CHAPITRE III

« Si l’on pouvait, du moins, se faire blesser un peu proprement !… »

Le voilà qui rêve.

« Et si, murmura-t-il encore, ce surnom ridicule que vous m’avez donné servait à quelque chose, m’apportait une gloire… Mais je cherche en vain… Cigogne, Cigogne, c’est toujours l’oiseau grotesque à patte pliée que l’on perche sentimentalement sur un toit d’Alsace.

— Ne fais pas du roman !

— J’aimerais… J’aimerais bien ! »

Et Cigogne rougit.

Certains jours, voyez-vous, il m’exaspère. Ses absences deviennent trop fréquentes. Nos camarades disent alors qu’il saute dans la lune, qu’il part en permission. Je croirais plutôt qu’il rentre en lui-même ou, plus exactement, que, sans changer de place, il retrouve son vrai foyer. Nous le comparions à un échassier, voici qu’il me présente l’image rétractile d’un escargot. Quoi qu’il fasse, Cigogne est à l’étranger parmi nous. Sa demeure est en dedans. Lorsqu’il nous quitte de cette façon, n’insistez pas : vous ne tireriez de ce garçon scrupuleusement courtois que des paroles froides, voire blessantes, des ripostes. Il serait même grossier, à l’occasion.

Le chien couché devant un poêle grogne si vous le dérangez. Cigogne se chauffe à son cœur. Il a ses petites manies. Je m’amuse bien, le dimanche, à pêcher des goujons dans les trous de la Largue ! Pourquoi Cigogne ne se divertirait-il pas à sa manière ?

« Et puis, fous-moi la paix ! tu m’embêtes ! »

Ce disant, il regarde au loin, si loin que, pour répondre, on est pris de court.


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