CHAPITRE XXIILA NACRE ET LES PERLES.Ainsi la nacre industrieuseJette la perle précieuse.(A. Chénier.)ILa nacre et les perles sont produites principalement par un coquillage bivalve que les conchyliologistes désignent sous le nom dePintadine mère aux perles.PINTADINE MÈRE AUX PERLES(Meleagrina margaritiferaLamarck).Ce bivalve est amarré au fond de la mer par un byssus très-fort, de couleur brune.Les battants de sa coquille sont irrégulièrement arrondis.Pendant leur jeunesse, ils paraissent en dehors légèrement feuilletés et ornés de bandes verdâtres et blanchâtres, qui partent du sommet en rayonnant et en se divisant en deux ou trois branches peu écartées. Dans leur vieillesse, leur surface devient rude et noirâtre.Les plus belles coquilles sont âgées de huit à dix ans. Leur taille peut atteindre alors jusqu’à 15 centimètres de diamètre, et une épaisseur de 27 millimètres.IIOn appellenacre, la substance très-dure et très-brillante qui forme la partie interne de ces valves. Cette matière est blanche, soyeuse, un peu azurée et plus ou moins irisée.La plupart des bivalves peuvent fournir de la nacre. Il y en a même qui en donnent de bleuâtre, de bleue et de violette.L’Oreille de mer Iris[111]offre une nacre d’un beau vert d’émeraude chatoyant, avec quelques reflets d’un violet pourpre. CertainsTurbosprésentent leur bouche brillante comme l’argent[112]ou éclatante comme l’or[113]. Mais ce sont les Pintadines qui donnent la nacre la plus blanche, la plus uniforme et surtout la plus épaisse.Cette production doit à un jeu de lumière son aspect brillant et irisé.Les marchands usent avec un instrument, ou dissolvent avec un acide toute la partie extérieure des coquilles bivalves ou univalves, et mettent à nu la couche nacrée.Tantôt ils dénudent cette dernière en entier, tantôt ils la font paraître par portions et par dessins.IIILesperles, cesgouttes de rosée solidifiée, suivant les Orientaux, sont des sécrétions maladives de l’organe de la nacre. La matière, au lieu de se déposer sur les valves par couches très-minces, se condense, soit contre ces mêmes valves, soit dans l’intérieur des organes, et forme des corps plus ou moins arrondis. Les perles déposées sur les valves sont généralement adhérentes; celles qui naissent dans le manteau ou dans le corps sont toujours libres. Généralement, on trouve dans leur centre un petit corps étranger, qui a servi de noyau à la concrétion. Ce corps peut être un ovule stérile du Mollusque, un œuf de poisson, un animalcule arrondi, un grain de sable..... La matière solide est disposée tout autour, par couches minces et concentriques.Les Chinois et les Indiens ont mis à profit cette observation pour faire produire à divers bivalves, soit des perles, soit des camées artificiels. Ils introduisent dans le manteau du Mollusque, ou bien ils appliquent à la face interne d’une valve des fragments arrondis de verre ou de métal. Dans un cas, ils obtiennent des perles libres, et dans l’autre des perles adhérentes. Voici contre une valve un chapelet tout entier, et sur une autre, une douzaine de jolis camées représentant des Chinois assis. Dans le chapelet sont des grains de quartz attachés par un fil, et dans les camées, des plaques d’étain représentant des figurines.Une seule Pintadine contient quelquefois plusieurs perles.On en cite une qui en renfermait cent cinquante. Cela est-il bien exact?PERLES ET CAMÉES CHINOIS ARTIFICIELS.(Symphynota bialata, Lea).Les perles sont d’abord très-petites. Elles s’accroissent par couches annuelles. Leur éclat et leur nuance varient comme ceux de la nacre qui les produit: tantôt elles sont diaphanes, soyeuses, lustrées et plus ou moins chatoyantes; tantôt mates, sales, obscures et plus ou moins enfumées.IVLes plus importantes pêcheries de Pintadines sont dans le golfe du Bengale, à Ceylan, et dans la mer des Indes. Avant 1795, ces pêcheries appartenaient aux Hollandais. Pendant la guerre des Indes, les Anglais s’en emparèrent,et la possession leur en fut définitivement cédée en 1802, avec celle de Ceylan, par suite du traité d’Amiens.Avant le commencement de la pêche, le gouvernement ordonne une inspection des côtes. Il fait quelquefois la récolte à ses risques et périls. D’autres fois il s’adresse à des entrepreneurs. La saison de la pêche, en 1804, fut cédée à un capitaliste pour une somme de 3 millions. Afin de ne pas dépeupler toutes les zones à la fois, on ne va, tous les ans, que dans une partie du golfe.La pêche des Pintadines, dans le golfe de Manaar, à Ceylan, commence en février ou en mars, et dure une trentaine de jours. Elle occupe plus de deux cent cinquante bateaux, qui arrivent des différentes parties de la côte.Ces bateaux partent de dix heures du soir à minuit. Un coup de canon leur donne le signal. Dès que le jour arrive, les plongeurs se mettent à l’œuvre. Chaque barque est montée parvingt hommes et un nègre; les rameurs sont au nombre de dix. Les plongeurs se partagent en deux groupes de cinq hommes, qui travaillent et se reposent alternativement. Ils descendent jusqu’à la profondeur de 12 mètres, en se servant, pour accélérer leur descente, d’une grosse pierre pyramidale portée par une corde, dont l’autre extrémité vient s’amarrer au bateau.D’après certains voyageurs, on fait souvent, avec les avirons et d’autres pièces de bois, une espèce d’échafaudage à jour, qui dépasse les deux côtés du bateau, et auquel on suspend la pierre à plonger. Celle-ci a la forme d’un pain de sucre et pèse 25 kilogrammes. La corde qui la soutient porte, à la partie inférieure, un étrier pour recevoir le pied du plongeur.Au moment de descendre dans l’eau, chaque homme met son pied droit dans cet étrier, ou bien passe entre les doigts de ce pied la corde à laquelle la pierre est attachée.Il place entre ceux du pied gauche le filet qui doit recevoir les Pintadines; puis, saisissant de la main droite une corde d’appel convenablement disposée, et se bouchant les narines de la main gauche, il plonge, se tenant droit ou accroupi sur les talons.Chaque homme n’a pour vêtement qu’un morceau de calicot qui lui enveloppe les reins. Aussitôt arrivé au fond, il retire son pied de l’étrier ou ses doigts de la corde. On remonte sur-le-champ la pierre, qu’on accroche de nouveau à l’aviron. Alors le plongeur se jette la face contre terre, et ramasse tout ce qu’il peut atteindre. Il met les Pintadines dans son filet. Quand il veut remonter, il secoue fortement la corde d’appel, et on le retire le plus tôt possible.Il y a toujours, pour une pierre à plonger, deux pêcheurs qui descendent alternativement; l’un se repose et se rafraîchit pendant que l’autre travaille.Le temps qu’un habile plongeur peut demeurer sous l’eau excède rarement trente secondes. Lorsque les circonstances sont favorables, chaque individu peut faire quinze à vingt descentes. Souvent il ne plonge guère que trois ou quatre fois. Ce travail est pénible. Les plongeurs, revenus dans la barque, rendent quelquefois par la bouche, le nez et les oreilles, de l’eau teintée de sang: aussi deviennent-ils rarement vieux.On pêche habituellement jusqu’à midi. Un second coup de canon donne le signal de la retraite. Les propriétaires attendent leurs canots et surveillent leur déchargement, lequel doit avoir lieu avant la nuit.En 1797, le produit de la pêche, à Ceylan, fut de 3 600 000 francs, et, en 1798, de 4 800 000 francs. A partir de 1802, la pêcherie était affermée pour la somme de 3 millions; mais, depuis une quinzaine d’années, les bancs de Pintadines sont moins productifs. (Lamiral.)Les indigènes des côtes du golfe du Bengale, ceux des mers de la Chine, du Japon et de l’archipel Indien, se livrent aussi à la pêche des Pintadines. Le produit de cette industrie est estimé, dans ce pays, à une vingtaine de millions.Des pêcheries analogues ont lieu sur les côtes opposées à la Perse, sur celles de l’Arabie, jusqu’à Mascate et la mer Rouge.Dans ces pays, la pêche ne se fait qu’en juillet et août, la mer n’étant pas assez calme dans les autres mois de l’année. Arrivés sur les bancs de Pintadines, les pêcheurs rangent leurs barques à quelque distance les unes des autres, et jettent l’ancre à une profondeur de 5 à 6 mètres. Les plongeurs se passent alors sous les aisselles une corde dont l’extrémité communique avec une sonnette placée dans la barque. Ils mettent du coton dans leurs oreilles et pincent leurs narines avec une petite pièce de bois ou de corne. Ils ferment hermétiquement la bouche, attachent une grosse pierre à leurs pieds, et se laissent aller au fond de l’eau. Ils ramassent indistinctement tous les coquillages qui sont à leur portée, et les jettent dans un sac suspendu au-dessus des hanches. Dès qu’ils ont besoin de reprendre haleine, ils tirent la sonnette, et aussitôt on les aide à remonter.Sur les bancs de l’île de Bahrein, la pêche des perles produit seule environ 6 millions de francs, et, si l’on y ajoute les approvisionnements fournis par les autres pêcheries du voisinage, la somme totale donnée par ces côtes arabes peut s’élever jusqu’à 9 millions. (Wilson.)Dans les mers du sud de l’Amérique, il existe aussi des pêcheries de même genre. Avant la conquête du Mexique et du Pérou, les pêcheries étaient situées entreAcapulco et le golfe de Tehuantepec. Mais, après cette époque, d’autres exploitations furent établies auprès des îles de Cubagua, de Marguerite et de Panama. Les résultats en devinrent si productifs, que des villes populeuses ne tardèrent pas à s’élever dans ces divers lieux. (Lamiral.)Sous le règne de Charles-Quint, l’Amérique envoyait des perles à l’Espagne pour une valeur annuelle de plus de 4 millions de francs. Aujourd’hui, l’importance des pêcheries américaines n’est plus évaluée qu’à 1 500 000 francs.Les plongeurs des côtes dont il vient d’être question descendent tout nus dans la mer. Ils y demeurent vingt-cinq à trente secondes, pendant lesquelles ils arrachent seulement deux ou trois Pintadines. Ils plongent ainsi douze à quinze fois de suite: ce qui donne, en moyenne, de trente à quarante Pintadines par plongeur.VLes Pintadines, apportées sur le rivage, sont étalées sur des nattes de sparterie. Les Mollusques meurent et ne tardent pas à se putréfier: il faut dix jours pour qu’ils se corrompent. Quand ils sont dans un état convenable de décomposition, on les jette dans de grands réservoirs remplis d’eau de mer; puis on les ouvre, on les lave, et on les livre auxrogueurs.Les valves fournissent la nacre, et le parenchyme les perles.On nettoie les valves et on les entasse dans des caisses ou des tonneaux. En enlevant leur surface extérieure, onobtient des plaques de nacre plus ou moins épaisses, suivant l’âge du Mollusque.On distingue, dans le commerce, trois sortes de nacres: lafranche argentée, labâtarde blanche, labâtarde noire.La première se vend par caisses de 125 à 140 kilogrammes. On l’apporte des Indes, de la Chine et du Pérou. Les navires marchands français, hollandais, anglais et américains importent dans nos ports des coquillesen vrac, c’est-à -dire à fond de cale, pour servir de lest.La seconde nacre est livrée encafasde 125 kilogrammes, ou par tonneaux. Elle est d’un blanc jaunâtre et quelquefois verdâtre ou rougeâtre, et plus ou moins irisée.La troisième est une variété d’un blanc bleuâtre tirant sur le noir, avec des reflets rouges, bleus et verts. (Lamiral.)VILes perles forment la partie la plus importante de cette industrie.Quand elles sont adhérentes aux valves, on les détache avec des tenailles. Mais, habituellement, les rogueurs les cherchent au milieu du parenchyme de l’animal. Puis on fait bouillir ce même parenchyme, et on le tamise pour obtenir les plus petites, ou bien les grosses oubliées dans la première opération.Quelques mois après qu’on a jeté le Mollusque putréfié, on voit encore de misérables Indiens remuer ces masses corrompues, pour y chercher les petites perles qui ont pu échapper à la sagacité des industriels.On nommebaroquesles perles adhérentes à la coquille:leur forme est plus ou moins irrégulière; elles se vendent au poids. On appelleviergesouparangonsles perles isolées, formées dans le tissu de l’animal: elles sont globuleuses, ovoïdes ou piriformes; elles se vendent à la pièce.On nettoie les perles recueillies. On les travaille avec de la poudre de nacre, afin de leur donner de la rondeur et du poli. Enfin, on les fait passer dans divers cribles de cuivre pour les séparer en catégories.Ces cribles, au nombre de onze, sont faits de manière à pouvoir s’enchâsser les uns dans les autres; chacun est percé d’un nombre de trous qui détermine la grosseur des perles et leur donne leur numéro commercial. Ainsi, le crible no20 est percé de vingt trous, et les cribles nos30, 50, 80, 100, 200, 600, 800, 1000, sont percés d’un nombre de trous égal à ces chiffres. Les perles qui restent au fond des cribles nos20 à 80 sont comprises sous la dénomination de classemell, ou perles du premier ordre. Celles qui traversent les cribles nos100 à 800 sont de la classevadivoo, ou perles du second ordre. Enfin, celles qui passent au travers du crible no1000 appartiennent à la classe nomméetool, ousemence de perles, qui sont celles du troisième ordre. (Lamiral.)On enfile avec de la soie blanche ou bleue les perles moyennes et les petites; on réunit les rangs par un nœud de ruban bleu ou par une houppe de soie rouge, et on les expédie ainsi par masses de plusieurs rangs, suivant le choix des perles.Les très-petites perles, ditessemence, se vendent à la mesure de capacité ou au poids.En Amérique, on ouvre les bivalves l’un après l’autre, avec un couteau, et l’on cherche les perles en écrasant le Mollusque entre les doigts. On n’attend pas que son parenchyme ait été ramolli par la putréfaction, et on ne le faitpas bouillir. Ce travail est plus long et moins sûr que le procédé des Indes orientales décrit plus haut; mais les Américains prétendent que leur manière d’opérer conserve mieux aux perles leur fraîcheur et leurorient.VIIDivers auteurs ont donné la mesure ou le prix de plusieurs perles célèbres.Une perle de Panama, en forme de poire et grosse comme un œuf de pigeon, fut présentée, en 1579, à Philippe II, roi d’Espagne. Elle était estimée 100 000 francs.Une dame de Madrid possédait, en 1605, une perle américaine du prix de 31 000 ducats.Le pape Léon X acheta une perle à un joaillier vénitien pour la somme de 350 000 francs.Une autre perle donnée par la république de Venise à Soliman, empereur des Turcs, valait 400 000 francs.Jules César offrit à Servilia une perle évaluée à un million de sesterces, environ 1 200 000 francs de notre monnaie.On ne connaît pas au juste le volume ni la valeur des deux fameuses perles de Cléopâtre: l’une que cette reine eut le singulier caprice de faire dissoudre dans du vinaigre et de boire (Dieu nous préserve d’une pareille boisson!); l’autre qui fut partagée en deux parties et suspendue aux oreilles de la Vénus du Capitole. Quelques auteurs pensent que la première de ces perles valait 1 500 000 francs.Il y a deux siècles, une perle fut achetée à Califa par le voyageur Tavernier, et vendue au schah de Perse pour le prix énorme de 2 700 000 francs.Un prince de Mascate a possédé une perle extrêmement belle, non à cause de sa grosseur, car elle ne pesait que 12 carats 1/16e, mais parce qu’elle était si claire et si transparente, qu’on voyait le jour à travers. On lui en offrit 2000 tomans, environ 100 000 francs. Il refusa de la céder.On trouve dans le musée Zozima, à Moscou, une perle presque aussi diaphane. On l’appellepellegrina. Elle pèse près de 28 carats; sa forme est globuleuse.On dit que la perle de la couronne de Rodolphe II pesait 30 carats, et qu’elle était grosse comme une poire. Ce volume est plus que douteux.Le schah de Perse actuel possède un long chapelet dont chaque perle est à peu près de la grosseur d’une noisette. Ce joyau est inappréciable.En 1855, à l’Exposition universelle de Paris, la reine d’Angleterre nous a fait voir de magnifiques trésors de perles fines, et l’Empereur des Français en a montré une collection de 408, chacune pesant 16 grammes, d’une forme parfaite et d’une belle eau. Elles valent ensemble plus de 500 000 francs.Les Romains estimaient beaucoup les perles fines; ils ont transmis leur passion aux Orientaux. Ceux-ci attachent une idée de grandeur et de puissance à la possession des perles les plus grosses et les plus éclatantes.VIIILes Pintadines ne sont pas les seuls bivalves de la mer qui puissent donner des perles. Presque tous les Mollusques sont sujets à la maladie qui façonne la nacre en tubérosités arrondies ou ovoïdes.M. Lamiral a vu une perle de la grosseur d’un œuf de poule Bantam, parfaitement sphérique et blanche comme du lait, provenant dugrand Bénitier.PINNE DE LA MÉDITERRANÉE(Pinna nobilisLinné).LaPinne marineproduit des perles roses. L’Oreille de mer Irisen donne de vertes. D’autres bivalves en fournissent de bleues, de grises, de jaunes et même de noires. Ces dernières sont très-peu communes.Il y en avait un collier dans le trésor de l’empereur de la Chine. Est-ce le même dont on a fait présent à une auguste souveraine?
CHAPITRE XXIILA NACRE ET LES PERLES.Ainsi la nacre industrieuseJette la perle précieuse.(A. Chénier.)I
Ainsi la nacre industrieuseJette la perle précieuse.(A. Chénier.)
Ainsi la nacre industrieuseJette la perle précieuse.
Ainsi la nacre industrieuseJette la perle précieuse.
(A. Chénier.)
I
La nacre et les perles sont produites principalement par un coquillage bivalve que les conchyliologistes désignent sous le nom dePintadine mère aux perles.
PINTADINE MÈRE AUX PERLES(Meleagrina margaritiferaLamarck).
PINTADINE MÈRE AUX PERLES(Meleagrina margaritiferaLamarck).
PINTADINE MÈRE AUX PERLES(Meleagrina margaritiferaLamarck).
Ce bivalve est amarré au fond de la mer par un byssus très-fort, de couleur brune.
Les battants de sa coquille sont irrégulièrement arrondis.Pendant leur jeunesse, ils paraissent en dehors légèrement feuilletés et ornés de bandes verdâtres et blanchâtres, qui partent du sommet en rayonnant et en se divisant en deux ou trois branches peu écartées. Dans leur vieillesse, leur surface devient rude et noirâtre.
Les plus belles coquilles sont âgées de huit à dix ans. Leur taille peut atteindre alors jusqu’à 15 centimètres de diamètre, et une épaisseur de 27 millimètres.
II
On appellenacre, la substance très-dure et très-brillante qui forme la partie interne de ces valves. Cette matière est blanche, soyeuse, un peu azurée et plus ou moins irisée.
La plupart des bivalves peuvent fournir de la nacre. Il y en a même qui en donnent de bleuâtre, de bleue et de violette.
L’Oreille de mer Iris[111]offre une nacre d’un beau vert d’émeraude chatoyant, avec quelques reflets d’un violet pourpre. CertainsTurbosprésentent leur bouche brillante comme l’argent[112]ou éclatante comme l’or[113]. Mais ce sont les Pintadines qui donnent la nacre la plus blanche, la plus uniforme et surtout la plus épaisse.
Cette production doit à un jeu de lumière son aspect brillant et irisé.
Les marchands usent avec un instrument, ou dissolvent avec un acide toute la partie extérieure des coquilles bivalves ou univalves, et mettent à nu la couche nacrée.Tantôt ils dénudent cette dernière en entier, tantôt ils la font paraître par portions et par dessins.
III
Lesperles, cesgouttes de rosée solidifiée, suivant les Orientaux, sont des sécrétions maladives de l’organe de la nacre. La matière, au lieu de se déposer sur les valves par couches très-minces, se condense, soit contre ces mêmes valves, soit dans l’intérieur des organes, et forme des corps plus ou moins arrondis. Les perles déposées sur les valves sont généralement adhérentes; celles qui naissent dans le manteau ou dans le corps sont toujours libres. Généralement, on trouve dans leur centre un petit corps étranger, qui a servi de noyau à la concrétion. Ce corps peut être un ovule stérile du Mollusque, un œuf de poisson, un animalcule arrondi, un grain de sable..... La matière solide est disposée tout autour, par couches minces et concentriques.
Les Chinois et les Indiens ont mis à profit cette observation pour faire produire à divers bivalves, soit des perles, soit des camées artificiels. Ils introduisent dans le manteau du Mollusque, ou bien ils appliquent à la face interne d’une valve des fragments arrondis de verre ou de métal. Dans un cas, ils obtiennent des perles libres, et dans l’autre des perles adhérentes. Voici contre une valve un chapelet tout entier, et sur une autre, une douzaine de jolis camées représentant des Chinois assis. Dans le chapelet sont des grains de quartz attachés par un fil, et dans les camées, des plaques d’étain représentant des figurines.
Une seule Pintadine contient quelquefois plusieurs perles.On en cite une qui en renfermait cent cinquante. Cela est-il bien exact?
PERLES ET CAMÉES CHINOIS ARTIFICIELS.(Symphynota bialata, Lea).
PERLES ET CAMÉES CHINOIS ARTIFICIELS.(Symphynota bialata, Lea).
PERLES ET CAMÉES CHINOIS ARTIFICIELS.(Symphynota bialata, Lea).
Les perles sont d’abord très-petites. Elles s’accroissent par couches annuelles. Leur éclat et leur nuance varient comme ceux de la nacre qui les produit: tantôt elles sont diaphanes, soyeuses, lustrées et plus ou moins chatoyantes; tantôt mates, sales, obscures et plus ou moins enfumées.
IV
Les plus importantes pêcheries de Pintadines sont dans le golfe du Bengale, à Ceylan, et dans la mer des Indes. Avant 1795, ces pêcheries appartenaient aux Hollandais. Pendant la guerre des Indes, les Anglais s’en emparèrent,et la possession leur en fut définitivement cédée en 1802, avec celle de Ceylan, par suite du traité d’Amiens.
Avant le commencement de la pêche, le gouvernement ordonne une inspection des côtes. Il fait quelquefois la récolte à ses risques et périls. D’autres fois il s’adresse à des entrepreneurs. La saison de la pêche, en 1804, fut cédée à un capitaliste pour une somme de 3 millions. Afin de ne pas dépeupler toutes les zones à la fois, on ne va, tous les ans, que dans une partie du golfe.
La pêche des Pintadines, dans le golfe de Manaar, à Ceylan, commence en février ou en mars, et dure une trentaine de jours. Elle occupe plus de deux cent cinquante bateaux, qui arrivent des différentes parties de la côte.
Ces bateaux partent de dix heures du soir à minuit. Un coup de canon leur donne le signal. Dès que le jour arrive, les plongeurs se mettent à l’œuvre. Chaque barque est montée parvingt hommes et un nègre; les rameurs sont au nombre de dix. Les plongeurs se partagent en deux groupes de cinq hommes, qui travaillent et se reposent alternativement. Ils descendent jusqu’à la profondeur de 12 mètres, en se servant, pour accélérer leur descente, d’une grosse pierre pyramidale portée par une corde, dont l’autre extrémité vient s’amarrer au bateau.
D’après certains voyageurs, on fait souvent, avec les avirons et d’autres pièces de bois, une espèce d’échafaudage à jour, qui dépasse les deux côtés du bateau, et auquel on suspend la pierre à plonger. Celle-ci a la forme d’un pain de sucre et pèse 25 kilogrammes. La corde qui la soutient porte, à la partie inférieure, un étrier pour recevoir le pied du plongeur.
Au moment de descendre dans l’eau, chaque homme met son pied droit dans cet étrier, ou bien passe entre les doigts de ce pied la corde à laquelle la pierre est attachée.Il place entre ceux du pied gauche le filet qui doit recevoir les Pintadines; puis, saisissant de la main droite une corde d’appel convenablement disposée, et se bouchant les narines de la main gauche, il plonge, se tenant droit ou accroupi sur les talons.
Chaque homme n’a pour vêtement qu’un morceau de calicot qui lui enveloppe les reins. Aussitôt arrivé au fond, il retire son pied de l’étrier ou ses doigts de la corde. On remonte sur-le-champ la pierre, qu’on accroche de nouveau à l’aviron. Alors le plongeur se jette la face contre terre, et ramasse tout ce qu’il peut atteindre. Il met les Pintadines dans son filet. Quand il veut remonter, il secoue fortement la corde d’appel, et on le retire le plus tôt possible.
Il y a toujours, pour une pierre à plonger, deux pêcheurs qui descendent alternativement; l’un se repose et se rafraîchit pendant que l’autre travaille.
Le temps qu’un habile plongeur peut demeurer sous l’eau excède rarement trente secondes. Lorsque les circonstances sont favorables, chaque individu peut faire quinze à vingt descentes. Souvent il ne plonge guère que trois ou quatre fois. Ce travail est pénible. Les plongeurs, revenus dans la barque, rendent quelquefois par la bouche, le nez et les oreilles, de l’eau teintée de sang: aussi deviennent-ils rarement vieux.
On pêche habituellement jusqu’à midi. Un second coup de canon donne le signal de la retraite. Les propriétaires attendent leurs canots et surveillent leur déchargement, lequel doit avoir lieu avant la nuit.
En 1797, le produit de la pêche, à Ceylan, fut de 3 600 000 francs, et, en 1798, de 4 800 000 francs. A partir de 1802, la pêcherie était affermée pour la somme de 3 millions; mais, depuis une quinzaine d’années, les bancs de Pintadines sont moins productifs. (Lamiral.)
Les indigènes des côtes du golfe du Bengale, ceux des mers de la Chine, du Japon et de l’archipel Indien, se livrent aussi à la pêche des Pintadines. Le produit de cette industrie est estimé, dans ce pays, à une vingtaine de millions.
Des pêcheries analogues ont lieu sur les côtes opposées à la Perse, sur celles de l’Arabie, jusqu’à Mascate et la mer Rouge.
Dans ces pays, la pêche ne se fait qu’en juillet et août, la mer n’étant pas assez calme dans les autres mois de l’année. Arrivés sur les bancs de Pintadines, les pêcheurs rangent leurs barques à quelque distance les unes des autres, et jettent l’ancre à une profondeur de 5 à 6 mètres. Les plongeurs se passent alors sous les aisselles une corde dont l’extrémité communique avec une sonnette placée dans la barque. Ils mettent du coton dans leurs oreilles et pincent leurs narines avec une petite pièce de bois ou de corne. Ils ferment hermétiquement la bouche, attachent une grosse pierre à leurs pieds, et se laissent aller au fond de l’eau. Ils ramassent indistinctement tous les coquillages qui sont à leur portée, et les jettent dans un sac suspendu au-dessus des hanches. Dès qu’ils ont besoin de reprendre haleine, ils tirent la sonnette, et aussitôt on les aide à remonter.
Sur les bancs de l’île de Bahrein, la pêche des perles produit seule environ 6 millions de francs, et, si l’on y ajoute les approvisionnements fournis par les autres pêcheries du voisinage, la somme totale donnée par ces côtes arabes peut s’élever jusqu’à 9 millions. (Wilson.)
Dans les mers du sud de l’Amérique, il existe aussi des pêcheries de même genre. Avant la conquête du Mexique et du Pérou, les pêcheries étaient situées entreAcapulco et le golfe de Tehuantepec. Mais, après cette époque, d’autres exploitations furent établies auprès des îles de Cubagua, de Marguerite et de Panama. Les résultats en devinrent si productifs, que des villes populeuses ne tardèrent pas à s’élever dans ces divers lieux. (Lamiral.)
Sous le règne de Charles-Quint, l’Amérique envoyait des perles à l’Espagne pour une valeur annuelle de plus de 4 millions de francs. Aujourd’hui, l’importance des pêcheries américaines n’est plus évaluée qu’à 1 500 000 francs.
Les plongeurs des côtes dont il vient d’être question descendent tout nus dans la mer. Ils y demeurent vingt-cinq à trente secondes, pendant lesquelles ils arrachent seulement deux ou trois Pintadines. Ils plongent ainsi douze à quinze fois de suite: ce qui donne, en moyenne, de trente à quarante Pintadines par plongeur.
V
Les Pintadines, apportées sur le rivage, sont étalées sur des nattes de sparterie. Les Mollusques meurent et ne tardent pas à se putréfier: il faut dix jours pour qu’ils se corrompent. Quand ils sont dans un état convenable de décomposition, on les jette dans de grands réservoirs remplis d’eau de mer; puis on les ouvre, on les lave, et on les livre auxrogueurs.
Les valves fournissent la nacre, et le parenchyme les perles.
On nettoie les valves et on les entasse dans des caisses ou des tonneaux. En enlevant leur surface extérieure, onobtient des plaques de nacre plus ou moins épaisses, suivant l’âge du Mollusque.
On distingue, dans le commerce, trois sortes de nacres: lafranche argentée, labâtarde blanche, labâtarde noire.
La première se vend par caisses de 125 à 140 kilogrammes. On l’apporte des Indes, de la Chine et du Pérou. Les navires marchands français, hollandais, anglais et américains importent dans nos ports des coquillesen vrac, c’est-à -dire à fond de cale, pour servir de lest.
La seconde nacre est livrée encafasde 125 kilogrammes, ou par tonneaux. Elle est d’un blanc jaunâtre et quelquefois verdâtre ou rougeâtre, et plus ou moins irisée.
La troisième est une variété d’un blanc bleuâtre tirant sur le noir, avec des reflets rouges, bleus et verts. (Lamiral.)
VI
Les perles forment la partie la plus importante de cette industrie.
Quand elles sont adhérentes aux valves, on les détache avec des tenailles. Mais, habituellement, les rogueurs les cherchent au milieu du parenchyme de l’animal. Puis on fait bouillir ce même parenchyme, et on le tamise pour obtenir les plus petites, ou bien les grosses oubliées dans la première opération.
Quelques mois après qu’on a jeté le Mollusque putréfié, on voit encore de misérables Indiens remuer ces masses corrompues, pour y chercher les petites perles qui ont pu échapper à la sagacité des industriels.
On nommebaroquesles perles adhérentes à la coquille:leur forme est plus ou moins irrégulière; elles se vendent au poids. On appelleviergesouparangonsles perles isolées, formées dans le tissu de l’animal: elles sont globuleuses, ovoïdes ou piriformes; elles se vendent à la pièce.
On nettoie les perles recueillies. On les travaille avec de la poudre de nacre, afin de leur donner de la rondeur et du poli. Enfin, on les fait passer dans divers cribles de cuivre pour les séparer en catégories.
Ces cribles, au nombre de onze, sont faits de manière à pouvoir s’enchâsser les uns dans les autres; chacun est percé d’un nombre de trous qui détermine la grosseur des perles et leur donne leur numéro commercial. Ainsi, le crible no20 est percé de vingt trous, et les cribles nos30, 50, 80, 100, 200, 600, 800, 1000, sont percés d’un nombre de trous égal à ces chiffres. Les perles qui restent au fond des cribles nos20 à 80 sont comprises sous la dénomination de classemell, ou perles du premier ordre. Celles qui traversent les cribles nos100 à 800 sont de la classevadivoo, ou perles du second ordre. Enfin, celles qui passent au travers du crible no1000 appartiennent à la classe nomméetool, ousemence de perles, qui sont celles du troisième ordre. (Lamiral.)
On enfile avec de la soie blanche ou bleue les perles moyennes et les petites; on réunit les rangs par un nœud de ruban bleu ou par une houppe de soie rouge, et on les expédie ainsi par masses de plusieurs rangs, suivant le choix des perles.
Les très-petites perles, ditessemence, se vendent à la mesure de capacité ou au poids.
En Amérique, on ouvre les bivalves l’un après l’autre, avec un couteau, et l’on cherche les perles en écrasant le Mollusque entre les doigts. On n’attend pas que son parenchyme ait été ramolli par la putréfaction, et on ne le faitpas bouillir. Ce travail est plus long et moins sûr que le procédé des Indes orientales décrit plus haut; mais les Américains prétendent que leur manière d’opérer conserve mieux aux perles leur fraîcheur et leurorient.
VII
Divers auteurs ont donné la mesure ou le prix de plusieurs perles célèbres.
Une perle de Panama, en forme de poire et grosse comme un œuf de pigeon, fut présentée, en 1579, à Philippe II, roi d’Espagne. Elle était estimée 100 000 francs.
Une dame de Madrid possédait, en 1605, une perle américaine du prix de 31 000 ducats.
Le pape Léon X acheta une perle à un joaillier vénitien pour la somme de 350 000 francs.
Une autre perle donnée par la république de Venise à Soliman, empereur des Turcs, valait 400 000 francs.
Jules César offrit à Servilia une perle évaluée à un million de sesterces, environ 1 200 000 francs de notre monnaie.
On ne connaît pas au juste le volume ni la valeur des deux fameuses perles de Cléopâtre: l’une que cette reine eut le singulier caprice de faire dissoudre dans du vinaigre et de boire (Dieu nous préserve d’une pareille boisson!); l’autre qui fut partagée en deux parties et suspendue aux oreilles de la Vénus du Capitole. Quelques auteurs pensent que la première de ces perles valait 1 500 000 francs.
Il y a deux siècles, une perle fut achetée à Califa par le voyageur Tavernier, et vendue au schah de Perse pour le prix énorme de 2 700 000 francs.
Un prince de Mascate a possédé une perle extrêmement belle, non à cause de sa grosseur, car elle ne pesait que 12 carats 1/16e, mais parce qu’elle était si claire et si transparente, qu’on voyait le jour à travers. On lui en offrit 2000 tomans, environ 100 000 francs. Il refusa de la céder.
On trouve dans le musée Zozima, à Moscou, une perle presque aussi diaphane. On l’appellepellegrina. Elle pèse près de 28 carats; sa forme est globuleuse.
On dit que la perle de la couronne de Rodolphe II pesait 30 carats, et qu’elle était grosse comme une poire. Ce volume est plus que douteux.
Le schah de Perse actuel possède un long chapelet dont chaque perle est à peu près de la grosseur d’une noisette. Ce joyau est inappréciable.
En 1855, à l’Exposition universelle de Paris, la reine d’Angleterre nous a fait voir de magnifiques trésors de perles fines, et l’Empereur des Français en a montré une collection de 408, chacune pesant 16 grammes, d’une forme parfaite et d’une belle eau. Elles valent ensemble plus de 500 000 francs.
Les Romains estimaient beaucoup les perles fines; ils ont transmis leur passion aux Orientaux. Ceux-ci attachent une idée de grandeur et de puissance à la possession des perles les plus grosses et les plus éclatantes.
VIII
Les Pintadines ne sont pas les seuls bivalves de la mer qui puissent donner des perles. Presque tous les Mollusques sont sujets à la maladie qui façonne la nacre en tubérosités arrondies ou ovoïdes.
M. Lamiral a vu une perle de la grosseur d’un œuf de poule Bantam, parfaitement sphérique et blanche comme du lait, provenant dugrand Bénitier.
PINNE DE LA MÉDITERRANÉE(Pinna nobilisLinné).
PINNE DE LA MÉDITERRANÉE(Pinna nobilisLinné).
PINNE DE LA MÉDITERRANÉE(Pinna nobilisLinné).
LaPinne marineproduit des perles roses. L’Oreille de mer Irisen donne de vertes. D’autres bivalves en fournissent de bleues, de grises, de jaunes et même de noires. Ces dernières sont très-peu communes.
Il y en avait un collier dans le trésor de l’empereur de la Chine. Est-ce le même dont on a fait présent à une auguste souveraine?