Le peuple, immobile, osait à peine respirer. Il regardait cet homme avec respect et admiration. Une minute après, un gémissement sourd, lugubre, partit du sein de la foule, et le bourreau éleva en l'air une tête sanglante et livide.
Deux spectateurs, placés sur un balcon, avaient suivi d'un regard attentif toutes les scènes du drame terrible qui venait de se dénouer sur l'échafaud.
—Périssent ainsi tous mes ennemis! s'écria le duc d'Uzeda.
—On doit tout sacrifier, amis et ennemis, aux ordreset à la gloire de la religion, répliqua le grand inquisiteur en faisant le signe de la croix.
Tous deux quittèrent le balcon et rentrèrent au palais d'Uzeda.
—Don Gaspar de Guzman est maintenant avec le roi, dit le duc: j'attends à chaque instant l'ordre de me rendre auprès de Sa Majesté.
—Mon fils, répondit Aliaga en hochant la tête, je ne partage pas vos espérances. Je sais lire au fond des cœurs et deviner les caractères. Croyez-le bien, don Gaspar de Guzman ne souffrira auprès de lui aucun rival; il n'admettra personne à partager la faveur du maître.
Ils parlaient encore lorsqu'ils virent entrer un gentilhomme de la chambre du roi, qui remit à chacun d'eux une lettré signée de Sa Majesté, et ainsi conçue:
«Le duc d'Uzeda et le grand inquisiteur, dom fray Louis de Aliaga, ont perdu leurs titres et leurs dignités; ils devront, s'ils ne veulent pas être traités en sujets rebelles, quitter à l'instant même le royaume d'Espagne.»
Ainsi, ni le caractère sacré du grand inquisiteur, ni les habiles manœuvres du duc d'Uzeda, ne purent les préserver d'une disgrâce.
Quelques instants après, la foule qui remplissait la place apprit la décision du monarque, et, toujours inconstante,elle reçut avec acclamation le nom du nouveau ministre. On entendit le cri poussé par un peuple immense:
—Vive don Guzman Olivarez le réformateur!
L'écho des acclamations parvint jusqu'à Philippe IV, qui était avec son nouveau ministre.
—Quel est ce bruit? demanda vivement le roi.
—Sire, c'est sans doute votre bon peuple qui applaudit à l'exécution de Calderon, répondit don Guzman.
Philippe IV se couvrit le visage de ses mains, parut un instant absorbé dans une profonde rêverie; puis, se retournant vers Olivarez, il lui dit avec un sourire sardonique:
—Comte, telle est la morale d'une vie de courtisan.
Le duc d'Olivarez, qui, disgracié plus tard, finit dans l'exil sa longue carrière, dut se rappeler plus d'une fois les paroles de son royal maître et les circonstances dans lesquelles il les avait prononcées.
FIN
Notes de transcriptionLes coquilles ont été corrigées et les majuscules accentuées. La graphie ancienne (dyssenterie, protégent, complétement, etc.) a été conservée. Nous croyons également que :«arrah-punch» devrait se lire «arack-punch»;«conte» devrait se lire «compte».
Les coquilles ont été corrigées et les majuscules accentuées. La graphie ancienne (dyssenterie, protégent, complétement, etc.) a été conservée. Nous croyons également que :