The Project Gutenberg eBook ofSophonisba

The Project Gutenberg eBook ofSophonisbaThis ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online atwww.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook.Title: SophonisbaAuthor: Giovanni Giorgio TrissinoEditor: Gilles CorrozetTranslator: Mellin de Saint-GelaisRelease date: June 30, 2009 [eBook #29279]Most recently updated: January 5, 2021Language: FrenchCredits: Produced by Laurent Vogel and the Online DistributedProofreading Team at https://www.pgdp.net (This file wasproduced from images generously made available by theBibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) athttp://gallica.bnf.fr)*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK SOPHONISBA ***

This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online atwww.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook.

Title: SophonisbaAuthor: Giovanni Giorgio TrissinoEditor: Gilles CorrozetTranslator: Mellin de Saint-GelaisRelease date: June 30, 2009 [eBook #29279]Most recently updated: January 5, 2021Language: FrenchCredits: Produced by Laurent Vogel and the Online DistributedProofreading Team at https://www.pgdp.net (This file wasproduced from images generously made available by theBibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) athttp://gallica.bnf.fr)

Title: Sophonisba

Author: Giovanni Giorgio TrissinoEditor: Gilles CorrozetTranslator: Mellin de Saint-Gelais

Author: Giovanni Giorgio Trissino

Editor: Gilles Corrozet

Translator: Mellin de Saint-Gelais

Release date: June 30, 2009 [eBook #29279]Most recently updated: January 5, 2021

Language: French

Credits: Produced by Laurent Vogel and the Online DistributedProofreading Team at https://www.pgdp.net (This file wasproduced from images generously made available by theBibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) athttp://gallica.bnf.fr)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK SOPHONISBA ***

Tragedie tresexcellente,tant pour l'argument, que pour le polylangage et graves sentences dont elleest ornée: representée et prononcée devantle Roy, en sa ville de Bloys.

A Paris.

De l'imprimerie de Philippe Danfrie, etRichard Breton, Rue S. Jacques, à l'escrevisse

M. vc. lix.

Avec privilege du Roy.

Il n'est besoin, lecteur, que je te recommande beaucoup le petit œuvre present, par ce que l'authorité, sçavoir, noblesse, et experience de ceulx qui l'ont mis en François (et avec grande pompe et digne appareil ont representé les mesmes personnages de la tragedie, devant la majesté Roialle, en sa ville de Blois) sont tressuffisans tesmoignages de la beauté et elegance de la matiere: laquelle de soymesme se descœuvre ornée des parties de bien parler, parer des affections, et passions tragiques, et enrichie de sentences graves et moralles, demonstrantes l'instabilité de fortune, et la varieté de la vie humaine: sur l'exemple de la Royne Sophonisba laquelle pour ne venir captive en la puissance des Romains eleut plustost la mort par poison que la conservation de sa vie.

Intermedie, signifie pause, à la manierre de France: ou Scene selon les Latins.

Dequoy puis-je la [un mot illisible] tenir propoz sinon de ce que jour et nuict tourmente ma pensée? et quel moyen ay-je de donner à mon triste cueur aucun alegement de l'infinie douleur qui le tient opprimé, Si ce n'est en la manifestant? Et si je la doy dire, a qui puis-je avec plus de fiance descouvrir qu'a vous Herminia?

Herminia.

Madame vous ne vous sauriez adresser à personne qui plus que moy vous porte d'obeissance et d'amour, ny qui plus vivement sente voz ennuiz. Qui par dignité m'estes royne et maistresse, Et par affection et bonté m'avez tousjours tenue en lieu de sœur: De sorte que vous povez seurement descharger vostre cueur, et me dire ce qu'il vous plaira.

Sopho.

Je ne fay point de doubte, et vous ay tousjours trouvée fidelle des que vous feustes contante en noz premiers ans de venir avec moy, en nostre Cité de Cirte, plus pour l'amour que vous me portiez, que pour consideration de parenté, ne d'affinité que vous eussiez. Et pource Herminia je veulx librement et au long parler à vous comme à moymesmes. Et vous souvient bien du temps que Hasdrubal mon pere passa en Hespaigne pour faire teste aux Romains qui la travailloient: et de la prosperité qu'il y eut au commancement. Et comme la fortune se tournant bien tost apres, le contraignit de s'en retirer avec sept gaillaires seullement. Et venir trouver Siphax Roy de Numidie.

Herminia.

Il me souvient, ma dame, que le jour mesmes qu'il revint, arriva aussy Scipion chef de larmée des Romains, lequel l'avoit vaincu. Et diligenta de praticquer le Roy Siphax qui tost apres entra en ligue avec luy.

Sophonisba.

Il est ainsy. Or ceste ligue despleut beaucoup aux nostres. Et pour la rompre, et regaigner Siphax, Ilz me donnerent à luy en mariaige, sans avoir esgard à l'accord que mon pere avoit faict de moy à Masinisa Roy des Massiliens, lequel s'offença tellement de ce change, Qu'onques puis il ne cessa d'estre de Siphax. Et de tout le pais, mortel ennemy.

Herminia.

Et ce fut ma dame, lors que vous vintes, et je vous accompaignay en ce Roiaulme, et en ceste vostre ville de Cirte.

Sophonisba.

Mais bien tost se tourna la douceur de tant d'honneur et de grandeur en tres amere vie pour moy. Car peu de jours apres, Scipion retournant en Africque et trouvant mon pere Hasdrubal, et mon mary en armes, les rompit. La fut le commancement de noz travaulx, pour lesquelz accroistre, la fortune voulut que l'armee qu'ilz avoient assez promptement remis sus, fust de nouveau deffaicte. Qui a esté cause que Massinissa avec l'ayde des Romains, ait recouvert son roiaulme que nous tenions, dequoy le Roy mon mary grandement indigné assemblant ses forces, est allé essaier de le reconquerir, et ay esté advertie par le courrier qui est venu ceste nuict, que aujourdhuy se doibt donner une bataille, dont je suis en passion, qui ne se peult dire, craignant une ruyne telle que nous ne puissions plus lever la teste. Car si les vieulx Soldatz fraiz et entiers ne peuvent resister a l'effort de telz ennemys, Que feront les nouveaulx desja las et rompuz? Et ce qui m'espouvente encores plus, est un songe que j'ay faict un peu avant le jour. Il me semble que j'estois en une forest obscure entournee de chiens et de paysans qui tenoient le Roy prins, et le mal menoient, dont craignant qu'il ne me feissent de mesme, me tournay devers un bergier, luy priant qu'il me deffendist d'eulx. Et me sembla qu'il eut pitié de moy: Et qu'il entreprint de me garder. Mais voians les chiens comme enragez l'abbaier de tous costez, et craignant qu'ilz ne me dechirassent entre ses braz, il me monstra une caverne, et me dit que puis qu'il ne me pouvoit sauver je me sauvasse moymesme la dedans. Et que lon ne m'y sçauroit mal faire. J'y entray: et lors disparut le songe, qui m'a laissée toute pensive et confuse.

Herminia.

L'occasion de vostre soucy certainement n'est pas petite, mais il me semble que vous imaginez une trop grande ruine. La fortune est inconstante: Et ne peult si longuement durer favorable à un party: doncq, ma dame, esperez mieulx, et laissez ceste aprehension, qui vous aflige avant le temps.

Sophonisba.

O que vous estes heureuse, Herminia, heureuse en ceste tranquilité d'estat, sans aulcune grandeur? Combien a moins de felicité la condition de ceulx a qui il n'est permis de faire sinon ce qui est convenable a leur supreme degré?

Herminia.

Si consiste toutesfois la gloire et reputation que le monde estime le plus, en la haulteur de ceste fortune.

Sophonisba.

Oy bien, mais elle est incertaine et doubteuse, et tousjours acompaignée d'ennuiz, importunitez, souspeçons, trahisons, guerres, et peines qui ne se peuvent estimer.

Herminia.

Oh ceste vie presente ne peult passer sans quelque incommodité, et en a l'un plus et l'autre moins, selon qu'il plaist à Dieu distribuer les biens et les maulx: mais si vous devéz vous r'amentevoir que cest euvre de magnanime de courage, d'entreprendre les grandes choses, et en esperer bien, et puis supporter vertueusement ce qui en peult advenir.

Sophonisba.

Je congnois assez qu'il se debvroit ainsy faire comme vous dites, mais la force de ma douleur lie mes sens de telle sorte qu'ilz ne peuvent obeyr à raison: Tellement que si le ciel pitoiable ne prent mon affaire en protection, je me veoy conduicte au but, oultre lequel les corps n'ont plus de vie.

Herminia.

Retournons doncques, ma dame, du tout noz esperitz vers celuy qui le tout gouverne. Et le supplions de nous conserver, et faire tourner sur noz ennemys le mal present, et la peur de l'avenir.

Sophonisba.

Ce conseil me plaist bien, car Dieu seul nous peult donner la paix sur tous biens desirée.

Assemblee de dames.

Que doy-je dire ou faire? Oseray-je appellerQuelqu'une de leans, pour soudain s'en allerAdvertir Sophonisba, en ceste extremitéDe leffroy qui sespend par toute la cité?Pource qu'on veoit desja les bandes et cohortes,Des ennemys, courir jusques devant les portes?Attendray-je plustost qu'autre le luy revelleQue de l'importuner de si dure nouvelleVeu que ce qui desplaist ne se peult tant suspendreQu'on ne panse venir assez tost a l'entendre?Ha, il vault mieulx laisser ses respectz, et ne craindre,Car pour estre ignoré un malheur n'est pas moindre.Et bien que pour un temps l'esprit ait quelque treve,Si en sent il apres impression plus grieve:Ayant nourry le mal, et tardé le secours,Dont les biens prolongez semblent apres plus cours:Car comme oisiveté, peine et travail aporte,Ce plaisir donne apres ennuy de mesme sorte.O decevant espoir, illusion, et songe,Qui nous vient en veillant, et nous paist de mensonge,Combien fasche aux mortelz de vous l'esloignement,Qui sans vous vivroient mieulx, et plus heureusement.Sans vous, O vain espoir, nostre jeune princesseSeroit, peult estre, encor ches son pere en liesse,Quite d'ambition, de sceptre, et de couronne,Et du mal qui desja de bien pres l'environne.O pauvre Sophonisba, O divine beaulté,O doulceur assemblée à haulte roiaulté,Combien luy seroit grief servir estrange prince,Venant de donner loix à si grande province?O Dieu, ne permectz poinct que ce malheur advienne,Et de bonte si rare et vertu te souvienne,Qui te doibt estre chere, et l'est comme je croy,Si chose de ce monde eut oncq faveur de toy.Mais voicy arriver un courrier, qui à peinePour avoir travaillé, peult avoir son alleine.

Que doy-je dire ou faire? Oseray-je appellerQuelqu'une de leans, pour soudain s'en allerAdvertir Sophonisba, en ceste extremitéDe leffroy qui sespend par toute la cité?Pource qu'on veoit desja les bandes et cohortes,Des ennemys, courir jusques devant les portes?Attendray-je plustost qu'autre le luy revelleQue de l'importuner de si dure nouvelleVeu que ce qui desplaist ne se peult tant suspendreQu'on ne panse venir assez tost a l'entendre?Ha, il vault mieulx laisser ses respectz, et ne craindre,Car pour estre ignoré un malheur n'est pas moindre.Et bien que pour un temps l'esprit ait quelque treve,Si en sent il apres impression plus grieve:Ayant nourry le mal, et tardé le secours,Dont les biens prolongez semblent apres plus cours:Car comme oisiveté, peine et travail aporte,Ce plaisir donne apres ennuy de mesme sorte.

Que doy-je dire ou faire? Oseray-je appeller

Quelqu'une de leans, pour soudain s'en aller

Advertir Sophonisba, en ceste extremité

De leffroy qui sespend par toute la cité?

Pource qu'on veoit desja les bandes et cohortes,

Des ennemys, courir jusques devant les portes?

Attendray-je plustost qu'autre le luy revelle

Que de l'importuner de si dure nouvelle

Veu que ce qui desplaist ne se peult tant suspendre

Qu'on ne panse venir assez tost a l'entendre?

Ha, il vault mieulx laisser ses respectz, et ne craindre,

Car pour estre ignoré un malheur n'est pas moindre.

Et bien que pour un temps l'esprit ait quelque treve,

Si en sent il apres impression plus grieve:

Ayant nourry le mal, et tardé le secours,

Dont les biens prolongez semblent apres plus cours:

Car comme oisiveté, peine et travail aporte,

Ce plaisir donne apres ennuy de mesme sorte.

O decevant espoir, illusion, et songe,Qui nous vient en veillant, et nous paist de mensonge,Combien fasche aux mortelz de vous l'esloignement,Qui sans vous vivroient mieulx, et plus heureusement.Sans vous, O vain espoir, nostre jeune princesseSeroit, peult estre, encor ches son pere en liesse,Quite d'ambition, de sceptre, et de couronne,Et du mal qui desja de bien pres l'environne.

O decevant espoir, illusion, et songe,

Qui nous vient en veillant, et nous paist de mensonge,

Combien fasche aux mortelz de vous l'esloignement,

Qui sans vous vivroient mieulx, et plus heureusement.

Sans vous, O vain espoir, nostre jeune princesse

Seroit, peult estre, encor ches son pere en liesse,

Quite d'ambition, de sceptre, et de couronne,

Et du mal qui desja de bien pres l'environne.

O pauvre Sophonisba, O divine beaulté,O doulceur assemblée à haulte roiaulté,Combien luy seroit grief servir estrange prince,Venant de donner loix à si grande province?O Dieu, ne permectz poinct que ce malheur advienne,Et de bonte si rare et vertu te souvienne,Qui te doibt estre chere, et l'est comme je croy,Si chose de ce monde eut oncq faveur de toy.Mais voicy arriver un courrier, qui à peinePour avoir travaillé, peult avoir son alleine.

O pauvre Sophonisba, O divine beaulté,

O doulceur assemblée à haulte roiaulté,

Combien luy seroit grief servir estrange prince,

Venant de donner loix à si grande province?

O Dieu, ne permectz poinct que ce malheur advienne,

Et de bonte si rare et vertu te souvienne,

Qui te doibt estre chere, et l'est comme je croy,

Si chose de ce monde eut oncq faveur de toy.

Mais voicy arriver un courrier, qui à peine

Pour avoir travaillé, peult avoir son alleine.

Premier Soldat.

Mes Dames.

Dames.

Que cherches-tu? quoy? ne sonnes tu mot?

Premier Sol.

O mon Dieu l'aleine me fault, je ne puis parler.

Dames.

Cestuy cy me remplit d'une crainte nouvelle.

Cestuy cy me remplit d'une crainte nouvelle.

Cestuy cy me remplit d'une crainte nouvelle.

Premier Sol.

Dites moy ou trouueray-je la Royne?

Dames.

Je la veoy sortir hors du chasteau bien a point.Mais dys nous d'ou tu viens s'il ne te fasche point.Et d'ou vient cest effroy, que tu sembles avoir.

Je la veoy sortir hors du chasteau bien a point.Mais dys nous d'ou tu viens s'il ne te fasche point.Et d'ou vient cest effroy, que tu sembles avoir.

Je la veoy sortir hors du chasteau bien a point.

Mais dys nous d'ou tu viens s'il ne te fasche point.

Et d'ou vient cest effroy, que tu sembles avoir.

Premier Sol.

Du camp helas, non plus camp, mais desconfiture.

Sophonisba.

Aiez de m'appeller soing, si tost que Herminia aura achevé ce qu'elle appareille pour offrir au temple, peult estre auray-je ce pendant quelque nouvelles du Roy.

Premier Sol.

He Dieu, de trop mauvaises en entendrez vous.

Dames.

Escoutons le propos de ce nouveau venu,Car il doibt mieulx sçavoir le tout par le menu,Que nous, qui n'entendons les choses que confuses

Escoutons le propos de ce nouveau venu,Car il doibt mieulx sçavoir le tout par le menu,Que nous, qui n'entendons les choses que confuses

Escoutons le propos de ce nouveau venu,

Car il doibt mieulx sçavoir le tout par le menu,

Que nous, qui n'entendons les choses que confuses

Premier Sol.

Ma dame, je vous aporte à mon grant regret, de tres mauvaises nouvelles.

Sophonisba.

O triste commencement, le Roy est il vif?

Premier Sol.

Il n'est point mort, et si ne le puis dire estre vivant.

Sophonisba.

Comment est il blessé? Ou le camp est il rompu?

Premier Sol.

Le camp est rompu, et luy n'est point blessé, mais pris.

Sophonisba.

Il est pris? o malencontre! o moy defortunée! Cestuy cy est le jour, le jour qui m'a ruinée de fond en comble. Mais comme alla le tout? et comment fut la prinse.

Esvanouissement.

Premier Sol.

Ce matin à l'aube du jour aucuns des nostres estoient allez dresser une escarmouche, lesquelz mis en fuitte par les Romains, et puis soustenus des nostres, vindrent si bien aux mains, que se renforceant les trouppes d'une part et d'aultre, la bataille s'en est ensuivie. Et avoyent noz gens de cheval d'entrée si bien faict, que les ennemys s'en alloient en route, n'eust esté que quelques enseignes de leurs gens de pied se vindrent mesler parmy noz gens d'armes, qui en furent un peu arrestez. Et ce pendant marcherent leurs legions, et les vindrent charger, de sorte qu'ilz prindrent la fuitte. Ce que voiant le Roy s'avança et donna dans les Romains pour veoir, si ou de honte, de le veoir mieulx faire qu'eulx, ou de peur de le laisser en danger, les siens retourneroient au combat. Mais ce fut en vain, car il demoura si chargé et environné des ennemys, que son cheval fut tué soubz luy, dont à vive force il fut amené prisonnier, avec aucuns des siens: et la reste n'à tasché qu'a se sauver, en tel effroy, que nous avons eu prou d'affaire à gaigner la ville, sentant les Romains nous chasser de pres, tant qu'a peine avons eu loisir de lever le pont, et fermer les portes.

Sophonisba.

O moy desolée! Je voy la fin de cest Empire.

Dames.

Las combien de pitié me fais tu, doulce dame.

Las combien de pitié me fais tu, doulce dame.

Las combien de pitié me fais tu, doulce dame.

Sophonisba.

O fortuné Syphax, ou es tu maintenant? et es mains de qui suis-je demourée?

Dames.

Quel cueur est si cruel qui voyant en telz termesCeste princesse cy, peust contenir les larmes?

Quel cueur est si cruel qui voyant en telz termesCeste princesse cy, peust contenir les larmes?

Quel cueur est si cruel qui voyant en telz termes

Ceste princesse cy, peust contenir les larmes?

Sophonisba.

O malheureuse haultesse, a quel abisme m'as tu conduicte?

Dames.

Trop juste occasion vous meut à larmoyer.

Trop juste occasion vous meut à larmoyer.

Trop juste occasion vous meut à larmoyer.

Sophonisba.

Las à qui appartient-il de pleurer, qu'a moy? qui en peu de temps veoy toute ma felicité tumbée en extreme decadence, et ma joie en perpetuelle douleur, O fussé-je morte au berceau? Car il renaist qui peult mourir à temps.

Dames.

Bien devriez vous pleurer, ma dame, incessament,Si le pleur vous pouvoit donner allegement:Mais si la peine en croist, il vault mieulx le laisser.

Bien devriez vous pleurer, ma dame, incessament,Si le pleur vous pouvoit donner allegement:Mais si la peine en croist, il vault mieulx le laisser.

Bien devriez vous pleurer, ma dame, incessament,

Si le pleur vous pouvoit donner allegement:

Mais si la peine en croist, il vault mieulx le laisser.

Sophonisba.

O Hasdrubal? O cher pere? quelle vous semblera la perte que je fay de cest estat, auquel contre vostre jugement et volonté je fuz eslevée. Comme m'a deceu la flateresse esperance. La joye que je m'estois promise en fin de vous donner de cest avantageux mariage, sera que vous me verrez en continuel tourment: sera que je seray desnuée de toute grandeur, et esloignée du pays de ma naissance: Qu'il me fauldra passer la mer, devenir esclave: et servir à la superbe nation, naturelle ennemye de la mienne, non, non, vous n'entendrez point telles nouvelles de moy, vous orrez plus tost dire que je seray morte que serve.

Dames.

Mon Dieu, madame, helas qu'avez vous dict?

Sophonisba.

Que plus tost je me determine de mourir que vivre esclave des Romains.

Dames.

Il faict bon s'exempter de si cruelles mains.Mais non point par la mort, car la mort est le malExtreme, et le dernier de tous les autres maulx.

Il faict bon s'exempter de si cruelles mains.Mais non point par la mort, car la mort est le malExtreme, et le dernier de tous les autres maulx.

Il faict bon s'exempter de si cruelles mains.

Mais non point par la mort, car la mort est le mal

Extreme, et le dernier de tous les autres maulx.

Sophonisba.

Nostre vie est comme un beau tresor, lequel ne se doibt despendre en choses de petite importance: ny aussi espargner aux grandes, et vertueuses entreprinses.

Premier Sol.

Fuiez mes dames, fuiez, retirez vous en quelque lieu plus seur, les ennemys sont dans la ville.

Sophonisba.

En quel lieu de seureté nous sçaurions nous retirer qui nous puisse deffendre, d'eux, si Dieu seul ne nous conserve? Mais dy moy, comment sont ilz entrez? à ce esté par composition, par force, ou par surprinse?

Premier Sol.

Il se peult dire que par composition, et par force.

Sophonisba.

Comment cela? parle que je t'entende.

Premier Sol.

Ma dame, je vous conteray comment la chose est passée. Si tost que les ennemys ont esté devant la ville, ilz ont envoyé un trompette la sommer de se rendre, auquel on à respondu qu'il se retirast: ny pour menasses qu'ilz ayent sceu redoubler de brusler le plat pays et la ville, ilz n'ont tiré de nous responce aprochante de se rendre, jusques à tant que Masinissa venu en personne sur le bort du fossé, et parlant aux principaulx, leur a remonstré le grant nombre qu'ilz estoient, le peu de munition que nous avions, la prinse du Roy, la deffaicte des nostres, le desir qu'il avoit de conserver nous et les pays, dont il seroit bien tost seigneur: Et sur cela faisant amener à la veue de tous le Roy prisonnier, à sceu tant dire et promectre, que les portes luy ont esté ouvertes.

Sophonisba.

O douloureux accident! Comme est mal conseillé qui se fie en l'amour des peuples: à tout le moins s'ilz eussent voulu tenir un seul jour: et puis qu'ilz se feussent renduz avec quelque meilleure et plus seure composition je ne serois point si surprinse et despourveue comme je suis.

Premier Sol.

Voicy les ennemys pres de la place.

Sophonisba.

Lequel est Masinissa?

Premier Sol.

C'est ce premier, celuy qui à sur son armet un panache rouge.

Dames.

Las je me sens au cueurUne si grande peur,Que je ne sçay que taire, ou que parler:Je me sens toute telleComme la coulombelle,Qui sur son chef voit un aigle voller.

Las je me sens au cueurUne si grande peur,Que je ne sçay que taire, ou que parler:Je me sens toute telleComme la coulombelle,Qui sur son chef voit un aigle voller.

Las je me sens au cueur

Une si grande peur,

Que je ne sçay que taire, ou que parler:

Je me sens toute telle

Comme la coulombelle,

Qui sur son chef voit un aigle voller.

Sophonisba.

Monseigneur, je sçay bien que le ciel, et la fortune, et voz vertuz, vous ont donné la puissance de faire de moy ce qu'il vous plaira: Mais si à une prisonniere estant à la discretion d'autruy est permis de parler, et de supplier, je vous requiers une seule grace, C'est qu'il vous plaise ordonner à ma personne condition telle que bon vous semblera: Pourveu que vous ne souffriez que je vienne à la puissance et servitude d'aucun Romain. Vous seul au monde, Seigneur, me pouvez delivrer de ce joug. Et de cela seulement je vous supplie, par la hauteur de vostre fortune, et de ce degré Royal, ou bien peu devant je me suis veue aussi. Et pour l'honneur des Dieux protecteurs de ce pays, lesquelz je prie vous recevoir avec meilleure fortune que n'a este celle de Siphax. Car quand je n'aurois autre consideration que du lieu auquel j'ay esté mariée, encores aymeroi-je mieux me commettre à la foy d'un des nostres, et nay en Affricque comme je suis: que tumber en celle d'un estranger. Pensez donc seigneur, ce que je doy faire, estant Carthaginoise, et fille de Hasdrubal. Et si j'ay raison de craindre la superbe maistrise des Romains, vous esmeuve à compassion la misere et calamité ou je suis ores, et la felicité de ma vie passée.

Dames.

Refuser ne se doit à dame si honnesteUne si raisonnable et si juste requeste.

Refuser ne se doit à dame si honnesteUne si raisonnable et si juste requeste.

Refuser ne se doit à dame si honneste

Une si raisonnable et si juste requeste.

Masinissa.

Ma dame je ne veux point rememorer les oultrages et desplaisirs que Syphax m'a faictz, de long temps, de peur de renouveller mes anciens ennuiz: et vous en donner de nouveaux. Soit ce qui en à esté: ma coustume est de persecuter mes ennemis jusques ad ce que je les aye vaincus: Et puis d'oublier toutes leurs offences. Et quand bien j'aurois deliberé de m'en ressentir, et d'en prendre vengence, si ne sçaurois-je pourtant avec vous, si non user de courtoisie: car il n'est chose plus vile que d'oultrager femmes, et courir sus à ceux qui sont opprimez: et sont sans aide et resistance. Et puis la jeunesse ou vous estes, les bonnes graces, et beauté dont vous estes pleine, voz doulces parolles et prieres, meritent trouver non seullement pitié, mais faveur. Et pour ce ostez toute craincte de vostre entendement, Car vous ne recevrez de moy que tout honneur, Bien me faict il mal que je ne vous puisse prometre ce, dont vous m'avez requis, de ne vous laisser tumber au pouvoir des Romains, Car je me treuve si soubzmis à eux, que je n'ay aucun moyen de le faire. Toutesfois je vous promez de les prier bien fort de vous mettre en liberté: Combien qu'ilz soient de si bonne affaire que vous ne devez esperer d'eux si non bon traictement.

Dames.

Renforcez le prier, tant qu'il soit combatu,Un arbre au premier coup n'est jamais abbatu.

Renforcez le prier, tant qu'il soit combatu,Un arbre au premier coup n'est jamais abbatu.

Renforcez le prier, tant qu'il soit combatu,

Un arbre au premier coup n'est jamais abbatu.

Sophonisba.

Mon seigneur vostre gracieux langage qui vous montre avoir quelque compassion de moy ressuscite dans mon cueur beaucoup d'esperance, et de la je prendray la hardiesse de parler avec plus de confiance à vous, Combien que j'aye honte et regret à parmoy de ne pouvoir en ceste tribulation parler si non de mes ennuiz: qui peult estre me feront trouver importune. Mais je me reconforte, en pensant que la nature d'un gentil cueur, est de donner volontiers audience et aide aux affligez: Et de se complaire en si bonne euvre, et pource suivant mon premier propoz, je vous supplie Monsieur avoir pitié de moy: et de ne me laisser venir en la servitude d'aucun Romain. Ja ne sçauroit-il tumber en mon entendement que vous ne le puissiez faire. Car qui ausera debatre qu'il ne vous appartienne bien, oultre le principal du buttin, avoir une femme en vostre disposition? Et ne me dictes point, s'il vous plaist, que d'eulx je ne puis avoir traictement que raisonnable: l'inimité que de tous temps ilz ont porté à ma patrie, et particulierement à ceulx dont je suis descendue, me faict inevitablement attendre de leur domination toutes les sortes d'injures, d'outraiges, Et de desplaisirs qui se peuvent imaginer: chose à fuir plus que la mort. Qui me faict de rechef vous demander ceste grace de m'en delivrer, par ces genoulx que j'embrasse, et par ceste victorieuse main, pleine de valleur, et de foy, que je vous baise. Autre refuge ne m'est demeuré en ce monde, si non vous Monsieur, à qui j'ay recours comme au port de ma sauveté. Que si toute voie m'est interdicte, et est force que vive je vienne en la discretion de ces gens la, veuillez m'en aumoins delivrer, en m'e donnant la mort. Je vous demande ceste derniere grace, laquelle vous ne povez dire n'estre en vostre puissance. Pourtant, Monsieur, ne me le refusez point, et adjoustez ceste promesse au louable commancement que vous avez donné à mon esperance.

Dames.

Grande force devroit avoir un beau langage,Prononcé doucement, et sortant du couraige,D'une si acomplie et aymable personne.

Grande force devroit avoir un beau langage,Prononcé doucement, et sortant du couraige,D'une si acomplie et aymable personne.

Grande force devroit avoir un beau langage,

Prononcé doucement, et sortant du couraige,

D'une si acomplie et aymable personne.

Masinissa.

Il faict bon quelque fois user de gracieuseté, et quelque fois estre audacieux: mais si jamais l'audace est de saison, elle l'est quand on en use pour choses honnestes et euvres pitoiables. Car il n'est rien qui tant rende l'homme semblable à Dieu, que s'emploier pour les hommes, et metre autruy en seureté. Or pour faire donc nouvelle responce à voz ardentes et trop gracieuses requestes pour estre refusees, je vous asseure et promectz, ma dame, de faire pour vous ce que vous me demandez. Et s'il se trouve homme si hardy qui ause seulement vous toucher la robbe je luy feray sentir qu'il m'aura offensé: et en deusse je abandonner mes pays et pour plus grande seureté je vous veulx donner ma foy, et la jurer en vostre main, avecque le Dieu qui m'a donné faveur au recouvrement de mon Roiaulme que vous n'yrez en puissance d'aucun Romain tant que la vie me soustiendra.

Dames.

O courtoise responce, O acte memorable.

O courtoise responce, O acte memorable.

O courtoise responce, O acte memorable.

Sophonisba.

Avec quelles parolles pourray-je assez dignement vous rendre graces de ceste liberalle et magnanime promesse, laquelle veritablement vous monstres bien meriter les victoires, le nom et la hauteur en quoy vous estes? Et pourtant si je me trouve doubteuse et confuse, et ne sçay bien ordonner mes propoz je ne suis point indigne d'excuse. Car il me semble chose impossible de pouvoir parler d'un cueur si genereulx comme est le vostre, en la façon qu'il appartient, ne donner assez de louange à un si glorieulx et louable fait comme cestuy cy. Et quant bien j'aurois quelque suffisance de l'exalter et approcher de son merite, je ne l'entreprendray point, sachant bien que je ne satisferois jamais à mon desir n'y à l'obligation que j'y ay, Seulement diray-je bien que mon esprit n'est jamais pour metre en oubly une si grande et si estimee grace, tant qu'il aura memoire de moymesmes, mais autant que ma rigoreuse fortune ne m'a laissé de toutes choses rien que la vie, laquelle je recongnois de vous seul, et que je n'ay moien de vous faire aultre retribution je prieray le grant Dieu qui au ciel regarde les euvres de nous mortelz Qu'en lieu de moy il vous recompense de celle cy, aussi haultement comme je la recongnois et l'estime.

Masinissa.

Je ne veulx aultre recompense du bien si non le plaisir de le metre en effect, Car le bien se doit faire pour ce qu'il est bien, et qu'il est la vraye retribution de soymesme, et le seul but de toutes noz actions.

Sophonisba.

Si voit on beaucoup de gens conviez à de glorieuses entreprinses par l'esperance de retribution.

Masinissa.

Ouy ceulx à qui la doulceur de vertueusement et bien faire n'est pas assez congneue.

Sophonisba.

Or soit ainsi, et plaise neantmoins à Dieu vous guerdonner de cest euvre pour honorer si pitoyable aide.

Masinissa.

Assez bon loier ay-je eu de Dieu de m'avoir donné le vouloir de dire comme j'espere le pouvoir d'executer chose qui vous est si agreable.

Sophonisba.

Grande modestie et vertu, mais Monsieur que dois-je faire? Car je n'ay, ny veulx avoir volonté ny conseil que le vostre.

Masinissa.

Mon advis est, si bon vous semble, que vous vous devez retirer au Chasteau et la nous delibererons du moyen qu'il faudra tenir pour vous tenir ma promesse.

Sophonisba.

Je vous en supplie Monsieur, et ne m'abandonnez ny oubliez point.

Masinissa.

Comment oublier? avez vous si peu de foy en moy que vous soiez en doubte.

Sophonisba.

Non, mais si grand desir de liberté me transporte, qu'il faict sembler que je deubte.

Masinissa.

Ne doubtez nullement, car c'est ma coustume de garder ce que je promectz comme ma vie: et ne siet bien à nul d'avoir une chose au cueur et une autre en la bouche.

Sophonisba.

Entrez donc Monsieur, si la fortune n'est perpetuellement contraire aux bonnes entreprises, Je puis esperer qu'en ceste cy elle me sera aydante: Mais je ne sçay comment en mon cueur ne peult entrer asseurance de rien.

Dames

Haulte celeste invisible lumiereQui estes source et naissance premiereDes corps luisans qui restorent le mondePar le retour de leur clarté fecondeQui ordonnez que leur course eternelleAns mois, et jours, et saisons renouvelle,Permettez leur nous amener un jourQui nous remette en l'ancien sejourDont joissoit ceste heureuse contréeAvant qu'enseigne estrange y fust entrée.Lors qu'en ces champs n'y avoit un seul homme.Qui sceut le nom du Tibre ny de Rome.Et nous contans des fruictz de nostre terre,Aux fiers lyons seulement faisions guerre.Helas seigneur, depuis que ceste Affrique,Eut à desdain son ouvrage rustique,Et naviga pour ailleurs dominerElle, à peu pres, s'est veue dominer.Elle à tant faict cherchant les estrangiers.Qu'elle les veoit ores en ses vergiers.Siphax est pris, et Sophonisbe aussi,Masinisse est luy mesme en la mercy.Des fiers Romains, car assez est liéQui a plus grand que soy s'est allié.Les ennemys sont depuis le matinDans le chasteau, qui est de leur butin.Brief, il n'est mal publicque ne privéQue nous n'ayons mille fois esprouvé.Et ne sçauroit la fortune inventerNouveau moyen de plus nous tourmenter.Un seul espoir d'assez loing nous regardeC'est que le Roy qui à pris en sa gardeNostre maistresse, aura sollicitudeDe ne souffrir qu'elle aille en servitude.Et s'il le faict et tient sa foy promiseNous resterons avec elle en franchiseEt luy ferons service en libertéChangeans noz nuictz en lumiere et clarté.

Haulte celeste invisible lumiereQui estes source et naissance premiereDes corps luisans qui restorent le mondePar le retour de leur clarté fecondeQui ordonnez que leur course eternelleAns mois, et jours, et saisons renouvelle,Permettez leur nous amener un jourQui nous remette en l'ancien sejourDont joissoit ceste heureuse contréeAvant qu'enseigne estrange y fust entrée.

Haulte celeste invisible lumiere

Qui estes source et naissance premiere

Des corps luisans qui restorent le monde

Par le retour de leur clarté feconde

Qui ordonnez que leur course eternelle

Ans mois, et jours, et saisons renouvelle,

Permettez leur nous amener un jour

Qui nous remette en l'ancien sejour

Dont joissoit ceste heureuse contrée

Avant qu'enseigne estrange y fust entrée.

Lors qu'en ces champs n'y avoit un seul homme.Qui sceut le nom du Tibre ny de Rome.Et nous contans des fruictz de nostre terre,Aux fiers lyons seulement faisions guerre.

Lors qu'en ces champs n'y avoit un seul homme.

Qui sceut le nom du Tibre ny de Rome.

Et nous contans des fruictz de nostre terre,

Aux fiers lyons seulement faisions guerre.

Helas seigneur, depuis que ceste Affrique,Eut à desdain son ouvrage rustique,Et naviga pour ailleurs dominerElle, à peu pres, s'est veue dominer.Elle à tant faict cherchant les estrangiers.Qu'elle les veoit ores en ses vergiers.Siphax est pris, et Sophonisbe aussi,Masinisse est luy mesme en la mercy.Des fiers Romains, car assez est liéQui a plus grand que soy s'est allié.

Helas seigneur, depuis que ceste Affrique,

Eut à desdain son ouvrage rustique,

Et naviga pour ailleurs dominer

Elle, à peu pres, s'est veue dominer.

Elle à tant faict cherchant les estrangiers.

Qu'elle les veoit ores en ses vergiers.

Siphax est pris, et Sophonisbe aussi,

Masinisse est luy mesme en la mercy.

Des fiers Romains, car assez est lié

Qui a plus grand que soy s'est allié.

Les ennemys sont depuis le matinDans le chasteau, qui est de leur butin.Brief, il n'est mal publicque ne privéQue nous n'ayons mille fois esprouvé.Et ne sçauroit la fortune inventerNouveau moyen de plus nous tourmenter.

Les ennemys sont depuis le matin

Dans le chasteau, qui est de leur butin.

Brief, il n'est mal publicque ne privé

Que nous n'ayons mille fois esprouvé.

Et ne sçauroit la fortune inventer

Nouveau moyen de plus nous tourmenter.

Un seul espoir d'assez loing nous regardeC'est que le Roy qui à pris en sa gardeNostre maistresse, aura sollicitudeDe ne souffrir qu'elle aille en servitude.Et s'il le faict et tient sa foy promiseNous resterons avec elle en franchiseEt luy ferons service en libertéChangeans noz nuictz en lumiere et clarté.

Un seul espoir d'assez loing nous regarde

C'est que le Roy qui à pris en sa garde

Nostre maistresse, aura sollicitude

De ne souffrir qu'elle aille en servitude.

Et s'il le faict et tient sa foy promise

Nous resterons avec elle en franchise

Et luy ferons service en liberté

Changeans noz nuictz en lumiere et clarté.

Lelius.

A chacun pas que je fay, j'entre en merveille de la grandeur de la beauté et de la force de ceste ville, et me tiens presque pour mal conseillé d'y estre entré avec si petite trouppe, que celle qui m'a servi: craignant quelque stratageme et surprinse des ennemys: desquelz la desperation est quelque fois plus a doubter, que la victoire. Et ce qui plus m'y faict penser est que je ne voy nulz de tant de soldatz, qui y sont entrez avec Masinissa. Et pource j'en veulx demander nouvelles à ces femmes. Femmes quelle part à tiré le Roy, qui est entré n'aguieres en ceste ville avec ses gens?

Dames.

Il entra au chasteau, et pensons qu'il y estEncor avec la Royne, mais Seigneur s'il vous plaistDites nous vostre nom, car vos façons honnestesNous donnent grand desir de sçavoir qui vous estes.

Il entra au chasteau, et pensons qu'il y estEncor avec la Royne, mais Seigneur s'il vous plaistDites nous vostre nom, car vos façons honnestesNous donnent grand desir de sçavoir qui vous estes.

Il entra au chasteau, et pensons qu'il y est

Encor avec la Royne, mais Seigneur s'il vous plaist

Dites nous vostre nom, car vos façons honnestes

Nous donnent grand desir de sçavoir qui vous estes.

Lelius.

On m'appelle Lelius.

Dames.

Point ne nous à trompé vostre grave presence,Manifestant le bien que souvent en absenceDu Romain Lelius nous avions entendu,Dont par tout l'univers le nom est espanduMais je voy mon seigneur un des vostres sortirQui de ceulx de leans vous pourra advertir.

Point ne nous à trompé vostre grave presence,Manifestant le bien que souvent en absenceDu Romain Lelius nous avions entendu,Dont par tout l'univers le nom est espanduMais je voy mon seigneur un des vostres sortirQui de ceulx de leans vous pourra advertir.

Point ne nous à trompé vostre grave presence,

Manifestant le bien que souvent en absence

Du Romain Lelius nous avions entendu,

Dont par tout l'univers le nom est espandu

Mais je voy mon seigneur un des vostres sortir

Qui de ceulx de leans vous pourra advertir.

Second Soldat.

Voicy bien à propoz Lelius, lequel j'allois trouver, Mon seigneur, jay à vous dire aucunes choses s'il vous plaist les entendre.

Lelius.

Parle, n'oublie pas me conter du grant buttin qui est faict dans le chasteau.

Second Soldat.

Je ne vous parleray point de buttin, Ayant este occupé par le Roy à aultre chose.

Lelius.

Quelle occupation a-il leans si non de faire assembler les richesses qui y sont?

Second Soldat.

Occuppation de festoier sa nouvelle espouse.

Lelius.

Quelle espouse?

Second Sol.

Sophonisba fille de Hasdrubal.

Lelius.

Sophonisba femme de Siphax?

Second Sol.

Celle mesmes, dy-je, qui estoit Royne.

Lelius.

Masinissa la il espousée?

Second Sol.

Je vous asseure, je ne parle point en vain.

Lelius.

O estrange cas, O audace insuportable!

Second Sol.

La chose est comme je dy.

Lelius.

Mais ou estoit elle? ou la veid-il premierement?

Second Sol.

En la place devant le chasteau.

Lelius.

Que luy dist-il d'entree?

Second Sol.

Elle parla à luy la premiere.

Lelius.

Comment, de l'espouser?

Second Sol.

Ha non, mais elle luy requist seulement un don.

Lelius.

Et quoy? la liberté?

Second Sol.

Ouy de ne tumber en povoir d'aucun Romain.

Lelius.

Et il la luy promist franchement.

Second Sol.

Mais bien la refusa-il quant à cela.

Lelius.

Que feist elle lors estant refusee?

Second Sol.

Elle se mist à l'en requerir avec plus grande instance.

Lelius.

Et luy se laissa vaincre.

Second Sol.

Il luy accorda tout ce qu'elle sceut demander.

Lelius.

O temerite! et comment le povoit il faire?

Second Sol.

Je ne sçay respondre de son intention.

Lelius.

Qui peult induire à faire si folle promesse?

Second Sol.

Amour, grande beauté, Et douces parolles.

Lelius.

Il estoit bien saison de faire l'amour parmy les armes.

Second Sol.

Mon seigneur, il n'est saison ny exercice sur qui amour n'ait commandement.

Lelius.

Apres ceste promesse que devindrent ilz?

Second Sol.

Nous nous en allasmes les accompaigner dans le chasteau.

Lelius.

Et la il l'espousa.

Second Sol.

Non pas promptement, car elle feist des remonstrances de son mary vivant et d'un petit enfant de deux ans, qu'elle à de luy, pour tousjours retarder comme, je croy, l'affaire: Mais en fin la necessité de la presente fortune feist qu'elle se accorda à luy auquel son pere l'avoit aultres fois accordee.

Lelius.

L'entendement est la plus belle chose que Dieu ait conceddee aux hommes, mais bien souvent la grande prosperité l'aveugle, cestuy cy qui tousjours avoit este tenu pour homme prudent s'est laissé cheoir en une grande erreur pour se trouver victorieulx: et luy à esté sa felicité plus dommageable en le rendant insoleent, Que ne furent oncques ses pertes en Espaigne.

Second Sol.

Monsieur voiez masinissa qui sort du chasteau.

Lelius.

Je l'avois bien apperceu, mais va t'en qu'il ne te voie avec moy, car je ne veulx qu'il pense que j'aie rien entendu de son faict.

Second Sol.

Bien Monsieur.

Masinissa.

Tenez vous prestz trestous pour m'acompaigner, tantost au temple à la sollennité. Et toy, va t'en au camp et fay diligence de m'advertir de ce qu'on y faict.

Lelius.

Il ne fault aultre advertisseur que moy, qui vient tout maintenant de la.

Masinissa.

O Lelius, je n'avois pas encores tourné ma veue de ce costé pour vous voir. Dites moy je vous prie Scipion est il arrivé avec le reste des forces?

Lelius.

Il n'y à guieres qu'il est arrivé pres d'icy, et ma mandé que je luy envoye Siphax et les aultres prisonniers que nous avons.

Masinissa.

Ce sera bien faict.

Lelius.

C'est ce qui m'a faict un peu tarder, mais voila Caton qui les à en sa compaignie, dictes luy qu'il attende un peu, affin qu'il y puisse mener ensamble Sophonisba.

Masinissa.

Eh il n'est point besoing d'y mener la Royne.

Lelius.

Pourquoy n'i va elle avec les autres?

Masinissa.

Pour-ce qu'elle est femme, et ne seroit pas chose honneste qu'elle allast en la trouppe des soldatz.

Lelius.

Ce respect ne doit point avoir de lieu la ou est son mary.

Masinissa.

Envoiez ce pendant les autres: car il ne serviroit de rien de haster tant la Royne, et l'homme saige ne doit jamais faire chose qui ne serve.


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