LES STATUES DE PARIS--VAlphandAvenue du Bois-de-Boulogne.LamartineSquare Lamartine.Benjamin GodardSquare Lamartine.Eugène ManuelLycée J. de Sailly, av. H. Martin.Washington et LafayettePlace des États-Unis.Horace Wells et Paul BertPlace des États-Unis.FranklinSquare Franklin.WashingtonPlace d'Iéna.Victor HugoPlace Victor-Hugo.Dumas, pèrePlace Malesherbes.Dumas, filsPlace Malesherbes.Jean LeciaireSquare des Epirettes.Maria DeraismesSquare des Epirettes.Eugène FlachatCarrefour Brémontier.Alain ChartierRue de Tocqueville.Alphonse de NeuvillePlace Wagram.SerpolletPlace Saint-Ferdinand.Henry BecqueBoulevard de Courcelles.Chevalier de la BarreRue Lamarck.André GillRue des Martyrs.MaratParc des Buttes-Chaumont.Général DumasPlace Malesherbes.Le NôtreJardin des Tuileries.Jean MacéPlace Armand-Carrel.Dr MétivierSquare Tenon.Phot. René Millaud.A LA MANIÈRE DE PÉGOUDPégoud a aujourd'hui des émules en «haute école» aérienne. Le succès de ses sensationnelles acrobaties a excité l'ambition des autres aviateurs, et toute une audacieuse phalange de «boucleurs de boucle» s'est formée, depuis quelques semaines, rivalisant de virtuosité et d'adresse avec le créateur du genre... Ils seront bientôt une dizaine à savoir voler «la tête en bas»: successivement Garros, Chevillard, Hanouille, Domenjoz, Chanteloup, Tabuteau, ont désiré, et conquis, les lauriers de Pégoud. Et, venu d'Angleterre, Hucks a renouvelé brillamment ses périlleux exercices.Un de ses compatriotes, l'aviateur Lee-Temple, s'entraîne, lui aussi, en ce moment, pour les vols renversés, --et de la plus originale façon. Sans doute est-il nécessaire, avant de tenter l'expérience, de s'habituer à la position peu naturelle qu'exige le «looping». Méthodique et prévoyant, M. Lee-Temple se fait attacher, par de solides cordes, à une chaise, qui, suspendue, les pieds en l'air, à une barre de fer, figure assez bien le siège du pilote à l'instant où l'aéroplane glisse sur le bombé des ailes: et ainsi s'accoutume-t-il, comme le montre une de nos gravures, aux émotions de la voltige aérienne. Ce n'est pas à un semblable entraînement que se livre l'aviateur représenté, en singulière posture, sur l'autre photographie. Lorsque, après avoir bouclé la boucle, le 15 novembre, à l'aérodrome de Buc, Hucks revint à Londres, il fut, sur le quai de la gare de Charing-Cross, bruyamment acclamé par ses amis, et porté en triomphe... la tête en bas. La réception était peu banale; elle donna lieu à des scènes de joyeux tumulte, où l'on n'eût pas reconnu le traditionnel flegme britannique.Pour apprendre à voler la tête en bas: l'entraînement quotidien de l'aviateur Lee-Temple.L'aviateur Hucks, imitateur anglais de Pégoud, porté en triomphe, la tête en bas, à son retour à Londres.LA VIEILLESSE DE L'EXILÉ.--Un orang-outang de Malaisieencagé au Jardin zoologique d'Amsterdam.Phot. A.-J. W. de Veer.]C'est un singe très vieux, et l'on serait tenté de dire, très vénérable, tant l'âge lui a conféré de sérénité majestueuse. Tout récemment, dans notre numéro du 25 octobre, nous avons publié l'image, amusante comme une caricature, d'un perroquet plus que centenaire, que les années avaient bizarrement déformé: elles ont, tout au contraire, marqué la face qui apparaît à cette page d'une expression singulièrement grave et solennelle. Ce doyen de la gent simiesque semble chargé d'expérience et de sagesse; et dans ses yeux luit un étrange regard, presque humain... Il achève aujourd'hui sa longue vie dans une cage du Jardin zoologique d'Amsterdam, auquel il fut donné naguère par le sultan de Serdang. On sait seulement de lui qu'il appartient à l'espèce des orangs-outangs, et qu'il est originaire d'une des îles de la Malaisie, sans doute Bornéo ou Sumatra; il mesure 1 m. 20 de hauteur, et la longueur de ses bras, du bout des doigts jusqu'à l'épaule, est de 78 centimètres. Bien que doué d'une force redoutable, il se montre généralement fort docile. Mais il faut prendre garde de l'irriter, car il n'est pas aussi philosophe qu'il en a l'air.CE QU'IL FAUT VOIRPETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER A PARISBeaucoup d'académiciens viendront se promener, ces jours-ci, place Saint-Georges.Deux inaugurations avaient, en ces derniers temps, appelé l'attention sur cette place: il y a quelques années, celle du monument de Gavarni et, plus récemment, celle d'une station du Nord-Sud... L'inauguration de cette semaine fut celle d'une bibliothèque publique, ou à demi publique, pourrait-on dire, et qui devient une annexe de celle de l'Institut.L'entrepreneur Dosne ne se doutait guère --quand la place Saint-Georges fut ouverte, en 1824, sur des terrains qu'il possédait à cet endroit--des augustes destinées (augustes, et tragiques un instant!) que réservait l'avenir à sa maison! L'une des filles du riche entrepreneur allait être Mme Thiers; et ainsi, sur l'hôtel Dosne, devenu l'hôtel Thiers, devait, quarante-six ans plus tard, s'abattre la fureur des communards. La Commune avait ordonné la confiscation des biens de Thiers; elle ordonna la destruction de sa maison, en même temps qu'elle jetait à terre la colonne Vendôme. Mme Louise Michel, dans l'histoire de la Commune qu'elle a publiée dix-sept ans après ces lamentables événements, écrivait: «...La maison de Thiers, démolie, avait empli la place Saint-Georges de la poussière de ses nids à rats. Elle devait lui rapporter un palais.»La maison de Thiers contenait-elle autant de nids à rats que le laisse entendre Mme Louise Michel? Ce point n'a pas été fixé par l'Histoire. Ce qu'on sait, c'est que la reconstruction de l'immeuble détruit fut, aussitôt après la Commune, votée par le Parlement; que l'architecte Aldrophe fit de cette maison non pas «un palais», mais une demeure charmante, digne de l'homme illustre dont elle était le foyer, et de la Compagnie qui devait plus tard en être l'héritière. Mlle Dosne a, en effet, donné à l'Institut de France, il y a neuf ans, la maison dont elle était restée, après la mort de Thiers, la seule occupante; en même temps que l'hôtel, elle léguait à l'Institut la bibliothèque d'histoire de l'ancien Président, et une somme importante destinée à l'achat de nouveaux ouvrages. C'est cette bibliothèque qui s'est ouverte mardi dernier pour la première fois. Le legs de Mlle Dosne a permis à la commission académique, chargée de l'administrer, d'intéressantes acquisitions, notamment celle de la collection militaire et napoléonienne d'Henry Houssaye. Vingt mille volumes s'y trouvent aujourd'hui rassemblés.On dit que l'hôtel de la place Saint-Georges n'ouvrira ses portes que trois fois par semaine, et l'après-midi, aux personnes munies de l'autorisation d'y venir travailler.Nous réclamons en faveur des simples visiteurs, de tous ceux pour quiregarder Parisest la plus noble et la plus intelligente des façons de flâner, le droit de pénétrer dans cette maison, et d'en faire le tour, comme on fait le tour d'un musée. Il serait tout naturel que l'Institut nous reçût, au moins de temps en temps, chez Thiers, place Saint-Georges, comme il nous reçoit chez le duc d'Aumale, à Chantilly.Un souvenir: au centre du carrefour qui devint en 1824 la place Saint-Georges, il y avait un bassin minuscule qu'affectionnaient les deux petites filles de l'entrepreneur Dosne. Celui-ci spécifia formellement que ce bassin serait respecté. Il l'a été... jusqu'au jour où la construction du Nord-Sud obligea les ingénieurs à le supprimer. L'entrepreneur n'avait pas prévu le vilain tour que devait lui jouer le progrès des sciences. Ses enfants non plus! Mais aucun d'eux n'est plus là pour en ressentir le chagrin.** *Un Salon chasse l'autre. La Société des Amis de l'Eau-Forte a organisé à la galerie Devambez une Exposition extrêmement intéressante, qui durera quelques jours,--jusqu'à jeudi. Avis aux retardataires... amis de l'eau-forte.A la galerie des Artistes modernes, c'est leVieux Parisqu'il faut aller voir.M. Charles Jouas est un enfant de Paris, très attaché je ne dirai pas à son clocher, mais à ses clochers (car nous en avons, à Paris, plus de quatre-vingts); et l'on trouvera dans son oeuvre une interprétation tout à fait intéressante, originale, spirituelle, du Paris contemporain, en même temps que la restitution si fidèle, et presque émouvante quelquefois, du Paris d'autrefois, de ces «décors du passé» sur lesquels Henri Lavedan a tellement raison de ne voir qu'avec terreur s'appesantir davantage, d'année en année, la main des embellisseurs officiels de Paris. Notre-Dame, le musée de Cluny, Saint-Julien le Pauvre, Saint-Séverin... sans doute nos embellisseurs ne sauraient toucher à tout cela; mais le Pont-Neuf, la place Dauphine, et tant d'autres morceaux délicieux et vénérables de notre Cité, de notre Ile Saint-Louis, dont M. Charles Jouas a si profondément compris, si joliment exprimé le charme auguste et familier tout ensemble, sommes-nous bien sûrs qu'ils survivront longtemps au besoin terrible qu'on a de lesrestaurer?...Déjà cette restauration redoutable est entreprise au quai des Orfèvres; on est en train d'y achever les agrandissements du Palais de Justice; et j'entends des artistes, des amoureux du vieux Paris se lamenter sur cet ouvrage... Sur le quai, des échafaudages enveloppent une inquiétante tour de pierre, dont l'architecture était appréciée, ces jours-ci, en termes plutôt amers, par M. André Hallays, un écrivain dont la compétence en ces matières n'est contestée par personne. Sur le boulevard du Palais, la surprise est plus douloureuse encore: derrière les murs de la façade neuve, la flèche de la Sainte-Chapelle a disparu presque tout entière... Les Parisiens ne pourraient-ils être prévenus de telles aventures avant qu'elles s'accomplissent? La semaine prochaine, nous serons conviés par M. Léon Bérard à venir «juger», à l'École des beaux-arts, les acquisitions faites par l'État, depuis un an, dans les expositions et les ventes. Excellent usage. Mais pourquoi, de même, l'usage ne s'établirait-il--je pose respectueusement la question à M. le sous-secrétaire d'État--d'exposer, quelques mois avant l'exécution, les maquettes des travaux d'architecture qui menacent la beauté des villes? On demande au contribuable son avis sur les incommodités(de commodo et incommoda)d'une usine qu'on va bâtir. Quant à ce qu'il pense du monument qui va s'ériger pour des siècles sur le sol de son pays, on n'en a cure. Est-ce bien juste?Un Parisien.AGENDA (29 novembre-6 décembre 1913)Expositions.--Grand Palais: Salon d'automne.--Galerie Devambez (43, boulevard Malesherbes): exposition des Amis de l'Eau-Forte (jusqu'au4 décembre).--Galerie La Boétie (64 bis, rue La Boétie): Association des Artistes de Paris.--Cercle de la Librairie (117, boulevard Saint-Germain): exposition d'oeuvres des membres de l'Association amicale et professionnelle de graveurs à l'eau-forte.Ventes d'art.--Galerie Georges Petit (8, rue de Sèze), les1er, 2, 3 et 4 décembre, vente de la collection Édouard Aynard, tableaux anciens et modernes, objets de haute curiosité et d'ameublement--Galerie Manzi-Joyant (15, rue de la Ville-l'Evêque), les8 et 9 décembre, deuxième et dernière vente de l'atelier de J.-B. Carpeaux, sculptures originales, tableaux et dessins.Ventes de charité.--Le30 novembre, au ministère de la Justice, vente au profit de l'Oeuvre de la Pouponnière.--Les5 et 6 décembre, dans l'ancien hôtel Gaillard (place Malesherbes), vente annuelle au profit de l'Union des Femmes de France.La bibliothèque Thiers.--La bibliothèque Thiers est maintenant ouverte, les mardis, mercredis et jeudis, aux porteurs d'une recommandation écrite d'un membre de l'Institut.Cours et conférences.--Cours: à la Société française de photographie (51, rue de Clichy), le mercredi à 9 heures du soir, cours public de photographie par M. E. Cousin.--Conférences: salle Gaveau (45, rue La Boétie): le2 décembre, à 9 heures du soir,l'Orient de Pierre Loti, causerie avec projections en couleurs de M. Gervais-Courtellemont; le4 décembre, à 3 heures:Promenade dans le vieux Paris, par M. Georges Cain.--Société des Conférences (184, boulevard Saint-Germain): le3 décembre, à 2 h. 1/2, leDuel et la Mort de Pouchkine, par le marquis de Ségur; le 5, lesNouveaux musées de Paris, par M. Emile Bertaux.--Université desAnnales(51, rue Saint-Georges), à 5 heures: le1er décembre. Leurs caricatures, par M. Sem; le 2, l'Enfance d'un petit roi, par M. Batifol; le 3,Victor Hugo(le théâtre romantique), par M. Jean Richepin; le 4, laMaison du berger, par M. Emile Faguet; le 5, lePeintre d'Anvers, par M. Henry Roujon.Concerts.--Église de la Sorbonne (Association des concerts spirituels de la Sorbonne), le30 novembre: leMessie, de Haendel.L'Exposition de l'aéronautique.--Le5 décembre: au Grand Palais, ouverture de l'Exposition internationale de locomotion aérienne.Sports.--Courses de chevaux: le 29 novembre, Vincennes; le 30, Auteuil (prix la Haye-Jousselin); le1er décembre, Saint-Ouen; le 2, Auteuil; le 3, Compiègne; le 4, Auteuil; le 5, Saint-Ouen.--Cyclisme: au Palais des Sports, les29 et 30 novembre, course de vingt-quatre heures à l'américaine.LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS«LE ROMAN MERVEILLEUX»Il est bien vrai que, parfois, les morts parlent. Et leurs voix nous émeuvent d'une émotion singulière lorsqu'elles proclament, comme une révélation décisive de l'au delà , la beauté de la vie. Le fantôme, le doux fantôme, pas encore lointain, toujours familier, qui nous entretient aujourd'hui, c'est Pierre de Coulevain. Le roman posthume, que publient ses éditeurs[2], s'appelle leRoman merveilleux.Note 2: Calmann-Lévy, 3 fr. 50.Ce livre, au contraire de beaucoup d'autres livres soudainement éclos sur une tombe, appartient tout entier à la pensée de Pierre de Coulevain. Et, jusqu'à la dernière ligne, il est de sa plume. Ce volume-ci, écrivait l'«errante», en ses notes de Lausanne, me sera-t-il donné de l'achever? J'en doute. Il m'achèvera, lui, je crois.» Pierre de Coulevain n'est plus, et le livre qu'elle eut le temps de finir naît à la vie des livres presque au lendemain du Jour des Morts, à l'instant même où une modeste colonne du souvenir vient de marquer d'un signe et d'un nom la sépulture anonyme du cimetière de Territet.Le monument de Pierre deCoulevain au cimetière deTerritet.--Phot. A. Schneeg.LeRoman merveilleuxsera, pour les amis inconnus de Pierre de Coulevain, comme une dernière pensée de l'éminente disparue. En ces pages, qui n'auront pas de suite, l'auteur deSur la Branche, si peu encline jusqu'alors aux confidences personnelles, nous livre, sur sa vie, sur sa jeunesse, sur le mystère de sa destinée, quelques lueurs dont s'éclaire la lente préparation de son oeuvre d'écrivain. «La nature, dit-elle, m'avait donné un jeu assez complet de cellules littéraires avec défense de m'en servir. De fait, pendant les trois quarts de ma vie, elles ont été stériles... stériles mais non pas inactives, je m'en rends compte aujourd'hui. Elles ont tout le temps capté des impressions, des images, amassé des matériaux sans nombre, et, à l'heure voulue, elles ont produit... ce qu'elles devaient produire. Elles ont rendu mon enfance bizarre, «originale», mon adolescence difficile, ma jeunesse douloureuse. Elles m'ont inspiré une ambition démesurée, un besoin de beauté, de luxe, de bien-être que je ne pouvais satisfaire. Elles ont affecté mon caractère, ma destinée, elles auraient pu me jouer de mauvais tours si d'autres forces, en parfait équilibre physique, une gaieté triomphante, le sens humoristique ne les avaient tenues en respect. Elles étaient inconfortables, mais amusantes; grâce à elles je n'ai jamais connu l'ennui. Elles ont bien pu faire de moi une romanesque cérébrale, non une romanesque sentimentale, à cela je dois mon salut.»Et Pierre de Coulevain nous apprend que, dès sa quinzième année, elle écrivit son premier roman sur un cahier d'écolière. Ce roman, naturellement, est un roman d'amour. L'héroïne, au moment de son mariage, «a sur le visage le radieux éclat de l'amour». Elle épouse un officier de marine, car les marins avaient alors--comme aujourd'hui les explorateurs--une grande place dans les rêves des jeunes filles. Or, il advient que cet officier reprend la mer deux mois après les noces. Il demeure absent pendant cinq années, et, quand il rentre dans son foyer, il y trouve trois petits enfants «que Dieu lui avait envoyés pour le dédommager de son exil». «Je suis étonnée, ajoute Pierre de Coulevain, de n'en avoir pas mis une demi-douzaine, tant que j'y étais». Et voilà comment, à quinze ans, l'auteur duRoman merveilleuxcomprenait le romanesque conjugal.** *LeRoman merveilleux, c'est le Roman de la Vie, la vie dans toutes ses réalités «terriennes», dans toutes ses manifestations de joie ou de deuil, dans tous ses élans vers l'idéal. Ce livre est un véritable essai philosophique. Les proportions en sont vastes, ambitieuses, certes, et faites, avoue son auteur, pour décourager une simple romancière. Il ne s'agit de rien moins, en effet, que de nous donner une révélation des buts de la vie, de nous expliquer les religions, l'amour, la mort, avec des incursions dans le domaine des arts, des sciences et des lettres. Tout cela est beaucoup pour une seule femme, voire pour une experte moraliste. On sent la pensée qui se raidit à se rompre et le style qui se tend avec la pensée. Ce n'est plus la conversation charmante et familière deSur la Brancheou del'Ile inconnue. Le dialogue devient monologue et la causerie prend des allures de conférence.... Tout concourt dans l'univers à une oeuvre divine, et nous sommes, nous, les Terriens, les ouvriers admirables de cette oeuvre. Tout en poursuivant nos chimères qui sont nos destinées, nous travaillons à l'oeuvre divine. Notre libre arbitre n'existe pas et voici l'une des preuves, au moins ingénieuse, qui nous est donnée:«Vous n'ignorez pas l'influence de la température sur l'homme, sur sa santé, sur ses actes, sur sa pensée même; essayez donc de faire monter ou descendre le baromètre, ou le thermomètre. Les deux petits instruments enregistrent des forces devant lesquelles tout le genre humain est impuissant, ils devraient suffire à nous démontrer l'inanité du libre arbitre.»Nos défauts et nos qualités, nos vices et nos vertus sont autant de «forces psychiques». «Ce sont les cartes avec lesquelles se joue le jeu de la vie. Il y en a qui sont de gros atouts, il y en a qui font gagner la partie, il y en a qui la font perdre, et elles sont toutes nécessaires.» Ce déterminisme, d'ailleurs, selon Pierre de Coulevain, ne doit pas être confondu avec le fatalisme. Nous ne sommes point créés pour nous croiser les bras. Nous vivons «pour faire quelque chose», ou du mal ou du bien. Oui, mais alors où est la justice divine? «Dans la grâce d'état qui aide le malheureux à supporter sa peine, dans les forces qui le pénètrent, dans les réincarnations qui l'attendent.» Jansénisme, spiritisme, métempsychose. Tout cela un peu brouillé, confus, contradictoire même, mais où l'on sent la volonté convaincue de nous intéresser à la grande oeuvre où nous jouons notre rôle, de nous faire accepter nos peines, utiles à cette oeuvre, et de nous imposer l'indulgence pour les défaillances humaines. LeRoman merveilleuxest un livre de sérénité. Il mêle son parfum au grand souffle d'optimisme que, avec des pensées et des expressions tellement différentes, les Bergson, les Maeterlinck, les Jean Pinot, ont mis dans notre littérature d'idées.En achevant ce livre qui l'avait épuisée, et au moment où elle pensait aller se reposer à Rome, Pierre de Coulevain fut saisie de funèbres pressentiments: «Je sais, écrivait-elle, combien s'est aminci le fil de ma vie... il me semble que, par moment, j'entends ricaner la sinistre ouvrière du destin, celle qui doit le couper... Oh! l'horrible femme! Elle trouve sans doute qu'elle a été bien gentille de tarder si longtemps... mais quitter la vie, alors que je la vois si immense, belle d'une immortelle beauté, c'est dur! Le courage me viendra. Si c'est à Rome que je dois succomber...»Pierre de Coulevain devait recevoir à Lausanne même, près de son cher Léman, la visite immédiate de la sinistre, de l'horrible femme... Pierre de Coule van est morte avant d'avoir pu faire le voyage de Rome.Albéric Cahuet.LA QUESTION DE LONGWOODNotre article du 15 novembre sur les Domaines français de Sainte-Hélène, la publication de ces irrécusables témoignages que sont les photographies de Longwood abandonné, ont vivement impressionné le publie et la presse.Les premiers, parmi nos confrères, leMatindu 15 novembre, et leJournal, du 18, ont donné à la situation dénoncée par notre collaborateur Albéric Cahuet, la grande publicité de leurs colonnes. LePetit Journal, sous la signature de M. Jean Lecoq, lui consacre son premier Paris du 22 novembre. Sur l'abandon définif de Longwood, notre confrère écrit:«Ce sera pour notre pays la pire des hontes. Mais qu'importe!... L'administration aura fait 9.000 francs d'économie qu'on pourra employer à créer un nouveau poste pour quelque fonctionnaire bien en cour...»Dans un article de première page del'Éclair(21 novembre), M. Georges Montorgueil observe:«Nous sommes peu enclins à remplir les grands devoirs du souvenir. Ce sont les affronts que nous recevons de l'étranger qui nous les rappellent. Des Anglais ont demandé à entretenir la maison de la captivité et le tombeau. Nous n'avons pas osé officiellement nous débarrasser sur eux d'un tel soin. Jusqu'à hier, nous préférions encore le remplir...»M. Étienne Charles, dans laLibertédu 22 novembre, après avoir envisagé la question en un substantiel article, conclut, avec éloquence:«Les descriptions et les photographies que M. Albéric Cahuet publie dansL'Illustrationnous montrent la maison de Longwood déjà réduite à l'état de maison croulante, faute d'un crédit suffisant pour l'entretenir... La France a fait un musée de la maison natale de Napoléon Ier à Ajaccio. Elle veille jalousement à la conservation, dans l'état où ils étaient du temps qu'il les habitait, des appartements qu'il occupa à Fontainebleau, à Compiègne, au Grand-Trianon. Elle a transformé la Malmaison, où il passa les plus heureuses de ses années et d'où il partit pour son dernier exil et pour la captivité, en musée napoléonien. Elle recueille pieusement ses souvenirs qui attirent par milliers les visiteurs non seulement dans ces palais et ces logis plus modestes, mais encore au musée de l'Armée et au musée Carnavalet. Elle étale à Versailles et au Louvre, sous les yeux du public, le spectacle de ses victoires. Elle est fière de dresser sur l'une des plus belles places de Paris la colonne Vendôme qui proclame sa gloire. Elle fait à tous les visiteurs impériaux, royaux ou princiers, les honneurs de son tombeau des Invalides. Va-t-elle laisser périr la maison où il est mort après un martyre de cinq années dont l'humanité rougit encore comme d'une honte qui l'atteint tout entière?»Il nous faut ajouter aussi que, dès que l'abandon imminent a été signalé au public, de touchantes et multiples protestations nous sont parvenues par lettres. La plupart demandent que l'on fasse appel à d'initiative privée pour suppléer à l'indifférence de l'administration. M. Paul Robiquet, dont le grand-père, Louis-Édouard Lemarchand, ancien officier de Waterloo et fournisseur du mobilier de la couronne sous le roi Louis-Philippe, confectionna le dernier cercueil de l'Empereur, propose de transformer en musée la modeste et légendaire demeure de Longwood. Et il offre, comme premier don, une réduction du cercueil en ébène, identique à celle dont il a déjà fait don au musée des Invalides.Enfin, d'autres lettres nous apportent cette certitude que la fonction, si peu rémunérée, de conservateur des domaines français dans l'île perdue peut encore trouver des candidats français. Notamment, un capitaine en retraite, chevalier de la Légion d'honneur, propose d'aller continuer à Sainte-Hélène la tradition des conservateurs militaires du tombeau impérial. Et il y aura, nous en sommes certains, d'autres volontaires.Avec un peu de bonne volonté, on n'en sera donc pas réduit à confier la garde de ce domaine sentimental de la France à un insulaire illettré, ignorant notre langue et étranger à notre âme nationale. Et nous voulons nous persuader aussi que le gouvernement, éclairé maintenant sur la situation lamentable de Longwood, et convaincu de l'émotion que provoquerait en France un abandon définitif, se décidera à relever les premières ruines.DOCUMENTS et INFORMATIONSMangé par les anthropophages.Il y a quelques mois, une pénible nouvelle nous arrivait de la Côte d'Ivoire: un commerçant français, M. Huberson, avait été surpris par des anthropophages, mis à mort, et dévoré. La photographie reproduite ici, dont nous devons la communication, avec d'intéressants renseignements, à un de nos abonnés, M. le docteur Teste, évoquera cet affreux drame, heureusement fort rare.Deux des anthropophages de la Côte d'Ivoire qui ontdévoré un commerçant français, M. Huberson.C'est en août dernier que M. Huberson, qui se livrait au négoce, à ses risques et périls, et malgré des avertissements répétés, sur le territoire du Haut-Cewally, dans le pays Guère, fut attaqué, à la tombée du jour, par une bande de rebelles; il tenta de se défendre, mais sans doute le fusil Browning dont il se servait ne fonctionna-t-il pas. Et les sauvages purent ainsi s'emparer de lui.On ne tarda pas à apprendre sa disparition et les circonstances de sa fin: un officier, à la tête d'un détachement de tirailleurs, se mit aussitôt à la poursuite des coupables. Il réussit à les cerner, et à en prendre deux vivants; la plupart des autres étaient tombés sous les balles de nos soldats.Le plus grand des prisonniers--celui qui figure à gauche sur la photographie--a fait des aveux complets, et a conté dans le détail les agapes auxquelles donna lieu la capture du blanc. On a donc eu l'horrible certitude que notre vaillant mais téméraire compatriote a été dévoré par ces monstres, dont la soumission se poursuit au milieu des plus grandes difficultés.Troncs d'arbre lumineux.Un de nos abonnés, M. Broquet, nous signale un phénomène curieux qu'il a observé récemment à la campagne.Un soir, on venait de rentrer dans une grange des troncs de châtaigniers, âgés d'une quinzaine d'années et qui, coupés dix mois auparavant, avaient été laissés couchés dans les bois, exposés aux intempéries. Comme il avait plu toute la journée, on se mit à les écorcer pour éviter qu'ils péchassent difficilement.Or, à mesure que les arbres étaient écorcés, ils s'éclairaient du haut en bas de lueurs presque ininterrompues. Les morceaux d'écorce eux-mêmes étaient lumineux en de nombreux points de leur surface interne. Ces lueurs permettaient de lire sur le cadran d'une montre.On a déjà observé pareil phénomène sur de vieux bois ou même sur les vieilles souches; il paraît dû à un champignon microscopique dont le développement est favorisé par la décomposition de l'arbre et de son écorce. Mais on peut se demander comment il s'est manifesté sur des arbres qui, quoique abattus depuis dix mois, présentaient les apparences d'un bois sain.La levure alimentaire.Il y a quelques années, l'industrie allemande imagina d'utiliser la levure pour la nourriture des chevaux, des vaches, des porcs et de la volaille. Mais ce débouché n'a point paru suffisamment rémunérateur, et l'on cherche à introduire dans l'alimentation humaine de la levure convenablement purifiée. La chose a une grande importance pour les brasseurs allemands. Ces industriels, en effet, emploient une partie minime de la levure qu'ils produisent; ils disposent annuellement d'un excédent de 70.000 tonnes.La boulangerie n'utilisant plus qu'une levure spéciale, on a d'abord préparé avec les levures de brasserie des extraits destinés à remplacer les extraits de viande. Ce nouvel aliment ayant eu peu de succès auprès des estomacs teutons, on s'est borné à faire sécher la levure et à obtenir ainsi une nourriture pour le bétail aisément transportable. Cette nouvelle industrie est déjà prospère: on compte 26 usines de séchage de levure, et le prix de la levure sèche a passé de 22 francs à 29 francs le quintal.Les chimistes veulent faire encore mieux. En débarrassant la levure sèche des principes amers de la bière, ils obtiennent un aliment facile à assimiler, représentant, disent-ils, la valeur de plus de trois fois son poids de viande de boeuf, et dont le prix atteint 6 fr. 20 le kilo.Le travail d'un faucheur.Un bon faucheur peut mener un train de coupe large de 1 m. 80 à 2 m. 20 sur une profondeur de coutelée qui est de 0 m. 20 environ. Chaque coup de faux rase donc une surface de 2,20 X 0,20 = 40 décimètres carrés. L'ouvrier donne en moyenne 25 coups de faux à la minute. Si l'on fait abstraction de toutes les pertes de temps, aiguisage et battage de la faux, retours et reprises du train de coupe, repas, arrêts divers, etc., il ne reste guère que six heures de travail effectif. Pour ces six heures un bon faucheur peut abattre Om. q. 40 X 25 X 60 X 6 = 36 ares.Un monument à Annenkof.La Russie vient d'acquitter une vieille dette de reconnaissance en élevant, à Samarcande, un monument au général Annenkof, créateur du chemin de fer transcaspien, mis en service en 1887, et promoteur du Transsibérien.Le monument du généralAnnenkof à Samarcande.--Phot. Guikitine.Ce monument, assez simple, comme on le voit sur la photographie ici reproduite, perpétuera le souvenir de l'un des hommes les plus énergiques et les plus audacieux qu'ait enfantés la Russie: celui qui lança sur l'Amou-Daria, l'antique Oxus, pour le passage du rail, un simple pont de bois de 3 kilomètres et demi, était certes d'âme hardie.L'inauguration du monument a eu lieu le 3 novembre dernier (21 octobre vieux style). Elle a revêtu un caractère de grande solennité.L'empereur Nicolas y était représenté par l'un de ses aides de camp, le général prince Vassiltchikof, qui, au nom de son souverain, déposa au pied du monument une superbe couronne en argent. Le général Samsonof, gouverneur général du Turkestan, présidait la cérémonie, à laquelle assistaient Mlles Annenkof, les deux filles du général, et le vicomte de Vogué, son neveu, fils du vicomte Eugène-Melchior de Vogué, de l'Académie française, lequel avait épousé une soeur du général Annenkof. Les splendides costumes du représentant de l'émir de Boukhara et des hauts dignitaires de sa suite donnaient, sous le soleil éclatant, une note de brillant pittoresque. Et la chute du voile qui recouvrait la statue fut le signal d'un impressionnant défilé des troupes, sous les ordres du représentant du tsar.Rectifications.Dans l'article que nous avons consacré, dans notre numéro du 15 novembre, au mariage de Nijinsky, nous avons dit que le célèbre danseur russe avait épousé une jeune fille «appartenant à une riche famille russe», Mlle Pulska. Un de nos plus notables confrères de Budapest nous informe que celle-ci descend d'une très honorable et ancienne famille hongroise: son père a été directeur des musées de Hongrie, et sa mère, écrit notre confrère, est «la première comédienne de notre théâtre national».Sous le portrait du président de la République mexicaine qu'a publiéL'Illustrationla semaine dernière, et dans l'article qui le concerne, c'estVictorianoHuerta qu'il fallait lire, au lieu deVittoriano, qui est de consonance italienne.A propos du procès de Kief, que nous avons signalé dans notre numéro du 15 novembre, le directeur del'Univers Israélitenous écrit que le meurtre du jeune Youtchinsky a été, d'après le jugement, commis dans une fabrique «de tuiles».Le chef pilote Perreyon.LES DEUILS DE L'AVIATIONC'est avec une douloureuse stupeur que le monde des sports a appris la chute mortelle de l'aviateur Perreyon, chef pilote de l'école Blériot. Depuis plusieurs années, en effet, Perreyon occupait avec une maestria incomparable un poste des plus périlleux; chargé d'essayer les nouveaux appareils et d'assurer leur mise au point définitive, il se trouvait exposé presque chaque jour à des dangers imprévus bien supérieurs aux risques que court, dans ses plus grandes audaces, un bon pilote montant un appareil éprouvé et qu'il connaît bien. Mais sa prudence et son habileté, comme aussi sa parfaite intelligence de la navigation aérienne, semblaient le mettre à l'abri de la chute banale où périt trop souvent un aviateur insuffisamment entraîné.C'est pourtant un accident de ce genre qui a causé sa perte. Perreyon essayait, pour la première fois, à l'aérodrome de Buc, un appareil d'un modèle inédit: un monoplan à deux places de front, pourvu d'un moteur de 100 chevaux placé derrière les pilotes. L'avion évoluait normalement à une quinzaine de mètres de hauteur lorsqu'on le vit tout à coup piquer du nez et venir se briser sur le sol, écrasant le mal heureux pilote. On suppose que Perreyon, voulant atterrir, ne put se redressera temps.Cet aviateur hors ligne, était âgé de trente et un ans. Se consacrant tout entier à l'école Blériot, il cherchait peu les occasions de succès personnel. Il s'était pourtant signalé à l'attention du grand public en s'adjugeant plusieurs records sensationnels: record de hauteur par 5.880 mètres; record de hauteur avec passager, par 4.920 mètres; record de distance avec passager par un raid de 1.200 kilomètres Turin-Rome-Turin. Il y a quelques jours, il avait à son tour bouclé la boucle.Le capitaine Denis deLagarde.--Phot. Otto.Sa fin tragique a particulièrement ému notre maison. C'est, en effet, Perreyon qui avait monté, pour les épreuves de réception, le monoplanServir, offert à l'armée parL'Illustration, et qui a été affecté au centre du camp d'Avord.Quelques jours avant, un accident analogue mettait en deuil le corps des aviateurs militaires. Le capitaine d'artillerie Denis de Lagarde, attaché au centre d'aviation de Reims, venait d'être nommé à Villacoublay; il se rendait à son nouveau poste par la voie des airs. En voulant atterrir à l'aérodrome de Buc, il fut, croit-on, pris dans un remous; l'appareil capota et le malheureux officier fut tué sur le coup. Le capitaine de Lagarde était un des plus jeunes aviateurs de son grade. Technicien de valeur, il s'occupait spécialement du fonctionnement de la télégraphie sans fil à bord des avions, et il avait imaginé plusieurs dispositifs présentant un réel intérêt.EN NOUVELLE-CALÉDONIELe 24 septembre 1853, le contre-amiral Febvrier-Despointes, commandant en chef de nos forces navales en Océanie, ayant son pavillon sur lePhoque, prenait possession, au nom de la France, de la Nouvelle-Calédonie: l'anniversaire de cette annexion a été célébré, il y a deux mois, à Balade, par l'inauguration d'un monument commémoratif,--une simple pierre portant une inscription et deux dates: 1853-1913.Inauguration du monument commémoratif de l'annexion de laNouvelle-Calédonie.Phot. A. Richard.La cérémonie fut présidée par M. Brunet, gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, qu'entouraient les officiers de l'avisoKersaint, représentant la Marine, les délégations du Conseil général et des sociétés patriotiques et sportives de l'île. Les tribus étaient venues des environs pour participer à cette fête française, et elles témoignèrent de leur joie en exécutant, après les discours, des danses canaques.M. ÉDOUARD LOCKROYDepuis longtemps déjà , une douloureuse maladie tenait M. Édouard Lockroy éloigné de la scène politique où, pendant près de quarante ans, il avait tenu une place considérable. Il a succombé samedi dernier, à l'âge de soixante-treize ans.Édouard Lockroy.--Phot. MariusSa vie avait été étonnamment intéressante en raison même de sa variété. Il était le fils de l'acteur Lockroy, l'un des interprètes préférés des romantiques, et qui, insatisfait de ses lauriers de comédien, écrivit maintes pièces, en leur temps fort applaudies.Fidèle au «tel père tel fils», comme disait Monselet, M. Édouard Lockroy se devait de produire quelques actes. Son premier rêve, pourtant, avait été d'être peintre. Il dessinait fort bien, et quand, un peu plus tard, il accompagna Renan dans son fameux voyage en Orient, il fut pour l'historien un précieux collaborateur et fournit à son ouvrage de remarquables illustrations.Sa curiosité insatiable, son esprit d'aventure, non moins peut-être que ses convictions, l'avaient porté encore à s'attacher à la fortune de Garibaldi et à s'enrôler parmi les Mille. Il avait amassé ainsi d'innombrables souvenirs, qu'il contait avec une verve, un esprit charmants et dont il fit, tout récemment, un attachant volume.Le journalisme, les polémiques ardentes qu'il avait soutenues à la fin de l'Empire l'avaient conduit à la politique. Il y devait trouver une enviable carrière. De 1885 à 1899, il fit partie de cinq cabinets et fut deux fois ministre de la Marine.Rue Royale, il s'était consacré à la lourde tâche qui lui incombait avec une énergie, un zèle, une conviction profonde. On a pu discuter les systèmes dont il fut l'ardent défenseur. Qui détient la vérité pure? On ne saurait oublier qu'il fut l'un des premiers champions de la navigation sous-marine, son véritable initiateur, peut-on dire, et il est équitable de rendre hommage au dévouement, à l'affection sincère qu'il avait voués à la marine française. Même après qu'il eut quitté le ministère, il ne cessa de se passionner pour toutes les questions qui la pouvaient toucher de près. C'est ainsi qu'il donna à L'Illustration,on 1901, d'intéressants articles sur l'Experimental Dock de Bremerhaven, où il préconisait--voeu aujourd'hui réalisé--la création en France d'un laboratoire semblable, et sur lesPorts allemands en Chine.L'ex-légionnaire Troemel.--Phot. Ouvière.L'EX-LÉGIONNAIRE TROEMEL EN FRANCELe cas du légionnaire Troemel, ancien bourgmestre d'Usedom, qui, au mois de mars dernier, contracta un engagement de cinq ans au 2e régiment étranger, a fait grand bruit, naguère, en Allemagne comme en France, et nous avons, dans notre numéro du 31 mai dernier, publié son portrait en même temps qu'une déclaration, écrite de sa main, par laquelle il affirmait être fort satisfait de sa nouvelle existence. Le légionnaire Troemel, après avoir été mis en observation à l'hôpital d'Oran, vient d'être réformé pour surdité; et il est arrivé cette semaine, en France.Interrogé sur son séjour à la légion, M. Paul Troemel a assuré que «ses impressions étaient excellentes», et qu'il regrettait de n'avoir pu y rester plus longtemps.LES THÉÂTRESLe nouveau spectacle du théâtre Femina est des plus attrayants: il se compose de deux comédies, une en trois actes de M. Louis Bénière,Paraphe Ier, une en deux actes de M. Pierre Veber,Petite Madame.DansParaphe Ier(type d'administrateur suffisant, encombrant, infatué de l'importance de sa signature), l'auteur dePapillona mis le trésor d'observations de sa longue carrière de conducteur d'hommes et d'entrepreneur de grands travaux; on y retrouve donc cette verve satirique qui est, par moments, presque moliéresque; et l'interprète de ce personnage, M. Signoret, est admirable de solennité caricaturale.Petite Madamevaut, au contraire, par la finesse et par le délié du trait, par la grâce légère et spirituelle.La Comédie-Française a repris avec un succès considérable la très belle oeuvre de M. Henry Bataille, laMarche nuptiale, jouée au Vaudeville en 1905, et publiée parL'Illustrationdans son numéro du 18 novembre de cette même année. C'est sans doute l'une des pièces par lesquelles l'éminent et brillant écrivain a le mieux exprimé tout ce qu'il y a en lui de sensibilité profonde et subtile. Et c'est une oeuvre dont va s'enrichir indiscutablement le répertoire de la Maison de Molière. Le rôle principal a fourni l'occasion d'un triomphe pour Mlle Piérat, et il suffit de nommer MM. Georges Berr, Grand, Granval, Mme Lara, pour juger de la qualité du reste de l'interprétation.PARIS-LE CAIRE INTERROMPUAu moment de mettre sous presse, une dépêche de Daucourt nous apprend que le raid Paris-Le Caire est provisoirement interrompu. D'Ada-Bazar, où nous l'avions laissé la semaine dernière, l'audacieux aviateur était parvenu sans incident à Konia puis à Eregli. A Bozanti (voir la carte, page 408), surpris par une forte tempête en traversant les monts Taurus, il fit une chute terrible, heureusement sans graves conséquences. L'appareil est brisé, mais le pilote est indemne. Son compagnon, M. Roux, avait pris le chemin de fer.Une des photographies qui illustrent précisément (pages 408 et 409) notre article sur le chemin de fer de Bagdad permet de concevoir les difficultés avec lesquelles l'aviateur se trouvait aux prises et les risques qu'il courait. On ne saurait guère imaginer de montagnes plus abruptes et l'on frémit à la seule pensée d'une panne banale commandant l'atterrissage dans une telle région.(Agrandissement)Note du transcripteur: Les pages 411-414 manquent au document qui aservi de source. Comme d'habitude, les suppléments ne nous ont pasété fournis.
Phot. René Millaud.
Pégoud a aujourd'hui des émules en «haute école» aérienne. Le succès de ses sensationnelles acrobaties a excité l'ambition des autres aviateurs, et toute une audacieuse phalange de «boucleurs de boucle» s'est formée, depuis quelques semaines, rivalisant de virtuosité et d'adresse avec le créateur du genre... Ils seront bientôt une dizaine à savoir voler «la tête en bas»: successivement Garros, Chevillard, Hanouille, Domenjoz, Chanteloup, Tabuteau, ont désiré, et conquis, les lauriers de Pégoud. Et, venu d'Angleterre, Hucks a renouvelé brillamment ses périlleux exercices.
Un de ses compatriotes, l'aviateur Lee-Temple, s'entraîne, lui aussi, en ce moment, pour les vols renversés, --et de la plus originale façon. Sans doute est-il nécessaire, avant de tenter l'expérience, de s'habituer à la position peu naturelle qu'exige le «looping». Méthodique et prévoyant, M. Lee-Temple se fait attacher, par de solides cordes, à une chaise, qui, suspendue, les pieds en l'air, à une barre de fer, figure assez bien le siège du pilote à l'instant où l'aéroplane glisse sur le bombé des ailes: et ainsi s'accoutume-t-il, comme le montre une de nos gravures, aux émotions de la voltige aérienne. Ce n'est pas à un semblable entraînement que se livre l'aviateur représenté, en singulière posture, sur l'autre photographie. Lorsque, après avoir bouclé la boucle, le 15 novembre, à l'aérodrome de Buc, Hucks revint à Londres, il fut, sur le quai de la gare de Charing-Cross, bruyamment acclamé par ses amis, et porté en triomphe... la tête en bas. La réception était peu banale; elle donna lieu à des scènes de joyeux tumulte, où l'on n'eût pas reconnu le traditionnel flegme britannique.
LA VIEILLESSE DE L'EXILÉ.--Un orang-outang de Malaisieencagé au Jardin zoologique d'Amsterdam.Phot. A.-J. W. de Veer.]
C'est un singe très vieux, et l'on serait tenté de dire, très vénérable, tant l'âge lui a conféré de sérénité majestueuse. Tout récemment, dans notre numéro du 25 octobre, nous avons publié l'image, amusante comme une caricature, d'un perroquet plus que centenaire, que les années avaient bizarrement déformé: elles ont, tout au contraire, marqué la face qui apparaît à cette page d'une expression singulièrement grave et solennelle. Ce doyen de la gent simiesque semble chargé d'expérience et de sagesse; et dans ses yeux luit un étrange regard, presque humain... Il achève aujourd'hui sa longue vie dans une cage du Jardin zoologique d'Amsterdam, auquel il fut donné naguère par le sultan de Serdang. On sait seulement de lui qu'il appartient à l'espèce des orangs-outangs, et qu'il est originaire d'une des îles de la Malaisie, sans doute Bornéo ou Sumatra; il mesure 1 m. 20 de hauteur, et la longueur de ses bras, du bout des doigts jusqu'à l'épaule, est de 78 centimètres. Bien que doué d'une force redoutable, il se montre généralement fort docile. Mais il faut prendre garde de l'irriter, car il n'est pas aussi philosophe qu'il en a l'air.
Beaucoup d'académiciens viendront se promener, ces jours-ci, place Saint-Georges.
Deux inaugurations avaient, en ces derniers temps, appelé l'attention sur cette place: il y a quelques années, celle du monument de Gavarni et, plus récemment, celle d'une station du Nord-Sud... L'inauguration de cette semaine fut celle d'une bibliothèque publique, ou à demi publique, pourrait-on dire, et qui devient une annexe de celle de l'Institut.
L'entrepreneur Dosne ne se doutait guère --quand la place Saint-Georges fut ouverte, en 1824, sur des terrains qu'il possédait à cet endroit--des augustes destinées (augustes, et tragiques un instant!) que réservait l'avenir à sa maison! L'une des filles du riche entrepreneur allait être Mme Thiers; et ainsi, sur l'hôtel Dosne, devenu l'hôtel Thiers, devait, quarante-six ans plus tard, s'abattre la fureur des communards. La Commune avait ordonné la confiscation des biens de Thiers; elle ordonna la destruction de sa maison, en même temps qu'elle jetait à terre la colonne Vendôme. Mme Louise Michel, dans l'histoire de la Commune qu'elle a publiée dix-sept ans après ces lamentables événements, écrivait: «...La maison de Thiers, démolie, avait empli la place Saint-Georges de la poussière de ses nids à rats. Elle devait lui rapporter un palais.»
La maison de Thiers contenait-elle autant de nids à rats que le laisse entendre Mme Louise Michel? Ce point n'a pas été fixé par l'Histoire. Ce qu'on sait, c'est que la reconstruction de l'immeuble détruit fut, aussitôt après la Commune, votée par le Parlement; que l'architecte Aldrophe fit de cette maison non pas «un palais», mais une demeure charmante, digne de l'homme illustre dont elle était le foyer, et de la Compagnie qui devait plus tard en être l'héritière. Mlle Dosne a, en effet, donné à l'Institut de France, il y a neuf ans, la maison dont elle était restée, après la mort de Thiers, la seule occupante; en même temps que l'hôtel, elle léguait à l'Institut la bibliothèque d'histoire de l'ancien Président, et une somme importante destinée à l'achat de nouveaux ouvrages. C'est cette bibliothèque qui s'est ouverte mardi dernier pour la première fois. Le legs de Mlle Dosne a permis à la commission académique, chargée de l'administrer, d'intéressantes acquisitions, notamment celle de la collection militaire et napoléonienne d'Henry Houssaye. Vingt mille volumes s'y trouvent aujourd'hui rassemblés.
On dit que l'hôtel de la place Saint-Georges n'ouvrira ses portes que trois fois par semaine, et l'après-midi, aux personnes munies de l'autorisation d'y venir travailler.
Nous réclamons en faveur des simples visiteurs, de tous ceux pour quiregarder Parisest la plus noble et la plus intelligente des façons de flâner, le droit de pénétrer dans cette maison, et d'en faire le tour, comme on fait le tour d'un musée. Il serait tout naturel que l'Institut nous reçût, au moins de temps en temps, chez Thiers, place Saint-Georges, comme il nous reçoit chez le duc d'Aumale, à Chantilly.
Un souvenir: au centre du carrefour qui devint en 1824 la place Saint-Georges, il y avait un bassin minuscule qu'affectionnaient les deux petites filles de l'entrepreneur Dosne. Celui-ci spécifia formellement que ce bassin serait respecté. Il l'a été... jusqu'au jour où la construction du Nord-Sud obligea les ingénieurs à le supprimer. L'entrepreneur n'avait pas prévu le vilain tour que devait lui jouer le progrès des sciences. Ses enfants non plus! Mais aucun d'eux n'est plus là pour en ressentir le chagrin.
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Un Salon chasse l'autre. La Société des Amis de l'Eau-Forte a organisé à la galerie Devambez une Exposition extrêmement intéressante, qui durera quelques jours,--jusqu'à jeudi. Avis aux retardataires... amis de l'eau-forte.
A la galerie des Artistes modernes, c'est leVieux Parisqu'il faut aller voir.
M. Charles Jouas est un enfant de Paris, très attaché je ne dirai pas à son clocher, mais à ses clochers (car nous en avons, à Paris, plus de quatre-vingts); et l'on trouvera dans son oeuvre une interprétation tout à fait intéressante, originale, spirituelle, du Paris contemporain, en même temps que la restitution si fidèle, et presque émouvante quelquefois, du Paris d'autrefois, de ces «décors du passé» sur lesquels Henri Lavedan a tellement raison de ne voir qu'avec terreur s'appesantir davantage, d'année en année, la main des embellisseurs officiels de Paris. Notre-Dame, le musée de Cluny, Saint-Julien le Pauvre, Saint-Séverin... sans doute nos embellisseurs ne sauraient toucher à tout cela; mais le Pont-Neuf, la place Dauphine, et tant d'autres morceaux délicieux et vénérables de notre Cité, de notre Ile Saint-Louis, dont M. Charles Jouas a si profondément compris, si joliment exprimé le charme auguste et familier tout ensemble, sommes-nous bien sûrs qu'ils survivront longtemps au besoin terrible qu'on a de lesrestaurer?...
Déjà cette restauration redoutable est entreprise au quai des Orfèvres; on est en train d'y achever les agrandissements du Palais de Justice; et j'entends des artistes, des amoureux du vieux Paris se lamenter sur cet ouvrage... Sur le quai, des échafaudages enveloppent une inquiétante tour de pierre, dont l'architecture était appréciée, ces jours-ci, en termes plutôt amers, par M. André Hallays, un écrivain dont la compétence en ces matières n'est contestée par personne. Sur le boulevard du Palais, la surprise est plus douloureuse encore: derrière les murs de la façade neuve, la flèche de la Sainte-Chapelle a disparu presque tout entière... Les Parisiens ne pourraient-ils être prévenus de telles aventures avant qu'elles s'accomplissent? La semaine prochaine, nous serons conviés par M. Léon Bérard à venir «juger», à l'École des beaux-arts, les acquisitions faites par l'État, depuis un an, dans les expositions et les ventes. Excellent usage. Mais pourquoi, de même, l'usage ne s'établirait-il--je pose respectueusement la question à M. le sous-secrétaire d'État--d'exposer, quelques mois avant l'exécution, les maquettes des travaux d'architecture qui menacent la beauté des villes? On demande au contribuable son avis sur les incommodités(de commodo et incommoda)d'une usine qu'on va bâtir. Quant à ce qu'il pense du monument qui va s'ériger pour des siècles sur le sol de son pays, on n'en a cure. Est-ce bien juste?Un Parisien.
Expositions.--Grand Palais: Salon d'automne.--Galerie Devambez (43, boulevard Malesherbes): exposition des Amis de l'Eau-Forte (jusqu'au4 décembre).--Galerie La Boétie (64 bis, rue La Boétie): Association des Artistes de Paris.--Cercle de la Librairie (117, boulevard Saint-Germain): exposition d'oeuvres des membres de l'Association amicale et professionnelle de graveurs à l'eau-forte.
Ventes d'art.--Galerie Georges Petit (8, rue de Sèze), les1er, 2, 3 et 4 décembre, vente de la collection Édouard Aynard, tableaux anciens et modernes, objets de haute curiosité et d'ameublement--Galerie Manzi-Joyant (15, rue de la Ville-l'Evêque), les8 et 9 décembre, deuxième et dernière vente de l'atelier de J.-B. Carpeaux, sculptures originales, tableaux et dessins.
Ventes de charité.--Le30 novembre, au ministère de la Justice, vente au profit de l'Oeuvre de la Pouponnière.--Les5 et 6 décembre, dans l'ancien hôtel Gaillard (place Malesherbes), vente annuelle au profit de l'Union des Femmes de France.
La bibliothèque Thiers.--La bibliothèque Thiers est maintenant ouverte, les mardis, mercredis et jeudis, aux porteurs d'une recommandation écrite d'un membre de l'Institut.
Cours et conférences.--Cours: à la Société française de photographie (51, rue de Clichy), le mercredi à 9 heures du soir, cours public de photographie par M. E. Cousin.--Conférences: salle Gaveau (45, rue La Boétie): le2 décembre, à 9 heures du soir,l'Orient de Pierre Loti, causerie avec projections en couleurs de M. Gervais-Courtellemont; le4 décembre, à 3 heures:Promenade dans le vieux Paris, par M. Georges Cain.--Société des Conférences (184, boulevard Saint-Germain): le3 décembre, à 2 h. 1/2, leDuel et la Mort de Pouchkine, par le marquis de Ségur; le 5, lesNouveaux musées de Paris, par M. Emile Bertaux.--Université desAnnales(51, rue Saint-Georges), à 5 heures: le1er décembre. Leurs caricatures, par M. Sem; le 2, l'Enfance d'un petit roi, par M. Batifol; le 3,Victor Hugo(le théâtre romantique), par M. Jean Richepin; le 4, laMaison du berger, par M. Emile Faguet; le 5, lePeintre d'Anvers, par M. Henry Roujon.
Concerts.--Église de la Sorbonne (Association des concerts spirituels de la Sorbonne), le30 novembre: leMessie, de Haendel.
L'Exposition de l'aéronautique.--Le5 décembre: au Grand Palais, ouverture de l'Exposition internationale de locomotion aérienne.
Sports.--Courses de chevaux: le 29 novembre, Vincennes; le 30, Auteuil (prix la Haye-Jousselin); le1er décembre, Saint-Ouen; le 2, Auteuil; le 3, Compiègne; le 4, Auteuil; le 5, Saint-Ouen.--Cyclisme: au Palais des Sports, les29 et 30 novembre, course de vingt-quatre heures à l'américaine.
Il est bien vrai que, parfois, les morts parlent. Et leurs voix nous émeuvent d'une émotion singulière lorsqu'elles proclament, comme une révélation décisive de l'au delà , la beauté de la vie. Le fantôme, le doux fantôme, pas encore lointain, toujours familier, qui nous entretient aujourd'hui, c'est Pierre de Coulevain. Le roman posthume, que publient ses éditeurs[2], s'appelle leRoman merveilleux.
Note 2: Calmann-Lévy, 3 fr. 50.
Ce livre, au contraire de beaucoup d'autres livres soudainement éclos sur une tombe, appartient tout entier à la pensée de Pierre de Coulevain. Et, jusqu'à la dernière ligne, il est de sa plume. Ce volume-ci, écrivait l'«errante», en ses notes de Lausanne, me sera-t-il donné de l'achever? J'en doute. Il m'achèvera, lui, je crois.» Pierre de Coulevain n'est plus, et le livre qu'elle eut le temps de finir naît à la vie des livres presque au lendemain du Jour des Morts, à l'instant même où une modeste colonne du souvenir vient de marquer d'un signe et d'un nom la sépulture anonyme du cimetière de Territet.
Le monument de Pierre deCoulevain au cimetière deTerritet.--Phot. A. Schneeg.
LeRoman merveilleuxsera, pour les amis inconnus de Pierre de Coulevain, comme une dernière pensée de l'éminente disparue. En ces pages, qui n'auront pas de suite, l'auteur deSur la Branche, si peu encline jusqu'alors aux confidences personnelles, nous livre, sur sa vie, sur sa jeunesse, sur le mystère de sa destinée, quelques lueurs dont s'éclaire la lente préparation de son oeuvre d'écrivain. «La nature, dit-elle, m'avait donné un jeu assez complet de cellules littéraires avec défense de m'en servir. De fait, pendant les trois quarts de ma vie, elles ont été stériles... stériles mais non pas inactives, je m'en rends compte aujourd'hui. Elles ont tout le temps capté des impressions, des images, amassé des matériaux sans nombre, et, à l'heure voulue, elles ont produit... ce qu'elles devaient produire. Elles ont rendu mon enfance bizarre, «originale», mon adolescence difficile, ma jeunesse douloureuse. Elles m'ont inspiré une ambition démesurée, un besoin de beauté, de luxe, de bien-être que je ne pouvais satisfaire. Elles ont affecté mon caractère, ma destinée, elles auraient pu me jouer de mauvais tours si d'autres forces, en parfait équilibre physique, une gaieté triomphante, le sens humoristique ne les avaient tenues en respect. Elles étaient inconfortables, mais amusantes; grâce à elles je n'ai jamais connu l'ennui. Elles ont bien pu faire de moi une romanesque cérébrale, non une romanesque sentimentale, à cela je dois mon salut.»
Et Pierre de Coulevain nous apprend que, dès sa quinzième année, elle écrivit son premier roman sur un cahier d'écolière. Ce roman, naturellement, est un roman d'amour. L'héroïne, au moment de son mariage, «a sur le visage le radieux éclat de l'amour». Elle épouse un officier de marine, car les marins avaient alors--comme aujourd'hui les explorateurs--une grande place dans les rêves des jeunes filles. Or, il advient que cet officier reprend la mer deux mois après les noces. Il demeure absent pendant cinq années, et, quand il rentre dans son foyer, il y trouve trois petits enfants «que Dieu lui avait envoyés pour le dédommager de son exil». «Je suis étonnée, ajoute Pierre de Coulevain, de n'en avoir pas mis une demi-douzaine, tant que j'y étais». Et voilà comment, à quinze ans, l'auteur duRoman merveilleuxcomprenait le romanesque conjugal.
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LeRoman merveilleux, c'est le Roman de la Vie, la vie dans toutes ses réalités «terriennes», dans toutes ses manifestations de joie ou de deuil, dans tous ses élans vers l'idéal. Ce livre est un véritable essai philosophique. Les proportions en sont vastes, ambitieuses, certes, et faites, avoue son auteur, pour décourager une simple romancière. Il ne s'agit de rien moins, en effet, que de nous donner une révélation des buts de la vie, de nous expliquer les religions, l'amour, la mort, avec des incursions dans le domaine des arts, des sciences et des lettres. Tout cela est beaucoup pour une seule femme, voire pour une experte moraliste. On sent la pensée qui se raidit à se rompre et le style qui se tend avec la pensée. Ce n'est plus la conversation charmante et familière deSur la Brancheou del'Ile inconnue. Le dialogue devient monologue et la causerie prend des allures de conférence.
... Tout concourt dans l'univers à une oeuvre divine, et nous sommes, nous, les Terriens, les ouvriers admirables de cette oeuvre. Tout en poursuivant nos chimères qui sont nos destinées, nous travaillons à l'oeuvre divine. Notre libre arbitre n'existe pas et voici l'une des preuves, au moins ingénieuse, qui nous est donnée:
«Vous n'ignorez pas l'influence de la température sur l'homme, sur sa santé, sur ses actes, sur sa pensée même; essayez donc de faire monter ou descendre le baromètre, ou le thermomètre. Les deux petits instruments enregistrent des forces devant lesquelles tout le genre humain est impuissant, ils devraient suffire à nous démontrer l'inanité du libre arbitre.»
Nos défauts et nos qualités, nos vices et nos vertus sont autant de «forces psychiques». «Ce sont les cartes avec lesquelles se joue le jeu de la vie. Il y en a qui sont de gros atouts, il y en a qui font gagner la partie, il y en a qui la font perdre, et elles sont toutes nécessaires.» Ce déterminisme, d'ailleurs, selon Pierre de Coulevain, ne doit pas être confondu avec le fatalisme. Nous ne sommes point créés pour nous croiser les bras. Nous vivons «pour faire quelque chose», ou du mal ou du bien. Oui, mais alors où est la justice divine? «Dans la grâce d'état qui aide le malheureux à supporter sa peine, dans les forces qui le pénètrent, dans les réincarnations qui l'attendent.» Jansénisme, spiritisme, métempsychose. Tout cela un peu brouillé, confus, contradictoire même, mais où l'on sent la volonté convaincue de nous intéresser à la grande oeuvre où nous jouons notre rôle, de nous faire accepter nos peines, utiles à cette oeuvre, et de nous imposer l'indulgence pour les défaillances humaines. LeRoman merveilleuxest un livre de sérénité. Il mêle son parfum au grand souffle d'optimisme que, avec des pensées et des expressions tellement différentes, les Bergson, les Maeterlinck, les Jean Pinot, ont mis dans notre littérature d'idées.
En achevant ce livre qui l'avait épuisée, et au moment où elle pensait aller se reposer à Rome, Pierre de Coulevain fut saisie de funèbres pressentiments: «Je sais, écrivait-elle, combien s'est aminci le fil de ma vie... il me semble que, par moment, j'entends ricaner la sinistre ouvrière du destin, celle qui doit le couper... Oh! l'horrible femme! Elle trouve sans doute qu'elle a été bien gentille de tarder si longtemps... mais quitter la vie, alors que je la vois si immense, belle d'une immortelle beauté, c'est dur! Le courage me viendra. Si c'est à Rome que je dois succomber...»
Pierre de Coulevain devait recevoir à Lausanne même, près de son cher Léman, la visite immédiate de la sinistre, de l'horrible femme... Pierre de Coule van est morte avant d'avoir pu faire le voyage de Rome.Albéric Cahuet.
Notre article du 15 novembre sur les Domaines français de Sainte-Hélène, la publication de ces irrécusables témoignages que sont les photographies de Longwood abandonné, ont vivement impressionné le publie et la presse.
Les premiers, parmi nos confrères, leMatindu 15 novembre, et leJournal, du 18, ont donné à la situation dénoncée par notre collaborateur Albéric Cahuet, la grande publicité de leurs colonnes. LePetit Journal, sous la signature de M. Jean Lecoq, lui consacre son premier Paris du 22 novembre. Sur l'abandon définif de Longwood, notre confrère écrit:
«Ce sera pour notre pays la pire des hontes. Mais qu'importe!... L'administration aura fait 9.000 francs d'économie qu'on pourra employer à créer un nouveau poste pour quelque fonctionnaire bien en cour...»
Dans un article de première page del'Éclair(21 novembre), M. Georges Montorgueil observe:
«Nous sommes peu enclins à remplir les grands devoirs du souvenir. Ce sont les affronts que nous recevons de l'étranger qui nous les rappellent. Des Anglais ont demandé à entretenir la maison de la captivité et le tombeau. Nous n'avons pas osé officiellement nous débarrasser sur eux d'un tel soin. Jusqu'à hier, nous préférions encore le remplir...»
M. Étienne Charles, dans laLibertédu 22 novembre, après avoir envisagé la question en un substantiel article, conclut, avec éloquence:
«Les descriptions et les photographies que M. Albéric Cahuet publie dansL'Illustrationnous montrent la maison de Longwood déjà réduite à l'état de maison croulante, faute d'un crédit suffisant pour l'entretenir... La France a fait un musée de la maison natale de Napoléon Ier à Ajaccio. Elle veille jalousement à la conservation, dans l'état où ils étaient du temps qu'il les habitait, des appartements qu'il occupa à Fontainebleau, à Compiègne, au Grand-Trianon. Elle a transformé la Malmaison, où il passa les plus heureuses de ses années et d'où il partit pour son dernier exil et pour la captivité, en musée napoléonien. Elle recueille pieusement ses souvenirs qui attirent par milliers les visiteurs non seulement dans ces palais et ces logis plus modestes, mais encore au musée de l'Armée et au musée Carnavalet. Elle étale à Versailles et au Louvre, sous les yeux du public, le spectacle de ses victoires. Elle est fière de dresser sur l'une des plus belles places de Paris la colonne Vendôme qui proclame sa gloire. Elle fait à tous les visiteurs impériaux, royaux ou princiers, les honneurs de son tombeau des Invalides. Va-t-elle laisser périr la maison où il est mort après un martyre de cinq années dont l'humanité rougit encore comme d'une honte qui l'atteint tout entière?»
Il nous faut ajouter aussi que, dès que l'abandon imminent a été signalé au public, de touchantes et multiples protestations nous sont parvenues par lettres. La plupart demandent que l'on fasse appel à d'initiative privée pour suppléer à l'indifférence de l'administration. M. Paul Robiquet, dont le grand-père, Louis-Édouard Lemarchand, ancien officier de Waterloo et fournisseur du mobilier de la couronne sous le roi Louis-Philippe, confectionna le dernier cercueil de l'Empereur, propose de transformer en musée la modeste et légendaire demeure de Longwood. Et il offre, comme premier don, une réduction du cercueil en ébène, identique à celle dont il a déjà fait don au musée des Invalides.
Enfin, d'autres lettres nous apportent cette certitude que la fonction, si peu rémunérée, de conservateur des domaines français dans l'île perdue peut encore trouver des candidats français. Notamment, un capitaine en retraite, chevalier de la Légion d'honneur, propose d'aller continuer à Sainte-Hélène la tradition des conservateurs militaires du tombeau impérial. Et il y aura, nous en sommes certains, d'autres volontaires.
Avec un peu de bonne volonté, on n'en sera donc pas réduit à confier la garde de ce domaine sentimental de la France à un insulaire illettré, ignorant notre langue et étranger à notre âme nationale. Et nous voulons nous persuader aussi que le gouvernement, éclairé maintenant sur la situation lamentable de Longwood, et convaincu de l'émotion que provoquerait en France un abandon définitif, se décidera à relever les premières ruines.
Il y a quelques mois, une pénible nouvelle nous arrivait de la Côte d'Ivoire: un commerçant français, M. Huberson, avait été surpris par des anthropophages, mis à mort, et dévoré. La photographie reproduite ici, dont nous devons la communication, avec d'intéressants renseignements, à un de nos abonnés, M. le docteur Teste, évoquera cet affreux drame, heureusement fort rare.
Deux des anthropophages de la Côte d'Ivoire qui ontdévoré un commerçant français, M. Huberson.
C'est en août dernier que M. Huberson, qui se livrait au négoce, à ses risques et périls, et malgré des avertissements répétés, sur le territoire du Haut-Cewally, dans le pays Guère, fut attaqué, à la tombée du jour, par une bande de rebelles; il tenta de se défendre, mais sans doute le fusil Browning dont il se servait ne fonctionna-t-il pas. Et les sauvages purent ainsi s'emparer de lui.
On ne tarda pas à apprendre sa disparition et les circonstances de sa fin: un officier, à la tête d'un détachement de tirailleurs, se mit aussitôt à la poursuite des coupables. Il réussit à les cerner, et à en prendre deux vivants; la plupart des autres étaient tombés sous les balles de nos soldats.
Le plus grand des prisonniers--celui qui figure à gauche sur la photographie--a fait des aveux complets, et a conté dans le détail les agapes auxquelles donna lieu la capture du blanc. On a donc eu l'horrible certitude que notre vaillant mais téméraire compatriote a été dévoré par ces monstres, dont la soumission se poursuit au milieu des plus grandes difficultés.
Un de nos abonnés, M. Broquet, nous signale un phénomène curieux qu'il a observé récemment à la campagne.
Un soir, on venait de rentrer dans une grange des troncs de châtaigniers, âgés d'une quinzaine d'années et qui, coupés dix mois auparavant, avaient été laissés couchés dans les bois, exposés aux intempéries. Comme il avait plu toute la journée, on se mit à les écorcer pour éviter qu'ils péchassent difficilement.
Or, à mesure que les arbres étaient écorcés, ils s'éclairaient du haut en bas de lueurs presque ininterrompues. Les morceaux d'écorce eux-mêmes étaient lumineux en de nombreux points de leur surface interne. Ces lueurs permettaient de lire sur le cadran d'une montre.
On a déjà observé pareil phénomène sur de vieux bois ou même sur les vieilles souches; il paraît dû à un champignon microscopique dont le développement est favorisé par la décomposition de l'arbre et de son écorce. Mais on peut se demander comment il s'est manifesté sur des arbres qui, quoique abattus depuis dix mois, présentaient les apparences d'un bois sain.
Il y a quelques années, l'industrie allemande imagina d'utiliser la levure pour la nourriture des chevaux, des vaches, des porcs et de la volaille. Mais ce débouché n'a point paru suffisamment rémunérateur, et l'on cherche à introduire dans l'alimentation humaine de la levure convenablement purifiée. La chose a une grande importance pour les brasseurs allemands. Ces industriels, en effet, emploient une partie minime de la levure qu'ils produisent; ils disposent annuellement d'un excédent de 70.000 tonnes.
La boulangerie n'utilisant plus qu'une levure spéciale, on a d'abord préparé avec les levures de brasserie des extraits destinés à remplacer les extraits de viande. Ce nouvel aliment ayant eu peu de succès auprès des estomacs teutons, on s'est borné à faire sécher la levure et à obtenir ainsi une nourriture pour le bétail aisément transportable. Cette nouvelle industrie est déjà prospère: on compte 26 usines de séchage de levure, et le prix de la levure sèche a passé de 22 francs à 29 francs le quintal.
Les chimistes veulent faire encore mieux. En débarrassant la levure sèche des principes amers de la bière, ils obtiennent un aliment facile à assimiler, représentant, disent-ils, la valeur de plus de trois fois son poids de viande de boeuf, et dont le prix atteint 6 fr. 20 le kilo.
Un bon faucheur peut mener un train de coupe large de 1 m. 80 à 2 m. 20 sur une profondeur de coutelée qui est de 0 m. 20 environ. Chaque coup de faux rase donc une surface de 2,20 X 0,20 = 40 décimètres carrés. L'ouvrier donne en moyenne 25 coups de faux à la minute. Si l'on fait abstraction de toutes les pertes de temps, aiguisage et battage de la faux, retours et reprises du train de coupe, repas, arrêts divers, etc., il ne reste guère que six heures de travail effectif. Pour ces six heures un bon faucheur peut abattre Om. q. 40 X 25 X 60 X 6 = 36 ares.
La Russie vient d'acquitter une vieille dette de reconnaissance en élevant, à Samarcande, un monument au général Annenkof, créateur du chemin de fer transcaspien, mis en service en 1887, et promoteur du Transsibérien.
Le monument du généralAnnenkof à Samarcande.--Phot. Guikitine.
Ce monument, assez simple, comme on le voit sur la photographie ici reproduite, perpétuera le souvenir de l'un des hommes les plus énergiques et les plus audacieux qu'ait enfantés la Russie: celui qui lança sur l'Amou-Daria, l'antique Oxus, pour le passage du rail, un simple pont de bois de 3 kilomètres et demi, était certes d'âme hardie.
L'inauguration du monument a eu lieu le 3 novembre dernier (21 octobre vieux style). Elle a revêtu un caractère de grande solennité.
L'empereur Nicolas y était représenté par l'un de ses aides de camp, le général prince Vassiltchikof, qui, au nom de son souverain, déposa au pied du monument une superbe couronne en argent. Le général Samsonof, gouverneur général du Turkestan, présidait la cérémonie, à laquelle assistaient Mlles Annenkof, les deux filles du général, et le vicomte de Vogué, son neveu, fils du vicomte Eugène-Melchior de Vogué, de l'Académie française, lequel avait épousé une soeur du général Annenkof. Les splendides costumes du représentant de l'émir de Boukhara et des hauts dignitaires de sa suite donnaient, sous le soleil éclatant, une note de brillant pittoresque. Et la chute du voile qui recouvrait la statue fut le signal d'un impressionnant défilé des troupes, sous les ordres du représentant du tsar.
Dans l'article que nous avons consacré, dans notre numéro du 15 novembre, au mariage de Nijinsky, nous avons dit que le célèbre danseur russe avait épousé une jeune fille «appartenant à une riche famille russe», Mlle Pulska. Un de nos plus notables confrères de Budapest nous informe que celle-ci descend d'une très honorable et ancienne famille hongroise: son père a été directeur des musées de Hongrie, et sa mère, écrit notre confrère, est «la première comédienne de notre théâtre national».
Sous le portrait du président de la République mexicaine qu'a publiéL'Illustrationla semaine dernière, et dans l'article qui le concerne, c'estVictorianoHuerta qu'il fallait lire, au lieu deVittoriano, qui est de consonance italienne.
A propos du procès de Kief, que nous avons signalé dans notre numéro du 15 novembre, le directeur del'Univers Israélitenous écrit que le meurtre du jeune Youtchinsky a été, d'après le jugement, commis dans une fabrique «de tuiles».
Le chef pilote Perreyon.
C'est avec une douloureuse stupeur que le monde des sports a appris la chute mortelle de l'aviateur Perreyon, chef pilote de l'école Blériot. Depuis plusieurs années, en effet, Perreyon occupait avec une maestria incomparable un poste des plus périlleux; chargé d'essayer les nouveaux appareils et d'assurer leur mise au point définitive, il se trouvait exposé presque chaque jour à des dangers imprévus bien supérieurs aux risques que court, dans ses plus grandes audaces, un bon pilote montant un appareil éprouvé et qu'il connaît bien. Mais sa prudence et son habileté, comme aussi sa parfaite intelligence de la navigation aérienne, semblaient le mettre à l'abri de la chute banale où périt trop souvent un aviateur insuffisamment entraîné.
C'est pourtant un accident de ce genre qui a causé sa perte. Perreyon essayait, pour la première fois, à l'aérodrome de Buc, un appareil d'un modèle inédit: un monoplan à deux places de front, pourvu d'un moteur de 100 chevaux placé derrière les pilotes. L'avion évoluait normalement à une quinzaine de mètres de hauteur lorsqu'on le vit tout à coup piquer du nez et venir se briser sur le sol, écrasant le mal heureux pilote. On suppose que Perreyon, voulant atterrir, ne put se redressera temps.
Cet aviateur hors ligne, était âgé de trente et un ans. Se consacrant tout entier à l'école Blériot, il cherchait peu les occasions de succès personnel. Il s'était pourtant signalé à l'attention du grand public en s'adjugeant plusieurs records sensationnels: record de hauteur par 5.880 mètres; record de hauteur avec passager, par 4.920 mètres; record de distance avec passager par un raid de 1.200 kilomètres Turin-Rome-Turin. Il y a quelques jours, il avait à son tour bouclé la boucle.
Le capitaine Denis deLagarde.--Phot. Otto.
Sa fin tragique a particulièrement ému notre maison. C'est, en effet, Perreyon qui avait monté, pour les épreuves de réception, le monoplanServir, offert à l'armée parL'Illustration, et qui a été affecté au centre du camp d'Avord.
Quelques jours avant, un accident analogue mettait en deuil le corps des aviateurs militaires. Le capitaine d'artillerie Denis de Lagarde, attaché au centre d'aviation de Reims, venait d'être nommé à Villacoublay; il se rendait à son nouveau poste par la voie des airs. En voulant atterrir à l'aérodrome de Buc, il fut, croit-on, pris dans un remous; l'appareil capota et le malheureux officier fut tué sur le coup. Le capitaine de Lagarde était un des plus jeunes aviateurs de son grade. Technicien de valeur, il s'occupait spécialement du fonctionnement de la télégraphie sans fil à bord des avions, et il avait imaginé plusieurs dispositifs présentant un réel intérêt.
Le 24 septembre 1853, le contre-amiral Febvrier-Despointes, commandant en chef de nos forces navales en Océanie, ayant son pavillon sur lePhoque, prenait possession, au nom de la France, de la Nouvelle-Calédonie: l'anniversaire de cette annexion a été célébré, il y a deux mois, à Balade, par l'inauguration d'un monument commémoratif,--une simple pierre portant une inscription et deux dates: 1853-1913.
Inauguration du monument commémoratif de l'annexion de laNouvelle-Calédonie.Phot. A. Richard.
La cérémonie fut présidée par M. Brunet, gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, qu'entouraient les officiers de l'avisoKersaint, représentant la Marine, les délégations du Conseil général et des sociétés patriotiques et sportives de l'île. Les tribus étaient venues des environs pour participer à cette fête française, et elles témoignèrent de leur joie en exécutant, après les discours, des danses canaques.
Depuis longtemps déjà , une douloureuse maladie tenait M. Édouard Lockroy éloigné de la scène politique où, pendant près de quarante ans, il avait tenu une place considérable. Il a succombé samedi dernier, à l'âge de soixante-treize ans.
Édouard Lockroy.--Phot. Marius
Sa vie avait été étonnamment intéressante en raison même de sa variété. Il était le fils de l'acteur Lockroy, l'un des interprètes préférés des romantiques, et qui, insatisfait de ses lauriers de comédien, écrivit maintes pièces, en leur temps fort applaudies.
Fidèle au «tel père tel fils», comme disait Monselet, M. Édouard Lockroy se devait de produire quelques actes. Son premier rêve, pourtant, avait été d'être peintre. Il dessinait fort bien, et quand, un peu plus tard, il accompagna Renan dans son fameux voyage en Orient, il fut pour l'historien un précieux collaborateur et fournit à son ouvrage de remarquables illustrations.
Sa curiosité insatiable, son esprit d'aventure, non moins peut-être que ses convictions, l'avaient porté encore à s'attacher à la fortune de Garibaldi et à s'enrôler parmi les Mille. Il avait amassé ainsi d'innombrables souvenirs, qu'il contait avec une verve, un esprit charmants et dont il fit, tout récemment, un attachant volume.
Le journalisme, les polémiques ardentes qu'il avait soutenues à la fin de l'Empire l'avaient conduit à la politique. Il y devait trouver une enviable carrière. De 1885 à 1899, il fit partie de cinq cabinets et fut deux fois ministre de la Marine.
Rue Royale, il s'était consacré à la lourde tâche qui lui incombait avec une énergie, un zèle, une conviction profonde. On a pu discuter les systèmes dont il fut l'ardent défenseur. Qui détient la vérité pure? On ne saurait oublier qu'il fut l'un des premiers champions de la navigation sous-marine, son véritable initiateur, peut-on dire, et il est équitable de rendre hommage au dévouement, à l'affection sincère qu'il avait voués à la marine française. Même après qu'il eut quitté le ministère, il ne cessa de se passionner pour toutes les questions qui la pouvaient toucher de près. C'est ainsi qu'il donna à L'Illustration,on 1901, d'intéressants articles sur l'Experimental Dock de Bremerhaven, où il préconisait--voeu aujourd'hui réalisé--la création en France d'un laboratoire semblable, et sur lesPorts allemands en Chine.
L'ex-légionnaire Troemel.--Phot. Ouvière.
Le cas du légionnaire Troemel, ancien bourgmestre d'Usedom, qui, au mois de mars dernier, contracta un engagement de cinq ans au 2e régiment étranger, a fait grand bruit, naguère, en Allemagne comme en France, et nous avons, dans notre numéro du 31 mai dernier, publié son portrait en même temps qu'une déclaration, écrite de sa main, par laquelle il affirmait être fort satisfait de sa nouvelle existence. Le légionnaire Troemel, après avoir été mis en observation à l'hôpital d'Oran, vient d'être réformé pour surdité; et il est arrivé cette semaine, en France.
Interrogé sur son séjour à la légion, M. Paul Troemel a assuré que «ses impressions étaient excellentes», et qu'il regrettait de n'avoir pu y rester plus longtemps.
Le nouveau spectacle du théâtre Femina est des plus attrayants: il se compose de deux comédies, une en trois actes de M. Louis Bénière,Paraphe Ier, une en deux actes de M. Pierre Veber,Petite Madame.
DansParaphe Ier(type d'administrateur suffisant, encombrant, infatué de l'importance de sa signature), l'auteur dePapillona mis le trésor d'observations de sa longue carrière de conducteur d'hommes et d'entrepreneur de grands travaux; on y retrouve donc cette verve satirique qui est, par moments, presque moliéresque; et l'interprète de ce personnage, M. Signoret, est admirable de solennité caricaturale.
Petite Madamevaut, au contraire, par la finesse et par le délié du trait, par la grâce légère et spirituelle.
La Comédie-Française a repris avec un succès considérable la très belle oeuvre de M. Henry Bataille, laMarche nuptiale, jouée au Vaudeville en 1905, et publiée parL'Illustrationdans son numéro du 18 novembre de cette même année. C'est sans doute l'une des pièces par lesquelles l'éminent et brillant écrivain a le mieux exprimé tout ce qu'il y a en lui de sensibilité profonde et subtile. Et c'est une oeuvre dont va s'enrichir indiscutablement le répertoire de la Maison de Molière. Le rôle principal a fourni l'occasion d'un triomphe pour Mlle Piérat, et il suffit de nommer MM. Georges Berr, Grand, Granval, Mme Lara, pour juger de la qualité du reste de l'interprétation.
Au moment de mettre sous presse, une dépêche de Daucourt nous apprend que le raid Paris-Le Caire est provisoirement interrompu. D'Ada-Bazar, où nous l'avions laissé la semaine dernière, l'audacieux aviateur était parvenu sans incident à Konia puis à Eregli. A Bozanti (voir la carte, page 408), surpris par une forte tempête en traversant les monts Taurus, il fit une chute terrible, heureusement sans graves conséquences. L'appareil est brisé, mais le pilote est indemne. Son compagnon, M. Roux, avait pris le chemin de fer.
Une des photographies qui illustrent précisément (pages 408 et 409) notre article sur le chemin de fer de Bagdad permet de concevoir les difficultés avec lesquelles l'aviateur se trouvait aux prises et les risques qu'il courait. On ne saurait guère imaginer de montagnes plus abruptes et l'on frémit à la seule pensée d'une panne banale commandant l'atterrissage dans une telle région.
(Agrandissement)
Note du transcripteur: Les pages 411-414 manquent au document qui aservi de source. Comme d'habitude, les suppléments ne nous ont pasété fournis.