Sophonisba.
O claire lumiere du Soleil! adieu te dis. Et toy doux pays ou j'ay pris ma naissance, encor ay-je bien voulu donner ce peu de contentement à mes yeux de vous veoir avant que de mourir. Et vous autres dames de Cirte que je laisse en la main d'un Seigneur nouveau, lequel (s'il plaist à Dieu) regira ce Pais avec meilleure fortune que nous. Je vous supplie d'avoir aucunes-fois souvenance de moy, et d'honorer ma memoyre à tout le moins de quelque souspir, au demeurant je supplie aux Dieux que ma mort apporte paix à ce pays: Et à vous toute asseurance et repos.
Dames.
Ma dame, les graces et vertus que le Ciel à mises en vous, ne sortiront jamais de noz pensées, tant qu'il plaira à Dieu nous tenir en ceste vie. Et puis que sa volonté est de nous priver (avec nostre infiny regret) de vostre presence, laquelle nous souloit estre miroir de toute perfection, à tout le moins nous en demeurera à jamais l'image imprimée au plus profond de noz cueurs. Et frequentant vostre sepulture l'arrousant souvent de noz larmes, en tesmoignage que toute nostre esjoissance y sera avec vostre corps ensevelie, et tous les ans la revestiront de nouvelles fleurs, en vous faisant tout l'honneur que nous sçaurions faire à une terrestre Deesse.
Sophonisba.
Voz charitables offres et amiables parolles, m'obligent grandement à vous: mais pour ce que le peu qui me reste de vie, m'oste les moyens de le povoir autrement recongnoistre. Je prieray seulement aux Dieux, qu'il leur plaise regarder et remunerer vostre si ardente et si pitoyable charité. Et vous Herminia ma chere amye vous aurez (de cela suis-je toute asseurée) le soing de nourrir et eslever mon filz, tout ainsi comme s'il estoit vostre: mais bien vous prié-je que secretement et le plus tost que vous pourrez le transportiez en lieu de plus grande seureté.
Herminia.
Comment? Vous pensez que je puissé demeurer en ce monde apres vous? non, non, je vous accompaigneray soubz la terre, Et jamais de vous ne me departiray Ha cruelle! he me voudriez vous esloigner de vous? Ne vous souvient il plus de nostre si parfaicte amitié? Avez vous donc oublié ce que tant souvent vous m'avez redit? que si bien vous aviez à estre (par manierre de dire) Royne du Ciel encores vous greveroit il d'y aller sans moy: Et maintenant que vous estes preste à passer en une aultre vie, faictes compte de me laisser icy en continuelle langueur. Ha ja à Dieu ne plaise qu'il soit ainsy: aussy ne fera il, non. Car comment que ce soit jamais ne vous abandonneray. Plus tost me deviez vous faire appeller alors que le poison vous à esté presenté et m'en bailler la moitié, à celle fin que toutes deux eussions renduz les espritz en un mesme point d'heure. Et en nostre vie noz voulontez ont esté si conjoinctes que lon pourroit veritablement dire que ce n'estoit qu'une: aussy en mourant ensemble, on congneust que ce n'estoit qu'une mesme ame qui tenoit en vie noz deux corps.
Sophonisba.
Herminia, ma chere amie, je vous prie ne me dictes point ces parolles, et au lieu d'une destresse n'en donnez deux à mon cueur. Il suffit bien que l'une de nous meure. Si je ne vous ay mandee quand j'ay receu et prins le poison je vous supplie n'imaginez que ce soit aucune diminution de l'amityé que je vous ay tousjours portée, en vous communiquant toutes mes plus secrettes pensées. Car ce qui m'en à gardee ce à esté seulement la doubte que ne me volussiez destourner la voulonté de mourir, sachant tresbien quelle efficace voz remonstrances et prieres ont en mon endroit. Et celluy qui est nay en hault lieu, ne doibt vouloir si non honnorablement vivre, ou magnanimement mourir. Parquoy m'aiant maintenant la fortune mise au chois de mourir ou de servir, pour ne perdre ceste belle occasion de couronner l'honneur de ma vie passee par une glorieuse fin, je vous ay voulu celer ceste seule derniere de toutes mes actions pour vous laisser au lieu de moy survivante en ce monde, vous qui n'estes contraincte (par aucune rigueur d'ennemye fortune) de faillir en cest extreme besoing, à celle qui vous à tousjours aymee comme soy mesme. Car tant que vous serez en ce monde, mon filz au moins n'aura point faulte de mere: ains sera eslevé et nourry par vous de maniere qu'a l'aventure pourra il un jour estre le respir de sa race et ressource de son affligee maison.
Herminia.
Dieu luy doint la grace de venger un jour noz pertes et publiques et privees sur ceux qui nous les ont procurees.
Sophonisba.
Davantaige, vous estes pour en peu de jours retourner à Carthage, la ou vous exposeres à mes parens l'occasion et la maniere de ma mort: laquelle recitee par vous, portera avec soy tout reconfort, quand vous leurs declareres comme pour eviter l'ignominie de servitude, et ne faire honte à mon lignaige, j'ay voluntairement esleu de boire du mortel poison en la fleur de ma jeunesse. Et si ferez compaignie à ma mere, qui vous à de long temps éleve pour femme de mon frere. Ainsi tiendres vous au pres d'elle lieu de fille et d'espouse de son filz. Pourtant ma chere sœur et amye je vous requiers et vous conjure par l'amityé que vous me portes, Que vous aies pacience de demeurer encores quelques annees en ce monde: Car assez tost aurons nous moien d'estre en l'autre eternellement ensemble. Ne me prives de ce reconfort en telle extremité, à ce que je m'en puisse aller avec l'espoir de vostre survivance. Cela m'adoucira l'aigreur du passage: Pource que vous survivante je ne mourray pas toute, ains demourera en ce monde la meilleur partie de moy.
Herminia.
Lasse moy je ne sçay comment vous desdire n'y comment vous obeyr: Car si ce n'est qu'une personne puisse vivre de douleur, je ne voy pas qu'il soit possible qu'en telle angoisse je vous survive.
Sophonisba.
Si feres, quand il vous souviendra que c'est à la conjuration de ma derniere priere: Et qu'en ce faisant vous vous acquiteres d'un devoir de pitié. Et feres envers moy office d'amitié. Mais avant que l'ennemy mortel que voluntairement J'ay receu en mon corps commence à faire ses efforts, pour en chasser mon ame et ma vie, il fault pour le mieulx que je me retire en ma chambre, pour me preparer à mourir.
Dames.
Las trop s'abuse qui fondeEn chose de ce bas mondeLe but de son esperance:Au ciel fait sa demeuranceLa vraie felicitéSans peril d'aversité:Car c'est la ou point ne regneC'este inevitable chayneDes contraires, qui se cedentL'un à l'autre, et se succedent,Comme le jour à la nuict.Et paix qui la guerre suit,Le plorer est joint au rire,Et joye douleur atire,Et brief, icy bas par tout,Si le bien est à un bout,Le mal son alternatif,Vient tost apres plus hastifC'est la au dessus du tempsOu sont les espritz contans,Qui plus ne peuvent vieillirN'y leur rigueur defaillir:Car tousjours y dure un estre,Sans diminuer n'y croistre:Au contraire n'y à choseSoubz la Lune qui reposeEn un estat longuement,Et ne souffre changement:Il n'y a rien qui demeureLong temps vif et qui ne meureA la fin. Or quand ce sontMutations, qui se fontPeu à peu sans violence,Nature moins s'en offense:Et sont de nous telles pertesPlus facillement souffertes.Mais quand d'une haute cime.D'honneur, on tumbe en l'abismeDe toute calamité,En si griefve extremité,Il n'est si ferme couraigeQui n'esbransle un tel orage.Si est-ce que les grands Princes,Roys et seigneurs des provinces,Sont plus subgetz à telz saulxQue leurs plus petitz vassaux.Comme la fouldre tousjoursPresque donne aux hautes tours:Et des plus grandes montaignesTousjours ez plaines campaignesTumbent les grosses rivieres:Aussi larmes coustumieres.Et regretz les plus perceansSont propres aux plus puissans.Siphax le malheureux RoyDe numidie, en faict foy,Qui n'agueres loy donnoytA tant d'hommes qu'il tenoitDessoubz son obeissance,Et avoit en sa puissanceTant de beaulx et grands pays,Qui sont ores envahys,Et luy prisonnier es mainsDes victorieux Romains.Mais plus d'angoisse me donneSophonisba, noste bonnePrincesse, que tant j'ay veueDe toutes graces pourveueDont le ciel embellir peultCeux qui mieux douer il veult.Que j'ay veue tant ayméeTant haultement sublimée,En tout triomphe mondain:Et ores la voy soudainEn la fleur de son bel aagePour s'exempter de servage,Estre contraincte de boireDu poison. Ainsi la gloire,Et toute autre chose passe,En ceste region basse.Mais que veult masinissaQui vient si grand pas en çaViendroit il point pour cuiderLa royne de mort garder,Trop est loing le secourableQuand le mal est incurable.
Las trop s'abuse qui fondeEn chose de ce bas mondeLe but de son esperance:Au ciel fait sa demeuranceLa vraie felicitéSans peril d'aversité:Car c'est la ou point ne regneC'este inevitable chayneDes contraires, qui se cedentL'un à l'autre, et se succedent,Comme le jour à la nuict.Et paix qui la guerre suit,Le plorer est joint au rire,Et joye douleur atire,Et brief, icy bas par tout,Si le bien est à un bout,Le mal son alternatif,Vient tost apres plus hastifC'est la au dessus du tempsOu sont les espritz contans,Qui plus ne peuvent vieillirN'y leur rigueur defaillir:Car tousjours y dure un estre,Sans diminuer n'y croistre:Au contraire n'y à choseSoubz la Lune qui reposeEn un estat longuement,Et ne souffre changement:Il n'y a rien qui demeureLong temps vif et qui ne meureA la fin. Or quand ce sontMutations, qui se fontPeu à peu sans violence,Nature moins s'en offense:Et sont de nous telles pertesPlus facillement souffertes.
Las trop s'abuse qui fonde
En chose de ce bas monde
Le but de son esperance:
Au ciel fait sa demeurance
La vraie felicité
Sans peril d'aversité:
Car c'est la ou point ne regne
C'este inevitable chayne
Des contraires, qui se cedent
L'un à l'autre, et se succedent,
Comme le jour à la nuict.
Et paix qui la guerre suit,
Le plorer est joint au rire,
Et joye douleur atire,
Et brief, icy bas par tout,
Si le bien est à un bout,
Le mal son alternatif,
Vient tost apres plus hastif
C'est la au dessus du temps
Ou sont les espritz contans,
Qui plus ne peuvent vieillir
N'y leur rigueur defaillir:
Car tousjours y dure un estre,
Sans diminuer n'y croistre:
Au contraire n'y à chose
Soubz la Lune qui repose
En un estat longuement,
Et ne souffre changement:
Il n'y a rien qui demeure
Long temps vif et qui ne meure
A la fin. Or quand ce sont
Mutations, qui se font
Peu à peu sans violence,
Nature moins s'en offense:
Et sont de nous telles pertes
Plus facillement souffertes.
Mais quand d'une haute cime.D'honneur, on tumbe en l'abismeDe toute calamité,En si griefve extremité,Il n'est si ferme couraigeQui n'esbransle un tel orage.Si est-ce que les grands Princes,Roys et seigneurs des provinces,Sont plus subgetz à telz saulxQue leurs plus petitz vassaux.
Mais quand d'une haute cime.
D'honneur, on tumbe en l'abisme
De toute calamité,
En si griefve extremité,
Il n'est si ferme couraige
Qui n'esbransle un tel orage.
Si est-ce que les grands Princes,
Roys et seigneurs des provinces,
Sont plus subgetz à telz saulx
Que leurs plus petitz vassaux.
Comme la fouldre tousjoursPresque donne aux hautes tours:Et des plus grandes montaignesTousjours ez plaines campaignesTumbent les grosses rivieres:Aussi larmes coustumieres.Et regretz les plus perceansSont propres aux plus puissans.
Comme la fouldre tousjours
Presque donne aux hautes tours:
Et des plus grandes montaignes
Tousjours ez plaines campaignes
Tumbent les grosses rivieres:
Aussi larmes coustumieres.
Et regretz les plus perceans
Sont propres aux plus puissans.
Siphax le malheureux RoyDe numidie, en faict foy,Qui n'agueres loy donnoytA tant d'hommes qu'il tenoitDessoubz son obeissance,Et avoit en sa puissanceTant de beaulx et grands pays,Qui sont ores envahys,Et luy prisonnier es mainsDes victorieux Romains.Mais plus d'angoisse me donneSophonisba, noste bonnePrincesse, que tant j'ay veueDe toutes graces pourveueDont le ciel embellir peultCeux qui mieux douer il veult.Que j'ay veue tant ayméeTant haultement sublimée,En tout triomphe mondain:Et ores la voy soudainEn la fleur de son bel aagePour s'exempter de servage,Estre contraincte de boireDu poison. Ainsi la gloire,Et toute autre chose passe,En ceste region basse.
Siphax le malheureux Roy
De numidie, en faict foy,
Qui n'agueres loy donnoyt
A tant d'hommes qu'il tenoit
Dessoubz son obeissance,
Et avoit en sa puissance
Tant de beaulx et grands pays,
Qui sont ores envahys,
Et luy prisonnier es mains
Des victorieux Romains.
Mais plus d'angoisse me donne
Sophonisba, noste bonne
Princesse, que tant j'ay veue
De toutes graces pourveue
Dont le ciel embellir peult
Ceux qui mieux douer il veult.
Que j'ay veue tant aymée
Tant haultement sublimée,
En tout triomphe mondain:
Et ores la voy soudain
En la fleur de son bel aage
Pour s'exempter de servage,
Estre contraincte de boire
Du poison. Ainsi la gloire,
Et toute autre chose passe,
En ceste region basse.
Mais que veult masinissaQui vient si grand pas en çaViendroit il point pour cuiderLa royne de mort garder,Trop est loing le secourableQuand le mal est incurable.
Mais que veult masinissa
Qui vient si grand pas en ça
Viendroit il point pour cuider
La royne de mort garder,
Trop est loing le secourable
Quand le mal est incurable.
Masinissa.
J'ay grand peur à voir la triste chere et les visages esplorez de ses dames de Cirte, que je ne sois tart arrivé, car j'ay resolu en moymesme, comment que ce soit, voyre jusques à mettre ma vie en peril, de n'abandonner point la Royne Sophonisba: ains plus tost secrettement la faire enlever, quand la nuict sera venue, et conduire par une trouppe de mes chevaux legers, qui s'iront rendre à ceux de Carthage. Toutesfois celuy que j'y avois envoyé m'a raporté qu'elle avoit posé la couppe ou estoit le poison: et s'en estoit allée visiter quelques temples pour faire ses prieres aux Dieux.
Dames.
Ha, Sire, si tost qu'elle à eu achevé ses prieres, elle l'a reprinse, et avant que personne survint qui l'en peut destourner, à beu tout ce qui estoit dedans. Puis comme estant certaine de sa mort, nous à dit le dernier Adieu, à toutes, et s'est retirée en sa chambre, avec sa chere Herminia et ses femmes.
Masinissa.
Ha Dieu y auroit il point encores de remede en luy donnant du contrepoison?
Femme troisies.
He Dieux! Helas! comment n'esclate ce pauvre corps de la douleur qu'il sent? Que ne s'en vont tous mes espritz espendus en souspirs? Que ne sont mes yeux tournez en deux fontaines, pour eternellement plorer ceste perte irrecouvrable.
Masinissa.
Ha Dieu, c'est faict, je voy bien qu'il n'y a plus d'esperance.
Femme troisies.
O monde obscur et tenebreux, ton Soleil est estaint, tu ne verras plus sa lumiere.
Masinissa.
Dictes moy, dame, la cause de vostre dueil.
Femme iii.
Ha Sire!
Masinissa.
Qui à il? dictes le moy.
Femme secon.
Nous sommes perdues.
Masinissa.
Comment?
Femme secon.
La Royne est morte.
Masinissa.
Morte! ha pauvre Dame! si tost? O malheureulx que je suis! pourquoy ay-je tant arresté? Qui à vouloir de faire euvre bonne ne doibt jamais differer. O faulte irreparable que j'ay commise! Je vous prie revenez un peu à vous, et m'exposez un peu au long comment elle est passee.
Femme seconde.
Helas, Sire vous rengregez la douleur de ma plaie, en me le faisant si franchement exposer. Toutesfois pource qu'apres Dieu, Sire, nous n'avons plus d'esperance qu'en vostre seule bonté, je m'efforceray pour vous obeyr, de le vous dire le mieulx que je pourray.
Estant la pauvre Princesse, de retour en sa chambre, elle s'est assise dessus son lict, et nous voiant toutes à l'entour d'elle, distiller en larmes, elle s'est prinse à nous dire d'une parolle ferme et asseuree. Le dueil que je vous voy demener, à cause que vous perdez ma compaignie, m'aporte certainement grand regret de me departir de la vostre, Car estant signe de la bonne affection que vous me portez, je cuiderois grievement forfaire contre l'humanité, si je ne vous respondois en amitié, Mais si vous considerez que je suis fille de Hasdrubal, arriere fille d'Amilcar, et niepce du grand Hanibal: tous trois Ducs et chefz des armees de Carthage: Que j'ay esté espousee au puissant mais infortuné Roy des Numidiens: que j'ay vescu en tout l'honneur et triomphe que saurait faire la plus heureuse Princesse du monde, et maintenant voy le Roy mon mary, par deux fois l'une sur l'autre, rompu en deux grosses batailles: ses forces renversées, ses pays occupez, et luy mesme prisonier vif, entre les mains des ennemys: lesquelz ne desirent rien plus que de m'avoir aussi en leur puissance vifve, pour me mener esclave à Rome, et faire monstre de moy aux yeux du peuple, naturellement ennemy des Roys: et qui à juré la ruine des miens et de mon pays. Et puis me faire cruellement mourir ou ignominieusement languir en chartre perpetuelle. Je croy que vous mesmes approuveres la resolution que j'ay prinse: car il ne fault plus estre (Quand on n'est plus en honneur) ce que l'on à esté. Qui sent sa vie nette, ne craint point à mourir. Cest chose deue à la necessité de nature. Car tout ce qui à eu commancement il est force qu'il prenne fin. Et ou la sçauroit on prendre plus à propos, qu'à l'endroit ou l'honneur vient à faillir.
Masinissa.
O gentil cueur de dame! de tant plus estois tu digne de longue vie que moins tu as redoubté la mort.
Femme secon.
Jusques icy, elle à tousjours parlé fermement, mais quand elle à voulu particulierement adresser sa parolle à Herminia, alors la voix luy à commencé à changer, mesmement quand luy à livré son petit filz entre ses mains, en luy disant: Chere Herminia, ce qui plus me reconforte au partir de ce monde c'est que je vous y laisse apres moy, pour avoir soing de ce petit orfelin, qui pert son pere et sa mere en l'aage qu'il en à plus de besoing. Je le deporte entre vos mains, comme joyau que j'ay plus cher que ma vie: comme gaige de nostre amitié, comme image vive de ma personne, laquelle ayant tousjours aupres de vous ne vous pourrez plaindre que je vous aye abandonnee. Ces parolles estoient coup à coup entrerompues de groz sanglotz, et de larmes, tumbantes avec telle impetuosité quelles sembloient un torrent qui rompt à force tout ce qu'on luy mect audevant. Ja luy commençoient les membres fort à trembler, et pource l'avons nous couchee sur un lict, la ou tendant les deux braz à Herminia, qui estoit plus morte que vive, luy à dict, ma chere amye que je vous embrasse pour la derniere fois: vous m'estes icy au lieu de mere, de frere, et de toute ma parenté. Si vous prie de faire envers moy ce dernier office de pitié, Quand je seray tantost passee, de me clorre les yeulx. Adieu vous dy car plus n'en puis. Sur ce point elle à commencé à perdre la parolle, et est entrée en l'agonie des traitz de la mort: ou elle n'a jamais monstré signe quelconque d'entendement aliene de soy: ains contre la detresse de la douleur, la vigueur de son couraige à esté si grande, qu'elle à tousjours surmonté, sans faire aultre demonstration d'impatience, que de souspirer, jusques à ce que finablement, l'esprit est sorty du corps, emportant, quant et soy, toute nostre esperance. Et estaignant tout ce qu'il y avoit de parfaite beauté, douceur, courtoisie, et bonté en ce monde.
Masinissa.
Or t'en va doncques noble et gentille ame au repoz des bien heurez espritz, qui ont tousjours eu l'honneur plus cher que la vie. Que maudit soit celuy qui premierement me garda de l'espouser. Et maintenant à esté cause de ta mort si precipitee. Si la fortune m'a osté les moiens de te sauver la vie, ja ne mostera elle la volunté n'y la puissance de faire à ton corps l'honneur de sepulture Royal: Et de tout ce que lon peult faire pour consacrer la memoire d'une si vertueuse Princesse.
Dames.
Ce qui de nous tous doit estreEst escript au grand volumeDes cieulx, avant nostre naistre,Qui de la premier s'allume.Trop de soymesme presumeQui cuide s'en exempter,Soit doulceur ou amertumeForce est de s'en contenter.
Ce qui de nous tous doit estreEst escript au grand volumeDes cieulx, avant nostre naistre,Qui de la premier s'allume.Trop de soymesme presumeQui cuide s'en exempter,Soit doulceur ou amertumeForce est de s'en contenter.
Ce qui de nous tous doit estre
Est escript au grand volume
Des cieulx, avant nostre naistre,
Qui de la premier s'allume.
Trop de soymesme presume
Qui cuide s'en exempter,
Soit doulceur ou amertume
Force est de s'en contenter.
Fin.