XXVIIDu temps passa.La Gouvernante donnait aussi des leçons de dessin. Mais, là encore, sa recherche spontanée du bizarre lui faisait éliminer, du nombre de ses modèles, les Anadyomènes d’usage et les habituels Discoboles.D’abord, elle mit sous les yeux des débutantes les visions de William Blake et les imaginations d’Aubrey Beardsley. Ni l’un ni l’autre de ces choix n’était heureux. Le premier, avec son va-et-vient de la conception terrifiante à la compositioningénue, ne serait pas loin d’halluciner de jeunes cerveaux; l’autre, naturellement et volontairement singulier, en dépit de son art complet et inimitable, ne donnait d’autre leçon que celle d’être soi-même, en un mot, ne représentait rien d’éducateur, dans le sens pédagogique du mot. Excitant pour l’âge mûr, il n’offrait à des pensionnaires que des éléments de cauchemar.Le professeur se montra sensible à ces objections faites par Demelly, sur un ton déférent, et ena parte. L’Irlandaise redescendit, condescendit à la réalité. Elle fit copier aux enfants le portrait de Madame Robineau, la centenaire de Metchnikoff, ou encore le canard âgé de vingt-cinq ans, lequel fut la propriété du Docteur Jean Charcot; ou bien enfin, la tortue, une fois et demie séculaire, dont l’Institutrice remarquait doctoralementqu’elle aurait pu assister à l’exécution de Louis XVI.Quant à la musique, elle aussi jouait son rôle dans l’esthétique du programme, mais toujours avec singularité. Un jour, Berthe apprit à sa mère que Mademoiselle venait de réaliser un tour de force, en mettant les paroles de l’Ave Mariasur lePrélude de l’Après-Midi d’un Faune, de Claude Debussy. C’était, paraît-il, tout ce qui pouvait sembler de plus difficile au monde. Miss Winter se déclarait prête à chanter le morceau, dans la tribune, au cours de la Messe de Minuit, à la condition toutefois que l’on fît venir de Paris, tout exprès, pour l’accompagner, Ricardo Vinès.On haussa les épaules. La conclusion fut celle qui suit: «Si elle tient absolument à chanter quelque chose, que ce soit leNoël d’Adam.»
XXVIIDu temps passa.La Gouvernante donnait aussi des leçons de dessin. Mais, là encore, sa recherche spontanée du bizarre lui faisait éliminer, du nombre de ses modèles, les Anadyomènes d’usage et les habituels Discoboles.D’abord, elle mit sous les yeux des débutantes les visions de William Blake et les imaginations d’Aubrey Beardsley. Ni l’un ni l’autre de ces choix n’était heureux. Le premier, avec son va-et-vient de la conception terrifiante à la compositioningénue, ne serait pas loin d’halluciner de jeunes cerveaux; l’autre, naturellement et volontairement singulier, en dépit de son art complet et inimitable, ne donnait d’autre leçon que celle d’être soi-même, en un mot, ne représentait rien d’éducateur, dans le sens pédagogique du mot. Excitant pour l’âge mûr, il n’offrait à des pensionnaires que des éléments de cauchemar.Le professeur se montra sensible à ces objections faites par Demelly, sur un ton déférent, et ena parte. L’Irlandaise redescendit, condescendit à la réalité. Elle fit copier aux enfants le portrait de Madame Robineau, la centenaire de Metchnikoff, ou encore le canard âgé de vingt-cinq ans, lequel fut la propriété du Docteur Jean Charcot; ou bien enfin, la tortue, une fois et demie séculaire, dont l’Institutrice remarquait doctoralementqu’elle aurait pu assister à l’exécution de Louis XVI.Quant à la musique, elle aussi jouait son rôle dans l’esthétique du programme, mais toujours avec singularité. Un jour, Berthe apprit à sa mère que Mademoiselle venait de réaliser un tour de force, en mettant les paroles de l’Ave Mariasur lePrélude de l’Après-Midi d’un Faune, de Claude Debussy. C’était, paraît-il, tout ce qui pouvait sembler de plus difficile au monde. Miss Winter se déclarait prête à chanter le morceau, dans la tribune, au cours de la Messe de Minuit, à la condition toutefois que l’on fît venir de Paris, tout exprès, pour l’accompagner, Ricardo Vinès.On haussa les épaules. La conclusion fut celle qui suit: «Si elle tient absolument à chanter quelque chose, que ce soit leNoël d’Adam.»
Du temps passa.
La Gouvernante donnait aussi des leçons de dessin. Mais, là encore, sa recherche spontanée du bizarre lui faisait éliminer, du nombre de ses modèles, les Anadyomènes d’usage et les habituels Discoboles.
D’abord, elle mit sous les yeux des débutantes les visions de William Blake et les imaginations d’Aubrey Beardsley. Ni l’un ni l’autre de ces choix n’était heureux. Le premier, avec son va-et-vient de la conception terrifiante à la compositioningénue, ne serait pas loin d’halluciner de jeunes cerveaux; l’autre, naturellement et volontairement singulier, en dépit de son art complet et inimitable, ne donnait d’autre leçon que celle d’être soi-même, en un mot, ne représentait rien d’éducateur, dans le sens pédagogique du mot. Excitant pour l’âge mûr, il n’offrait à des pensionnaires que des éléments de cauchemar.
Le professeur se montra sensible à ces objections faites par Demelly, sur un ton déférent, et ena parte. L’Irlandaise redescendit, condescendit à la réalité. Elle fit copier aux enfants le portrait de Madame Robineau, la centenaire de Metchnikoff, ou encore le canard âgé de vingt-cinq ans, lequel fut la propriété du Docteur Jean Charcot; ou bien enfin, la tortue, une fois et demie séculaire, dont l’Institutrice remarquait doctoralementqu’elle aurait pu assister à l’exécution de Louis XVI.
Quant à la musique, elle aussi jouait son rôle dans l’esthétique du programme, mais toujours avec singularité. Un jour, Berthe apprit à sa mère que Mademoiselle venait de réaliser un tour de force, en mettant les paroles de l’Ave Mariasur lePrélude de l’Après-Midi d’un Faune, de Claude Debussy. C’était, paraît-il, tout ce qui pouvait sembler de plus difficile au monde. Miss Winter se déclarait prête à chanter le morceau, dans la tribune, au cours de la Messe de Minuit, à la condition toutefois que l’on fît venir de Paris, tout exprès, pour l’accompagner, Ricardo Vinès.
On haussa les épaules. La conclusion fut celle qui suit: «Si elle tient absolument à chanter quelque chose, que ce soit leNoël d’Adam.»