XI.LE KNOUT.

Le knout est un fouet fait avec un morceau de cuir fort épais, qui a deux ou trois pieds de longueur, et taillé de façon qu'il est carré et que ses côtés sont tranchants; il est attaché à un manche de bois, long de deux pieds, par le moyen d'une espèce d'anneau qui le fait jouer comme un fléau. Les bourreaux appliquent les coups sur le dos avec tant d'adresse, qu'il n'y en a pas deux qui tombent sur le même endroit; ils sont placés les uns à côté des autres, de manière qu'il est facile de les distinguer, car chaque coup emporte la peau.

Ce châtiment est infligé aux malfaiteurs sur les vaisseaux de l'État. L'équipage est rangé en deux haies de l'avant à l'arrière du navire; chaque homme a une garcette à la main; le coupable a les mains liées et la tête couverte d'une manne ou panier pour garantir sa figure, avec un caleçon pour tout vêtement; il suit une corde et passe deux ou trois fois entre ces deux haies d'hommes qui donnent chacun un coup chaque fois qu'il passe. Quelquefois, pour que le coupable reçoive bien tous les coups qui lui sont destinés, on met en avant de lui un soldat de marine qui marche au pas en lui tenant le bout de sa baïonnette sur la poitrine pour l'empêcher d'avancer trop vite.

On lie les mains de l'accusé derrière le dos; on lui attache des poids énormes aux pieds, après quoi on l'élève à l'aide d'une poulie à laquelle on fait toucher sa tête; on le tient suspendu quelque temps de cette manière afin de distendre tous ses membres et ses jointures. Alors on le laisse retomber tout d'un coup, de manière cependant que ses poids ne touchent point la terre, et que, par cette secousse subite, ses bras et ses jambes se trouvent disloqués. On recommence plusieurs fois cette opération pendant laquelle on frappe les condamnés de coups de fouet.

À Rome, métropole des inquisiteurs, on raffinait sur les tortures. On faisait chauffer une chambre par des brasiers ardents; on rasait le patient et on ne lui laissait aucun poil sur le corps. Au milieu de la chambre, s'élevait un poteau qui se terminait en une pointe de l'épaisseur du pouce à peu près. On plaçait le patient sur ce poteau et, au moyen de cordes, on le maintenait dans la position nécessaire pour que le poids du corps portât sur l'anus; et on approchait les brasiers ardents.

Comme idée digne des inquisiteurs, nous remarquerons qu'ils avaient imaginé de placer au-dessus du misérable une glace qui lui montrait son état et le lui rendait plus atroce encore.

—L'assassinat, chez les Hurons, est puni d'une étrange manière. Ils étendent le corps mort sur des perches au haut de la cabane, et le meurtrier est placé pendant plusieurs jours, immédiatement au-dessous, pour recevoir ce qui découle du cadavre, non-seulement sur soi, mais encore sur ses aliments, à moins que, par faveur spéciale, il n'obtienne des parents que ses vivres en soient garantis.

—En Corée, un homme libre, surpris avec une femme mariée, est exposé nu dans tous les carrefours, le visage barbouillé de chaux, chaque oreille percée d'une flèche et une sonnette sur le dos.

Autrefois, en Suède, on attachait les bras du patient derrière le dos, puis on le faisait descendre dans un caveau souterrain pratiqué sur une rivière et qui n'en était séparé que par une grille de fer. L'eau coulait sous cette grille: le misérable, les jambes et les pieds nus, était obligé de marcher sur la grille jusqu'à ce qu'il eût avoué son crime. Ce supplice était très-douloureux; une lassitude extrême s'emparait d'abord du malheureux; ce malaise général lui arrachait des cris et des aveux souvent inexacts.

—Nous pourrions rendre cette énumération plus longue, mais, comme presque toutes les tortures entraînaient la mort, le lecteur pourra satisfaire sa curiosité en étudiant la quatrième partie de notre travail, traitant des supplices suivis de mort.

Nous empruntons au livre si remarquable de M. G. Flaubert,Salammbô, la description d'un horrible supplice:

«Au sommet de l'Acropole, la porte du cachot, taillée dans le roc au pied du temple, venait de s'ouvrir, et, dans ce trou noir, un homme sur le seuil était debout.

«Il en sortit courbé en deux, avec l'air effaré des bêtes fauves quand on les rend libres tout à coup.

«La lumière l'éblouissait; il resta quelque temps immobile. Tous l'avaient reconnu et ils retenaient leur haleine.

«Le corps de cette victime était pour eux une chose particulière et décorée d'une splendeur presque religieuse. Ils se penchaient pour le voir, les femmes surtout. Elles brûlaient de contempler celui qui avait fait mourir leurs enfants et leurs époux, et du fond de leur âme, malgré elles, surgissait une infâme curiosité,—le désir de le connaître complètement, envie mêlée de remords et qui se tournait en un surcroît d'exécration.

«Enfin il s'avança; alors l'étourdissement de la surprise s'évanouit. Quantité de bras se levèrent et on ne le vit plus.

«L'escalier de l'Acropole avait soixante marches. Il les descendit comme s'il eût roulé dans un torrent du haut d'une montagne; trois fois on l'aperçut qui bondissait, puis en bas, il retomba sur les deux talons.

«Ses épaules saignaient, sa poitrine haletait à larges secousses, et il faisait, pour rompre ses liens, de tels efforts, que ses bras croisés sur ses reins nus, se gonflaient comme des tronçons de serpents.

«De l'endroit où il se trouvait, plusieurs rues partaient devant lui. Dans chacune d'elles, un triple rang de chaînes en bronze, fixées au nombril des dieux-patæques, s'étendait d'un bout à l'autre, parallèlement; la foule était tassée contre les maisons, et, au milieu, des serviteurs des anciens se promenaient en brandissant des lanières.

«Un d'eux le poussa en avant d'un grand coup; Mâtho se mit à marcher.

«Ils allongeaient leurs bras par-dessus les chaînes, en criant qu'on lui avait laissé le chemin trop large; et il allait, palpé, piqué, déchiqueté par tous ces doigts; lorsqu'il était au bout d'une rue, une autre apparaissait; plusieurs fois il se jeta de côté pour les mordre, on s'écartait bien vite, les chaînes le retenaient et la foule éclatait de rire.

«Un enfant lui déchira l'oreille, une jeune fille dissimulant sous sa manche la pointe d'un fuseau, lui fendit la joue; on lui enlevait des poignées de cheveux, des lambeaux de chair; d'autres avec des bâtons, où tenaient des éponges imbibées d'immondices, lui tamponnaient le visage. Du côté de sa gorge, un flot de sang jaillit; aussitôt le délire commença. Ce dernier des barbares leur représentait tous les barbares, toute l'armée, ils se vengeaient sur lui de leurs désastres, de leurs terreurs, de leurs opprobres. La rage du peuple se développait en s'assouvissant; les chaînes trop tendues se courbaient, allaient se rompre; ils ne sentaient pas les coups des esclaves tapant sur eux pour les refouler; d'autres se cramponnaient aux saillies des maisons; toutes les ouvertures dans les murailles étaient bouchées par des têtes; et le mal qu'ils ne pouvaient lui faire, ils le hurlaient.

«C'étaient des injures atroces, immondes, avec des encouragements ironiques et des imprécations, et comme ils n'avaient pas assez de sa douleur présente, ils lui en annonçaient d'autres encore plus terribles pour l'éternité.

«Ce vaste aboiement emplissait Carthage, avec une continuité stupide. Souvent une seule syllabe,—une intonation rauque, profonde, frénétique,—était répétée durant quelques minutes par le peuple entier. De la base au sommet les murs en vibraient et les deux parois de la rue semblaient à Mâtho venir contre lui et l'enlever du sol, comme deux bras immenses qui l'étouffaient dans l'air.

«Cependant, il se souvenait d'avoir, autrefois, éprouvé quelque chose de pareil. C'était la même foule sur les mêmes terrasses, les mêmes regards, la même colère; mais alors il marchait libre, tous s'écartaient, un dieu le recouvrait;—et ce souvenir, peu à peu se précisait, lui apportait une tristesse écrasante. Des ombres passaient devant ses yeux; la ville tourbillonnait dans sa tête, son sang ruisselait par une blessure de sa hanche; il se sentait mourir; puis ses jarrets plièrent, et il s'affaissa tout doucement sur les dalles.

«Quelqu'un alla prendre au péristyle du temple de Melkarth, la barre d'un trépied rougi par des charbons, et la glissa sous la première chaîne, il l'appuya contre sa plaie. On vit la chair fumer; les huées du peuple étouffèrent sa voix; il était debout.

«Mais six pas plus loin, et une troisième, une quatrième fois il tomba; toujours un supplice nouveau le relevait. On lui envoyait avec des tubes des goutelettes d'huile bouillante; on sema sous ses pas des tessons de verre; il continuait sa marche; mais au coin de la rue de Stateb, il s'accota sous l'auvent d'une boutique, le dos contre la muraille, et n'avança plus.

«Alors les esclaves du conseil le frappèrent avec leurs fouets en cuir d'hippopotame, si furieusement et pendant si longtemps que les franges de leurs tuniques étaient trempées de sueur. Mâtho paraissait insensible; puis, tout à coup, il prit son élan, et il se mit à courir au hazard, en faisant avec ses lèvres le bruit des gens qui grelottent par un grand froid. Il enfila la rue de Boudès, la rue de Sœpo, traversa le Marché-aux-Herbes et arriva sur la place de Khamon.

«Il appartenait aux prêtres, maintenant; les esclaves venaient d'écarter la foule; il y avait plus d'espace. Mâtho regarda autour de lui et ses yeux rencontrèrent Salammbô.

«Dès le premier pas qu'il avait fait, elle s'était levée; puis involontairement, à mesure qu'il se rapprochait, elle s'était avancée peu à peu jusqu'au bord de la terrasse; et bientôt, toutes les choses extérieures s'effaçant, elle n'avait aperçu que Mâtho. Un silence s'était fait dans son âme,—un de ces abîmes où le monde entier disparaît sous la pression d'une pensée unique, d'un souvenir, d'un regard. Cet homme, qui marchait vers elle, l'attirait.

«Il n'avait plus, sauf les yeux, d'apparence humaine; c'était une longue forme complètement rouge; ses liens rompus pendaient le long de ses cuisses, mais on ne les distinguait pas des tendons de ses poignets tout dénudés; sa bouche restait grande ouverte; de ses orbites sortaient deux flammes qui avaient l'air de monter jusqu'à ses cheveux;—et le misérable marchait toujours!

«Il arriva juste au pied de la terrasse, Salammbô était penchée sur la balustrade; ces effroyables prunelles la contemplaient, et la conscience lui surgit de tout ce qu'il avait souffert pour elle. Bien qu'il agonisât, elle le revoyait dans sa tente, à genoux, lui entourant la taille de ses bras, balbutiant des paroles douces; elle avait soif de les sentir encore, de les entendre; elle ne voulait pas qu'il mourût! À ce moment-là, Mâtho eu un grand tressaillement; elle allait crier—Il s'abattit à la renverse et ne bougea plus.»

Lorsqu'un Brahmine des bords du Gange a commis quelque faute, il tombe au rang des parias; et sa famille est vouée à l'exécration. Il peut racheter les siens, et s'assurer l'éternité de vie heureuse en se soumettant à cet horrible supplice.

Au bout d'un mât semblable à ceux qui, dans nos fêtes publiques, servent aux divertissements populaires, est placé un pivot de fer sur lequel se trouve posée horizontalement, par le milieu, une longue pièce de bois d'où pendent à chaque extrémité quatre cordes de la hauteur du mât. Sur des côtés, au bout des cordes, sont fixés quatre forts crochets de fer semblables à des hameçons. On fait approcher de cette bascule infernale le brahmine qui veut racheter sa caste; deux de ces crochets aigus lui sont fortement enfoncés dans les chairs de chaque côté des vertèbres dorsales et les deux autres sont appliqués plus bas à la jonction des lombes. Dans cet état ses parents eux-mêmes l'élèvent par les cordes de l'autre extrémité jusqu'à la moitié du mât et s'élançant avec force dans l'arène homicide, ils contemplent en l'air, avec calme, le malheureux décrivant un vaste cercle que son sang reproduit sur la terre. Mais les chairs se déchirent, des lambeaux s'en détachent; il tombe mourant aux pieds de ses bourreaux, demande le pardon de sa faute, et attend la mort sans se plaindre. On accourt cependant, on s'empresse, on l'entoure; vous croyez sans doute qu'on va lui prodiguer des secours? Non, le martyre n'est pas complet: on frotte ses plaies avec de la boue du fleuve qui seule peut achever sa purification; on lui en met dans la bouche, dans le nez, dans les oreilles, et dans cet état horrible, vivant encore, le Gange entr'ouvre ses eaux pour recevoir son dernier soupir!

Pour rétablir la discipline dans les troupes romaines, l'empereur Aurélien ordonna des peines très-sévères contre les soldats qui oseraient l'enfreindre.

À deux grosses branches d'arbre que l'on avait fait fléchir en les attirant vers le sol, on attachait les pieds du soldat coupable; ces branches qu'on abandonnait ensuite à leur impulsion reprenant vivement leur élasticité se partageaient le corps de ce malheureux. On clouait certains criminels à un arbre par les parties naturelles.

Voici une horrible histoire racontée par Saint-Edme:

L'orme qui existait autrefois proche la ville de Meaux et connu sous le nom de l'arbre de Vauru, rappelle dans les annales françaises de cruels souvenirs: Ce nom lui venant de deux gentilshommes qui, pendant les guerres civiles du règne de Charles VI, commandaient dans cette ville pour le parti des Armagnacs.

Le bâtard de Vauru arrêta dans les champs un jeune villageois qui travaillait à la terre, le lia à la queue de son cheval, le traîna jusqu'à Meaux et le mit si fort à la gêne que le jeune homme pour faire cesser les tourments qu'il endurait, promit de payer la somme qu'on lui demandait, et beaucoup au-dessus de ses moyens. Il manda à sa femme le danger où il était et l'argent qu'il lui fallait pour le sauver du supplice ou de la mort.

Sa femme jeune, belle, et désespérée du malheur de son époux, accourut vers ses bourreaux, espérant les toucher par sa jeunesse, ses larmes et ses prières, ou au moins, obtenir une diminution de la somme excessive qui était exigée. Vauru déclara à la jeune épouse que si elle n'apportait pas, à un jour qu'il lui indiqua, la somme demandée, son mari serait pendu.

La jeune femme partit et mit tout en œuvre pour se procurer de l'argent; malgré ses efforts, elle ne put compter la somme exigée que huit jours après le terme fixé. Elle accourt, apportant la rançon et demande en pleurant à revoir son mari.

Les Vauru prennent l'argent et disent à la jeune femme qu'elle peut s'en aller: son mari a été pendu.

La malheureuse insulte les bourreaux. Alors elle est saisie à son tour, bâtonnée, attachée toute nue à un arbre, auquel pendaient des cadavres.

Elle était enceinte: la douleur provoque l'enfantement, elle est abandonnée; et les loups, attirés par le sang, viennent la nuit les dévorer elle et le nouveau-né.

Il y a, dit Plutarque, auprès de la porte Colline, à Rome, un caveau étroit où on descendait par une petite ouverture, et où l'on mettait un lit, une lampe allumée et une légère provision de tout ce qui était nécessaire pour se nourrir.

Toute vestale qui manquait à son vœu de chasteté, qui même était soupçonnée d'une faiblesse, était enterrée vive.

On mettait la malheureuse vestale condamnée dans une litière bien fermée et couverte de toutes parts, afin qu'on ne pût pas entendre ses cris. Quand la litière était arrivée au lieu du supplice les licteurs enlevaient les voiles qui l'enveloppaient et l'ouvraient. Le pontife après avoir fait certaines prières à voix basse et levé ses mains au ciel, faisait sortir la vestale toute voilée; il la plaçait sur l'échelle par laquelle on descendait dans le caveau; puis il se retirait avec les autres prêtres. On enlevait l'échelle et le caveau était refermé.

À Siam, on fait avaler aux voleurs trois ou quatre onces d'argent fondu.

À ce sujet, une curieuse anecdote:

Un officier des magasins du roi de Siam lui ayant volé quelque argent, ce prince ordonna que pour supplice on lui fît avaler quatre onces d'argent fondu. Il arriva que celui qui eut ordre de les ôter de la gorge du coupable ne put se défendre d'en dérober une partie. Le roi fit traiter ce second voleur comme le premier. Un troisième, chargé de retirer l'argent de la gorge du second, en déroba encore une partie. Le roi de Siam renonça à le faire punir, disant: «Si je ne m'arrêtais, je ferais ainsi mourir tous mes sujets!»

C'est un supplice attribué par quelques conteurs aux Siamois, mais qui paraît physiologiquement invraisemblable.

On serre le corps du criminel très-fortement; on le pique avec des instruments très-pointus, non pour lui tirer du sang, mais pour l'obliger à retenir son haleine. On saisit ensuite le moment favorable; on le coupe brusquement en deux et on met la partie supérieure du corps sur une plaque ardente de cuivre, ce qui arrête le sang et prolonge la vie du patient dans des tourments inexprimables.

En 1197, l'empereur Henri VI, après qu'il eût déclaré que Naples et la Sicile étaient incorporés à l'empire, se rendit à Naples pour empêcher la conjuration de se former; elle éclata cependant, et un comte Jourdan, de la maison des princes Normands, se mit à la tête des peuples. Il fut livré à Henri VI.

On l'attacha sur une chaise de fer rougi, et on le couronna d'un cercle de fer brûlant qu'on lui attacha avec des clous.

On creusait deux auges de la grandeur de l'homme, depuis le cou jusqu'à la cheville des pieds, de manière qu'elles joignaient fort bien et s'emboîtaient ensemble. On couchait le criminel sur le dos dans l'une de ces auges; ensuite on mettait l'autre auge par-dessus, en sorte que tout le corps était bien couvert et bien enfermé, et qu'il ne sortait que la tête par un bout, et les pieds par l'autre. En cet état, on lui donnait à manger, et, s'il refusait d'en prendre, on l'y forçait en lui enfonçant des aiguilles dans les yeux. Quand il avait mangé, on lui faisait boire du miel délayé dans du lait, qu'on lui entonnait dans la bouche. On lui en versait aussi partout sur le visage, et on le tournait toujours au soleil, afin qu'il l'eût incessamment dans les yeux, de sorte que son visage était toujours couvert de mouches que ce lait et ce miel y attiraient. Il s'engendrait en outre de la corruption et de la pourriture de ses excréments, quantité de vers qui lui rongeaient les chairs. Quand on croyait qu'il était mort, on ôtait l'auge de dessus: on trouvait toute sa chair mangée par ces vers, et l'on découvrait partout sur ses entrailles, des essaims de cette vermine, qui y étaient attachés et qui les rongeaient encore.

Ce supplice était usité en Orient.

On a parlé, lors de la révolution dans l'Inde, du supplice que les Anglais infligeaient aux rebelles. Ils étaient attachés à la gueule d'un canon, et le boulet dispersait les membres du malheureux condamné. En Perse, le même supplice est en usage, et nous empruntons à un récit de voyage une description détaillée de cette horrible exécution:

«Pendant mon séjour à Téhéran, je fus témoin d'un spectacle horrible. Une femme du harem avait été condamnée à mort.

«Une curiosité bien excusable chez un voyageur triompha de mes sentiments d'humanité et me porta à assister au supplice de cette malheureuse. La foule des spectateurs était si grande, que j'eus beaucoup de difficulté à me procurer une place d'où je pus bien voir.

«Devant le harem, sur un tertre élevé à cet effet, on avait établi un gros mortier en bronze, auprès duquel était un boute-feu avec la mèche allumée. Bientôt je vis les officiers de justice percer la foule en se faisant place à grands coups de bâton.

«Derrière eux s'avançait la victime entourée de gardes; elle était enveloppée de la tête aux pieds d'une pièce d'étoffe noire qui lui cachait le visage; elle marchait d'un pas ferme, et son port était majestueux. De temps à autre elle adressait quelques mots à un eunuque qui l'accompagnait; mais le bruit que faisait le peuple m'empêcha d'entendre ce qu'elle disait. À mesure qu'elle approchait le bruit diminua, et quand elle fut arrivée près de la fatale machine, il cessa tout à fait.

«Profitant du silence, elle se mit à haranguer le peuple avec un calme qui surprit tout le monde, et d'une voix si nettement articulée, qu'on ne perdait pas une seule de ses paroles.

«Les officiers de justice voyant que son discours faisait impression sur la multitude, l'interrompirent. Elle ne chercha pas à continuer, et elle se remit entre leurs mains. Ils la conduisirent devant le mortier.

«Arrivée là, elle demeura ferme et calme, n'adressa à ses bourreaux aucune supplication et ne versa pas même une larme. On lui dit de s'agenouiller et de placer sa poitrine contre la bouche du mortier, et elle le fit sans hésiter. On lui étendit les bras, et on lia ses poignets à deux poteaux qui avaient été plantés à droite et à gauche du mortier, et elle ne donna aucun signe d'émotion.

«Elle posa la tête sur le mortier et demeura quelques instants dans cette position, attendant son sort avec un héroïsme digne du guerrier le plus intrépide.

«Enfin le signal fut donné, et le boute-feu, élevé en l'air, descendit lentement vers la lumière du mortier.

«Au moment où la mèche embrasée allait toucher la poudre, un frémissement général éclata dans l'assemblée. L'amorce s'enflamma mais ne communiqua pas le feu à la charge, et la victime leva la tête pour voir ce qui était arrivé.

«Une lueur d'espérance entra dans mon âme; je pensai que les choses n'iraient pas plus loin, et qu'on avait résolu d'épargner cette malheureuse. Je ne fus pas longtemps dans cette douce erreur.

«On renouvela l'amorce, et le boute-feu fut levé encore. La victime avait replacé sa tête sur le mortier, et cette fois en poussant un gémissement sourd. Au même instant l'explosion eut lieu, et la fumée déroba tout à mes regards.

«Quand elle se dissipa, on aperçut les deux bras noirs et grillés qui pendaient aux poteaux où on les avait attachés; à quelque distance en avant du mortier, gîsaient épars un pied, une jambe et quelques lambeaux du voile noir qui avait couvert la victime; tout le reste avait disparu.

«Au bruit de l'explosion, deux femmes s'élancèrent du portail du harem, vinrent détacher les bras, les cachèrent sous leurs voiles et rentrèrent précipitamment au harem avec ces épouvantables preuves que la justice avait eu son cours.»

Dans une peuplade indienne, on punit les débauchés par un supplice effrayant, qui consiste à leur enfoncerin urethroun petit bâton hérissé d'épines. On l'y tourne longtemps et à plusieurs reprises.

Les Anglais condamnaient autrefois les empoisonneurs à être bouillis.

En 1347, deux faux monnayeurs furent bouillis à Paris, au marché aux pourceaux.

On bouillait les criminels dans de l'eau ou de l'huile.

En Chine, la femme adultère est écrasée sous les pieds des éléphants.

Les Égyptiens coupaient le nez des femmes adultères.

En Mingrélie, quand un homme surprend sa femme en adultère, il a le droit de contraindre le galant à payer un cochon: d'ordinaire, il ne prend pas d'autre vengeance, et tous trois mangent ensemble le cochon.

Les Mogols fendent une femme infidèle en deux.

Au commencement du dix-huitième siècle, Mouley Ismaïl, roi de Maroc, habitait Miquenez, sa capitale. La cruauté de ce prince rendant plus pesants encore les fers des esclaves chrétiens, un grand nombre tentaient de s'évader.

Ismaïl inventa un supplice digne de lui: il avait fait élever au milieu de la place publique de Miquenez des poutres de dix-huit à vingt pieds de hauteur, armées de gros crampons de fer, auxquels il faisait accrocher ces malheureux qui mouraient ainsi dans d'horribles tortures.

En Turquie, on empale les assassins. Ce supplice s'exécute en faisant entrer une broche de bois par le fondement. Pour empaler un misérable, on le couche ventre à terre, les mains liées sur le dos; on lui endosse le bât d'un âne sur lequel s'assied un valet du bourreau afin de l'empêcher de bouger; un autre lui applique le visage contre terre en lui mettant les mains autour du cou; un troisième enfonce le pal, enduit de graisse. Ce pieu est taillé en pointe, mais un peu arrondi par le bout. Le bourreau le pousse tant qu'il peut par les mains, puis avec un maillet, de manière à enfoncer les entrailles. Alors le pal est relevé droit; le poids du corps fait entrer de plus en plus profondément l'horrible instrument, qui ressort par l'aisselle ou la poitrine.

Ce supplice, qui n'a pas besoin d'explication, a été appliqué au philosophe Anaxarque par le tyran Nicocréon.

Dans le royaume de Juda, on punit l'adultère en attachant l'amant à une broche de fer; on le fait rôtir, tandis que sa complice, présente à cette exécution, est inondée d'eau bouillante.

En Russie, avant l'abolition de la question, le prévenu d'un crime était attaché à une broche; on le présentait ainsi à un grand feu et, tandis que son dos brûlait, on l'interrogeait.

Sifi II, schah de Perse, avait, au commencement de son règne, ordonné, par un singulier caprice, qu'une de ses favorites, qu'il avait beaucoup aimée jusqu'alors, fût mariée sur-le-champ à quelque misérable du peuple. Elle épousa ainsi le fils du blanchisseur de la cour et ils vivaient fort heureux, lorsque le jeune homme eut la malheureuse inspiration, à la mort de son père, de demander la survivance de sa charge.

Le schah le fit venir et lui dit: Lorsque tu épousas cette belle fille par mon ordre, quelle fête fis-tu en réjouissance?

—Puissant prince, répondit-il, je suis un pauvre homme, je n'eus pas le moyen de faire une illumination.

—Bien, reprit le schah, qu'on fasse illumination sur son corps.

On étendit ce malheureux sur une planche, couché sur le dos et on l'y attacha; on lui fit dans les chairs des trous sans nombre à mettre le petit doigt avec une pointe de poignard; on les remplit d'huile, on plaça au milieu une petite mèche, on les alluma toutes à la fois, et le misérable expira au milieu des plus horribles tortures.

Parmi les imaginations infernales des inquisiteurs, il existait une statue. C'était une statue de la Vierge, dont les bras à ressorts et armés de longues pointes de fer étreignaient avec une force incroyable le patient que l'on plaçait sur sa poitrine.

On commençait par planter un poteau de sept à huit pouces de haut, autour duquel, laissant la place d'un homme, on construisait un bûcher en carré, composé alternativement de fagots, de bûches et de paille; on plaçait aussi autour du bas du poteau un rang de fagots et un second de bûches. On laissait à ce bûcher un intervalle pour arriver au poteau; le bûcher était élevé jusqu'à peu près la hauteur de la tête du patient.

Le criminel était déshabillé, et on lui mettait une chemise soufrée; on le faisait entrer et monter sur les rangs de fagots et de bois qui étaient au bas du poteau. Là, tournant le dos audit poteau, on lui attachait le cou et les pieds avec une corde, et le milieu du corps avec une chaîne de fer; ces trois liens entouraient l'homme et le poteau. Ensuite on finissait la construction du bûcher, en bouchant avec du bois, des fagots ou de la paille l'endroit par lequel il était entré, de façon qu'on ne le voyait plus; alors, on mettait le feu de toutes parts.

Il y avait un moyen pour que le patient ne sentît pas la douleur du feu et qui s'exécutait ordinairement sans qu'on s'en aperçût: comme les exécuteurs se servaient, pour construire le bûcher, de crocs de batelier, dont le fer a deux pointes, une droite et l'autre crochue, on ajustait un de ces crocs dans le bûcher, de façon que la pointe se trouvât vis-à-vis du cœur; et, aussitôt que le feu était mis, on poussait fort le manche de ce croc, la pointe perçait le cœur du criminel, qui mourait sur-le-champ.

Chez les Indiens, ce supplice était plus atroce encore: quand le prisonnier est condamné à mort, dit un jésuite, ils plantent aussitôt en terre un gros pieu auquel ils l'attachent par les deux mains. On lui fait chanter la chanson de mort, et tous les sauvages s'étant assis à quelques pas du poteau, on allume un grand feu où l'on fait rougir des haches, des piques, des couteaux; puis, ils viennent les uns après les autres et appliquent ces fers rougis sur le corps du patient. D'autres le brûlent avec des tisons ardents; d'autres lui déchirent le corps à coups de couteau; d'autres encore remplissent ses plaies de poudre et y mettent le feu.

Ce supplice dure plusieurs heures, quelquefois plusieurs jours.

Ce supplice était usité en Perse; on ne s'en servait que pour les grands criminels. On remplissait de cendres une tour, on y précipitait le criminel la tête la première, et ensuite avec une roue on agitait la cendre autour de lui jusqu'à ce qu'elle l'étouffât.

Le supplice de la roue fut importé d'Allemagne en France sous le règne de François Ier. Ce supplice, dit M. Cheruel, consistait à placer le condamné, les jambes écartées et les bras étendus, sur deux morceaux de bois disposés en croix de saint André et taillés de façon que chaque membre portât sur un espace vide. Le bourreau lui brisait, à coups de barre de fer, les bras, les avant-bras, les cuisses, les jambes et la poitrine; puis on l'attachait sur une petite roue de carrosse suspendue en l'air par un poteau. On ramenait les jambes et les bras brisés derrière le dos et on tournait la face du supplicié vers le ciel afin qu'il expirât dans cet état. Quelquefois, les condamnés d'un tempérament robuste résistaient aux coups du bourreau, et l'on en vit rester jusqu'à vingt-deux heures vivants sur la roue. On relayait des prêtres autour d'eux, et le rapporteur du procès était obligé de rester à l'Hôtel-de-Ville tant que le condamné respirait encore. Quelquefois, quand la vie se prolongeait trop chez le patient, le bourreau envoyait demander la permission de le faire étrangler aux juges de la Tournelle qui ne l'accordaient pas toujours.

Au milieu de la Grève était une barrière entourant un espace au milieu duquel se déployait une petite table basse fortement scellée en terre par six gros pieux. C'est là que Damiens fut conduit escorté de dix bourreaux et de deux confesseurs. Il aida lui-même à se déshabiller, ne témoignant ni crainte ni étonnement, mais seulement envie d'en finir. On l'étendit sur cette petite table où des cercles de fer fixaient son corps: deux en travers, un en fourche laissant le cou libre, et un entre les cuisses, le tout se joignant au milieu et se serrant par de gros écrous sous la table, de sorte que le tronc est absolument fixé. On lui attacha la main droite à une menotte et on la lui brûla au feu de soufre. Le patient poussait des hurlements horribles.

On lui lia ensuite fortement les bras et les cuisses d'abord en haut, et de là en tournoyant jusqu'au poignet et au pied, et on attacha ces cordes aux harnais de quatre chevaux placés aux quatre coins de la table. Le signal fut donné, les quatre chevaux tirèrent par secousses qui n'emportèrent rien. Les cris de Damiens redoublaient et s'entendaient au loin, malgré le bruit et les rumeurs d'une foule innombrable. Pendant une heure, le patient fut ainsi tiré, on ajouta même deux chevaux aux quatre autres.

Les six chevaux partent à la fois; les membres résistent. Le bourreau ne sachant que faire, envoie demander des ordres aux magistrats qui siégent à l'Hôtel-de-Ville et qui se nommaient MM. Pasquier et Severt; on lui répond qu'il faut que le coupable soit écartelé. Les hurlements de Damiens recommencent avec les secousses, les chevaux fatigués se rebutent. Alors seulement les juges permettent qu'on le dépèce; car il n'est pas permis d'employer une autre expression. Le bourreau lui taillade les cuisses pendant que les chevaux tirent. Chose incroyable et pourtant attestée par des témoins dignes de foi, pendant que le bourreau opérait, Damiens eut la force de lever plusieurs fois la tête pour voir ce qu'on lui faisait.

«Enfin, ajoute l'auteur de ce récit, que nous abrégeons, après une heure et demie passée de ces souffrances sans exemple, la cuisse gauche partit la première, à quoi le peuple battit des mains. Jusque-là, Damiens n'avait paru que curieux et indifférent. Ensuite, à force de taillades, l'autre cuisse partit. Les cris reprirent avec une nouvelle force. Après, on taillada une épaule, qui partit; ses cris continuèrent, mais moins vifs et la tête ne cessa pas d'aller. Enfin, on taillada la quatrième partie, c'est-à-dire l'autre épaule, et ce n'est que là que la tête tomba quand elle fut emportée, ne restant que le tronc.»

Le supplice des aiguilles consistait à enfoncer des aiguilles sous les ongles du patient.

Le roi de Maroc se donnait souvent le plaisir de faire prendre un captif par quatre noirs des plus forts qui, le jetant en l'air, le laissaient retomber sur le sol la tête en avant: on recommençait jusqu'à ce que le misérable mourût.

Le patient était monté à une échelle posée contre une potence. On lui passait une sangle sous chaque aisselle, les deux bouts de cette sangle étant attachés au bras de la potence; deux cordes traversaient deux trous faits aux extrémités d'une planche mise à plat sous les pieds du condamné, et ces cordes tenaient également au bras de la potence. L'exécuteur relevait alors la planche, et le malheureux mourait dans cette atroce position.

LeNorddonne de longs détails sur la mort de Dimitri Karakozof, ce jeune homme de vingt-cinq ans qui a tiré sur le czar le coup de pistolet détourné par Komissaroff. Le récit de cette exécution ne m'a point paru dépourvu d'une certaine grandeur.

... Au milieu de la place de Smolensk s'élevait une potence, et non loin de là un pilori avec une plate-forme à hauteur d'homme.

Quelques minutes avant sept heures, la charrette dans laquelle se trouvait le condamné, sur une banquette élevée, de manière à ce qu'il pût être vu de tout le monde, arriva, escortée d'un piquet de cavalerie. Le condamné était vêtu de noir. Il tournait le dos aux chevaux; sur sa poitrine il avait un écriteau blanc où on lisait:Karakozof, régicide. Il avait les bras liés derrière le dos, et était d'une pâleur livide. En descendant de la charrette, Karakozof chancela et fut soutenu par les aides du bourreau. Après avoir fait quelques pas, il se raffermit, toutefois, et marcha assez résolument vers le pilori.

Un secrétaire du Sénat, en grand uniforme, s'approcha du condamné et donna lecture à haute et intelligible voix de la sentence de mort. Karakozof l'écouta attentivement; on vit sa tête penchée d'abord à gauche, dans l'attitude de l'audition, retomber à droite comme s'il avait peine à la soutenir. Lorsque la lecture de la sentence fut terminée, le prêtre s'approcha du condamné avec le crucifix en main. Karakozof baisa très-dévotement la croix, se prosterna et reçut la bénédiction du prêtre, puis il salua le peuple en se tournant dans les quatre directions.

On entendit alors plusieurs voix émues proférer les mots: «Que Dieu te pardonne.» Les deux bourreaux bandèrent les yeux du condamné et la couvrirent d'un suaire, qu'ils eurent un peu de peine à mettre. On le conduisit du pilori à la potence. La corde fut passée au cou, sur un signe du grand-maître de police, Karakozof fut lancé dans l'éternité.

La mort fut instantanée; il ne remua que deux ou trois fois, et l'on vit aussitôt le cadavre se raidir. À sept heures et demie on le descendit du gibet et on le plaça dans un cercueil noir.

Ce supplice est actuellement en usage en Espagne pour les exécutions publiques.

Le patient est assis sur un échafaud, le derrière de la tête appuyé sur un poteau, un collier de fer lui tient le cou. Le bourreau se tenant derrière le poteau, tourne vivement un tourniquet qui serre le collier, et le patient est étranglé.

Dès que l'exécuteur des hautes œuvres a rempli son triste mandat, il est entouré par les gendarmes, qui lui posent les menottes et le conduisent dans un des cachots de la prison. Quelques heures après, se présente un greffier ouescribano, accompagné de l'alguazil.

Le bourreau est appelé à comparaître, et aussitôt s'entame le dialogue suivant:

—Vous êtes accusé d'avoir tué un homme, dit l'escribano.

—Oui, c'est la vérité, répond le bourreau.

—Pourquoi avez-vous accompli ce meurtre?

—Pour obéir à la loi et remplir le mandat que m'a confié la justice.

Procès-verbal est dressé séance tenante, signé par le bourreau, et le lendemain soumis à l'examen du juge. Celui-ci prononce alors une sentence d'acquittement en faveur du bourreau, qui est mis en liberté après avoir été traité, durant vingt-quatre heures, comme un criminel. C'est un agrément de plus à ajouter à tous ceux du joli métier d'exécuteur des hautes-œuvres.

On écrivait de New-York, le 30 novembre dernier, auDroit:

Samedi, 24 novembre, à onze heures quarante-cinq minutes du soir, un certain nombre d'hommes, armés de fusils et de pistolets, entourèrent la prison du comté, laquelle est située juste au centre de la ville de Lebanon (Kentucky), en enfoncèrent la porte extérieure, et sommèrent le geôlier de leur délivrer la clef du donjon qui fait partie de la prison, mais qui en est séparé par une porte en fer d'une merveilleuse solidité.

Dans le même temps, le reste de cette bande de sectateurs du juge Lynch, laquelle se composait en tout d'environ cent cinquante individus et obéissait docilement au chef qu'elle s'était donné, parcourait la ville silencieusement, plaçant des piquets dans les rues principales et arrêtant les habitants attardés qu'ils y rencontraient.

La porte extérieure de la prison une fois enfoncée, le geôlier courut se cacher au grenier. On se mit alors en mesure de forcer la porte de fer du donjon à l'aide de marteaux de forge. Tous les efforts restant infructueux, on se mit de nouveau à la recherche du geôlier, et on finit par le découvrir dans sa cachette. Menacé de mort, il dut livrer la clef du donjon, mais on ne l'en garda pas moins prisonnier.

Après avoir parlementé pendant quelque minutes, cinq hommes pénétrèrent dans le donjon sans rencontrer de résistance; ils se formèrent en ligne, demandèrent Clément Crowdus, William Goode et Thomas Stephens. Jugeant toute résistance inutiles, ces victimes désignées se livrèrent à leurs bourreaux. À ce moment, le chef de la bande de lyncheurs dit au premier:

—Crowdus, il y a longtemps que je vous cherche.

À quoi celui-ci répondit:

—Je le sais bien, monsieur...

Le nom du chef fut prononcé; mais aucun de ceux qui l'ont entendu n'ont jugé prudent de le faire connaître.

Les trois prisonniers furent extraits du donjon dont on eut bien soin de refermer solidement la porte, afin, sans doute, de laisser quelque chose à faire à la justice régulière; puis on rendit au geôlier ses clefs et sa liberté; et capteurs et captifs se dirigèrent sur un point convenu d'avance, où ils furent bientôt rejoints par le reste de la bande; leurs chevaux les y attendaient. En quittant la ville, ces francs-juges du Kentucky poussèrent tous ensemble un formidable cri de triomphe qui réveilla les habitants des autres quartiers de la ville, et qui dut jeter la terreur dans l'âme des misérables qu'ils emmenaient. Ils se dirigèrent vers une colline appeléeGrime's Hill.

Ce qui se passa àGrime's Hillavant la pendaison, nul ne le sait, à l'exception des acteurs de cette tragédie. Les accusés subirent-ils un simulacre de jugement, furent-ils pendus sans autre forme de procès? On l'ignore également, l'affaire s'étant passée tout à fait en famille.

Quoi qu'il en soit, il est certain que rien n'a pu désarmer ces bourreaux, puisque, après qu'ils eurent disparu, trois cadavres furent trouvés suspendus à une même branche d'un même arbre—un énorme chêne noir.

Il résulte de l'examen des lieux et des choses, que cette forte et solide branche est à douze pieds du sol; que les trois hommes y ont été attachés successivement, en commençant par Crowdus; qui était monté sur un cheval, et que, lorsque le nœud coulant eut été fixé à la branche, on retira le cheval. Ses mains étaient liées derrière son dos, et l'on voit que la corde a dû glisser; car ses talons touchent presque une racine de l'arbre. On a même la preuve que le malheureux a cherché à se maintenir sur ce point d'appui qui, inclinant de haut en bas, ne laissait pas de prise à ses pieds. William Goode paraît avoir été le second patient. Pour lui la corde a également glissé, car ses pieds ont dû toucher la terre, et ce n'est qu'en les attachant à ses mains que la pendaison a pu s'achever.

Thomas Stephens a été la dernière victime et celle qui a dû le plus souffrir, puisqu'on voit par les trois cordes qu'on a trouvées autour de son cou, que les deux premières se sont rompues.

Après la mort de ces hommes, on leur avait remis leurs chapeaux sur la tête, de façon que de loin, on aurait cru qu'ils cherchaient à se cacher derrière ce gros chêne. Un nègre en fut tellement persuadé, qu'il leur adressa la parole, et que, ne recevant pas de réponse, il s'épouvanta et s'enfuit à Lebanon, où il raconta son aventure. Ce fut ainsi que l'on connut le dénoûment de cette hideuse tragédie.

Le 29 décembre 1866, les nommés Jean-Antoine Ciosi, voltigeur au 2erégiment de la garde impériale, et Jean-Baptiste Agostini, voltigeur au 3erégiment de ladite garde, furent condamnés à la peine de mort pour crime d'assassinat commis à Champerret.

Les condamnés furent extraits le 20 janvier 1867, à six heures du matin, de la Maison de justice militaire, et conduits dans une voiture cellulaire du train des équipages militaires escortée par cinquante gendarmes à cheval, jusqu'à la butte du Polygone.

Sur ce point, et conformément aux usages militaires en pareils cas, se trouvaient réunis:

Le 2eet le 3erégiment de voltigeurs auxquels appartenaient les deux condamnés.

Ces régiments tenaient la droite de toutes les troupes.

Les autres troupes appartenant à l'armée de Paris, se composaient d'une compagnie par bataillon de tous les régiments d'infanterie, garde impériale et ligne; d'un escadron par régiment de cavalerie; de cent hommes par régiment d'artillerie et de toute la garnison de Vincennes.

Toutes les troupes, en grande tenue, étaient rangées en bataille, en face du Polygone, à dix mètres duquel se tenaient les deux pelotons d'exécution, composés de quatre sergents, quatre caporaux, quatre soldats des 2eet 3ede voltigeurs.

Deux adjudants chargés de donner le signal du feu les commandaient.

Ces pelotons d'exécution avaient chargé leurs armes sous les yeux des adjudants dans la cour intérieure du fort, et on leur avait donné lecture d'un ordre du général portant: «Qu'il s'agissait pour eux d'un devoir militaire et d'un devoir d'humanité; qu'ils devaient accomplir sans hésitation et sans faiblesse la grave et sévère mission de la justice confiée à leur énergie.»

Le sinistre cortége allait au petit trot, et les troupes qui l'avaient précédé avaient, sur leur parcours, attiré l'attention de la population parisienne, qui s'était portée en masse à Vincennes.

Mais des soldats, placés de distance en distance le long de la lisière du bois, empêchaient les curieux d'approcher.

Pendant le trajet, Ciosi ne cessait de fumer, et, regardant par la lucarne de la voiture, il disait à l'abbé Baron: «Nous approchons.»

Agostini était triste et répondait à peine aux paroles de consolation que prononçait l'abbé Forestier.

M. le général Soumain, suivi de son état-major, est arrivé à huit heures dans la vaste plaine du Polygone.

Les troupes se sont déployées et ont formé les trois côtés d'un grand carré fermé dans sa quatrième partie par le Polygone.

La voiture cellulaire est arrivée à huit heures.

Aussitôt un roulement de tambour s'est fait entendre sur toute la ligne.

Les condamnés, soutenus par les gendarmes, et assistés par les aumôniers Forestier et Baron, sont descendus et se sont placés debout en face des pelotons d'exécution.

Le greffier du conseil de guerre a lu à haute voix le jugement de condamnation qu'il a terminé en disant:

«Ce jugement est exécutoire; que justice soit faite»

Usant du droit que lui confère l'article 90 du Code de justice militaire, le général avait ordonné qu'il ne serait pas procédé à la dégradation.

Les aumôniers et les gendarmes ont voulu bander les yeux des patients. Agostini s'est laissé faire; Ciosi a refusé le bandeau.

Puis ils se sont agenouillés auprès de deux poteaux.

Agostini s'est évanoui; des soldats ont été obligés de le lier au poteau.

Ciosi regardait froidement.

—Pauvre Agostini! disait-il.

Enfin les deux adjudants ont fait avec leur épée deux signes silencieux qui signifiaient:

Apprêtez armes!

Joue!

Feu! s'est fait entendre.

Ciosi est tombé sur la face.

Agostini s'est affaissé lié au poteau.

Près de leurs cadavres se sont aussitôt approchés deux chirurgiens, puis deux caporaux chargés de donner le coup de grâce.

Mais les chirurgiens ont reconnu que la mort ayant été foudroyante pour Ciosi, il était inutile de lui donner ce coup, qui se tire ordinairement dans l'oreille. Agostini seul l'a reçu, son corps remuant encore au moment où les médecins l'ont visité.

Devant les corps sanglants des suppliciés ont défilé, au son de leur musique, toutes les troupes présentes: dix mille hommes environ.

Ciosi et Agostini ont été inhumés au cimetière de Vincennes.

On écrivait de Madrid le 4 février 1866:

Hier a été passé par les armes le capitaine Pedro Espinosa, commandant les chasseurs de Figueras, pour avoir pris part au dernier soulèvement militaire.

C'était un vrai type de vieux soldat. Calme et souriant, il est allé au-devant de la mort, comme s'il s'agissait de se rendre à la parade.

Le chapelain du régiment l'accompagnait, et de temps en temps il cessait d'écouter ses paroles de consolation pour saluer des amis dans la foule.

Une compagnie d'ingénieurs marchait en tête du funèbre cortége, que fermait un escadron de cavalerie.

Le temps était splendide. Partout, sous les rayons du soleil, la vie et l'animation! On entendait les marchands crier:la fresca! la fresca! cirillas, cirillas!—Des verres d'eau fraîche et du feu pour les cigarettes.

Les chansons de la multitude et le carillon des clochettes des mules imprégnaient pour ainsi dire l'air de joyeuses mélodies.

—Quel beau jour pour mourir! dit le capitaine Espinosa à son confesseur.

On était arrivé sur le lieu de l'exécution.

Après avoir entendu la lecture de sa sentence, le condamné s'avança au pied du mur où il devait se tenir pour recevoir la fatale décharge.

—Amis, s'écria-t-il d'une voix sonore, pardonnez-moi toute la peine que je vous donne, et surtout pas de faiblesse! Il me reste une grâce à vous demander, celle de viser droit au cœur!

La prière de l'infortuné Pedro fut exécutée. Deux secondes après, il tombait foudroyé; sur douze balles, huit avaient porté en pleine poitrine.

Les troupes qui avaient formé le carré défilèrent devant le cadavre, que les membres de la confrérie de la Paix et de la charité enlevèrent ensuite pour le porter au cimetière général.

Nous empruntons à l'Événementun très-curieux récit de M. Darcourt:

La dernière tentative du général Prim et ses suites ont donné lieu en Espagne à des représailles, et sur quelques points du territoire où l'état de siége avait été proclamé, l'affaire s'est terminée par des exécutions militaires. Sur la liste des insurgés fusillés dans une petite ville de l'Ouest, j'ai vu un nom qui m'a fait tressaillir. Le pauvre diable qui le portait, et que j'ai connu il y a longtemps, ne devait pas avoir grand'chose à regretter en quittant ce monde.

C'était un de ces êtres inquiets, fantasques, qu'on ne trouve jamais enrégimentés que sous la bannière du hasard; il avait passé sa vie à conspirer contre le gouvernement d'Isabelle, comme il l'eût fait sans nul doute contre tout autre, et il ne pouvait guère finir autrement qu'avec douze balles dans la poitrine.

Ce malheureux avait autrefois raconté devant moi la mort de son père; c'était un drame lugubre qui avait impressionné mon enfance, et dont les circonstances émouvantes viennent en un instant de se représenter à mon souvenir.

Voici cette histoire,

Benito G..., après avoir servi comme officier pendant quelques années, avait quitté la carrière militaire et s'était marié. Il vivait heureux entre sa femme et son enfant, lorsque des circonstances imprévues vinrent détruire sa modeste position: il perdit tout ce qu'il avait, et fut obligé de reprendre du service.

Benito, jeune encore, quitta sa famille et rentra avec son grade dans un régiment des gardes de la reine.

On était en 1836, au moment où l'Espagne, en proie à une guerre civile acharnée, se demandait chaque soir si le trône serait encore debout le lendemain matin. Le régiment de Benito occupait la ville de Soria, et tenait la campagne aux alentours, où se montraient depuis quelque temps des bandes carlistes menaçantes.

Benito G... était un bon officier, mais d'un caractère aigre et taciturne. Il suivait la campagne avec impatience. Son cœur n'était pas là.

Un jour, il reçut une lettre cachetée de noir. On lui annonçait la mort de sa femme. Benito fut atterré. Quoiqu'il lui fallût traverser l'Espagne entière pour aller embrasser son fils, ce qui était alors une entreprise difficile, il sollicita un congé. Il ne l'obtint pas; on se trouvait au plus fort de la guerre, et les officiers étaient rares.

Benito ne murmura point, mais on put remarquer qu'il devenait de plus en plus sombre.

Un matin, son ordonnance ne le voyant pas paraître à l'heure accoutumée, força la porte de sa chambre... elle était vide; Benito et trois officiers de son régiment avaient déserté pendant la nuit.

Ces désertions collectives étaient alors fréquentes en Espagne. Dans une guerre civile de cette sorte, le soldat ne sait pas toujours au juste de quel côté est le drapeau. Avant la fin de la journée, les quatre déserteurs, perdus dans la montagne, étaient repris par les avant-postes et ramenés à Soria. Le soir même, le conseil de guerre s'assembla et les condamna à mort. L'exécution fut fixée au lendemain matin, et les condamnés furent immédiatement mis en chapelle. Mais, dans la même séance, le conseil, craignant la surexcitation que ne pouvait manquer de causer cette quadruple exécution dans la ville de Soria, maintenue déjà difficilement sous l'autorité de la reine, décida qu'un seul des officiers serait fusillé. Les autres furent destinés à un exil de cinq ans sur la côte d'Afrique.

Les condamnés avaient été enfermés dans la chapelle d'un couvent attenant à la prison. Un prêtre était avec eux. Ils occupaient en méditations silencieuses les dernières heures de leur existence, ou dormaient, peut-être, lorsque, vers minuit, un bruit se fit entendre à la porte de la chapelle. Cette porte s'ouvrit, et un adjudant entra suivi de deux sergents.

L'adjudant signifia aux condamnés la nouvelle décision du conseil, et leur annonça que, selon ses prescriptions, la voie du sort allait désigner lequel d'entre eux subirait la peine de mort.

À ce moment, on vit un spectacle singulier. Ces hommes, qui avaient fait le sacrifice de leur vie et tout à l'heure seraient partis hauts et fermes pour la mort, se prirent à trembler, à pâlir. Leurs mains s'étreignaient, mais dans leurs yeux on pouvait lire l'anxiété, la terreur, et plus que cela, peut-être, un vague sentiment de haine naissante les uns contre les autres... Ces trois quarts d'existence qu'on leur rendait leur étaient plus difficile à supporter que la mort.

Seul Benito demeura silencieux, ne prêtant qu'une attention détournée à ce qui se passait autour de lui.

L'adjudant avait apporté trois dés et un cornet. Il désigna l'ordre dans lequel les condamnés seraient appelés, et la funèbre partie commença aussitôt.

Le premier officier désigné fut placé au milieu de la chapelle, et les sergents lui bandèrent les yeux. On lui donna les dés et le cornet. Il se pencha en avant, agita les dés et les lança; ils roulèrent sur la dalle...

Douze! dit l'adjudant au milieu d'un silence de mort.

Et le pauvre condamné ne put retenir une exclamation de joie, car son point était avantageux.

Le second joueur prit les dés à son tour.

Neuf! compta l'adjudant. Ce point intermédiaire ne préjugeait rien encore.

Le troisième officier s'avança en tremblant; il était sans force contre les funestes pressentiments qui l'agitaient. Il joua:

Cinq! dit l'adjudant en baissant tristement la voix.

À ce mot, Benito, qui était resté immobile pendant tout le temps qu'avait duré cette loterie de la mort, s'élança et se saisit des dés. Il cherchait à maîtriser un sourire. En effet, le point de cinq lui assurait presque l'existence, car il était fort au-dessous de la moyenne favorable.

Benito agita les dés, il les entendit retentir sur la dalle, arracha son bandeau et se précipita... Quatre! s'écria-t-il avec un accent qui n'avait rien d'humain...

Et cet infortuné, condamné pour la seconde fois à mort dans la même journée, retomba dans sa sombre douleur.

Ses compagnons sortirent; il les embrassa, mais sans leur adresser une parole.

Benito, resté seul avec le prêtre, tira de son sein un portrait d'enfant qu'il y tenait renfermé.

Tout était rentré dans le silence.

Le lendemain matin, les troupes de la garnison étaient réunies sous les murs de la ville. Elles formaient les trois côtés d'un carré dont un fossé profond traçait le quatrième. Derrière les troupes, la foule grondante et agitée.

À dix heures, le capitaine-général commandant les forces de la province, et le brigadier commandant la garnison de la ville arrivèrent accompagnés de leur état-major.

Le brigadier tira son épée, fit un signe, le silence s'établit.

«Peuple! dit-il, de par la reine, quiconque proférera le cri de grâce sera déclaré traître, et à l'instant même puni comme tel. Il y va de la vie!»

À peine ces redoutables paroles étaient-elles prononcées, qu'un roulement de tambour se fit entendre, et le condamné parut accompagné d'un détachement de soldats de son régiment.

Benito entra dans le carré; il était vêtu de son uniforme, mais sans chapeau et sans épée. Il avait les mains liées. Le prêtre marchait auprès de lui.

Benito était calme.

Le drapeau du régiment fut amené au milieu du carré; Benito s'agenouilla devant lui. Un soldat vint placer le chapeau du condamné sur sa tête, un autre lui ceignit son épée.

Un second roulement se fit entendre. Alors un officier, l'adjudant qui avait présidé à la lugubre scène de la nuit, vint se placer devant le condamné et lui dit à voix haute:

«Le Souverain, dans son insigne bonté, vous avait accordé le droit de rester couvert devant son glorieux drapeau; vous vous êtes rendu indigne de cet honneur, sa justice vous l'enlève!»

Un soldat qui se tenait derrière le condamné jeta le chapeau à terre.

Benito tressaillit.

Après un moment de silence, l'adjudant reprit:

«L'épée qui vous avait été donnée pour combattre les ennemis de la reine, vous l'avez souillée; l'arme d'un loyal soldat ne doit pas rester dans la main d'un traître: qu'elle soit brisée, pour l'exemple de tous, et pour votre propre honte!»

Un soldat tira l'épée du fourreau, et, l'ayant brisée, en jeta les morceaux devant le condamné.

Benito jeta un cri étouffé.

Enfin, après un second silence, l'adjudant reprit encore:

«Dépouillez maintenant cet homme de l'uniforme qui servit à le confondre avec d'honnêtes et loyaux soldats; qu'il subisse le châtiment que mérite son crime, que son corps soit livré au supplice, et que Dieu ait son âme!»

Benito était livide. Deux soldats lui délièrent les mains et arrachèrent son uniforme. Le peloton chargé de l'exécution s'avança.

Benito, par un effort suprême, se releva; mais à peine debout, sa figure se contracta en une horrible convulsion, un râle déchirant sortit de sa poitrine, il tourna sur lui-même comme un homme ivre, puis tomba comme une masse inerte, le visage contre terre et les mains en avant: il était mort.

Les soldats reculèrent.

—Que la justice de la reine ait son cours, cria le capitaine-général d'une voix retentissante.

—Feu! dit le commandant du peloton.

Et douze balles vinrent déchirer ce cadavre.

Les soldats rentrèrent en ville, et la foule se retira terrifiée par cet épouvantable spectacle.

Voilà l'histoire que j'ai entendu raconter souvent au fils de Benito G..., qui vient d'être fusillé comme insurgé en Espagne.

En 1127, Louis le Gros fit mettre en croix Bertholde, auteur de l'assassinat de Charles le Bon, avec un chien attaché près de lui, qu'on battait de temps en temps pour le faire mordre.

Le triste usage de crucifier la tête en bas fut en vigueur chez les Macédoniens, et mis quelquefois, suivants certains auteurs, en usage en France pour les juifs et les hérétiques.

Le criminel condamné à la potence devait avoir trois cordes au cou: les deux premières, de la grosseur du petit doigt et appelées tortouses, avaient chacune un nœud coulant et servaient à étrangler le patient; la troisième, appelée le jet, ne servait qu'à jeter le patient hors de l'échelle.

Arrivé à la potence où était appuyée et liée une échelle, le bourreau montait le premier à reculons, et aidait au moyen d'une corde le criminel à monter de la même façon.

Puis le bourreau, se tenant des mains aux branches de la potence, à force de secousses et de coups de genoux dans l'estomac, terminait le supplice par la mort.

Fortuné Wright, soldat au 96erégiment d'infanterie de couleur, a été pendu le 22 de ce mois à la Nouvelle-Orléans.

Il y a quelques mois, le juge Scott et le docteur Octavius Trezevant passant dans une rue de Carolton, virent un soldat de couleur qui battait une négresse, et ils s'interposèrent en lui reprochant sa brutalité.

Le soldat, qui était ivre, retourna sa colère contre ses deux messieurs, et frappa avec un couteau-poignard le docteur Trezevant, qui expira bientôt après. Le meurtrier fut condamné à mort par une commission militaire, et la sentence fut approuvée par le général Canby.

Au jour fixé pour l'exécution, les autorités militaires, dans le but de faire un exemple, avaient déployé un appareil extraordinaire. Les rues de la ville étaient dès le matin encombrées de troupes et de nègres accourus de toutes les localités environnantes. Un grand nombre d'entre eux se réjouissaient hautement de l'espoir d'obtenir un bout de la corde qui devait servir au supplice, pénétrés de l'idée superstitieuse qu'un pareil objet est un talisman qui préserve de tous les maux.

Fortuné Wright était un nègre de grande taille, vigoureux et parfaitement noir. Il a montré un sang-froid inébranlable, et aucune émotion n'a paru sur ses traits pendant toute la durée de la cérémonie. Il était en petit uniforme et d'une tenue irréprochable.

Arrivé sur l'échafaud, il a prononcé d'un ton ferme quelques paroles dans lesquelles il a protesté qu'il n'avait pas eu l'intention de tuer le docteur Trezevant; qu'il avait servi trois ans sans jamais désobéir aux ordres de ses supérieurs; qu'il était prêt à mourir, mais que sa mort était injuste, attendu qu'il avait agi sans préméditation. Enfin il remettait son âme à Dieu avec confiance, et invitait les soldats de sa couleur à voir dans sa mort un avertissement pour leur conduite à venir.

La harangue terminée, le capuchon noir a été rabattu sur son visage, et la trappe est tombée sous ses pieds. Mais la corde étant neuve et insuffisamment graissée, le nœud glissa derrière les oreilles, et le supplicié resta pendu par la tête au lieu de l'être par le cou.

Il fallut le redescendre et recommencer l'opération. La corde glissa de nouveau et la strangulation n'eut pas lieu; mais la colonne vertébrale était brisée par la secousse, et la mort s'ensuivit après quelques minutes de convulsions. Une heure après, les médecins déclarèrent que la vie avait cessé, et le cadavre fut décroché pour être déposé dans la bière.

Pendant toute la journée, les nègres n'ont cessé d'assiéger les abords de la prison, dans l'espoir d'obtenir un morceau de corde du pendu.

La pendaison en Angleterre se fait de la même façon, nous ajouterons seulement à ce récit les détails suivants qui sont assez curieux:

L'Internationala publié le récit des exécutions célèbres. Nous lui empruntons la suivante. C'est celle du comte de Ferrers, qui avait assassiné son intendant.

On eut pour lui des égards, je dirais même des attentions. Par exemple, au lieu d'arriver à Tyburn dans l'ignoble charrette, il se fit conduire dans un superbe carrosse tiré par six chevaux. Il portait son habit de noces et des gants blancs.

Le bourreau consentit à le pendre avec une corde de soie. On inventa pour l'occasion le système de la trappe (drop). Autrefois, on se contentait de conduire le condamné sous le gibet sans le faire descendre de la charrette, puis, lorsque le bourreau avait disposé la corde autour du cou de la victime, la voiture avançait et le condamné perdait pied. Ce système était cruel en ce sens qu'il n'y avait pas de choc violent, et que la mort était loin d'être instantanée.

Le comte, lui, en homme qui sait bien mourir, se fit dresser un échafaud garni à son milieu d'une planche mobile sur laquelle il se plaça et qui s'enfonça brusquement à un signal donné du bourreau.

Lorsque l'exécution fut terminée, le peuple se disputa à coups de poing la possession de la corde de soie. On a conservé soigneusement cette relique jusqu'à nos jours, ainsi que le compte du marchand qui avait fait cette malheureuse corde.

Les spectateurs se disputèrent aussi le drap noir qui recouvrait la potence. Quant au somptueux véhicule qui avait transporté le comte Ferrers à Tyburn, il fut acheté par un carrossier d'Acton.


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