Que le mariage soit une association et doive être, à ce titre, considéré et légiféré comme tel, cela ressort du premier article consacré au contrat de mariage et aux droits respectifs des époux, l’article 1367.
Suivent 194 articles réglant les diverses formes de cette association, et établissant la mainmise de l’homme sur la fortune de la femme, tout au moins sur la direction et le maniement de cette fortune.
A quel point notre mariage est un mariage d’intérêts, un mariage fondé sur la possession et la transmission des biens familiaux, le titre V du Code civil le démontre à l’excès, puisqu’à lui seul il tient, avec ses 195 articles, une place démesurée dans le Code civil.
Tout est prévu, les différents régimes sous lesquels les époux s’associent ; et qu’il s’agisse de la communauté, de la séparation de biens et du régime dotal, partout nous retrouvons la même injustice foncière. Le mariage est en fait la seule association où règne l’immoralité du partage des charges et des responsabilités : la seule où celui, (en réalité celle) qui apporte presque toujours le plus se trouve dépouillée de ce qu’elle a apporté au profit de l’homme, déclaré chef et maître de la famille et des intérêts qui la constituent. C’est là qu’apparaît le plus, avec une évidence choquante, la volonté d’un Code qui, refoulant les justes principes de la Révolution, en revint à l’ancien droit, sans tenir compte des revendications légitimes que « la plus faible » pourrait, devrait faire entendre un jour.
Ces revendications, une loi qui s’est fait attendre de longues années, mais qui a fini par aboutir avant la guerre, la loi Goiran, sur le salaire de la femme mariée, cette loi leur donne satisfaction et constitue par avance les éléments du titre V, transformé comme il le sera certainement, quand tout ce qu’il contient de vieillot et d’oppressif frappera tous les yeux.
Il est surprenant et, dans l’avenir, il semblera extraordinaire que tant de précautions de méfiance, d’hostilité aient été prises réciproquement entre époux, pour un contrat léonin conçu d’ailleurs au seul profit du mari. On s’étonnera alors qu’il ait pu exister un régime dotal, véritable Bastille de restrictions, d’empêchements, de difficultés telles qu’elle a entraîné dans des oubliettes ténébreuses la ruine souvent des époux les mieux intentionnés. On admirera ironiquement les dispositions prises pour le régime de la séparation de biens et celui de la communauté entière ou réduite aux acquêts.
Très certainement le titre V du Code civil, remanié dans l’avenir, prévoira l’égalité de droits des conjoints à la disposition et à l’entretien de la fortune du ménage, fixera des devoirs d’apport commun aux charges familiales au cas où chacun des époux y pourrait participer et, en tout cas, respectera la liberté réciproque du mari et de la femme en ce qui touche l’emploi de l’argent de l’un ou de l’autre.
L’union, l’entente, la confiance de la bourse commune ou le choix des bourses séparées seront des actes libres et volontaires, et non plus une sanction anticipée de défiance, de rancune et d’oppression.