IVeSITUATIONVenger proche sur proche

(Souvenir de parent victime — Parent vengeur — Parent coupable)

Au moyen de l’énergie âpre de la situation qui précède, augmenter l’horreur de laXVIIe(« Découvrir le déshonneur des siens »), c’est créer l’action présente, — laquelle s’enferme dans la vie privée, devenue un enfer pire que le cachot duPuits et du Penduled’Edgar Poe. L’atrocité en est telle que la foule, terrifiée, n’ose intervenir ; elle semble assister, de loin, à quelque scène démoniaque, se silhouettant dans une maison en flammes.

… Et la foule des dramaturges semble ne pas oser, non plus, intervenir pour modifier une fois la tragédie grecque, telle quelle depuis trente siècles d’épouvante…

A nous il est facile, du haut de la « plateforme » retrouvée après le mot de Gozzi, de supputer les variations infinies à écrire, — en multipliant les combinaisons que nous venons de voir pour laIIIedonnée par celles que nous produira laXVIIe.

Mais d’autres germes de fécondité nous arrivent à leur tour avec les circonstances qui aurontdéterminéle justicier à agir ; ce serait un désir spontané chez lui (motif le plus simple) ; — la volonté de la victime agonisante ou du mort mystérieusement apparu ; — un serment imprudent ; — le devoir professionnel (quand le Vengeur est magistrat, etc.) ; — la nécessité de sauver d’autres parents, un être aimé (c’est ainsi que Talien a vengé les Dantonistes) ou ses concitoyens ; — l’ignorance de la parenté qui rattache le « Vengeur » au « Coupable »… Il y aurait encore le cas où cet acte du Vengeur frapperait le Proche criminel, sans que le Vengeur le reconnût (dans une salle sombre, je suppose). Il y aurait le cas où ce prétendu acte de vengeance ne serait que le résultat d’une erreur : le Parent dit coupable serait découvert innocent, et le pseudo-Exécuteur, trop stoïque, apprendrait qu’il n’est qu’un criminel détestable. Il y aurait…

On a traité :

A 1 —Venger son père sur sa mère: —Les Choéphoresd’Eschyle, lesÉlectresde Sophocle, d’Euripide, d’Attilius, de Q. Cicéron, de Pradon, de Longepierre, de Crébillon, de Rochefort, de Chénier et l’opéra de Guillard, lesOrestesde Voltaire et d’Alfieri ; puis lesÉpigonesde Sophocle, lesEriphylesde Sophocle et de Voltaire ; et enfinHamlet, où se reconnaît si bien la méthode constante dont le poète rajeunissait ses sujets : par un changement presque antithétique des caractères et du milieu.

2 —Venger sa mère sur son père: —Zoé Chien-Chien(M. Matthey, 1881), où le parricide s’équilibre d’une passion incestueuse et se perpètre par la fille au lieu du fils. Saluons, en passant, cet unique effort original de notre drame devant la Situation IV.

B —Venger ses frères sur son fils(mais sans préméditation et presque en tombant dans la donnée « Imprudence ») : —Atalanted’Eschyle etMéléagrede Sophocle.

Sur 20 œuvres, 18 donc de la même nuance, 17 de la même sous-nuance, 13 sur le même sujet. Deux nuances et une sous-nuance en tout d’employées. Amusons-nous seulement à compter celles qu’on oublia :

Le père du justicier sera vengé par celui-ci sur son propre frère. Sur sa sœur. Sur sa maîtresse (ou sur son amant, car chacun des cas ci-énumérés se dédouble, selon le sexe du vengeur). Sur sa femme (ou son mari). Sur le propre fils du justicier. Sur sa fille. Sur son oncle paternel. Sur son oncle maternel. Sur sa tante paternelle. Sur sa tante maternelle. Sur son grand’père paternel, ou maternel ; sur sa grand’mère paternelle, ou maternelle. Sur son frère utérin, sur sa sœur utérine, etc. Sur tel allié de la famille (beau-frère, belle-sœur, etc.) ou collatéral. — Cette cinquantaine de variations dont une vingtaine au moins sont pathétiques se répétera successivement pour chacun des cas : venger un frère, une sœur, un époux, un fils, un aïeul, et ainsi de suite.

On fera, pour changer, assouvir ces vindictes, non sur la personne du coupable, mais sur un être qui lui soit cher (c’est de cette manière que Médée et Atrée frappèrent Jason et Thyeste sur les enfants de ceux-ci) ; des objets insensibles, quelquefois, tiennent aussi lieu de victimes.


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