Chat sauvage (d'après un dessin de Werner).
On essaya à diverses reprises, au Jardin des Plantes, d'acclimater des chats sauvages du Népaul, du Cap (ditobscura, à cause de sa couleur noire), ou de Java (Javanensis); mais Frédéric Cuvier ne cite guère que le chat noir du Cap, qu'il put étudier momentanément:
«Ce chat, dit-il, avait les yeux & le naturel d'un chat domestique. Il avait été apprivoisé & abandonné à lui-même sur le bâtiment qui le ramenait en Europe; comme le chat domestique, il faisait la guerre aux rats, & eut d'autant plus de succès qu'il était grand & fort. A son arrivée à la ménagerie, on le tint d'abord renfermé; mais bientôt on put lui rendre sa liberté. Sauf la répugnance qu'il avait à se laisser prendre & même toucher, on aurait pu le croire un chat domestique: il resta attaché aux lieux où on le nourrissait; mais tous les autres chats mâles en furent exclus. Il n'en souffrit même aucun dans un cercle assez étendu hors de sa demeure, & j'ai eu tout lieu de croire que les ennemis que par là il s'était faits, ne furent pas étrangers à sa mort. Quoique jeune, il ne vécut guère chez nous qu'un an.»
(F. Cuvier,Histoire naturelle des mammifères.—Paris, 1824.)
L'abbé Le Noir rapporte que, loin de servir du chat pour du lapin, comme on en a l'habitude dans les gargotes parisiennes, les Chinois tiennent le chat pour un mets excellent; chez leurs marchands de comestibles, des chats énormes sont suspendus avec leur tête & leur queue. Dans toutes les fermes, on trouve de ces animaux attachés à de petites chaînes pour être engraissés avec des restes de riz; ce sont de gros chats qui ressemblent à ceux de nos comptoirs & de nos salons. Le repos qu'on leur impose facilite & accélère leur engraissement.
Plus préoccupé de science linéaire que de culinaire, je cherche surtout la représentation duchatpar les artistes chinois.
En Chine, le chat est figuré, surtout par la statuaire céramique, enblanc de Chine, enbleu turquoise, envieux violet. M. Jacquemard cite, dans sonHistoire de la porcelaine, un chat en vieux violet qui fut vendu dix-huit cents livres à la vente du mobilier de Mmede Mazarin.
«Sur les porcelaines plus communes, on voit, émaillés en couleurs variées, des chats représentés assis sur le derrière, offrant quelque analogie avec les chats égyptiens. D'autres fois ces animaux sont figurés en rond, la tête appuyée sur les pattes de devant; alors ils sont moins naturels, leur tête grimaçante, à oreilles droites; les yeux exagèrent le caractère félin de la prunelle, fendue verticalement; souvent même la fente est réelle &, comme le dos porte une ouverture, il est permis de croire qu'on éclaire intérieurement la tête, pour obtenir un effet plussaisissant. Bon nombre de ces chats couchés sont des vases à fleurs.
«Au Japon, l'on a fait quelques chats en porcelaine commune, analogue à celle des figures civiles. Ces chats sont grossièrement tachés en rouge & en noir; mais les porcelaines fines représentant des intérieurs chinois répètent souvent la figure des animaux domestiques. Le chien se voit presque toujours dans le jardin; le chat, au contraire, se faufile au plus intime de l'intérieur. Là, il est près d'une dame à sa toilette; ailleurs, les enfants s'en amusent pendant que les dames prennent le thé. Dans ces peintures, l'animal est presque toujours blanc, à larges macules brunes ou noires; il paraît que c'est là l'espèce estimée.»
Buffon a traité le chat en procureur général, & voici un fragment de son réquisitoire:
«Le chat est un domestique infidèle, qu'on ne garde que par nécessité, pour l'opposer à un autre moins domestique, encore plus incommode... Quoique ces animaux, surtout quand ils sont jeunes, aient de la gentillesse, ils ont en même temps une malice innée, un caractère faux, un naturel pervers, que l'âge augmente encore & que l'éducation ne fait que masquer. De voleurs déterminés, ils deviennent seulement, lorsqu'ils sont bien élevés, souples & flatteurs comme les fripons; ils ont la même adresse, la même subtilité, le même goût pour faire le mal, le même penchant à la petite rapine. Comme les fripons, ils savent couvrir leur marche, dissimuler leurs desseins, épier les occasions, attendre, choisir, saisir l'instant de faire leur coup, se dérober ensuite au châtiment, fuir & demeurer éloignés jusqu'à ce qu'on les rappelle. Ils prennent aisément des habitudes de société, jamais des mœurs. Ils n'ont que l'apparence de l'attachement, on le voit à leurs mouvements obliques, à leurs yeux équivoques; ils ne regardent jamais en face la personne aimée; soit défiance, soit fausseté, ils prennent des détours pour en approcher, pour chercher des caresses auxquelles ils ne sont sensibles que pour le plaisir qu'elles leur font. Bien différent de cet animal fidèle dont tous les sentiments se rapportent à la personne de son maître, le chat paraît ne sentir que pour lui, n'aimer que sous condition, ne se prêter au commerce que pour en abuser, &, par cette convenance de naturel, il est moins incompatible avec l'homme qu'avec le chien, dans lequel tout est sincère.»
Une si longue nomenclature de vices & de défauts pourrait être contredite & relevée: ce serait du temps perdu. A Buffon j'oppose d'abord le passage suivant d'une lettre de Mmede Custine:
«Vous me battrez si je vous dis que l'attachement des chiens ne me touche pas du tout. Ils ont l'air condamnés à nous aimer; ce sont des machines à fidélité, & vous savez mon horreur pour les machines. Elles m'inspirent une inimitié personnelle... Vivent les chats! Tout paradoxe à part, je les préfère aux chiens. Ils sont plus libres, plus indépendants, plus naturels; la civilisation humaine n'est pas devenue pour eux une seconde nature. Ils sont plus primitifs que les chiens, plus gracieux; ils ne prennent de la société que ce qui leur convient & ils ont toujours une gouttière tout près du salon pour y redevenir ce que Dieu les a faits & se moquer de leur tyran.
«Quand, par hasard, ils aiment ce tyran, ce n'est pas en esclaves dégradés comme ces vilains chiens qui lèchent la main qui les bat, & qui ne sont fidèles que parce qu'ils n'ont pas l'esprit d'être inconstants...»
Le naturaliste Sonini ne jugeait pas le chat avec la même antipathie que Buffon dont il fut le collaborateur: «Cet animal (une chatte angora) fut, dit-il, pendant des années ma plus douce société. Combien de fois ses tendres caresses me firent oublier mes ennuis & me consolèrent de bien des infortunes! Ma belle compagne mourut enfin. Après plusieurs jours de souffrance, pendant lesquels je ne la quittai pas un moment, ses yeux constamment fixés sur moi s'éteignirent, & sa perte remplit mon cœur de douleur.»
Non plus l'abbé Galiani ne s'associe guère aux récriminations de Buffon; sa sympathie pour le chat est extrême, témoin ce fragment d'une lettre à Mmed'Épinay:
«Votre vie à Paris est moins insipide que la mienne à Naples, où rien ne m'attache, excepté deux chats que j'ai auprès de moi, dont l'un s'étant égaré hier par la faute de mes gens, je suis entré en fureur; j'ai congédié tout mon monde. Heureusement il a été trouvé ce matin, sans quoi je me serais pendu de désespoir.»
Voilà assez de témoignages à décharge pour détruire le réquisitoire de Buffon.
Le moyen âge, qui appela tant d'animaux fantastiques à décorer les façades des monuments religieux & civils, ne s'est pas extrêmement préoccupé du chat; cependant on avait amené déjà en France les premiers chats d'Angora, car l'auteur du roman de laRoseparle de ces animaux & compare le chat, pour la fourrure & la vigueur, à un chanoine prébendé. Sans doute les sculpteurs ne se rendirent pas compte, comme les Égyptiens, de la pureté des lignes de l'animal; il est singulier, en tout cas, que le masque du chat ne leur ait pas fourni quelque motif grimaçant dans la collection des diableries qui courent du haut en bas des églises duXIIesiècle.
MmeFélicie d'Aizac, qui a écrit un travail sur la zoologie relative à l'architecture (Revue de l'Architecture, t. VII, 1847-1848), fait entrer le chat dans le symbolisme; mais il est impossible de tirer un seul fait précis de ce tourbillon de visées archéologiques.
Le chat se montre un peu moins rare dans les monuments de la Renaissance. Au musée de la ville de Troyes, on voit un chapiteau duXVesiècle qui représente un chat. J'en aurais donné volontiers un croquis si l'animal était d'une exécution plus supportable.
M. Fichot, peintre-archéologue qui a dessiné nombre de monuments curieux, me communique le dessin d'un linteau de porte d'une maison de Ricey-Haute-Rive. Au milieu de ce bas-relief se tient un chat, en compagnie de poules, d'un renard, d'une sorte de rat; mais cette sculpture est véritablement trop primitive & l'animal ne conserve pas assez l'accent de sa race pour être reproduit ici.
Le chat, regardé sans doute comme manquant de noblesse, fut abandonné aux sculpteurs d'enseignes qui s'en amusèrent:le Chat qui pelote,le Chat qui pêche, & souvent en firent un sujet de calembour comme dans l'enseigne suivante:les Chats scieurs(pourchassieux), ou dans cette autre:A la botte pleine de malices, qui se voyait à la porte d'un cordonnier facétieux. De l'ouverture de la botte sortaient une tête de singe, une tête de chat & une tête de femme.
Un bon ouvrage sur les enseignes devra contenir plus d'un renseignement à ce sujet.
Il serait facile de recueillir un certain nombre de légendes sur les chats, presque tous les peuples ayant donné carrière à leur imagination en ce qui concerne les félins. Je citerai seulement trois légendes: une antique, une arabe, une russe.
Chez les Grecs, le chat était consacré à la chaste Diane. Les mythologues grecs prétendent que Diane avait créé le chat pour ridiculiser le lion, créé par Apollon avec l'intention d'effrayer sa sœur.
Les anciens auteurs de blasons, je l'ai montré aux premiers chapitres de cet ouvrage, se sont emparés de cette légende antique & ont attribué aux astres ce que les mythologues portent au compte des dieux.
Damiréi, naturaliste arabe, qui a composé, auVIIIesiècle de l'hégire, une Histoire des animaux, sous le titre deHauet-el-Haïa-wana, donne les motifs de la création du chat:
«Lorsque Noé fit entrer dans l'arche, disent les Arabes, un couple de chaque bête, ses compagnons, ainsi que les membres de sa famille lui dirent: «Quelle sécurité peut-il y avoir pour nous & pour les animaux tant que le lion habitera avec nous dans cet étroit bâtiment?» Le patriarche se mit en prières & implora le Seigneur. Aussitôt la fièvre descendit du ciel & s'empara du roi des animaux, afin que la tranquillité d'esprit fût rendue aux habitants de l'arche. Il n'y a pas d'autre explication pour l'origine de la fièvre en ce monde. Mais il y avait dans le vaisseau un ennemi non moins nuisible: c'était la souris. Les compagnons de Noé lui firent remarquer qu'il leur serait impossible de conserver intacts leurs effets & leurs provisions. Après une nouvelle prière adressée au Tout-Puissant par le patriarche, le lion éternua & il sortit un chat de ses naseaux. C'est depuis ce moment que la souris est devenue si craintive & qu'elle a contracté l'habitude de se cacher dans les trous.»
Les Russes ont une légende donnant la raison de l'antagonisme des chiens & des chats:
«Lorsque le chien fut créé, il attendait encore sapelisse; la patience lui manquant, il suivit le premier venu qui l'appela. Or ce passant était le diable, qui fit de cet animal son émissaire, & qui même en prend quelquefois l'apparence. La fourrure destinée au chien fut donnée au chat; c'est peut-être ce qui explique l'antipathie des deux quadrupèdes, dont le premier estime que l'autre lui a volé son bien.»
M. Charles Asselineau, me sachant occupé d'un travail sur les chats, m'envoie l'observation suivante:
«Ma chatte fait ses petits à la campagne. Je lui en laisse un pour empêcher que son lait ne lui monte à la tête, & je donne l'autre à ma blanchisseuse.
«Pendant une des nuits suivantes, toute la maison est éveillée par des lamentations de jeunes chats à fendre l'âme. Il pleuvait à torrents.
«La jardinière, qui a le cœur tendre, se lève & trouve le petit chat à moitié noyé, transi, mourant. Elle le prend, l'emporte, &, pour le réchauffer, le couche à côté d'elle dans son lit.
«Le lendemain matin, on présente le petit à sa mère. Il se jette sur elle en affamé & essaye de se coucher sous son ventre pour teter; mais la chatte le repousse énergiquement, se hérisse, jure & montre les griffes. Vingt fois on renouvelle la tentative avec le même succès.
«Nous voilà tous scandalisés, indignés contre cette marâtre, qui ne reconnaissait plus son fruit après deux jours de séparation. Mes nièces en pleuraient: «Oh! la vilaine, la mauvaise mère!»
«On se décide enfin à reporter le petit chat chez la blanchisseuse en la grondant fortement de sa barbarie de mettre un nouveau-né à la porte par un temps pareil, & que trouve-t-on? Le vrai chaton moelleusement couché sur un coussin avec une soucoupe de lait à sa portée.
«Nous avions donc calomnié la mère. Son instinct avait été plus clairvoyant que nos yeux. Elle avait du premier coup reconnu que l'enfant qu'on lui présentait n'était pas le sien & l'avait repoussé pour ne pas faire de tort à son nourrisson.—N'est-ce pas là une belle histoire de chatte?[40]»
[40]Nombre d'autres observations m'ont été communiquées pendant l'impression du présent livre, mais, venues trop tard, elles eussent dérangé le plan; malgré les divisions les plus capricieuses en apparence de toute œuvre d'art, l'écrivain doit se tenir en garde contre les rallonges.
[40]Nombre d'autres observations m'ont été communiquées pendant l'impression du présent livre, mais, venues trop tard, elles eussent dérangé le plan; malgré les divisions les plus capricieuses en apparence de toute œuvre d'art, l'écrivain doit se tenir en garde contre les rallonges.
Une édition qu'on vient de donner de Galiani me remplit d'orgueil. Lui aussi, le Napolitain, a traité de l'amour chez les chats; sauf le détail du miaulement, je me rencontre avec l'ami de Diderot sur la question de linguistique.
«Il y a des siècles, dit le spirituel abbé, qu'on élève des chats, & cependant je ne trouve personne qui les ait bien étudiés. J'ai le mâle & la femelle; je leur ai ôté toute communication avec les chats du dehors & j'ai voulu suivre leur ménage avec attention; croiriez-vous une chose? Dans le mois de leurs amours, ils n'ont jamais miaulé; le miaulement n'est donc pas le langage de l'amour des chats; il n'est que l'appel des absents.
«Autre découverte sûre: le langage du mâle est tout à fait différent de celui de la femelle, comme cela devait être. Dans les oiseaux, cette différence est plus marquée; le chant du mâle est tout à fait différent de celui de la femelle; mais dans les quadrupèdes, je ne crois pas que personne se soit aperçu de cette différence. En outre, je suis sûr qu'il y a plus de vingt inflexions différentes dans le langage des chats, & leur langage est véritablement une langue, car ils emploient toujours le même son pour exprimer la même chose.»
M. Depping a donné dans laBiographie universellequelques notes sur GodefroiMind, qui semblait voué par son nom à la peinture des chats. De cet article j'extrais les détails qui intéresseront peut-être ceux qui réclament des artistes une meilleure interprétation de la race féline.
Godefroi Mind naquit en 1768, à Berne, d'un père d'origine hongroise. Il étudia le dessin chez le peintre Freudenberger, qui a laissé peu de traces dans l'histoire de l'art. «Un goût particulier, dit M. Depping, porta Mind à dessiner des animaux, ou plutôt deux espèces d'animaux: les ours & les chats. Ces derniers surtout étaient ses sujets favoris, il se plaisait à les peindre à l'aquarelle dans toutes les attitudes, seuls ou en groupe, avec une vérité, un naturel, qui n'ont peut-être jamais été surpassés. Ses tableaux étaient en quelque sorte des portraits de chats; il nuançait leur physionomie doucereuse & rusée; il variait à l'infini les poses gracieuses des petits chats jouant avec leur mère; il représentait de la manière la plus vraie le poil soyeux de ces animaux; en un mot, les chats peints par Mind semblaient vivre sur le papier. MmeLebrun, qui ne manquait jamais, dans ses voyages en Suisse, d'acheter quelques dessins de ce peintre, l'appelait leRaphaël des chats. Plusieurs souverains, en traversant la Suisse, ont voulu avoir des chats de Mind; les amateurs suisses & autres en conservent précieusement dans leurs portefeuilles. Le peintre & ses chats étaient inséparables. Pendant son travail, sa chatte favorite était presque toujours à côté de lui & il avait une sorte d'entretien avec elle. Quelquefois cette chatte occupait ses genoux; deux ou trois petits chats étaient perchés sur ses épaules; il restait dans cette attitude des heures entières sans bouger, de peur de déranger les compagnons de sa solitude. Il n'avait pas la même complaisance pour les hommes qui venaient le voir & il les recevait avec une mauvaise humeur très-marquée.
«Mind n'eut peut-être jamais de chagrin plus profond que lors du massacre général des chats, qui fut ordonné, en 1809, par la police de Berne, à cause de la rage qui s'était manifestée parmi ces animaux. Il sut y soustraire sa chère Minette en la cachant; mais sa douleur sur la mort de huit cents chats, immolés à la sûreté publique, fut inexprimable: il ne s'en est jamais bien consolé...
«Il avait aussi beaucoup de plaisir à examiner des tableaux ou des dessins qui représentaient des animaux. Malheur aux peintres qui n'avaient pas rendu ses espèces favorites avec assez de vérité! Ils n'obtenaient aucune grâce à ses yeux, quelque talent qu'ils eussent d'ailleurs.
«Dans les soirées d'hiver, il trouvait encore moyen de s'occuper de ses animaux chéris en découpant des marrons en forme d'ours ou de chats: ces jolies bagatelles, exécutées avec une adresse étonnante, avaient un très-grand débit.
«Mind, petit de taille, avait une grosse tête, des yeux très-enfoncés, un teint rouge-brun, une voix creuse & une sorte de râlement; ce qui, joint à une physionomie sombre, produisait un effet repoussant sur ceux qui le voyaient pour la première fois.
«Il est mort à Berne le 8 novembre 1814. On a parodié assez plaisamment pour lui les vers de Catulle sur la mort d'un moineau:
Lugete, o feles, ursique lugete,Mortuus est vobis amicus;
& un autre vers d'un ancien:
Felibus atque ursis flebilis occidit.
La plupart des vignettes japonaises reproduites dans ce volume sont tirées des cahiers de croquis d'un artiste merveilleux, qui mourut, il y a environ cinquante ans, au Japon, laissant une grande quantité d'albums, dont la principale série, composée de quatorze cahiers, a excité, lors de son introduction à Paris, une noble émulation parmi les artistes.
Ce peintre, appelé Fo-Kou-Say, & qui est plus populaire sous le nom d'Hok'sai, on ne saurait mieux en faire comprendre le mérite qu'en l'assimilant à Goya. Il en a le caprice, la fantaisie; même sa manière de graver offre parfois une analogie très-marquée avec celle de l'auteur desCaprices. Hok'sai a plus fait pour nous rendre facile la connaissance du Japon que les voyageurs & que les professeurs de japonais qui ne savent pas le japonais. Grâce à l'art répandu à profusion dans ces cahiers, on a pu se rendre compte de la civilisation japonaise & de l'intelligence d'un peuple qui, loin de s'endormir dans la tradition du passé, comme les Chinois, marche résolûment à la conquête des découvertes industrielles européennes.
Ce n'est pas le moment de rendre sensibles ces généralités; mais telle est la puissance de l'art, qu'un simple cahier de croquis ouvre des horizons qu'il est difficile de ne pas signaler.
Hok'sai fut un artiste profondément original. Et quoique certains de ses dessins détachés puissent offrir de la parenté avec des croquis de Goya, on peut affirmer que l'artiste japonais ne connaissait rien des richesses artistiques de l'Espagne, l'œuvre de l'auteur desCaprices& desTauromachiesétant, il y a cinquante ans, absolument inconnu, même en France.
Hok'sai trouva dans sa nature, dans les institutions de son pays, dans les mœurs & coutumes des habitants, dans la popularité que ses cahiers de croquis obtinrent, matière à exercer son génie, & plus qu'un autre j'ai sans doute été frappé de ce génie, à cause des études de chats de l'artiste. Une page entière d'un des albums d'Hok'sai est consacrée à vingt-quatre croquis de chats dans différentes poses, & mon regret est de n'avoir pu en donner davantage.
Que le présent volume plaise au public, & l'auteur fera tous ses efforts pour améliorer son ouvrage & par le texte & par les dessins.
PRÉFACE
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE PREMIER.—Les chats dans l'Égypte ancienne.—Utilité du chat.—Il chasse sur le Nil.—Opinion de Wilkinson.—Le roi Hana & le chat Bouhaki.—Bijoux d'or aux oreilles des chats.—La déesse Bast à tête de chatte.—Momies de chats.—Horapollon & Plutarque, à propos des prunelles des yeux de l'animal.—Résultats de l'accouplement des chats, suivant Hérodote.—Comment s'appelait l'animal chez les Égyptiens.—Opinions diverses des Égyptologues
CHAPITRE II.—Les chats en Orient.—Notes de M. Prisse d'Avesnes.—Le verger du chat au Caire.—Distribution de victuailles au Mehkémeh.—Maison de refuge pour les chats, à Florence.—Humanité des Génevois à l'endroit des chats.—Chats-Djinns.—Femmes adultères jetées dans le Nil en compagnie d'une chatte
CHAPITRE III.—Les chats chez les Grecs & les Romains.—Les Grecs peu préoccupés des chats.—Théocrite en parle le premier.—Invectives d'Agathias & de Damocharis contre la race féline.—Cornaline du cabinet des Médailles.—Opinions du comte de Caylus & de M. Chabouillet.—Mosaïques de Pompéi & d'Orange, leur rapport avec les poëmes de l'Anthologie.—Tombeau gallo-romain de Bordeaux.—Étendards des anciens Romains
CHAPITRE IV.—Poésies, traditions populaires.—Le chat, animal cher aux nourrices.—Chansons du bas Poitou & de l'Ouest sur les chats.—Le vieux devant de cheminée.—Breughel.—Conteurs norvégiens, allemands, anglais, français.—Légende du château des comtes de Combourg, par Chateaubriand.—Les grands hommes ont le privilége de rester enfants
CHAPITRE V.—Blasons, marques, enseignes.—La Colombière &la Science héroïque.—Lutte du soleil & de la lune.—Elle produit le chat & la souris.—Armoiries diverses qui contiennent des chats.—Marques des Sessa, imprimeurs à Venise.—Saint Yves & son chat.—Opinion de Henri Estienne.—La République française ajoute le chat à son blason.—Symbole de liberté & d'indépendance.—Également symbole d'hypocrisie & de trahison.—La maison du Chat qui pelote & la maison du Chat noir
CHAPITRE VI.—Les ennemis des chats au moyen âge.—Sorcières, alchimistes, savants & chats.—M. Édelestand du Méril.—Prétendu caractère de lubricité des chats.—Les feux de la Saint-Jean.—Lamentatio catrarum, musica de' gatti, katzenmusik.—Le jour duBihourdien Picardie.—Influence de la civilisation dans les campagnes.—Chats employés comme machine de guerre
CHAPITRE VII.—Autres ennemis des chats: les paysans, les statisticiens, les chasseurs.—Le chat de campagne.—Opinion de Diderot sur les chats de Langres.—M. Toussenel.—Les chasseurs un peu brutes.—Les chats accusés par les fouriéristes d'aimer les asperges.—Mésalliance des chattes domestiques avec les chats sauvages.—LeJournal d'agriculture pratique.—Liévreteaux, lapereaux, perdreaux, faisandeaux, détruits par les chats.—Saint-Barthélemy de chats, prêchée par les statisticiens.—Quels sont les animaux nuisibles?—Le moineau, déclaré tantôt nuisible, tantôt utile.—Les puces & les punaises doivent-elles être classées parmi les animaux nuisibles?—Noël franc-comtois à ce sujet
CHAPITRE VIII.—Les chats devant les tribunaux.—Lord Chesterfield.—Plaidoirie de MeCrémieux en faveur de la race féline.—Le général Houdaille, Le Tasse, Pétrarque, le cardinal Wolsey, Wittington.—Les chiffonniers des bords de la Bièvre.—Fameux considérants du juge de paix de Fontainebleau.—Humanité pour les animaux
CHAPITRE IX.—Les amis des chats.—Mahomet, Richelieu.—Le chat Muezza.—Pourquoi les grands politiques aiment-ils les chats?—Légende de Richelieu applicable sans doute à Colbert.—Chateaubriand & le comte de Marcellus.—Leurs conversations sur les chats.—Les chats de Londres.—Le chat du pape Léon XII.—Madame Michelet & le chat Moquo.—Le chat du mousse
CHAPITRE X.—De quelques gens d'esprit qui se sont plu au commerce des chats.—Moncrif, historiographe des chats.—Coups de griffe que lui donnent les gens de lettres.—Le poëte Baudelaire.—Souvenirs de jeunesse.—Victor Hugo, Mérimée, Sainte-Beuve, Théophile Gautier, Viollet-le-Duc
CHAPITRE XI.—Les peintres de chats.—Représentations hiératiques du chat par les Égyptiens.—Femmes, fantaisies, chats.—Hoffmann, Goya, Cazotte.—Du beau & de la fantaisie.—L'art japonais.—Mind, le Raphaël des chats.—L'aquarelliste Burbanck.—Cornel. Visscher.—Eugène Delacroix: parti qu'il tirait des chats.—Caprices de J.-J. Grandville.—Le comédien Rouvière.—Pour la pantomime un chat vaut un professeur du Conservatoire
SECONDE PARTIE
CHAPITRE XII.—Le chat est-il un animal domestique?—Controverse entre naturalistes: M. Flourens & M. Fée.—De l'instinct des animaux.—Pourquoi le chat griffe-t-il?—Sociabilité des chats.—Anecdotes contées par Vigneul-Marville & Dupont de Nemours.
CHAPITRE XIII.—Curiosité & sagacité.—Discussion entre Voltaire & l'abbé Galiani.—Pas de métaphysique, des faits
CHAPITRE XIV.—Transmission héréditaire des qualités morales des chats.—Observations de M. J. Troubat.—Leur rapport avec les idées de Darwin
CHAPITRE XV—Cinq heures du matin.—A quoi rêvent les chats à pareille heure.—Il faut se rendre à leurs désirs
CHAPITRE XVI.—Enfance des chats.—Le petit chat, joie de la maison.—Profil d'oreilles de jeunes chats.—Gustave Planche & son chapeau clabaud: ce qu'il en advint dans le jardin de laRevue des Deux Mondes.—Excellente page du physiologiste Gratiolet.—Utilité d'un petit chat pour le père & la mère
CHAPITRE XVII.—Sentiments de famille.—Les chattes de Dupont de Nemours.—Pierquin de Gembloux & leTraité de la folie des animaux.—Amour maternel chez la chatte
CHAPITRE XVIII.—De l'attachement des chats au foyer.—Histoire du chat d'un curé de campagne.—Attachement de l'animal pour l'ancien presbytère.—Comment on le guérit de ses fuites sans cesse renouvelées.—Des paris de pigeons en Flandre.—Le chat court plus vite que les pigeons
CHAPITRE XIX.—Du langage des chats.—Il faut étudier les animaux d'après nous-mêmes.—Ce que pensait Montaigne de l'animal.—Est-il possible d'apprendre des langues d'animaux?—La langue rossignol & la langue corbeau
CHAPITRE XX.—Les chats à la campagne.—Les chats guettant les oiseaux.—Jeux de petits chats sur le gazon
CHAPITRE XXI.—Les amours des chats.—Observations d'hiver.—Dépit amoureux.—Jurons & morsures.—Le chat reçoit des soufflets de son amoureuse.—Viens-tu?—Publications & bans de la flamme des chats.—Cheminées & gouttières.—Violentes & féroces passions.—Travaux d'Hercule
CHAPITRE XXII.—Affections nerveuses des chats.—Monomanie infanticide.—Pourquoi les matous mangent-ils les nouveau-nés?—L'angora & le chien de Terre-Neuve.—Envie de chatte pleine.—Observations de crises nerveuses
CHAPITRE XXIII.—De l'égoïsme des chats.—Les animaux à Rome.—Belles paroles de César.—Champfort a calomnié les chats.—Le chat rend service
APPENDICES
I.Traitement des chats dans les maladies du premier âge.
II.Le chat chez les Hébreux & dans l'antiquité.
III.Recherches sur la domestication des chats & l'ancienneté de leur race, par Darwin.
IV.Étymologie du mot chat.
V.Chats sauvages.
VI.Les chats en Chine.
VII.Réquisitoire de Buffon contre les chats. Défense de l'animal par Mmede Custine, Sonini, Galiani.
VIII.Du rôle du chat dans l'architecture.
IX.Légendes.
X.Instinct maternel chez les chattes.
XI.Du langage des chats par l'abbé Galiani.
XII.Godefroi Mind, le Raphaël des chats.
XIII.Le peintre japonais Fo-Kou-Say.
Frontispice.Chat se léchant, d'après une aquarelle de Mind, de la collection de M. Frédéric Villot.
Portrait de Montaigne, d'après un tableau appartenant au docteur Payen.
Petit chat d'après nature.
Chats en chasse, d'après une peinture égyptienne du British Museum; dessin de M. Mérimée.
Bronzedu musée égyptien du Louvre.
Momie de chatdu musée égyptien.
Boîte de momie de chat, musée du Louvre.
Croquis de chat, d'après Richter.
Fac-similed'une gravure japonaise.
Chat étranglant un oiseau, d'après une mosaïque du Musée de Naples.
Tombeau gallo-romain représentant une jeune fille, son chat & son coq, musée de Bordeaux.
Drapeau des anciens Romains.
Fac-similed'un dessin d'Eugène Delacroix.
Le chat noir & la jambe de bois du comte de Combourg,dessin de Kreutzberger.
Blason des Katzen.
Marque d'imprimerie des Sessa, de Venise, tirée de la collection Eugène Piot.
La Liberté, d'après Prud'hon.
Enseigne du Chat noir, rue Saint-Denis.
Fac-similed'un dessin d'un manuscrit de la bibliothèquede Strasbourg, dessin de M. Lorédan Larchey.
Le chat de campagne, dessin de Ribot.
Fac-similed'une gravure japonaise.
Étude de chatd'après la fameuse estampe de Corn. Visscher.
Portrait de Richelieu, dessin de Morin.
Chateaubriand, par Morin.
Chinois en famille, enfants & chat, d'après une tasse en porcelaine de la collection A. Jacquemard.
Portrait de Moncrif.
Baudelaire, par Morin.
Le chat de Victor Hugo, dessin de Kreutzberger.
Chatte allaitant ses petits, bronze du musée égyptien.
Groupe de chats, caprice japonais, tiré de la collection de M. James Tissot.
Griffes de chats, d'après l'écorché.
Fac-similed'un dessin de Mind, tiré de la collection de M. Frédéric Villot.
Croquis de chat d'après nature.
Cul-de-lampe.
Seconde marque des Sessa, imprimeurs à Venise.
Concert de chats, d'après le tableau de P. Breughel.
Le petit chat & sa mère, d'après Rouvière.
Chatte léchant son petit, croquis de J.-J. Grandville.
Petit chat jouant, dessin d'Eugène Delacroix.
Portrait d'Hoffmann, dessin de Morin.
Bronze égyptien, dessin de M. Prisse d'Avesnes.
Caricature japonaise.
Chat en porcelaine de fabrication chinoise.Musée de Sèvres. Dessin de Renard.
Croquis d'après nature, dessin de Kreutzberger.
Fac-similed'une gravure japonaise.
Rendez-vous de chats, dessin d'Édouard Manet.
Étude de chat d'après nature;fac-similed'un dessin d'Eugène Delacroix.
Fac-similed'un croquis japonais.
Libertas sine labore, dessin de M. Viollet-Le-Duc.
Chat sauvage, dessin de Werner.
Cul-de-lampe.