[1]Ibsen.Kjaerlighedens Komedie(Comédie de l'amour).
[1]Ibsen.Kjaerlighedens Komedie(Comédie de l'amour).
[2]Ibid.
[2]Ibid.
[3]Bebel.La femme, p. 68.
[3]Bebel.La femme, p. 68.
[4]Ibsen.Gjengangere(Revenants).
[4]Ibsen.Gjengangere(Revenants).
[5]Ibsen.Samfundets stötter(Soutiens de la société).
[5]Ibsen.Samfundets stötter(Soutiens de la société).
[6]Ibsen.Vildanden(Canard sauvage).
[6]Ibsen.Vildanden(Canard sauvage).
[7]Canard sauvage.
[7]Canard sauvage.
[8]Union des jeunes.
[8]Union des jeunes.
[9]Maison de Poupée.
[9]Maison de Poupée.
[10]La Femme.
[10]La Femme.
[11]Revenants.
[11]Revenants.
[12]Ibsen.Et Dukkehejem(Maison de poupée).
[12]Ibsen.Et Dukkehejem(Maison de poupée).
[13]M. Guérin.Evolution sociale, p. 323.
[13]M. Guérin.Evolution sociale, p. 323.
La décadence, la désorganisation de la famille porte vite ses fruits et la jeune génération trouve le moyen de surpasser ses créateurs et ses maîtres.
L'éducation qu'on lui donne a pour but de fortifier en elle les vues, les aspirations, les idées des a soutiens de la société», et, par là, de perpétuer les mensonges conventionnels. Au foyer domestique ou à l'école, la méthode est toujours la même. «On fait autant de mensonges à l'école qu'à la maison; partout on ne fait que mentir aux enfants.»[1]
Sachant que l'enfant n'est pas sensible aux calculs d'intérêt et de parti, que la pureté de sa jeune âme ne lui permet pas encore de se méfier des maîtres trop complaisants, ces derniers se pressent de remplir son cerveau, sa mémoire de fausses notions et d'idées absurdes.
Transmettre aux enfants leurs maladies physiques et morales ne suffit pas aux parents, ils leur enseignent, dès leur enfance, que le Dieu invisible a tout prévu ici-bas,—la nécessité de la propriété et de la misère, du luxe et de la faim, de l'oisiveté des uns et du travail démesuré des autres. On leur enseigne que tout dans la société est parfait et qu'ils n'ont qu'à continuer l'oeuvre de leurs ancêtres. On détruit en eux tout: la promptitude et la franchise de l'esprit, la puissance de la volonté individuelle, l'intelligence et la conscience virginales.
L'éducation a pour but de tuer dans l'enfant tout germe d'initiative personnelle: on ne lui apprend ni à penser, ni à vouloir, ni à vivre par lui-même. On travaille sur l'enfant, sur l'élève, comme sur une chose, ou comme sur un animal dont on veut dompter les énergies. Et cet état de chose n'est pas particulier à tel ou tel pays, il est général, il est universel.
«Demandez à cent jeunes français, sortant du collège, à quelles carrières ils se destinent; les trois quarts vous répondront qu'ils sont candidats aux fonctions du gouvernement. La plupart ont pour ambition d'entrer dans l'armée, la magistrature, les ministères, l'administration, les finances, les consulats, les ponts et chaussées, les mines, les tabacs, les eaux et forêts, l'université, les bibliothèques et archives, etc., etc. Les professions indépendantes ne se recrutent, en général, que parmi les jeunes gens qui n'ont pas réussi à entrer dans une de ces carrières.»[2]
Dès l'enfance on a tué dans l'homme toute initiative, toute volonté, tout respect pour sa personnalité, pour son individualité. «Les moeurs n'ont guère permis jusqu'à maintenant qu'on respectât l'individualité de l'enfant comme celle d'un égal futur, et peut-être d'un supérieur en développement intellectuel et moral. Rares sont les parents qui voient dans leur fils un être dont les idées et la volonté sont destinées à grandir d'une manière originale, et rare l'instituteur qui ne cherche à dicter aux élèves ses opinions, sa morale particulière, et n'essaie de faciliter sa besogne en imposant l'obéissance.»[3]
Et lorsque plus tard la vie leur dévoile la vraie lumière, leurs âmes sont déjà trop imprégnées d'impressions, d'idées fausses. Ce ne sont pas des hommes, ce sont des machines faites pour être dirigées par un mécanisme extérieur et artificiel. Il faut être fort, il faut porter en soi des germes d'une individualité puissante, pour pouvoir se débarrasser de toutes les erreurs, de tous les mensonges, de toutes les souillures morales qu'on a si soigneusement entretenus en nous pendant nos jeunes années. La majorité constitue cette légion de dégénérés dont Ibsen nous présente quelques types caractéristiques.
Le DrRaak dans laMaison de poupée, Ulrik Brendel dansRosmersholm, Laevborg dansHedda Gabler,Oswald dans lesRevenants, la bohémienne Gerd dansBrand, tous ces êtres ne se dominent guère, maladies héréditaires, folie, ivresse, il y a quelque chose qui les obsède, des souvenirs qui les hantent, desrevenantsdont ils ne peuvent pas se défaire. «Nous sommes tous des revenants. Ce n'est pas seulement le sang de nos père et mère qui coule en nous, c'est encore une espèce d'idée détruite, une sorte de croyance morte, et tout ce qui en résulte. Cela ne vit pas, mais ce n'en est pas moins là, au fond de nous-mêmes et jamais nous ne parvenons à nous en délivrer. Et puis, tous, tant que nous sommes, nous avons une si misérable peur de la lumière!»[4]
«Je vous connais à fond, dit Brand, âmes lâches, esprits inertes! Il vous manque ce battement d'ailes de la volonté, ce frémissement anxieux qui élève les cantiques jusqu'au ciel.» L'esprit morne, le pas traînant, ils s'avancent lourds et fatigués. A leur air sombre, on dirait qu'ils sentent un fouet derrière eux. Leurs fronts portent le voile du vice. Leurs regards plongent dans les ténèbres. C'est l'image du péché, ce n'est plus l'image de Dieu. Qui donc leur criera: «Je sens courir dans mes veines le fleuve brillant de la jeunesse. Vigoureux rejeton, je suis né de l'amour de deux êtres beaux, jeunes, ardents, tandis que toi, fragile créature sans énergie, sans vie, tu es né de l'union morne et glacée de deux êtres liés par un contrat qui ne peut exciter en eux la flamme des sens!»[5]
Ils sont tous malades, physiquement et moralement. «Mon épine dorsale, la pauvre innocente, se plaint le docteur Raak[6], doit souffrir à cause de la joyeuse vie qu'a menée mon père quand il était lieutenant.»
Oswald[7], peintre, n'a jamais mené une vie orageuse sous aucun rapport et pourtant «il se sent brisé d'esprit», il ne peut plus travailler, il est comme «un mort-vivant». Il a de très violentes douleurs à la tête, spécialement à l'occiput, comme s'il avait le crâne dans un cercle de fer, de la nuque au sommet. Toute sa force est paralysée, il ne peut pas se concentrer et arriver à des images fixes. Sa maladie s'explique: son père fut alcoolique tout en étant chambellan.
Tous ces êtres sont las, fatigués de vivre, à peine entrés dans la vie. Leur moral est égal à leur physique. «Les désirs, sentiments, passions, qui donnent au caractère son ton fondamental, ont leurs racines dans l'organisme, sont prédéterminés par lui.»[8]Quel abaissement des caractères et de la volonté!
Jamais le sens moral n'eut une voix moins puissante, jamais la conscience ne parla moins dans le monde. La soif des jouissances matérielles paraît avoir étouffé tout sentiment supérieur. La loi du plaisir exclusif engendre fatalement tous les égoïsmes et tarit dans leur source tous les sentiments élevés de l'âme. La dégénérescence des moeurs ne consiste pas seulement dans l'accomplissement des actes immoraux, elle existe aussi dans lapenséecorrompue, dans l'imagination malade. On ne croit qu'à la force brutale, à l'argent, aux impulsions extérieures; on ne croit plus à la conscience, à la volonté, à l'amitié.
Borckman[9]regrette amèrement de s'être confié à un ami qui l'a trahi. Cette trahison le fait maudire L'amitié: «Savoir tromper, c'est en cela que consiste l'amitié», dit-il.[10]
Et comment en serait-il autrement?Hoc sentio, nisi in bonis amicitiam esse non posse. L'amitié réelle ne peut exister que dans le bien. Et le bien leur est étranger! Les larges horizons se rétrécissent, on ne sait plus aimer, on ne connaît même plus les haines vigoureuses, lecaractères'efface, lecaractèredisparaît. «Un caractère bien fade est celui de n'en avoir aucun.»[11]On n'a plus le respect de soi-même, il n'y a pas de sentiments généreux, ni dévouement, ni désintéressement.
Cabotins, arrivistes, ils sont envieux, fats, vaniteux, sans principes, sans bases. L'un de ces «jeunes», l'avocat Stensgard[12], est le type admirable de l'arriviste moderne. Il fonde l'Union des jeunespour combattre le vieux parti politique et particulièrement le vieux chambellan, mais il suffit d'une simple invitation à dîner de la part de celui-ci pour qu'il oublie tous ses discours enflammés, toutes ses promesses, même son désir d'épouser MlleMonsen, car il s'aperçoit que la fille du chambellan même est beaucoup plus riche et que c'est un parti plus avantageux.
Et lorsqu'il apprend qu'elle est ruinée et que MlleMonsen ne veut plus de lui, il se décide à épouser—également trop tard—une riche aubergiste, à laquelle, étant très prévoyant, il faisait aussi une cour assidue.
On fonde des Unions, des Cercles, des Ecoles, des Ligues, pour mieux masquer, dans l'anonymat, le vide de ceux qui s'y réfugient. Que de nullités peuvent abriter des noms pompeux commeUnion des jeunes! Toute leur morale, c'est celle du succès.Honesta quaedam scelera successus facit.[13]
Et dès qu'un esprit indépendant s'éloigne de cesUnionspour ne suivre qu'un chemin droit et librement choisi, les médisances, les calomnies, les perfidies, les hostilités basses, les intrigues le poursuivent de toutes parts.
Seuls, les forts continuent le combat, n'écoutent que la voix de leur conscience, sans se laisser décourager, et ne prêtent qu'un sourire de pitié aux parasites, qui en médisent. Les autres, les faibles, perdent leur foi en eux-mêmes et tombent empoisonnés.
La véritable valeur morale n'a besoin ni d'insignes, ni d'écoles, ni de ligues pour se révéler, elle se trahit, même quand on la cache, comme la misère morale se trahit même quand on la dissimule. Pratiques jusqu'à l'excès, les «jeunes» d'aujourd'hui ne font que prostituer chaque jour les forces de leurs pensées et de leurs affections. Le champ de leurs exploits est la vie dite mondaine dont la haute science consiste pour eux dans l'art de laisser deviner avec élégance les mérites qu'ils n'ont pas. Et ils plaisent....
On plaît souvent plus par ses défauts que par ses qualités. Toute leur phraséologie, tous leurs beaux discours ne servent qu'à eux-mêmes, à leur carrière. Ce qu'ils cherchent, c'est à jeter de la poudre aux yeux, c'est à faire quelque chose. Peu importe ce qu'on fait—jouer aux courses ou fonder desUnions—l'essentiel est de faire. «Du haut en bas, si l'on nous prend tous en bloc, on peut nous appeler une race de faiseurs,» dit le maître d'école dansBrand.
La seule, la vraie Union de tous ces êtres atteints d'anémie morale, le seul point sur lequel ils sont tous d'accord, c'estl'argent, cause de lâchetés, de suicides, de la démoralisation, de toutes les horreurs. «L'argent est un maître abominable, il ne doit être que le serviteur.»[14]
Ce maître abominable règne aujourd'hui en toute liberté, et sa domination est un des caractères saillants de notre société. Le nom de ce métal a pris dans la vie sociale une signification qui fait de lui le maître de la vie. L'argent a supprimé le travail individuel, il pervertit celui dont le coeur était pur, le rend égoïste, incapable de nobles élans d'âmes, il divise la famille, il pousse le jeune homme à épouser non pas celle qu'il aime mais celle qui est riche, il pousse la mère à sacrifier le bonheur de sa fille en la donnant au plus riche épouseur. Aucune branche de la société n'échappe à l'adoration universelle de la Bête d'Or: «Jeunes mariés dont les rêves d'amour sont des rêves dorés et qui avouent sans vergogne qu'ils aiment non pas telle ou telle personne, mais telle ou telle dot, comme si la famille n'avait d'autre but que d'unir et de procréer des sacs d'écus; époux, dont la crainte de diminuer leur bien-être arrête les élans de la passion; financiers qui, froidement, par leurs coups de bourse, prennent l'épargne de pauvres gens, les condamnent à la misère, préparent leurs suicides, mais dont on exalte le bon coeur parce qu'ils donnent quelques francs dans une souscription publique, bourgeois qui vivent chichement, se refusant tout plaisir, afin d'entasser quelques pièces d'or de plus; rentiers dont l'existence se passe à toucher les intérêts, à les mettre de côté, à en toucher de nouveaux, à supputer les chances de hausse ou de baisse et dont la pensée rabougrie ne s'élève pas au-dessus de cet étroit horizon; écrivains qui, sous couleur d'art, débitent des romans pornographiques, afin de réaliser de plus gros bénéfices; magistrats condamnant sans pitié de pauvres malheureux qui ont «tondu un pré de la largeur de leur langue», mais pleins d'indulgence pour les agioteurs ayant dérobé des millions et dont l'appui leur paraît promettre des jours fortunés; politiciens dont l'hostilité se laisse attendrir à propos, quand il s'agit de questions dans lesquelles se trouvent intéressées de puissantes sociétés financières; catholiques, protestants, juifs, tous, se roulant aux pieds du Veau d'or, attendent de lui un sourire.»[15]Il faut leur crier leurs vérités en face, à tous ces inutiles, à l'intelligence vide, au coeur sec, infatués d'eux-mêmes, orgueilleux sans grandeur, égoïstes sans esprit, traînant à la remorque de leurs passions une existence factice et déprimante, sans but, sans volonté, sans idéal, sans foi!
Le luxe immédiat est le souverain bien, l'argent est la seule idole de ces humains dits civilisés. Les parlements, les chancelleries, les rédactions, sont des succursales de la Bourse. L'argent mène la religion, l'argent mène la politique, l'argent mène la presse, l'argent mène la famille, l'argent mène tout et tous. Toute leur volonté étant dirigée vers l'argent, il ne leur en reste rien pour la vie. Ils n'ont même pas la volonté d'être heureux. «Êtres incomplets, ils n'ont que le désir, sans avoir la pensée; ils imaginent, mais ils ne savent point vouloir.»[16]
Dansla Comédie de l'amour, le poète Falk et Svanhild se déclarent leur amour.
FALK.—Dans ma barque naviguant vers l'avenir, il y a place pour deux. Si vous avez du courage, marchons côte à côte dans le combat. Côte à côte nous marcherons et notre existence sera un long cantique d'adoration et d'actions de grâce.
SVANHILD.—La lutte est facile quand on est deux à combattre et que l'un des combattants est un homme vaillant.
FALK.—Et que l'autre est une femme généreuse; il est impossible que deux êtres semblables succombent.
SVANHILD.—Prends-moi donc tout entière. Les fleurs s'épanouissent, mon printemps est venu. Et maintenant, luttons contre la misère et la douleur!
Croyez-vous que Falk et Svanhild tenteront le bonheur? Point. Un négociant leur fait comprendre que si
«L'honneur sans argent n'est qu'une maladie.»[17]
l'amour sans écus est une folie. L'amour disparaît, la position demeure. Et les jeunes gens se séparent. Svanhild épouse le riche négociant qui lui a découvert le sens de la vie; quant à Falk, il se met, je crois, à étudier la théologie. Ils prennent pour prétexte de leur séparation le désir de rester en plein rêve et de ne pas voirsombrersous les coups de la réalité les splendeurs de leur songe, mais le fait est qu'ils brisent leur bonheur, ils le brisent eux-mêmes de leurs propres mains. Et la cause? Leur volonté est abolie. Ils n'ont pas de volonté d'agir, de tenter le bonheur.
Gina, la femme de Hialmar, est l'ancienne maîtresse de Werlé, riche industrie[18]. Hialmar, confiant, ignore qu'il y a de la boue à l'origine de son mariage, et que son foyer repose sur un mensonge. Le fils de Werlé, Grégoire, ancien ami de Hialmar, atteint d'une maladie qu'un des personnages de la pièce désigne sous le nom de «fièvre de justice aiguë», se décide à apprendre au mari le passé de sa femme. «Hialmar, connaissant la faute de Gina, pourra la lui pardonner; il n'y aura plus de mensonge entre eux, ils seront parfaitement heureux, et leur bonheur, fondé sur la vérité, sera solide autant qu'ineffable.»
Après l'explication entre les époux, Grégoire entre, leur tendant les mains:
GRÉGOIRE.—Eh bien, mes chers amis, est-ce fait?
HIALMAR.—C'est fait. J'ai vécu l'heure la plus amère de ma vie,
GRÉGOIRE.—Mais aussi la plus pure, n'est-ce pas?
HIALMAR.—Enfin, pour le moment c'est fini.
GINA.—Que Dieu vous pardonne, monsieur Werlé!
GRÉGOIRE (avec un profond étonnement).—Je n'y comprends rien.
HIALMAR.—Qu'est-ce que tu ne comprends pas?
GRÉGOIRE.—Cette grande liquidation qui devait servir de point de départ à une existence nouvelle, à une vie, à une communauté basée sur la vérité délivrée de tout mensonge?
HIALMAR.—Je sais, je sais très bien.
GRÉGOIRE.—J'étais si intimement persuadé qu'à mon entrée je serais frappé par une lumière de transfiguration illuminant l'époux et l'épouse. Et voici que devant moi tout est morne, sombre, triste.
Ils n'ont même pas le courage de leur rénovation! La moindre lutte morale brise ces malades. «L'état physique de l'individu doit être en rapport avec ce qu'il aura à supporter, sans cela une émotion contraire serait un obstacle fatal.»[19]Tout leur tapage étourdissant n'est fait que pour cacher la faiblesse de leurs convictions, de leur foi. «Le doute et le trouble sont dans toutes les âmes; la défiance est dans tous les esprits.»[20]Le doute pénètre partout, il porte le découragement; jusqu'au fond de l'être, là où se puisent les grands élans, là où l'homme entend la voix mystérieuse et puissante qui le sollicite à être lui-même. Il vaut mieux que l'âme humaine se berce de rêves; chimériques en s'avançant toujours que de végéter dans l'inaction et le doute. Si le doute amène les âmes fortes vers la lumière, il anéantit complètement les faibles, les dégénérés, les infirmes moraux, les déformés par la société. La folie du doute perpétuel n'est que l'exagération de cette perplexité continuelle qui amène les hommes à ne plus oser rien faire, rien désirer, rien vouloir, rien tenter. Pascal a dit quelque part que «le dessein de Dieu sur nous est plus de perfectionner la volonté que l'esprit». Vérité, hélas, trop oubliée de nos jours. Les meilleurs esprits n'osent pas seulement agir, ils n'osent rien affirmer, rien nier, rien vouloir avec énergie.
Le doute porte sur tout. Même ceux qui aspirent vers quelque chose de supérieur, vers la liberté, vers la lumière «qui pensent et croient ne veulent pas s'en rendre compte, ne veulent pas s'y arrêter».[21]Dans un moment de crise, ils crient comme Oswald[22]: «Le soleil!... Le soleil!...» et ils ne font rien pour dissiper les ténèbres où ils végètent!
«Vous voulez bien croire un peu, mais sans y regarder de trop près, et faire peser tout le fardeau sur celui qui, vous a-t-on dit, s'est chargé de l'expiation. Puisqu'il s'est laissé couronner d'épines pour vous, il ne vous reste plus qu'à danser. Mais il s'agit de savoir où cette danse vous mène.»[23]Ce ne sont pas eux qui régénéreront l'humanité. «Les dégénérés ne changent pas l'histoire; ils la subissent.»[24]L'avenir n'est pas à eux. L'avenir est à ceux qui sont désabusés.
Notes:
[1]Ibsen.Un ennemi du peuple.
[1]Ibsen.Un ennemi du peuple.
[2]Edmond Demolins.A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons, p. 3.
[2]Edmond Demolins.A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons, p. 3.
[3]Elisée Reclus.L'Idéal de la jeunesse, p. 8.
[3]Elisée Reclus.L'Idéal de la jeunesse, p. 8.
[4]Ibsen.Gjengangere(Les Revenants), Madame Alving.
[4]Ibsen.Gjengangere(Les Revenants), Madame Alving.
[5]Shakspeare.Roi Lear, paroles que le fils naturel adresse au fils légitime.
[5]Shakspeare.Roi Lear, paroles que le fils naturel adresse au fils légitime.
[6]Et Dukkehjem(Maison de poupée).
[6]Et Dukkehjem(Maison de poupée).
[7]Ibsen.Gjengangere(Revenants).
[7]Ibsen.Gjengangere(Revenants).
[8]Th. Ribot.Maladies de la personnalité, p. 39 (Paris, F. Alcan).
[8]Th. Ribot.Maladies de la personnalité, p. 39 (Paris, F. Alcan).
[9]Ibsen.John-Gabriel Borckman.
[9]Ibsen.John-Gabriel Borckman.
[10]«Dans l'adversité de nos meilleurs amis, dit La Rochefoucauld (Maximes, 241), nous trouvons toujours quelque chose qui ne déplaît pas», mais il ne va pas jusqu'à dire que «l'amitié, c'est savoir tromper».
[10]«Dans l'adversité de nos meilleurs amis, dit La Rochefoucauld (Maximes, 241), nous trouvons toujours quelque chose qui ne déplaît pas», mais il ne va pas jusqu'à dire que «l'amitié, c'est savoir tromper».
[11]La Bruyère.Les caractères, édition Garnier frères, p. 131.
[11]La Bruyère.Les caractères, édition Garnier frères, p. 131.
[12]Ibsen.De Unges forbund(L'union des jeunes).
[12]Ibsen.De Unges forbund(L'union des jeunes).
[13]Senèque.Phèdre.
[13]Senèque.Phèdre.
[14]Charles de Rible.La Famille et la Société en France, avant la Révolution, t. I, p. 80.
[14]Charles de Rible.La Famille et la Société en France, avant la Révolution, t. I, p. 80.
[15]Urbain Guérin.L'Evolution sociale, p. 193.
[15]Urbain Guérin.L'Evolution sociale, p. 193.
[16]Elisée Reclus.Evolution et Révolution, p. 6.
[16]Elisée Reclus.Evolution et Révolution, p. 6.
[17]Boileau.
[17]Boileau.
[18]Ibsen.Canard sauvage.
[18]Ibsen.Canard sauvage.
[19]Bain.Emotions et volonté, p. 17.
[19]Bain.Emotions et volonté, p. 17.
[20]Ibsen.Samfundets stötter(Soutiens de la société).
[20]Ibsen.Samfundets stötter(Soutiens de la société).
[21]Ibsen.Gjengangere(Les Revenants).
[21]Ibsen.Gjengangere(Les Revenants).
[22]Ibid.
[22]Ibid.
[23]Ibsen.Brand.
[23]Ibsen.Brand.
[24]Kropotkine.L'Anarchie, sa philosophie, son idéal, p. 25.
[24]Kropotkine.L'Anarchie, sa philosophie, son idéal, p. 25.
Si l'anthropologie moderne a prouvé la transmission des vices et des maladies par les parents à leurs enfants, la psychologie n'a pas moins démontré que parmi la médiocrité des êtres apparaissent quelques individus mieux doués qui, après avoir traversé une période d'évolution et de crise, triomphent, deviennent des types plus parfaits et obtiennent de nouvelles victoires et de nouveaux progrès. «L'humanité, en se débattant dans une lutte séculaire pour améliorer ses institutions sociales, atteint involontairement à quelque chose de bien différent et de bien plus grand: sa propre réforme, l'ennoblissement de son caractère moral, le couronnement de l'évolution biologique grâce à la création d'un type plus élevé et plus pur.»[1]
Ces êtres souffrent dans la société actuelle, leurs droits sont méconnus. Ces âmes étouffent sous le poids des préjugés et des mensonges, elles ne peuvent aisément s'enlever et prendre leur vol; elles n'ont ni liberté, ni indépendance pour assurer leur existence, elles doivent s'incliner sous la volonté desseigneurs de la finance, de la politique, de la pensée. «Le manque d'oxygène affaiblit la conscience, et l'oxygène manque presque absolument dans notre société, puisque toute la majorité compacte est assez dénuée de sens moral pour ne pas vouloir comprendre que l'on n'édifie rien sur une fondrière de mensonge et de fourberie.»[2]
«On étouffe ici, dit Brand; un air de sépulcre s'élève de cet étroit vallon. En vain on y déploierait un drapeau, aucun souffle frais et libre ne le ferait flotter. «Tout ce qu'il y a de bon au fond des hommes sera étouffé si on laisse subsister cet état de choses. Mais cela ne doit pas durer! Oh! quel bonheur ce serait, quel bonheur de pouvoir apporter un peu de lumière dans cet abîme de ténèbres et de méchanceté.
«Si j'avais le pouvoir, se lamente Rosmer[3], de leur faire avouer leurs torts, de réveiller la honte et le repentir dans leurs coeurs, de les amener à se rapprocher de leurs semblables avec confiance, avec amour! Il me semble qu'on pourrait y arriver. Que la vie deviendrait belle alors! Plus de combats haineux, rien que des luttes d'émulation, tous les regards fixés sur un même but, toutes les volontés, tous les esprits tendant sans cesse plus loin, toujours plus haut, chacun suivant le chemin qui convient à son individualité. Du bonheur pour tous, créé par tous.»
La corruption des moeurs, la dégradation actuelle de la société n'est que le signe d'une nécessité absoluede sa transformation morale. De tous côtés s'élève une plainte immense qui monte confuse. Au sein de l'ivresse générale, du bien-être, de jouissances innombrables; au sein de cet énervement, de ce mal qui ronge, on entend le bruit du réveil, le murmure des volontés et des espérances.
Des idées nouvelles germent partout, elles cherchent à se faire jour, à trouver une application dans la vie, mais elles se heurtent continuellement à la force d'inertie de ceux qui ont intérêt à maintenir le régime actuel, elles étouffent dans l'atmosphère suffocante des anciens préjugés et des traditions. Les idées reçues sur la constitution des États, sur les lois de l'équilibre social, sur les relations politiques et économiques des citoyens entre eux, ne tiennent plus devant la critique sévère qui les sape chaque jour, à chaque occasion, dans le salon comme au cabaret, dans les ouvrages du philosophe comme dans la conversation quotidienne.
«Les institutions politiques, économiques et sociales tombent en ruines; elles gênent, elles empêchent le développement des germes qui se produisent dans leurs murs lézardés et naissent autour d'elles. Un besoin de vie nouvelle se fait sentir. Le code de moralité établie, celui qui gouverne la plupart des hommes dans leur vie quotidienne, ne paraît plus suffisant. On s'aperçoit que telle chose, considérée auparavant comme équitable n'est qu'une criante injustice; la moralité d'hier est reconnue aujourd'hui comme étant d'une immoralité révoltante. Le conflit entre les idées nouvelles et les vieilles traditions éclate dans toutesles classes, de la société, dans tous les milieux, jusque dans le sein de la famille.»[4]
Et c'est le réveil. On a beau vouloir arrêter le courant: on n'a pas la force de le détourner. Le courant suit son chemin, marche à l'accomplissement de sa mission, dissipant l'atmosphère étouffante qui l'environne. Il faut changer cette atmosphère sépulcrale. Il faut qu'un beau soleil entre ici.
«Que venez-vous faire dans notre société? demande Rorlund à Lona, qui revient d'Amérique.
—Lui donner de l'air, monsieur le pasteur![5]lui répond celle-ci. Mais lorsqu'un édifice est resté trop longtemps fermé, on a de la peine à l'aérer, les fenêtres ne s'ouvrent pas facilement, souvent même on est obligé de les briser....
—Que voulez-vous édifier?
—Édifier? Il s'agit d'abord de démolir.[6]»
«Et cela n'a aucune importance, dit Stockmann[7], qu'une société mensongère soit démolie! Il faut l'anéantir, il faut faire disparaître, comme des animaux nuisibles, tous ceux qui vivent dans le mensonge. J'aime tant ma ville natale, ajoute-t-il, que je préférerais la ruiner que de la voir prospérer sur un mensonge.»
Mais on ne détruit que ce qu'on remplace. «Si les vieux mots sont usés, il ne faut pas les enlever de la langue avant d'en avoir créé d'autres.»[8]
Dans les pages qui vont suivre nous chercheronsles mots que les personnages d'Ibsen substituent à ceux qu'ils veulent enlever de la langue actuelle; nous chercherons à déterminer les bases sur lesquelles ils comptent édifier la Société nouvelle. Car toute phase sociale est poussée par une phase future qui se prépare à la remplacer. C'est la loi de l'évolution universelle de tous les phénomènes: physiques, moraux et sociaux. La société actuelle doit céder sa place à une société nouvelle, sinon la loi d'évolution se trouverait suspendue, hypothèse anti-scientifique. Si l'évolution condamne toute transformation arbitraire, elle condamne aussi toute immobilité, toute inertie; loin d'exclure la possibilité des réformes pacifiques, elle ne veut pas laisser l'humanité s'endormir, elle l'engage à l'activité consciente, à la marche vers une ère nouvelle.
—Ils ont eu leur aurore,—dit Brand au seuil de l'Église nouvelle qu'il a fait construire,—pourquoi ne verraient-ils pas leur déclin? L'ordre universel veut de la place pour les formes à naître.... Ce qui ne périt pas, c'est l'esprit incréé, c'est l'âme, dissoute dans l'éclosion printanière du monde, l'âme qui, d'audace et de foi virile, a construit une arche allant de la matière à la source de l'être. Cette âme est maintenant partagée en petites portions qui se débitent en détail.
De cette mutilation, de ces tronçons d'âme, de ces membres détachés, épars, il faut qu'un toutsurgisse.... Hommes, vous êtes au croisement des chemins! Avec votre volonté entière, vous devez vouloir le nouveau, l'anéantissement de toutes les constructions pourries, pour que le grand sanctuaire ait la place qui lui revient....
Notes:
[1]A. Loria.Problèmes sociaux contemporains, p. 174.
[1]A. Loria.Problèmes sociaux contemporains, p. 174.
[2]Ibsen.En Folkefiende(Un Ennemi du peuple).
[2]Ibsen.En Folkefiende(Un Ennemi du peuple).
[3]Ibsen.Rosmersholm.
[3]Ibsen.Rosmersholm.
[4]Pierre Kropotkine.Paroles d'un révolté, p. 275.
[4]Pierre Kropotkine.Paroles d'un révolté, p. 275.
[5]Ibsen.Samfundets stötter(Soutiens de la société).
[5]Ibsen.Samfundets stötter(Soutiens de la société).
[6]Le unges forbund(L'Union des jeunes).
[6]Le unges forbund(L'Union des jeunes).
[7]Un Ennemi du peuple.
[7]Un Ennemi du peuple.
[8]Brand(Eynor).
[8]Brand(Eynor).
«Qui n'a pas été renversé une fois dans sa vie! Il faut se relever et ne faire semblant de rien. Seuls le présent d'un homme et son avenir peuvent racheter son passé.»
Borckman[1], qui dit ces paroles, semble indiquer par là que la rénovation est possible, qu'il n'est jamais tard de renaître, mais que seuls le présent et l'avenir sont capables de racheter le passé. Des hommes forts et intelligents peuvent toujours réagir et se refuser à être plus longtemps serfs du mensonge. Mais non seulement l'homme est perfectible, la société l'est aussi. «Si quelque esclave de ce monde fait une brèche au grand capital humain, un autre, par son travail, peut toujours réparer le dommage.»[2]Un individu, comme une nation, peut setromper, s'égarer, mais aussi le reconnaître, se repentir et réparer le mal.
Ibsen ne se contente pas de faire exprimer à ses héros l'idée de la possibilité de la régénération morale de l'individu et de la société, il leur fait indiquer la base même de cette rénovation: l'Amour.
«Notre coeur est ce jeune univers créé pour recevoir l'esprit divin. C'est là qu'il faut tuer le vautour de la convoitise. C'est là que le nouvel Adam doit naître.»[3]
C'est grâce à l'Amour de Lona que Bernick[4]se repent, avoue à tous ses torts et commence une vie nouvelle. Mais c'est surtoutPeer Gyntqui nous offre la démonstration éclatante que l'Amour est le premier jalon de tout relèvement moral.
Peer Gynt, après avoir gâché sa vie dans bien des aventures, revient, tête blanche, dans son pays natal où, dans sa jeunesse, il fut aimé par une jeune fille, Solveig. Il éprouve des remords d'avoir toujours fui la voie droite, la vie sérieuse. La nuit vient; il court dans la forêt où il connut, dans son enfance, des heures délicieuses, et il lui semble entendre autour de lui des voix s'élever: des bobines de fil qui roulent à ses pieds murmurent: «Nous sommes des questions que tu devais résoudre»; le vent gémit: «Nous sommes des chants que tu devais chanter»; et des gouttes de rosée tombent des branches en soupirant: «Nous sommes des larmes que tu n'as pas répandues»; et des brins de paille lui disent:«Nous sommes les oeuvres que tu devais accomplir, nous sommes les forces que tu n'as pas voulu aimer.»
Peer Gynt veut se persuader qu'en gâchant sa vie, il est restélui-même, qu'il a vécu suivant sonmoi,mais le vide qui se fait autour de lui, lui prouve qu'il n'a été qu'un égoïste. Peer Gynt est seul. Sa conscience se réveille. «Terre splendide, prie-t-il, ne t'offense pas parce que j'ai foulé ton herbe inutilement! Soleil magnifique, tu as versé tes rayons sur une hutte inhabitée—le propriétaire n'était jamais chez lui.... Oh! je veux monter jusqu'au plus haut sommet, je veux voir encore une fois le soleil se lever, je veux contempler la terre promise....»
Il arrive devant la maison de Solveig au moment où celle-ci, vieillie, sort de la hutte, un bâton et un livre de cantiques à la main.
PEER GYNT.—Un pécheur est devant toi. A toi de le juger.
SOLVEIG.—C'est lui. Loué soit Dieu!
PEER GYNT.—Accuse-moi, dis combien j'ai péché envers toi!
SOLVEIG.—Tu n'as commis aucun péché!
PEER GYNT.—Dis-moi mon crime.
SOLVEIG.—Tu as fait de ma vie un poème. Bénie soit notre rencontre! Le vrai Peer Gynt qui avait au front un sceau le marquant pour une haute destinée, a vécu dans ma conscience, dans mon espoir, dans mon amour!
Une clarté illumine la figure de Peer Gynt. Il pose sa tête sur les genoux de Solveig qui chante: «Dors, mon ami, je te bercerai, je te veillerai ... dors et rêve!» Solveig chante et le soleil se lève....
«Faire un homme heureux, c'est mériter de l'être», dit Jean-Jacques[5]. DansPeer Gynt, Ibsen prouve que l'homme, apte à faire jaillir de son coeur dans celui d'un autre être humain les rayons ardents de l'amour, est capable de se relever moralement. L'amour, c'est le soleil qui vivifie; il ennoblit, il régénère. «L'amour possède une force surhumaine qui élève au-dessus de la fange de la vie quotidienne, et le fait briller de toute sa magnificence aux yeux de tous.»[6]
C'est la richesse du coeur qui seule donne du prix aux richesses de toutes nos facultés; même la science n'est vivante et complète que par l'amour. Les hommes ne font rien avec une idée, quand un sentiment ne s'y joint pas. On regrette moins d'avoir eu du coeur que de l'esprit.
L'amour féconde, agrandit et élève toutes les facultés intellectuelles et morales. Par lui le sentiment proprement dit, qui n'est d'abord que le produit d'une sensation, devient affectif, manifeste des préférences, éveille l'activité et agit ainsi sur la volonté avec une puissance de plus en plus grande. Que de crimes seraient évités si nous étions entourés de plus de sympathie, si la solidarité était plus chaude et plus réconfortante! C'est ce manque de fraternité et d'amour qui rend la lutte pour la vie si terrible et si acharnée. Sans amour tout changement du régime actuel ne sera qu'une substitution d'une classe à une autre, un changement de noms pour les maux qui demeurent.
Le mal de l'humanité ne vient pas de la nature, ilvient, il grandit parce que les hommes ne savent plus aimer. Aucun mécanisme ne donnera à l'humanité le bonheur, si elle ne veut pas comprendre qu'il y a ici-bas un moyen capable d'adoucir toutes les misères et toutes les souffrances, et c'est l'Amour. L'être humain à l'instant où bat son coeur, se transfigure et s'illumine comme une aurore.
Seul l'amour établit une harmonie entre les individus. Cette harmonie peut être aperçue par l'intelligence, mais elle n'est sentie et réalisée que par le coeur. L'amour est l'intelligence descendue dans les fonds mêmes de l'âme. L'intelligence qui n'arrive point à l'amour, à la volonté, manque de puissance pour le développement de la vérité, elle n'en atteint point la vaste et sublime profondeur. La science, les lois, les institutions les plus sages, sont une lettre morte que l'amour seul peut transformer en parole vivante. C'est que l'intelligence n'est que le reflet du foyer d'amour, et à mesure que le foyer est plus actif, la lumière est plus vive. Des plus intimes profondeurs de l'amour jaillit la lumière de l'intelligence. Le génie, l'héroïsme, la morale, sont dus à l'amour, c'est par amour qu'il peut être compris, c'est par amour qu'il peut être régénéré, car l'amour seul crée l'amour.
Notes: