Une nuit, il arriva que Brodir et ses hommes entendirent un grand bruit. Ils s'éveillèrent tous, sautèrent sur leurs pieds et mirent leurs vêtements. Et voici qu'il tomba sur eux une pluie de sang bouillant. Ils se couvrirent de leurs boucliers, et malgré cela beaucoup d'entre eux furent brûlés. Ces prodiges durèrent jusqu'au jour, et il mourut un homme sur chaque vaisseau. Ils dormirent le jour qui suivit.
La seconde nuit, il se fit encore un grand bruit, et ils se levèrent encore tous, en sursaut. Et voici que les épées sortirent de leurs fourreaux, et les haches et les javelots volaient en l'air et se livraient bataille. Et toutes ces armes les attaquèrent si vivement qu'il leur fallut se couvrir de leurs boucliers; il y eut malgré cela, beaucoup de blessés, et il mourut un homme sur chaque vaisseau. Ces prodiges durèrent jusqu'au jour, et ils dormirent encore le jour suivant.
La troisième nuit, le même bruit revint encore. Après cela, il vint sur eux une nuée de corbeaux, et il leur sembla que ces corbeaux avaient un bec et des serres de fer. Les corbeaux les attaquèrent si rudement qu'ils eurent à se défendre avec leurs épées, et à se couvrir de leurs boucliers. Cela dura jusqu'au jour. Et il était mort encore un homme sur chaque vaisseau. Après cela, ils dormirent un peu d'abord.
Quand Brodir s'éveilla, il respirait avec peine, et il donna l'ordre qu'on mît au plus vite une barque à la mer: «car je veux, dit-il, aller trouver Uspak.» Il entra dans la barque, et quelques hommes avec lui. Quand il fut devant Uspak, il lui conta tous les prodiges qui avaient fondu sur eux, le priant de lui dire ce que cela signifiait. Uspak refusa de le dire, tant que Brodir ne lui aurait pas juré la paix. Et Brodir jura. Mais Uspak fit encore résistance jusqu'à la nuit; car la nuit Brodir ne commettait jamais de meurtre.
Alors Uspak dit: «Quand il est tombé sur vous une pluie de sang, cela signifiait qu'il en sera versé beaucoup, le vôtre et celui de bien d'autres; quand vous avez entendu un grand bruit, cela signifiait que vous allez quitter ce monde, et que vous mourrez tous bientôt. Quand toutes ces armes vous ont attaqués, c'était un présage de combat; et ces corbeaux qui ont fondu sur vous, c'étaient les démons en qui vous croyez et qui vous mèneront aux supplices de l'enfer.»
Brodir entra dans une colère si grande, qu'il ne put rien répondre, il retourna vers ses hommes et fit placer les vaisseaux l'un à côté de l'autre, au travers du détroit; on les attacha au rivage avec des câbles. Brodir voulait dès le lendemain attaquer Uspak et le tuer, lui et tous les siens. Uspak vit ce que Brodir avait en tête. Il fit vœu d'embrasser la vraie foi, d'aller trouver le roi Brjan, et d'être avec lui jusqu'à son dernier jour. Puis il fit avancer tous ses vaisseaux, l'un après l'autre, le long du rivage, et ils coupèrent le câble de Brodir. Les vaisseaux de Brodir se mirent à s'entre-choquer, mais ils dormaient tous, lui et ses hommes. Uspak et les siens sortirent du fjord et s'en allèrent à l'Ouest, en Irlande. Ils naviguèrent sans s'arrêter jusqu'à Kunnjatta. Uspak dit au roi Brjan tout ce qu'il savait. Il reçut le baptême, et se remit entre les mains du roi. Alors le roi Brjan fit rassembler du monde par tout son royaume, et il donna l'ordre que toute l'armée fût réunie à Dublin, la semaine avant le dimanche des Rameaux.
Aux Orkneys le jarl Sigurd, fils de Hlödvir, s'apprêtait à partir. Flosi lui offrit d'aller avec lui. Le jarl ne le voulut pas, disant qu'il avait son pèlerinage à accomplir. Alors Flosi lui offrit quinze de ses hommes pour l'accompagner, et le jarl accepta. Flosi partit avec le jarl Gilli pour les îles du Sud.
Thorstein, fils de Hal de Sida, vint avec le jarl Sigurd, et aussi Hrafn le rouge, et Erling de Straumey. Le jarl ne voulut pas qu'Harek vînt avec lui, mais il lui promit qu'il serait le premier à avoir des nouvelles.
Le jarl Sigurd arriva devant Dublin, avec toute son armée, le jour des Rameaux. Brodir était déjà là, avec tout son monde. Brodir jeta un sort, pour savoir comment tournerait la bataille. La réponse fut que si on se battait le vendredi saint, le roi Brjan serait tué, et aurait pourtant la victoire; mais si on se battait avant, tous ceux qui étaient contre lui, périraient. Et Brodir dit qu'il fallait choisir le vendredi pour livrer bataille.
Le cinquième jour de la semaine, il vint un homme à cheval trouver Kormlöd. Il montait un cheval gris pommelé, et il tenait à la main une hallebarde. Il resta longtemps à parler à Brodir et à Kormlöd.
Le roi Brjan était dans l'enceinte du burg avec toute son armée. Le vendredi saint, l'armée sortit, et des deux côtés, on se mit en bataille. Brodir était à l'une des ailes, le roi Sigtryg à l'autre. Le jarl Sigurd était au milieu.
Revenons au roi Brjan. Il ne voulait pas se battre le vendredi saint. On fit autour de lui un rempart de boucliers, et l'armée se rangea en avant de ce rempart. Ulf Hræda était à l'aile qui faisait face à Brodir. À l'autre aile étaient Uspak et les fils du roi Brjan; ils avaient Sigtryg en face d'eux. Au centre de l'armée était Kerthjalfad, et on portait les bannières devant lui.
Et voici que les deux armées se heurtèrent, et il y eut une mêlée terrible. Brodir s'avançait à travers l'autre armée, abattant tous ceux qu'il trouvait devant lui. Et sur lui le fer ne mordait pas. Ulf Hræda courut à sa rencontre et le frappa trois fois de sa lance, si rudement, qu'à chaque fois Brodir tomba. Il eut grand'peine à se remettre sur ses pieds; et sitôt qu'il fut debout, il s'enfuit dans les bois.
Le jarl Sigurd avait un rude combat contre Kerthjalfad. Kerthjalfad allait de l'avant, tuant tous ceux qu'il trouvait sur son passage. Il rompit l'aile du jarl Sigurd jusqu'à la bannière, et tua celui qui la portait. Le jarl mit un autre homme à la place de celui-là; à ce moment, le combat devint plus rude que jamais. Kerthjalfad frappa à mort, de sa hache, celui qui avait pris la bannière, et, après lui, tous ceux qui s'approchaient. Alors le jarl Sigurd dit à Thorstein, fils de Hal de Sida, de porter la bannière. Thorstein vint pour la prendre. «Ne prends pas la bannière, Thorstein, dit Amundi le blanc; tous ceux qui l'ont portée ont été tués.»--«Hrafn le rouge, dit le jarl, prends-la, toi.»--«Porte toi-même tes diableries» répondit Hrafn. «Il faut donc, dit le jarl, que le mendiant et la besace aillent ensemble.» Il détacha la bannière de la hampe, et la mit sous ses vêtements. Un instant après, Amundi le blanc fut tué. Le jarl Sigurd à son tour fut percé d'un coup de lance.
Uspak s'avançait à travers l'armée ennemie. Il avait reçu une blessure profonde, et les deux fils du roi Brjan étaient tombés à ses côtés. Le roi Sigtryg prit la fuite devant lui. Alors toute l'armée se débanda. Thorstein, fils de Hal de Sida, s'arrêta pendant que les autres fuyaient, pour attacher la courroie de son soulier. «Pourquoi ne cours-tu pas comme eux?» demanda Kerthjalfad.--«Parce que je n'arriverais pas chez moi ce soir, dit Thorstein, ma demeure est en Islande.» Kerthjalfad lui donna la paix.
Hrafn le rouge était venu dans sa fuite sur le bord d'une rivière. Il lui sembla qu'il voyait au fond les tourments de l'enfer, et des diables qui voulaient le tirer à eux. «Apôtre Pierre, cria-t-il, ton chien que voici est allé deux fois à Rome; il ira une troisième fois si tu viens à son secours.» Alors les diables le laissèrent aller, et Hrafn put passer la rivière.
À ce moment, Brodir vit que l'armée du roi Brjan poursuivait les fuyards, et qu'il restait peu de monde auprès du rempart de boucliers. Il sortit du bois en courant, renversa les boucliers, et frappa le roi. Takt, le jeune fils du roi Brjan, étendit le bras. Le coup lui emporta le bras, et la tête du roi. Le sang du roi coula sur le bras mutilé de son fils, et la blessure guérit à l'instant. Alors Brodir cria à haute voix: «Allez-vous dire les uns aux autres que Brodir a tué Brjan.»
On courut après ceux qui poursuivaient les fuyards, et on leur dit que le roi Brjan était mort. Ulf Hræda et Kerthjalfad revinrent aussitôt en arrière. Ils firent un cercle autour de Brodir et des siens, et les firent tomber, en jetant de grosses branches sur eux. De la sorte Brodir fut pris vivant. Ulf Hræda lui ouvrit le ventre et le fit tourner autour d'un arbre, de manière à lui tirer du corps tous ses boyaux. Et Brodir ne mourut que quand ils furent tous sortis, jusqu'au dernier. Tous ses hommes furent tués avec lui.
Les gens du roi Brjan prirent son cadavre, et lui donnèrent la sépulture. La tête du roi s'était rattachée au tronc.
Il périt à la bataille du roi Brjan quinze des hommes de l'incendie. Ce jour-là, tombèrent aussi Halldor, fils de Gudmund le puissant, et Erling de Straumey.
Voici ce qui arriva, le vendredi saint, à Katanes. Un homme nommé Dörrud, sortit de chez lui ce jour-là. Il vit des gens à cheval au nombre de douze, s'en aller vers une maison, où ils disparurent dans la salle des femmes. Dörrud vint à la maison, et regarda par une fente qui était là. Il vit que c'étaient des femmes qui étaient dedans, auprès d'un métier à tisser. Ce métier avait des têtes d'hommes en guise de poids, et des boyaux humains, pour trame et pour fil. Les montants du métier étaient des épées, et les navettes, des flèches.
Et les femmes chantaient:
«Voyez, notre trame est tendue pour les guerriers qui vont tomber. Nos fils sont comme une nuée d'où il pleut du sang. Nos trames grisâtres sont tendues comme des javelots qu'on lance; nous, les amies d'Odin le tueur d'hommes, nous y ferons passer un fil rouge.
«Notre trame est faite de boyaux humains, et nos poids sont des têtes d'hommes. Des lances arrosées de sang forment notre métier, nos navettes sont des flèches, et nous tissons avec des épées la toile des combats.
«Voici Hild qui vient pour tisser, et Hjörthrimul, Sangrid et Svipul; comme leur métier va résonner quand les épées seront tirées! Les boucliers craqueront, et l'arme qui brise les casques entrera en danse.
«Tissons, tissons la toile des combats. Tissons-la pour le jeune roi. Nous irons de l'avant, et nous entrerons dans la mêlée quand viendront nos amis, pour frapper de grands coups.
«Tissons, tissons la toile des combats. Combattons aux côtés du roi. Les guerriers verront des boucliers sanglants, quand Gunn et Göndul viendront pour le protéger.
«Tissons, tissons la toile des combats, là où flotte la bannière des braves. N'épargnons la vie de personne; les Valkyres ont le droit de choisir leurs morts.
«Des hommes vont venir faire la loi dans ce pays, qui habitaient jadis des récifs escarpés. Un roi puissant, je vous l'annonce, est voué à la mort, et un jarl va tomber devant la pointe d'une épée.
«Un deuil amer va fondre sur l'Irlande; et les hommes en garderont la mémoire, longtemps; voilà notre toile tissée: le champ de bataille est couvert de sang; tout le pays résonne du bruit des armes.
«C'est une chose effrayante à voir, que les nuées sanglantes qui passent dans le ciel. L'air sera teint du sang des morts, quand sera accompli ce que nous chantons là.
«Nous saluons le jeune roi: nous lui chantons, joyeuses, notre chant de victoire. Que celui-là s'en souvienne, qui nous écoute. Il redira aux siens la chanson des lances.
«Et maintenant, à cheval! Courons à bride abattue, l'épée tirée, loin, loin d'ici!»
Elles renversèrent le métier, et le brisèrent; et chacune d'elles garda le morceau qu'elle tenait à la main. Dörrud quitta la fente et retourna chez lui. Les femmes montèrent à cheval, et s'en allèrent, six au Sud, six au Nord.
Pareille chose arriva à Brand, fils de Gneisti, aux îles Feröe.
À Svinafell, en Islande, il tomba, le vendredi saint, une pluie de sang sur la chasuble du prêtre qui fut obligé de l'ôter. À Thvatta, le vendredi saint, il sembla au prêtre qu'il voyait les abîmes de la mer tout contre l'autel, et il vit au fond des choses si effroyables qu'il fut longtemps avant de pouvoir chanter sa messe.
Aux Orkneys, voici ce qui arriva. Il sembla à Harek qu'il voyait le jarl Sigurd, et quelques autres avec lui. Harek monta à cheval, et vint à la rencontre du jarl. Des gens les virent se joindre, et s'en aller derrière une colline. Depuis on ne les revit plus, et jamais on ne put trouver aucune trace d'Harek.
Aux îles du Sud, le jarl Gilli rêva qu'un homme venait à lui. Cet homme se nommait Herfinn, et dit qu'il arrivait d'Irlande. Le jarl lui demanda des nouvelles de là-bas. Et l'homme chanta:
«J'étais là, quand les guerriers ont livré bataille, quand les épées ont retenti sur la côte d'Irlande. Là-bas, quand les boucliers se sont choqués, un grand bruit s'est fait entendre, le bruit du fer qui résonnait sur les casques. Rude a été le combat. Sigurd est tombé au plus fort de la mêlée. Le sang a coulé de mainte blessure. Brjan est mort, et pourtant vainqueur.»
Flosi et le jarl parlèrent ensemble, longtemps, de ce songe. Une semaine après, Hrafn le rouge arriva, qui leur dit toutes les nouvelles de la bataille du roi Brjan: la mort du roi et du jarl Sigurd, celle de Brodir et des autres pirates. «Et que me diras-tu de mes hommes?» dit Flosi. «Ils ont été tués, tous, dit Hrafn; mais Thorstein ton beau-frère, a reçu la paix de Kerthjalfad, et il est maintenant auprès de lui. Halldor, fils de Gudmund, est mort.»
Flosi dit au jarl qu'il voulait partir: «Car j'ai, dit-il à accomplir mon pèlerinage.» Le jarl lui dit qu'il ferait comme il voudrait: il lui donna un vaisseau, beaucoup d'argent, et tout ce dont il avait besoin. Ils firent voile vers le Bretland et s'y arrêtèrent quelque temps.
Kari fils de Sölmund pria Skeggi, son hôte, de lui faire avoir un vaisseau. Skeggi donna à Kari un vaisseau tout équipé. Sur ce vaisseau montèrent avec Kari Dagvid le blanc, et Kolbein le noir. Ils firent voile au Sud, en passant par les fjords d'Écosse. Là ils trouvèrent des gens des îles du Sud, qui dirent à Kari les nouvelles d'Irlande, et aussi que Flosi et ses hommes étaient partis pour le Bretland. En apprenant cela, Kari dit à ses compagnons qu'il voulait aller au Sud, dans le Bretland, pour retrouver Flosi. Il les pria de le quitter s'ils le trouvaient bon, disant qu'il ne voulait contraindre personne, mais qu'il ne trouvait pas que sa vengeance fût complète. Tous dirent qu'ils voulaient le suivre. Ils firent donc voile vers le Sud et arrivèrent dans le Bretland. Ils jetèrent l'ancre dans une baie écartée.
Ce matin-là, Kol fils de Thorstein allait au burg pour acheter de l'argent. C'était, de tous les hommes de l'incendie, celui qui avait dit le plus d'injures à Njal et aux siens. Il y avait eu beaucoup de paroles entre lui et une puissante dame du pays, et c'était chose convenue qu'il la prendrait pour femme et s'établirait là.
Ce matin, Kari allait aussi au burg. Il vint à l'endroit où Kol comptait l'argent. Kari le reconnut, courut à lui l'épée haute, et le frappa au cou, pendant qu'il comptait; la bouche disait encore dix, quand la tête vola loin du tronc. «Allez dire à Flosi, dit Kari, que Kari fils de Sölmund a tué Kol fils de Thorstein. Je déclare que c'est moi qui suis l'auteur de ce meurtre.» Et Kari retourna à son vaisseau, et annonça le meurtre à ses compagnons.
Ils firent voile au Nord et vinrent à Beruvik. Ils tirèrent leur vaisseau à terre et remontèrent, dans l'intérieur du pays, jusqu'à Hvitsborg en Écosse. Lui et ses hommes passèrent l'hiver auprès du jarl Melkolf.
Il faut revenir à Flosi. Il vint prendre le cadavre et le fit mettre en terre, et il donna beaucoup d'argent pour qu'on lui élevât un tombeau. Flosi n'avait jamais de parole injurieuse contre Kari.
De là, Flosi partit pour les pays du Sud. Il passa la mer, après quoi il commença son pèlerinage, et vint à pied, sans s'arrêter, jusqu'à Rome. Là il fut traité avec tant d'honneurs, qu'il reçut l'absolution du pape lui-même, et il donna beaucoup d'argent pour cela. Il revint par la route de l'Est, s'arrêtant dans les villes, et fut reçu avec de grands honneurs par de puissantes gens. L'hiver suivant, il arriva en Norvège, où le jarl Eirik lui donna un vaisseau pour s'embarquer. Le jarl lui fit présent aussi d'une grande quantité de farine. Beaucoup d'autres encore le traitaient avec de grands égards.
Il fit voile enfin pour l'Islande, et débarqua dans le Hornafjord. De là, il vint chez lui, à Svinafell. Il avait accompli toutes les conditions de la paix qu'il avait jurée; son voyage à l'étranger était terminé, et les amendes payées.
Il faut maintenant parler de Kari. L'été suivant, il revint à son vaisseau, et fit voile vers le Sud, traversant la mer. Il partit de Normandie pour commencer son pèlerinage, vint à Rome, et y reçut l'absolution; après quoi il revint par la route de l'Ouest. Il retrouva son vaisseau en Normandie, et fit voile au Nord, traversant la mer, jusqu'à Douvres en Angleterre. De là, il fit voile à l'Ouest, doublant le Bretland, puis au Nord, longeant le Bretland, puis au Nord encore, en passant devant les fjords d'Écosse. Il arriva, sans s'être arrêté, à Thrasvik dans le pays de Katanes, chez son ami Skeggi. Là, il donna son vaisseau à Kolbein et à Dagvid. Kolbein monta sur le vaisseau et fit voile vers la Norvège. Mais Dagvid resta à Fridarey.
Kari passa tout l'hiver à Katanes. Ce même hiver, sa femme mourut en Islande. L'été suivant, il fit ses préparatifs de départ. Skeggi lui donna un vaisseau. Ils y montèrent au nombre de dix-huit. On fut prêt un peu tard; pourtant on mit à la voile; ils furent longtemps en pleine mer. À la fin ils touchèrent sur des écueils à Ingolfshöfda, et le vaisseau fut mis en pièces. Une tempête de neige fondit sur eux. Et voici que les hommes de Kari lui demandent ce qu'il faut faire. Kari répond qu'il est d'avis d'aller à Svinafell, et d'éprouver si Flosi est un brave homme.
Ils s'en allèrent donc, à travers la tempête, à Svinafell. Flosi était dans la salle. Il reconnut Kari en le voyant entrer. Il sauta sur ses pieds, vint à sa rencontre, et le baisa, puis il le fit asseoir à côté de lui, sur son siège élevé. Il le pria de rester chez lui pendant l'hiver, et Kari accepta.
Ils firent la paix, une paix complète. Flosi donna à Kari en mariage Hildigunn, la fille de son frère, la même qui avait été mariée d'abord à Höskuld, Godi de Hvitanes. Kari et Hildigunn habitèrent d'abord au domaine de Breida.
Voici, dit-on, quelle fut la fin de Flosi. Il s'en alla au loin, étant devenu vieux, chercher des bois pour construire. Il passa un hiver en Norvège. Quand vint l'été, il fut prêt tard, et les gens lui dirent que son vaisseau était mauvais. «Il est assez bon pour un homme qui est vieux, et que la mort prendra bientôt,» répondit Flosi; il monta sur le vaisseau, et prit le large. Et depuis, on n'en a plus jamais entendu parler.
Voici quels étaient les enfants de Kari fils de Sölmund et de Helga fille de Njal: Thorgerd, Ragneid, Valgerd, et Thord, qui fut brûlé avec Njal. Les enfants de Kari et d'Hildigunn furent Starkad, Thord et Flosi.
Le fils de Flosi l'incendiaire s'appelait Kolbein. Il fut un des hommes les plus fameux de sa race.
Ainsi finit la saga de Njal.
Gardariki— la Russie.Biarmland— la Russie septentrionale.Adalsysli— la côte d'Esthonie.Gautland— Gothland.Hedeby— Slesvig.Gulating— localité de Norvège.Hising— localité de Norvège.Limgarside— localité de Norvège.Tunberg— localité de Norvège.Vik— localité de Norvège.Hördaland— localité de Norvège.Hern— localité de Norvège.Miklagard— Constantinople.Hialtland— Shetland.Orkneys— Orcades.Fridarö— localité des Orcades.Hross— localité des Orcades.Straum— localité des Orcades.Sudreyar— îles du sud, Hébrides.Petlandsfjord— détroit entre l'Écosse et les Orcades.Öngulsey— Anglesea.Katanes-Caithness— pointe N. de l'Écosse.Thradsvig-Freshwik— localité d'Écosse.Myræve-Murray— localité d'Écosse.Sudrland-Sutherland— localité d'Écosse.Satiri-Cantyre— localité d'Écosse.Dungalsby-Dungsby— localité d'Écosse.Beruvig-cap Burrow— localité d'Écosse.Bretland— le pays de Galles.Kunnjatta— Connaught (Irlande).
Ting— assemblée judiciaire.Alting— assemblée générale de l'Islande.Lögmadr— homme de la loi, magistrat chargé d'enseigner la loi.Godi— magistrat local, sorte de maire.Godord— dignité de Godi.Almannagja— chemin le long d'une coulée de lave, à l'alting.Lögberg— tertre de la loi, étroite langue de terre entre deux coulées de lave, à l'alting, siège du tribunal.Skald— poëte.Mjöd— hydromel.Jol— grande fête du solstice d'hiver.Jarl— prince.Væringur— garde islandaise de l'empereur, à Constantinople.Valhöll— séjour des guerriers (après leur mort).Cent— unité de valeur = 120 aunes de vadmel ou tissu de laine.