XXXICependant toutes les surprises du genre Argus n’étaient pas génératrices de tant de courroux; quelques-unes faisaient sourire.Du nombre de celles-ci fut la déconvenue apprêtée au Marquis de Clermont-Tonnerre, pour s’être insurgé, sinon à la légère, du moins à la hâte, en lisant son nom dans le récit d’une réunion de famille à laquelle il ne s’était pas rendu, pour des raisons, à ses yeux, prépondérantes, puisqu’il nous en donnait avis, mais enfin qui n’étaient pas seules, comme la suite le prouva. Donc, il fitconnaître au monde, par la voix des journaux, que sa présence avait été mentionnée à tort, dans un compte rendu de soirée chez une de ses cousines. Celle-ci répondit que cela était vrai; mais que le motif qu’elle en voyait surtout, c’est qu’il n’est guère d’usage de se rendre dans les maisons où l’on ne fut pas invité. Cette réponse, qui semblait dictée par la logique des événements plutôt que par le goût de la dispute, Mademoiselle la jugea «bien envoyée».Quant au libellé des invitations, par exemple, celui-là perdait la boussole, en même temps que toute décence, dans la forme de sabbat qui prétendait encore au titre de monde. Demelly en cita des modèles étonnants. Ce n’était point assez de s’être vu engager longtemps par des dames peu affables, auxquelles suffit d’inscrire, sur leurs cartes, un secserachez elle, qui fait souvent répondre mentalement: «Eh bien, qu’elle y reste!..» il paraît que des Messieurs les avaient imitées, croyant bien pouvoir tracer au crayon, sur leur rectangle, un «sera chez lui» qui, celui-là, relevait du Docteur Goudron. D’autres hôtesses (combien pressées!) ajoutaient simplement à leur nom les trois motsTasse de Thé, lesquels donnaient au destinataire, en ouvrant l’enveloppe qui le visait, la sensation de recevoir dans le nez un petit pot d’eau chaude. Quelqu’un, qui n’aimait pas ça, fit semblant de croire qu’il s’agissait d’une comédie de salon, et répondit qu’il se sentait encore trop voisin de la mort d’un parent, pour assister à un spectacle, même intime. Mais cet ironiste n’était pas dupe de son excuse; il savait très bien que la mince bluette, dont il citait l’intitulé, ne serait pas dugoût des spectateurs actuels, fils et petits-fils de ceux que charmait encore «l’Invitation à la Valse», remplacée aujourd’hui par la «Valse chaloupée», dans les plus aristocratiques milieux, et jusque chez le Directeur duGaulois.Un Monsieur que l’on avait assuré de sa condoléance, plus catégorique, lui, plus pythagorique, s’en tirait avec deux mots: «Très touché», et donnait ainsi l’impression que le motif qui avait servi de prétexte à cette brève correspondance n’était pas un deuil, mais un duel.Enfin, une étrangère, en disant tout bonnement la vérité, triomphait dans l’énoncé bizarre que deviennent aujourd’hui les formules autrefois consacrées (et peut-être à juste titre, après tout): «Vous prie de lui faire l’honneur, ou le plaisir..,»; l’étrangère, elle, priait devenir prendre je ne sais plus quel breuvage «sur le toit».Et comme son ronron était agréable, il y eut foule dans les gouttières, à l’appel miaulant de l’aimable chatte.
XXXICependant toutes les surprises du genre Argus n’étaient pas génératrices de tant de courroux; quelques-unes faisaient sourire.Du nombre de celles-ci fut la déconvenue apprêtée au Marquis de Clermont-Tonnerre, pour s’être insurgé, sinon à la légère, du moins à la hâte, en lisant son nom dans le récit d’une réunion de famille à laquelle il ne s’était pas rendu, pour des raisons, à ses yeux, prépondérantes, puisqu’il nous en donnait avis, mais enfin qui n’étaient pas seules, comme la suite le prouva. Donc, il fitconnaître au monde, par la voix des journaux, que sa présence avait été mentionnée à tort, dans un compte rendu de soirée chez une de ses cousines. Celle-ci répondit que cela était vrai; mais que le motif qu’elle en voyait surtout, c’est qu’il n’est guère d’usage de se rendre dans les maisons où l’on ne fut pas invité. Cette réponse, qui semblait dictée par la logique des événements plutôt que par le goût de la dispute, Mademoiselle la jugea «bien envoyée».Quant au libellé des invitations, par exemple, celui-là perdait la boussole, en même temps que toute décence, dans la forme de sabbat qui prétendait encore au titre de monde. Demelly en cita des modèles étonnants. Ce n’était point assez de s’être vu engager longtemps par des dames peu affables, auxquelles suffit d’inscrire, sur leurs cartes, un secserachez elle, qui fait souvent répondre mentalement: «Eh bien, qu’elle y reste!..» il paraît que des Messieurs les avaient imitées, croyant bien pouvoir tracer au crayon, sur leur rectangle, un «sera chez lui» qui, celui-là, relevait du Docteur Goudron. D’autres hôtesses (combien pressées!) ajoutaient simplement à leur nom les trois motsTasse de Thé, lesquels donnaient au destinataire, en ouvrant l’enveloppe qui le visait, la sensation de recevoir dans le nez un petit pot d’eau chaude. Quelqu’un, qui n’aimait pas ça, fit semblant de croire qu’il s’agissait d’une comédie de salon, et répondit qu’il se sentait encore trop voisin de la mort d’un parent, pour assister à un spectacle, même intime. Mais cet ironiste n’était pas dupe de son excuse; il savait très bien que la mince bluette, dont il citait l’intitulé, ne serait pas dugoût des spectateurs actuels, fils et petits-fils de ceux que charmait encore «l’Invitation à la Valse», remplacée aujourd’hui par la «Valse chaloupée», dans les plus aristocratiques milieux, et jusque chez le Directeur duGaulois.Un Monsieur que l’on avait assuré de sa condoléance, plus catégorique, lui, plus pythagorique, s’en tirait avec deux mots: «Très touché», et donnait ainsi l’impression que le motif qui avait servi de prétexte à cette brève correspondance n’était pas un deuil, mais un duel.Enfin, une étrangère, en disant tout bonnement la vérité, triomphait dans l’énoncé bizarre que deviennent aujourd’hui les formules autrefois consacrées (et peut-être à juste titre, après tout): «Vous prie de lui faire l’honneur, ou le plaisir..,»; l’étrangère, elle, priait devenir prendre je ne sais plus quel breuvage «sur le toit».Et comme son ronron était agréable, il y eut foule dans les gouttières, à l’appel miaulant de l’aimable chatte.
Cependant toutes les surprises du genre Argus n’étaient pas génératrices de tant de courroux; quelques-unes faisaient sourire.
Du nombre de celles-ci fut la déconvenue apprêtée au Marquis de Clermont-Tonnerre, pour s’être insurgé, sinon à la légère, du moins à la hâte, en lisant son nom dans le récit d’une réunion de famille à laquelle il ne s’était pas rendu, pour des raisons, à ses yeux, prépondérantes, puisqu’il nous en donnait avis, mais enfin qui n’étaient pas seules, comme la suite le prouva. Donc, il fitconnaître au monde, par la voix des journaux, que sa présence avait été mentionnée à tort, dans un compte rendu de soirée chez une de ses cousines. Celle-ci répondit que cela était vrai; mais que le motif qu’elle en voyait surtout, c’est qu’il n’est guère d’usage de se rendre dans les maisons où l’on ne fut pas invité. Cette réponse, qui semblait dictée par la logique des événements plutôt que par le goût de la dispute, Mademoiselle la jugea «bien envoyée».
Quant au libellé des invitations, par exemple, celui-là perdait la boussole, en même temps que toute décence, dans la forme de sabbat qui prétendait encore au titre de monde. Demelly en cita des modèles étonnants. Ce n’était point assez de s’être vu engager longtemps par des dames peu affables, auxquelles suffit d’inscrire, sur leurs cartes, un secserachez elle, qui fait souvent répondre mentalement: «Eh bien, qu’elle y reste!..» il paraît que des Messieurs les avaient imitées, croyant bien pouvoir tracer au crayon, sur leur rectangle, un «sera chez lui» qui, celui-là, relevait du Docteur Goudron. D’autres hôtesses (combien pressées!) ajoutaient simplement à leur nom les trois motsTasse de Thé, lesquels donnaient au destinataire, en ouvrant l’enveloppe qui le visait, la sensation de recevoir dans le nez un petit pot d’eau chaude. Quelqu’un, qui n’aimait pas ça, fit semblant de croire qu’il s’agissait d’une comédie de salon, et répondit qu’il se sentait encore trop voisin de la mort d’un parent, pour assister à un spectacle, même intime. Mais cet ironiste n’était pas dupe de son excuse; il savait très bien que la mince bluette, dont il citait l’intitulé, ne serait pas dugoût des spectateurs actuels, fils et petits-fils de ceux que charmait encore «l’Invitation à la Valse», remplacée aujourd’hui par la «Valse chaloupée», dans les plus aristocratiques milieux, et jusque chez le Directeur duGaulois.
Un Monsieur que l’on avait assuré de sa condoléance, plus catégorique, lui, plus pythagorique, s’en tirait avec deux mots: «Très touché», et donnait ainsi l’impression que le motif qui avait servi de prétexte à cette brève correspondance n’était pas un deuil, mais un duel.
Enfin, une étrangère, en disant tout bonnement la vérité, triomphait dans l’énoncé bizarre que deviennent aujourd’hui les formules autrefois consacrées (et peut-être à juste titre, après tout): «Vous prie de lui faire l’honneur, ou le plaisir..,»; l’étrangère, elle, priait devenir prendre je ne sais plus quel breuvage «sur le toit».
Et comme son ronron était agréable, il y eut foule dans les gouttières, à l’appel miaulant de l’aimable chatte.