Un immense mouvement est en train de s’accomplir, la guerre aura libéré la femme de sa servitude séculaire. Ce que ses revendications les plus légitimes, ce que la voix des féministes, ce que congrès et associations n’avaient pu obtenir, la nécessité l’a résolu.
Que l’homme y consente ou non, la guerre aura affranchi par centaines de mille les jeunes filles et les épouses de la tutelle tendre ou rude, mais toujours plus ou moins oppressive, de leur maître.
Ce n’est pas impunément que la femme aura dans les professions les plus diverses, et souvent plus adaptées à ses qualités qu’à celles de l’homme, témoigné de l’initiative, de la décision et une inlassable énergie. Que n’a-t-elle su être à quoi l’on ne s’attendait guère ! Combien de carrières et de métiers se sont-ils ouverts pour elle, où le mâle, absent, n’a pu la concurrencer ! Aux champs, aux usines, aux ouvroirs, aux hôpitaux, aux magasins, aux boutiques, dans les bureaux des innombrables administrations, la femme a su agir, commander, vaincre les difficultés, se débrouiller en un mot.
Et ce n’est là qu’un aspect de la question : l’aspect professionnel. La femme naguère réclamait des droits politiques. Après l’emploi qu’elle a fait de ses plus belles qualités, comment les lui refuser ? Ouvrière de la Cité en péril, qu’elle a aidé à sauver, il sera juste qu’elle y coopère demain comme électrice, après-demain — pourquoi pas — comme députée ou sénatrice ?
A côté de la loi du mâle, conçue au seul profit du mâle, elle fera coexister la loi de la femme ; et cette loi sera plus prévoyante, plus généreuse envers tous les opprimés et tous les faibles, plus consciente de la préservation de la race minée par l’alcoolisme et la dépopulation.
Enfin, par l’enchaînement inflexible des choses, la femme s’émancipe à un point de vue beaucoup plus grave : dans son être intime et profond, dans son essence même. Le contact de la douleur et des réalités physiques, pour beaucoup de femmes et de jeunes filles, dans les ambulances d’une part, de l’autre les complications aventureuses des événements, amours fortuites, maternités imprévues, abandons cruels, auront hâté, hâtent chaque jour pour les femmes « l’évolution sexuelle », selon le mot heureux du DrE. Toulouse[1].
[1]L’Évolution sexuelle, livre emprunt du plus large et du plus généreux féminisme.
[1]L’Évolution sexuelle, livre emprunt du plus large et du plus généreux féminisme.
La guerre a déchiré le nuage blanc dont on entourait leur virginité ; trop de précisions brutales ont défloré l’oreille des jeunes filles. Elles n’accepteront plus qu’on leur impose le dogme d’une fausse ignorance. Créées pour l’amour et la fécondité, elles voudront qu’on les instruise des risques et des responsabilités de leur mission, la plus belle qui soit.
Après la guerre, beaucoup de vierges seront en surnombre, et leurs chances d’union régulière d’autant plus diminuées. Elles tiendront à conquérir leur indépendance par le travail, et, par leur courage à accepter, avec l’enfant de l’amour, leur droit à l’amour.
Les répercussions d’une telle guerre, avec ses catastrophes et ses misères, atténueront le préjugé contre la fille-mère ; les besoins de la repopulation grandiront le respect de la maternité, légale ou non.
La femme mariée, elle, consentira de moins en moins aux liens d’un mariage qui l’opprime et où elle est traitée en mineure, dépossédée de ses biens, privée de ses droits les plus légitimes de contrôle et d’éducation ; d’un mariage qui, malheureux, ne lui laisse que cette alternative : tromper son tyran ou courir les chances d’une rupture d’où elle sort amoindrie, parfois déconsidérée.
Un contrat plus souple et plus libre s’imposera. La morale publique, à la soupape d’échappement incongrue qu’est l’adultère, n’hésitera pas à préférer la porte silencieusement ouverte par le divorce, avec consentement mutuel et même volonté d’un seul.
Que ce soit dans l’ordre économique, politique ou individuel, la guerre, qui a bouleversé les valeurs anciennes, modifie de fond en comble les statuts de l’éternelle serve.
La Paix de la Force et du Droit verra les Femmes nouvelles.