. Nous arriverons, peu à peu, à faire une salle de billard de la plaine Saint-Denis.
ZOOLOGIE.--M. DUCROTAY DE BLAINVILLE.
M. de Blainville vient de reprendre à la Sorbonne le cours de zoologie. Pour le célèbre professeur, la zoologie n'est pas seulement une des sciences naturelles; elle se lie au contraire aux plus hautes questions de morale et de philosophie, et tout bon système zoologique doit être catholique. Comment un pyrrhonien, par exemple, pourrait-il admettre l'existence d'une longue série d'êtres qui se lient entre eux par des caractères définis, lorsqu'il doute de l'être lui-même? De même l'éclectique ne peut être que mauvais zoologiste; son système lui permettant de glaner partout, il est évident qu'il choisira ce qui lui convient, et négligera ce qui ne rentre pas dans son système. Nous avons entendu M. de Blainville définir la zoologie par cette phrase, un peu hardie peut-être:La zoologie est la pensée de Dieu traduite en animaux. Une intelligence suprême a présidé à la création, et l'ordre ne peut être que l'oeuvre d'une intelligence. Cette idée est grande et belle, et M. de Blainville l'expose avec tout le feu de l'éloquence et de la persuasion; mais de ce que l'ordre résulte de l'intelligence, s'ensuit-il nécessairement que l'ordre établi soit précisément celui que M. le professeur de Blainville croit voir dans le grand livre de la nature, qui renferme encore pour nous tant de secrets et de mystères? L'homme, dont les vues sont si courtes, les connaissances si imparfaites, peut-il espérer jamais embrasser l'ensemble et comprendre le plan du monde organisé? M. de Blainville est resté le seul défenseur actuel de l'idée d'uneéchelle animale, d'unesérie continuetelle que l'avait rêvée Bonnet. Champion déterminé, il soutient encore envers et contre tous que les animaux se suivent comme dans une chaîne un chaînon suit l'autre, chaîne décroissante dont le premier anneau seraitl'hommeet le dernierl'éponge, qui termine la série en liant le règne animal au règne végétal. Le cours de cette année doit avoir pour objet la démonstration de cette doctrine poursuivie dans toute la série. Le règne animal doit, pour ainsi dire, passer en entier devant les yeux du public, attentif de la Sorbonne, qui pourra juger par lui-même de la vérité des doctrines du maître.
Afin de faire mieux comprendre à ses auditeurs ces notions si élevées, M. de Blainville affectionne la figure suivante:
HommeSingeChatOiseauPtérodactyle.Lézard.Grenouille.Serpent.PoissonInsecte.Crabe.Huître.Corail.Infusoires.Éponges
Le point le plus élevé de cette échelle est occupé par l'homme, le dernier par l'éponge, et l'espace qui les sépare est réservé pour la foule immense des animaux; chacun correspond à une ligne d'autant plus longue que son organisation est plus parfaite. Les espèces fossiles jouent un rôle très-important dans ce système; bien des échelons resteraient vides si, pour les remplir, M. de Blainville n'exhumait quelques vieux débris des temps anté-historiques. C'est ainsi que pour avoir un chaînon qui unisse les reptiles aux oiseaux, la nature semble avoir créé à dessein leptérodactyle,animal antédiluvien, espèce de lézard volant.
L'espace nous manque pour réfuter cette doctrine spécieuse au premier coup d'oeil, idéal plein de grandeur, mais que l'observation dénient chaque jour. Il existe certainement une décroissance, une sorte de dégénération successive depuis le roi de la création jusqu'aux derniers des animaux; mais cette série n'est pas continue, deshiatusse trouvent à chaque pas, et, comme le grand Linné l'a dit, les affinités qui unissent les animaux entre eux ne pourraient peut-être s'exprimer jusqu'à un certain point qu'en donnant au tableau du régne animal la forme d'une carte de géographie où chaque province a des rapports intimes et plus ou moins étendus avec plusieurs provinces voisines.
Quoi qu'il en soit, c'est avec les arguments les plus brillants et les plus spécieux que M. de Blainville défend sa thèse; il soutient son système, un peu ancien peut-être, avec une ardeur toute juvénile, et la sérieanimalen'eut jamais de plus éloquent défenseur.
M. de Blainville admet complètement, et comme base fondamentale de son système, la théorie des causes finales. Il est parfaitement convaincu que si l'on aborde la science sans prévention et de bonne foi, il est impossible de ne pas reconnaître partout une relation évidente de cause à effet: rien n'a été créé sans but, et le but de toute création est toujours visible aux yeux du philosophe. Bernardin de Saint-Pierre s'était déclaré le défenseur ingénieux de cette doctrine. S'il nous était permis cependant d'exposer notre manière de voir après celle du savant observateur et de l'éloquent écrivain, peut-être trouverions-nous un peu hardie cette manie de tout expliquer, cette tendance de notre esprit qui nous porte à soulever sans cesse, d'une main audacieuse, les replis les plus cachés du voile de la nature. Ainsi, M. de Blainville croit expliquer parfaitement pourquoi il y a de grands chats et de petits chats, pourquoi le genreFelisde Linné renferme des espèces d'aussi grande taille que le lion et le tigre, et d'aussi petite que notre chat domestique; c'est parce qu'il existe des animaux herbivores et rongeurs de toutes les grandeurs, depuis le cerf jusqu'au lièvre, depuis le lapin jusqu'au rat. Rien de plus simple, les grands chats dévorent les cerfs, les petits prennent les souris. Il me semble qu'on oublie en ce moment que si le chat a été fait pour manger la souris, on pourrait dire avec autant de raison que la souris a été créée pour être mangée par le chat.
Ces idées sont étroites et mesquines, ce sont les faibles produits de notre intelligence bornée qui veut tout comprendre. Dirons-nous pour cela que tout n'est que mystère, que nous ne pouvons rien lire dans le livre de la nature? Loin de là . Il est sans doute de grandes lois qu'il a été donné à l'homme de découvrir à force de patience et de génie; mais il ne faut pas trop se hâter de conclure. Soyons timides dans nos recherches. L'homme seul met en oeuvre de petits moyens pour arriver au but; mais les lois qui dirigent le monde sont grandes comme la création elle-même.
Après avoir consacré la première leçon à poser les bases de son système, à exposer lasérie animale en ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas, suivant ses propres expressions, M. de Blainville entre en matière et démontre, les pièces en main, la vérité de ces assertions qui semblent d'abord un peu hypothétiques; c'est alors qu'il est véritablement grand professeur, et qu'il exprime les idées les plus ingénieuses avec une éloquence pleine d'originalité.
M. de Blainville s'attache à démontrer que la série animale étant une série décroissante, tous les organes doivent exprimer cette décroissance, toujours plus visible à mesure que l'on descend l'échelle des êtres. Ainsi, si nous prenons pour exemple la grande division des mammifères, les quadrupèdes de Buffon, le premier d'entre eux sera le plus voisin de l'espèce humaine, et le dernier le plus rapproché des oiseaux, qui suivent immédiatement les mammifères. Les différences successives se traduiront à l'extérieur par des dégénérations correspondantes dans les organes. Les changements qui se manifestent dans l'organisation des animaux devant influer en premier lieu sur l'appareil digestif, puisqu'avant tout l'animal se nourrit. Olivier, pour exprimer ces caractères différentiels, avait donné une très-grande importance au système dentaire. Mais avant de mâcher ses aliments, l'animal doit les porter à sa bouche, et, quand c'est un être supérieur, c'est à l'aide de la main que ce mouvement s'exécute. Aussi M. de Blainville a-t-il établi ces divisions sur les caractères tirés de la perfection plus ou moins grande de cet organe. D'après sa définition, la main la plus parfaite sera celle dans laquelle les doigts seront le plus indépendants les uns des autres dans leurs mouvements. Or ce caractère ne se montre nulle part dans la série animale d'une manière plus complète que dans l'espèce humaine. Et, si nous suivons la série des mammifères, nous trouvons que la main se dégrade toujours davantage; les doigts, encore très-libres chez les singes, qui de tous les animaux sont les plus voisins de l'homme, le deviennent bientôt moins dans les chats, chez lesquels l'ongle les recouvre en partie, et finissent par se souder entièrement chez le cheval, on l'on ne trouve plus qu'un seul doigt, rentrant pour ainsi dire dans l'ongle qui l'enveloppe pour constituer le sabot. Dans les cétacés, dont l'organisation est si loin de la nôtre, la main a perdu tous ses mouvements, une peau dure et coriace la recouvre et la transforme en rame.
Un second caractère de supériorité tiré de la main, et qui est encore porté au plus haut degré possible dans l'espèce humaine, est la différence extrême qui existe entre la main et le pied Suivant la remarque ingénieuse de Bichat, dans la main, la partit.' la plus considérable de l'organe est destinée au mouvement; dans le pied, c'est le contraire, la plus grande partie du membre est consacrée à l'immobilité, conformation que la station bipède rendait indispensable. Chez les animaux il n'en est plus ainsi, la main devient toujours plus semblable au pied, et dans certaines espèces, le cheval par exemple, cette similitude est portée à un tel point qu'il faut quelques connaissances anatomiques pour distinguer au premier coup d'oeil le squelette du membre antérieur de celui du membre postérieur.
Pour donner à nos lecteurs quelque idée de la manière dont M. de Blainville expose les faits, nous avons pris la main pour exemple; mais tout autre organe aurait pu remplir également bien notre but. D'après les idées de l'illustre professeur, tous les organes des animaux ne sont en effet que des dépendances du système nerveux, et sont d'autant plus parfaits que ce système est plus développé lui-même. De là la délicatesse extrême, le mécanisme admirable de nos organes, instruments aveugles de l'intelligence. Mais de là aussi l'imperfection de ceux de ces êtres inférieurs qui sont pour ainsi dire aussi loin de l'homme sous le rapport physique que sous le rapport intellectuel et moral.
Tout le monde, en France, s'occupe de la Chambre des Députés; on en parle au moins une fois chaque jour en chaque commune de France. L'habitant de la province, lorsqu'il vient à Paris, ne manque pas plus de visiter le palais des représentants, qu'un vrai croyant de se prosterner dans le temple de la Mecque. Cependant, peut-être en est-il de la Chambre comme de beaucoup de choses qu'on a sous les yeux, et qu'on se contente de voir sans jamais les regarder; peut-être une vue d'ensemble manque-t-elle à ceux qui connaissent bien les détails, une vue des détails à ceux qui connaissent l'ensemble. Voulez-vous, lecteur, m'accepter pour cicérone, et me suivre au palais de ceux qui ont l'honneur d'être nos représentants, ou, si vous l'aimez mieux, qui nous font l'honneur de nous représenter?
Chemin faisant, et pour semer la route de réflexions conformes à l'objet de notre voyage, jetons un moment les yeux, s'il vous plait, sur les vicissitudes du gouvernement représentatif, dans notre pays, depuis son origine. Il n'a pas encore soixante ans d'existence, ce qui paraît, pour les gouvernements, figurer à peu près les mois de nourrice, et pourtant que de changements, que de retours, que de convulsions dans ce berceau! Les peuples en révolution semblent, sous la main de Dieu, comme un balancier sous une main puissante. Sous cette impulsion, le pendule décrit d'abord un secteur énorme, et atteint, du premier bond, un point bien éloigné de son point de départ; puis, par un retour subit, il revient sur lui-même avec furie, et dépasse dans sa course rétrograde l'endroit d'où il avait pris son élan. Enfin, après quelques oscillations, il se fixe et s'arrête sur un point intermédiaire, rétrograde, si on ne pense qu'à celui qu'il avait d'abord atteint; progressif, si on considère celui qu'il avait quitté. Ainsi nous avons vu le balancier populaire, une fois mis en branle par la Constituante, s'élancer jusqu'à la Convention, puis revenir jusqu'au despotisme armé de l'Empire, plus dur, peut-être, plus solide et plus prestigieux certainement que celui de l'ancienne monarchie; enfin, après les oscillations de 1814 et de 1815, s'asseoir et se suspendre dans ce qu'on a nommé le régime constitutionnel.
Les assemblées diverses qui ont représenté la France à ces époques si profondément différentes, bien qu'elles ne fussent souvent séparées que par quelques jours, ont, chacune par un caractère particulier, fidèlement reflété la physionomie des idées et des événements contemporains. La Constituante, noble, digne, majestueuse jusque dans ses divisions, pleine du plus pur enthousiasme qui ait jamais animé des hommes, pénétrée de la grandeur de sa mission et s'élevant jusqu'à elle: terrain vierge de l'éloquence politique où toutes les variétés de cette éloquence poussent avec les inconvénients et les grandeurs de la végétation primitive. Neuve arène où le docteur Guillotin, faisant son rapport sur la funèbre machine dont on lui attribue faussement l'invention, pouvait dire avec une inexpérience grotesque. «Avec ma machine, je vous coupe la tête en un clin d'oeil, et vous ne sentirez pas;» presque en même temps qu'une voix plus grande que celle de l'orateur antique criait; «La banqueroute est à vos portes et vous délibérez!» La Législative, plus tumultueuse, moins forte, déjà débordée par les passions, et avant plutôt le sentiment vague que la nette perception de ce qu'il faudrait faire. La Convention, rude, énergique, impitoyable, semblable à une statue de bronze de la Nécessité. Les Cinq-Cents, au 18 brumaire, jurant devivre libres ou de mourir, dernier cri du patriotisme écrasé sous le coursier du conquérant. Le Sénat et le Corps-Législatif, vieillards caducs, squelette» des assemblées précédentes, que le poison du despotisme, pareil à celui des Borgia, a fait passer en quelques instants de la jeunesse et de la force à la décrépitude et à l'impuissance. Enfin les chambres de la Restauration, ancêtres directs des nôtres, qui, après avoir accepté le deuil divin des rois, ont pensé, en 1830, qu'il leur appartenait d'humaniser les trônes.
Cette rapide excursion à travers le précédent demi-siècle nous a conduits à la porte du Palais-Bourbon.
Si nous somme» venu» par la place de la Concorde, croyez-moi, ne regardons pas long-temps l'édifice. Il est lourd sans même avoir l'apparence de la grandeur, nu sans les semblants de la simplicité. Ces murs aveugles qui s'attachent comme deux ailes à la colonnade du fronton, sont du style le plus indigent, et offrent l'aspect d'un bâtiment inachevé. Mais Alcibiade, commenté par Rabelais, nous apprend que la docte antiquité elle-même renfermait dans le» boîtes les plus bizarres les plus précieux onguents; ne nous arrêtons dont pas à l'apparence, et entrons ensemble dans le palais.
Voici d'abord une première salle d'attente ou se tiennent quelques personnes de la livrée de la Chambre. Elles doivent vérifier les cartes d'admission dont il faut être porteur pour pénétrer plus avant. Telle est la consigne rigoureuse, mais elle n'est pas toujours exécutée, et il est rare, au contraire, qu'on ne puisse passer directement dans la salle suivante, qu'en style de palais on appelle la salle des Pas-Perdus. Deux groupe» de bronze se font face aux deux extrémités.
L'un est une cent millième reproduction du Laocaon antique. Quoique dans la salle des séances, qui ouvre sur celle-ci, on parle souvent de l'hydre de l'anarchie, on m'a assuré que le serpent mythologique n'était nullement une allusion. L'autre groupe se compose de Paetus et de sa femme: ce groupe, qui, malgré la gravité du lieu, doit rappeler aux députés leurs plaisanteries de collège, n'est pas plus symbolique que le premier; car l'exaltation toute stoïcienne du suicide et du mépris de la vie, qu'il représente, n'a pas de sens applicable, que je sache, à nos pacifiques citoyens venant discuter annuellement les affaires du pays. Cette salle des Pas-Perdus présente généralement un aspect assez animé. Des groupe affairés s'y croisent en tous sens. Ici, c'est une famille de province qui accoste un huissier de la Chambre et l'envoie demander le député de l'arrondissement d'où elle vient pour qu'il lui donne des billets d'entrée. Là , c'est un solliciteur de fonctions publiques qui entretient un député de sa pétition; le député, soucieux, ennuyé comme un homme à qui on demande; le solliciteur, pressant, énergique, magniloquent comme un homme qui demande. Plus loin, un député prie un journaliste de rectifier une erreur qui s'est glissée dans le compte-rendu d'une des opinions qu'il a soutenues dans les bureaux. On cause, on va, on vient dans cette salle, avant, pendant et après les séances.
Je ne vous parlerai pas de la salle des Conférences, ni de la bibliothèque, ni de la buvette, qui ne sont pas des lieux ouverts au public: je dirai seulement, comme un trait de moeurs qui n'est pas sans importance, que la buvette ne date que de l'Empire pour les assemblées délibérantes. Peut-être leur avait-elle été donnée pour les consoler de ne pas délibérer. La buvette de l'ancien régime, que défunte Batonette a illustrée, ainsi que les serviettes qu'elle en emportait, était pour la Convention, par exemple, parmi les traditions d'un passé détruit. Ce petit fait, si les recherches qui me l'ont fait connaître sont exactes, en dit plus qu'on ne pense: car il est notoire qu'il faut que les députés, comme les autres hommes, se trouvent dans des circonstances bien terribles pour qu'ils oublient de se rafraîchir.
Un député de nos âmes nous a ouvert la salle des séances. Elle forme un hémicycle. Le bureau du président, assisté de deux secrétaires-députés, attire d'abord notre attention. Sur un gradin un peu supérieur on voit un petit bureau réservé au secrétaire de la Chambre, employé qui ne fait pas partie de la députation. Au-dessous du bureau du président se dresse la tribune. Capitole pour les uns. Calvaire pour les autres; pour le plus grand nombre, lieu saint qu'on craindrait de profaner en y montant. Aux deux côtés de la tribune, deux pupitres pour les sténographe» duMoniteur, devant, des sièges pour les huissiers. Un tableau représentant le serment du 9 août domine cette partie de la Chambre, flanquée parallèlement de deux statues figurant, l'une, la Liberté; l'autre, l'Ordre public. La muraille qui supporte ce tableau et ces statues est revêtue mi-partie de marbre, mi-partie de stuc; des panneaux vert et or et des bas-reliefs l'animent et la décorent. En face du président et venant se rattacher à son siége par les deux extrémités, s'étagent les bancs des députes. Les noms de droite, de centre, de gauche donnés aux fractions politiques de la Chambre, viennent de la position respective des membres qui les composent autour du fauteuil de la présidence. Des tribunes garnies de drap rouge sont percées, sur un double rang, dans toute l'étendue du demi-cercle, et embrassent tous les banc» de la Chambre: tribune des princes, tribune du corps diplomatique, tribune des pairs de France, tribune du conseil d'État, tribune des journalistes, tribune du public: cette dernière tribune ne contient guère que trente pinces. La publicité des séances de la Chambre, si on prend le mot au pied de la lettre, est donc à peu près une fiction. Mais il n'était pas dans le voeu du législateur de leur en donner, en ce sens, une plus étendue. On se souvenait de ces tribunes pleines d'orages de la Constituante et de la Convention, et on ne voulait laisser venir qu'un public assez limité pour pouvoir, au besoin, être mis tout entier au corps-de-garde. La véritable tribune publique, c'est celle des journalistes. Députés de l'opinion, ayant aussi leur droite, leur gauche et leur centre, silencieusement rapprochés dans l'étroit espace de cette tribune, réunis par une sorte de trève de Dieu, quelque violente que doive être la bataille du lendemain, quelque furieuse qu'ait été celle de la veille, ils laissent à la porte tous leurs souvenirs et tous leurs projets; ils sont la pour ainsi dire comme les yeux attentifs de la France, observant ses représentants, en attendant qu'ils deviennent les mille et mobiles voix de la patrie.
(M. Sauzet, président de la Chambre des Députés.)
Les tambours ont battu aux champs. Le président a passé devant la haie des gardes qui lui présentent les armes. Il entre dans la salle, et la séance est ouverte. On peut dire que chaque séance a sa physionomie distincte: quelquefois agitée, passionnée, sombre, concentrée; souvent calme, tranquille, assoupie, selon la nature des questions qui s'y succèdent. Cependant cette variété n'est pas sans quelque fond d'uniformité. Il y a des traits fondamentaux qui ne changent pas ou qui du moins ne se modifient guère, et parmi lesquels on peut compter l'absence de solennité dans la tenue de l'assemblée. Presque toujours, au commencement des séances, la Chambre ressemble, qu'on me passe la comparaison, à une classe d'écoliers indociles: les huissiers crient: Silence! au milieu du bruit; le président agite en vain sa sonnette; l'orateur qui est à la tribune s'entend à peine lui-même et n'est entendu de personne.
MM.A. Entrées de MM. les Députés.G. Couloir de gauche.                    14. Soult, id.D. Couloir de droite.                    15. Duchâtel, id.B. Tribune des orateurs.                 16. Guizot, id.17. Berryer, député1. Le président de la Chambre.           18. Salvandy, id.M. Sauzet                           19. Thiers, id.2. Secrétaires: MM Boissy-d'Anglax,      20. Lefebvre, id.Las Cases....                       21. Carné, id.3. Secrétaire MM. de l'Espée             22. Jaubert, id.Lacrosse.                           23. Sébastiani, id.4. Huissiers.                            24. Fulchiron, id.5. Secrétaire de la présidence.          25. Gouin, id.6. Sténographes.                         26. Dupin, id7. Bnreau du Moniteur                    27. Vivien, id.28. Boudet, id.MM.                           29. G. de Beaumont.30. Tocquevilie, id.8. Cunin-Gridaine, ministre              31. Delessert, id.9. Teste, id.                            32. Vitet, id.10. Villemain, id.                       33. Duvergier de Hauranne, id.11. Martin (du Nord) id.                 34. Rémusat, id.12. Duperré, id.                         35. Billaut, id.13. Laplagne, id.                        36. Jacqueminot, id.MM.                           a. Tribune de MM. les rédacteurs37. Mauguin, id.                            en chef des journaux.38. H. Passy, id.                        b.--haute.39. Dufaure, id.                         c.--de MM. les journalistes.40. Ganneton, id.                        d.--de MM. les membres.41. Lamartine, id.                           du conseil municipal et42. La Rochejaquelein, id.                   officiers supérieurs de la43. La Bourdonnaye, id.                      garde nationale.44. Émile de Girardin. id.               e.--des ardes nationaux de45. Laffitte, id.                            service.46. Arago, id.                           f.--publique.47. Odilon Barrot, id.                   g.--haute.48. Ledru-Rollin, id.                    h.--basse.49. Cormenin, id.                        i.--des anciens députés.50. Dupont, id.                          k.--du conseil d'état.51. Tracy, id.                           l.--de MM. les questeurs.m.--de MM. le président etC. Couloir.                                  vice-président.E. Côté droit.                           n.--basse.F. Centre droit.                         o.--basse.P. Côté gauche.                          p.--de la maison du roi.O. Centre gauche.                        p.--de MM. les pairs de France.I. Tribunes du premier étage.            r.--du corps diplomatique.L. Tribunes du deuxième étage.           s.--basse.
Il y a plusieurs causes à cette simplicité bourgeoise des séances: le défaut d'uniforme y est pour quelque chose, mais surtout le caractère et la position sociale des membres de la députation. Industriels pour la plupart, ils n'ont ni l'habitude, ni le goût, ni le besoin de ces formes que les aristocraties se plaisent à multiplier, et qui y sont en effet non-seulement des privilèges, mais des garanties et des libertés. Au contraire, ces formes répugnent aux pouvoirs démocratiques, pour qui elles n'ont plus de sens ni d'utilité: et plus ceux-ci ont d'attrait et de puissance réelle, plus ils dédaignent l'apparat et le costume. A la Chambre, les députés causent entre eux avec le laisser-aller du coin du feu; cependant ils votent une loi qui obligera trente millions d'hommes. Ils sont là quatre cents citoyens pour la plupart dans un costume plus que simple et que rien ne distingue; cependant ils sont en fait le premier pouvoir de l'État.
(M. Shaw Lefebvre,président de la Chambre des Communes.)
En Angleterre, la Chambre des Communes, qui, relativement au moins, joue le rôle d'une assemblée démocratique au sein d'une aristocratie, offre un singulier mélange de ce laisser-aller, de ce dédain du costume propre aux démocraties, et du respect de la forme et de la tradition qui caractérisent les pouvoirs aristocratiques. Si on compare, sous le rapport de la tenue, leshonorablesd'outre-Manche et nos députés, quelque turbulents que ceux-ci nous paraissent, ils doivent céder la palme du tumulte, du bruit, du genre débraillé, si je puis m'exprimer de la sorte, à leurs confrères de l'autre côté du détruit. Les journaux anglais eux-mêmes nous peignent, au milieu des séances parlementaires, lesmembers of Parliamentétendus sur leurs bancs, les uns plongés dans un bruyant sommeil, les autres affectant une toux opiniâtre, ou même simulant des cris d'animaux pour interrompre l'orateur du parti opposé. La gaieté de l'Old England,le sarcasme deJohn Bull, s'y montrent dans leur rudesse mordante ou dans leur naïve bonhomie. Rien ne ressemble plus à un pugilat que certaines discussions de la Chambre basse, et, quelque aigreur que nos représentants puissent apporter parfois dans leurs luttes oratoires, ils n'approchent jamais de la franchise toute nue des procédés parlementaires anglais. A côté de cette verve sans frein, il y a toutefois, dans la Chambre des Communes, un pouvoir qui figure l'élément traditionnel et aristocratique, lequel, jusqu'ici du moins, n'a jamais péri en Angleterre. Ce pouvoir, c'est le président, l'orateur, lespeaker. Au centre de cette foule qui s'agite, qui se rue, qui semble n'avoir d'autre règle que la passion du moment, ne voyez-vous pas cette calme et paisible figure, cette robe magistrale, cette perruque à flots blancs, à tournure carrée, qui semble un symbole de l'immobilité? Au milieu de ces habits modernes, négligés, qui dénotent que le costume n'est plus un signe de la position sociale, n'est-ce pas le passé lui-même qui revient au milieu du présent, avec ses solennelles allures, pour présider, comme un aïeul vénérable, les débats de ses petits-fils? Rien de plus original que lespeakerdans la Chambre des Communes: si elle ne se distingue de la nôtre, sous tous les autres rapports, que par du plus ou du moins, lespeakery introduit une différence radicale. Notre président, bien qu'il remplisse à peu près les mêmes fonctions, n'est nullement un personnage analogue. C'est un député comme un autre que rien ne distingue que la place au fauteuil, et qui, lorsqu'il la quitte, peut rentrer dans les rangs sans rien conserver de son caractère. Lespeaker, au contraire, est le président de la Chambre des Communes, et n'en fait pas véritablement partie, ou plutôt il est la figure de l'assemblée tout entière. La masse d'argent posée devant lui, attribut de l'autorité législative, l'appareil quasi-judiciaire de son costume, tout indique en lui la personnification du pouvoir des Communes. Les députés exercent ce pouvoir; lui, il le représente Toutes ses fonctions actives se bornent à ouvrir les séances par la formule de recensement, qu'il termine en se comptant lui-même, à donner la parole, à consulter l'assemblée, etc. Mais ses fonctions passives, si on peut dire, sont de personnifier, de signifier la majesté, l'autorité de l'assemblée qu'il préside. De ces deux sortes de fonctions, le président de la Chambre des Députés n'a que les premières. Sa sonnette, son habit ou redingote (je ne sache pas qu'il lui soit défendu de présider en redingote) ne peuvent rien figurer. Il est le président des représentants d'un pays dans lequel le sentiment de l'égalité prévaut sur celui de la liberté elle-même. Lespeakerest le chef des représentants d'un pays qui ne tient que peu de compte de l'égalité, et qui est pénétré de ce sentiment plastique du costume, de l'apparat, de la cérémonie, évidemment inspiré chez lui par une longue éducation aristocratique.
Chambre des Députés.
Pour qui arrive à la Chambre des Députés avec la résolution de ne voir que les faits actuel, sans la juger au point de vue du droit et de la théorie, l'audition des séances est encore un sujet de graves réflexions. Ces, hommes, à qui la loi a imposé le périlleux devoir de réglementer leurs semblables, ces hommes qui décident en dernier ressort de toutes les questions d'autorité et de liberté, de religion et de morale, d'économie politique et de droit public, du moins dans ce qu'elles ont d'extérieur, pour ainsi dire, et d'applicable à la vue des nations, ces hommes sont-ils par leurs lumières par leurs moeurs, tout à fait à la hauteur de cette mission redoutable? Ont-ils tous à un degré assez élevé l'amour dévoué de l'humanité, eux qui ont une tâche cent fois plus difficile et plus haute que de la gouverner; celle de la régler et de la conduire? Sont-ils tous mus par le sentiment religieux et éclairée de la marche incessante des hommes vers le mieux, sans lequel la loi étroite et injuste devient une barrière qui parque les peuples dans le malheur et dans l'ignorance, au lieu d'être la source féconde de leur amélioration dans la science du bien-être ou dans la science plus importante des moeurs? Il n'entre pas dans nos intentions de faire ici une satire trop facile et trop commune! Aucune malveillance ne nous anime, et ce serait sans vouloir diminuer en rien la sincérité, la dignité, ni les talents d'aucun des membres de la Chambre, qu'après nous être posé ces questions nous hésiterions à les résoudre par une heureuse affirmative. Il n'est que trop vrai que ce terne matérialisme, qui des doctrines philosophiques du dix-huitième siècle est aujourd'hui passé dans les moeurs, et qui forme comme la religion de nos contemporains, est trop fidèlement représenté à la Chambre par la majorité. Qui peut le nier? La majorité y est incrédule et indifférente. Les questions matérielles y ont le pas sur les questions morales: et qu'on ne dise pas que c'est là une nécessité de la politique pratique, une tendance utile qu'il faut encourager plutôt que la restreindre: car, encore qu'il soit hors de doute que les intérêts matériels d'un peuple sont dignes de toutes les méditations du législateur, il n'est pas moins incontestable que les questions d'intérêt matériel elles-mêmes sont susceptibles d'être traitées dans un esprit moral, que dis-je? ne peuvent être complètement et efficacement résolues que lorsqu'un esprit moral les a étudiées, éclairées, agrandies en les rattachant aux questions d'ordre supérieur, dont on ne les sépare jamais impunément. Or, c'est la ce qui manque surtout à la Chambre. Certains économistes peuvent se plaindre qu'elle n'apporte pas assez de lumières spéciales, qu'elle n'obéisse pas toujours dans ses décisions au mouvement progressif de la science contemporaine. Tout en admettant la justice de ces critiques, je dirais volontiers que ce ne serait là qu'un médiocre mal, qu'un mal pour ainsi dire inévitable. Les savants, comme les philosophes, vont toujours plus avant que leur siècle», et on ne peut faire un crime à celui-ci de ne les suivre qu'à pas inégaux. Mais lorsqu'à des lumières spéciales, même assez bornées, se joint un grand sens de la marche de l'humanité, une équitable conscience du droit et du devoir, tout se répare, tout s'accomplit dans une mesure suffisante, rien ne se déchire véritablement dans le tissu de cette grande trame dont Dieu a voulu que les siècles fussent les tisserands. Et, je le répète avec regret, c'est ce génie de l'ensemble, cette compréhension philosophique des choses, cette active et généreuse passion du bien public, ce sont toutes ces vertus essentielles du législateur qui sont souvent à désirer dans l'assemblée de nos représentants. On y est trop porté à n'imaginer que la politique consiste dans le dédain des grands problèmes de notre destinée, et se renferme tout entière dans je ne sais quelle prudence égoïste, quelle administration plus ou moins habile des intérêts de l'industrie, isolée de tous les autres mobiles de l'activité humaine On dira qu'il est impossible que les représentants d'une société engourdie dans le matérialisme aient un autre génie que le genre de la société qu'ils représentent. Sophisme, argument fataliste contre lequel doivent armer tous les nobles instincts. Sans doute il y a dans la loi du développement des peuples une force secrète qui les entraîne, mais cette force n'est pas irrésistible: mais les sociétés, comme les hommes, ne sont elles-mêmes ce qu'elles sont, mais il leur reste toujours l'initiative morale et la puissance nécessaire pour l'accomplir. Que les députés se souviennent que c'est d'en haut que viennent les exemples puissants énergiques, invincibles pour les masses; qu'ils se fassent la généreuse avant-garde de toutes les idées de civilisation, de morale, de droit, d'équité, d'amélioration du sort des classes souffrantes, et, quel que soit le sommeil qui s'est appesanti sur les âmes, le concours de la nation ne leur faillira pas. Nous sommes toujours les fils de ceux qui mouraient pour sauver l'intégrité du pays après avoir fondé sa liberté politique: et jamais les lois de l'honneur, du courage, de l'humanité et du patriotisme, ne seront invoqués avec sincérité et conviction sans éveiller aussitôt dans toutes les fibres de la France un long et immense frémissement.
La critique, s'occupant à l'avance de la tragédie deJudith, tombée lundi dernier au Théâtre-Français, s'étonnait qu'une femme osât aborder le théâtre, et prétendait qu'une telle hardiesse n'avait pas d'exemple dans notre histoire littéraire. Une simple nomenclature prouve que la tragédie nouvelle n'est pas sans antécédents.
La première femme dont il soit parlé dans l'histoire de notre théâtre estMarguerite ne Valois, soeur de François Ier et femme d'Henri d'Albret, roi de Navarre; elle mourut âgée de cinquante-neuf ans, le 18 décembre 1549. Il nous reste d'elle des mystères, des comédies et des farces:les Innocents, la Nativité de Jésus-Christ, l'Adoration des trois Rois, le Désert, la Farce de trop, prou, peu, moins.
Louise Labé, connue sous le nom dela Belle Cordière, suivit de près la reine de Navarre; célèbre par sa beauté et son esprit, elle était encore renommée comme musicienne. Entre autres ouvrages, elle a composé une espèce de drame intitulé:le Débat de la Folie et de l'Amour, où La Fontaine a puisé le sujet d'une de ses plus jolies fables.
Madeleine Desrocheset sa filleCatherine Desrochesparurent vers la même époque. Dans leursOeuvres poétiquesimprimées à Paris en 1578, on trouveTobie, tragi-comédie, et une pastorale à six personnages; on a aussi imprimé sous leur nom la tragédie dePanthée, jouée par les comédiens de l'hôtel de Bourgogne; mais on attribue généralement cette pièce à Jules de Guersans, avocat au parlement de Rennes, amant malheureux de Catherine Desroches.
Pendant le fameux siège de La Rochelle, en 1573, sous Charles IX, les assiégés, qui se comparaient volontiers, dans leur campagne biblique, au peuple fidèle de Bethulie, accueillirent avec enthousiasme une tragédied'Holopherne.Cette pièce, qu'il serait sans doute curieux de comparer avec laJudithde madame de Girardin, était aussi l'oeuvre d'une femme, épouse d'un des chefs du parti calviniste, deCatherine de Parthenay, vicomtesse de Rohan.
Le dix-septième siècle a donné au théâtre un assez grand nombre de femmes auteurs; parmi elles on compte mademoiselleCosnard, auteur de la tragédie desChastes Martyrs;madame deSaint-Balmont, qui fit celle deMarc et Marcellin;Françoise Pascal, dont on a joué l'Endijmionet leVieillard amoureux, pièce comique en vers de quatre pieds. Mais une femme plus connue que celles que nous venons de citer est madamede Villedieu(Marie Hortense Desjardins), dont les romans rendirent à la littérature contemporaine le service de faire passer le goût de ceux de Scudéri et de La Calprenède; en l'année 1662, elle fit représenter une tragédie deManlius Torquatus, bientôt suivie de celle deNitétiset duCarrousel du Dauphin: cette dernière pièce resta moins long-temps au théâtre que les précédentes.
Les Petits Moutons de madameDesnoulièresl'ont assurément rendue plus célèbre que sa tragédie deGenséric, jouée sans aucun succès, en 1680, par la troupe de l'hôtel de Bourgogne.
Parente des deux Corneille, mademoiselleBernardcrut sans doute que le talent dramatique appartenait à toute sa famille; elle fit représenter deux tragédies:Laodamie, en 1689, etBrutus, en 1691. Nous mettons sous les yeux de nos lecteurs un passage de cette dernière pièce, que Voltaire n'a pas dédaigné d'imiter: