XV.Du Feu Central.
Tout le Feu ne vient pas du Soleil.Tout le Feu ne vient pas du Soleil, deux cailloux frappés l’un contre l’autre, suffisent pour nous convaincre de cette vérité; chaque corpsLe Createur a donné une portion de Feu à chaque partie de la matiere.& chaque point de l’espace a reçû du Créateur une portion de Feu en raison de son volume; ce Feu renfermé dans le sein de tous les corps, les vivifie, les anime, les féconde, entretient le mouvement entre leurs parties, & les empêche de se condenser entierement.
Le Soleil paroît destiné à nous éclairer, & à mettre en action ce Feu interne que tous les corps contiennent, & c’est par-là & par le Feu qu’il répand, qu’il est la cause de la végétation, & qu’il donne la vie à la Nature.
La chaleur du Soleil ne pénetre pas fort avant dans la terre.Mais son action ne pénétre pas beaucoupau de-là de la premiere surface de la terre; on sçait que les Caves de l’Observatoire, qui n’ont environ que 84 pieds de profondeur, sont d’une température égale dans le plus grand froid & dans le plus grand chaud. Donc le Soleil n’a aucune influence à cette profondeur.
Le Feu étant également répandu par-tout, & la chaleur du Soleil ne pénétrant point à 84 pieds de profondeur, le froid devroit augmenter à mesure que la profondeur augmente, puisque le Soleil échauffe continuellement la superficie, & n’envoye aucune chaleur à 84 pieds.
La chaleur augmente en approchant du centre de la terre.Mais le froid, loin d’augmenter avec la profondeur, diminuë au contraire avec elle lorsqu’elle passe de certaines bornes; c’est ce que M. Mariotte a éprouvé en mettant le même Thermometre consécutivement dans deux Caves, l’une de 30 pieds de profondeur, & l’autre de 84; le Thermometre ne passa pas 51 degrés 1/2 dans la premiere, mais il monta à 53 degrés 1/2 dans la seconde: Donc puisque la chaleur étoit plus grande à 84 pieds qu’à 30, il faut qu’un Feu renfermé dans les entrailles de la terre, soit la causede cette chaleur, qui augmente lorsqu’elle devroit diminuer.
Les Volcans & les sources d’eau chaude démontrent le feu Central.Les Volcans & les Sources d’eau chaude, qui sortent du sein de la terre, les Métaux & les Minéraux qui végétent dans ses entrailles, &c. nous démontrent ce Feu central que Dieu a vraisemblablement placé au milieu de chaque globe, comme l’ame qui doit l’animer.
La chaleur de l’Eté en est encore une preuve.M. de Mairan a fait voir que la chaleur du Soleil au Solstice d’Eté est à celle de cet Astre au Solstice d’Hiver, comme 66 à 1, toute déduction faite: or si toute la chaleur venoit du Soleil, l’Eté seroit 66 fois plus chaud que l’Hiver, & cependant il est prouvé par les expériences que M. Amontons a faites au Thermometre, que la chaleur de l’Eté de nos climats ne differe du froid qui fait geler l’eau, que comme 8 differe de 7. Il faut donc qu’il y ait dans notre terre un fonds de chaleur indépendante de celle du Soleil.
Puisque le Feu est également répandu par-tout, il faut que ce fonds de chaleur ait été mis par le Créateur dans le centre de la terre, d’où il se distribuë également à lamême distance dans tous les corps qui la composent, en sorte que s’il n’y avoit point de Soleil, tous les climats de la terre seroient également chauds, ou plûtôt également froids à sa superficie; mais la chaleur augmenteroit, comme elle augmente réellement, à mesure que l’on approcheroit du centre de la terre.
Ainsi le Feu central paroît prouvé par les Phénomenes de la Nature, & il n’est nullement nécessaire, pour l’expliquer, de recourir, comme un Philosophe de nos jours, à une tendance du Feu en bas, tendance démentie par les expériences les plus communes, comme par les plus fines. Il suffit pour l’existence de ce Feu, de la volonté du Créateur, & pour sa conservation, de la loi qui fait que le Feu se retire plus lentement des corps, à mesure qu’ils sont plus denses; car le Feu, au centre de la terre, doit être retenu par un poids dont il ne peut vaincre la résistance.
Lorsque ce Feu trouve quelqu’issuë, il sort avec furie de cette fournaise souterraine, & c’est ce qui fait les Volcants, les Vents sulphureux, &c. mais il ne peut jamaiss’échapper qu’une très-petite partie de ce Feu renfermé dans les entrailles de la terre.
La chaleur de ce Feu souterrain augmente à mesure que l’on approche du centre de la terre, car puisque la pesanteur de l’Atmosphere retarde l’ébullition de l’eau, c’est-à -dire, le point auquel ses pores laissent passer les particules de Feu, le Feu doit être d’autant plus puissamment retenu dans les entrailles de la terre, que le poids dont il est surchargé augmente; or ce poids augmente avec la profondeur: Donc le Feu central doit se conserver, & être d’autant plus ardent que l’on approche plus du centre de la terre.
La chaleur du Feu central diminuë vers la surface de la Terre, & celle du Feu du Soleil augmente près de cette surface.La chaleur du Soleil augmente d’autant plus qu’on approche plus de la surface de la terre, à cause de l’Atmosphere dont les vibrations continuelles excitent sa puissance; mais la chaleur du Feu central, au contraire, diminue à mesure qu’on approche de cette surface, car le poids dont il est chargé est d’autant plus fort, & l’empêche plus puissamment de s’échapper.
Le Feu nous éclaire dès qu’il peut être transmis en ligne droite jusqu’à nos yeux, mais il ne nous échauffe qu’à proportion de la résistance que les corps lui opposent, & c’est-là une des plus grandes marques de la Providence du Créateur; car si le Feu brûloit aussi aisément qu’il éclaire, nous serions exposés à tout moment à en êtreC’est un effet de la Providence du Créateur, que le Feu brûle plus difficilement, qu’il n’éclaire.consumés, & s’il avoit besoin de la résistance des corps pour éclairer, nous serions souvent dans les ténébres; mais dès qu’il frappe nos yeux, il nous donne une lumiere très-vive, & il ne nous échauffe jamais assez pour nous incommoder à moins que nous n’excitions sa puissance, la plus grande chaleur de l’Eté étant environ trois fois moindre que celle de l’eau bouillante.
Il y a grande apparence que la quantité du Feu dans les corps célestes, est proportionnelle à leur éloignement du Soleil.Le Feu qui est dans tous les corps, indépendamment du Soleil, & ce Feu central qu’on peut, avec bien de la vraisemblance, supposer dans tous les globes, peut faire croire que la quantité du Feu dans les Planetes, est proportionnée à leur éloignement du Soleil: ainsi Venus qui en est plus près, en aura moins, Saturne & les Cometes qui en sont très-éloignées, en aurontdavantage, chacune selon leur distance. Cette compensation est d’autant plus nécessaire, que la rareté de la matiere de Saturne, par exemple, ne peut seule suppléer à son éloignement, car étant dix fois plus loin du Soleil que nous, il en reçoit cent fois moins de rayons, & la matiere dont il est composé n’est qu’environ six fois & deux tiers plus rare que celle de notre terre: Donc tout y seroit dans une inaction & une condensation qui s’opposeroit à toute végétation, s’il n’avoit un fonds de chaleur capable de suppléer à son éloignement du Soleil.
La matiere des Cometes doit être très-dense, puisqu’elles vont si près du Soleil, sans se dissoudre par sa chaleur: Donc il faut que Dieu ait pourvû par la quantité du Feu central, ou bien par le Feu qu’il a répandu dans les corps qui composent ces globes à leur éloignement du Soleil, & peut-être aussi a-t-il compensé cette distance, en augmentant la raison dans laquelle le Feu y agit, de même qu’il a pourvû à l’illumination de Saturne & de Jupiter, par la quantité de leurs Lunes: ainsi il est inutile de supposer une hétérogénéité de matieredans les globes placés à différentes distances du Soleil, mais seulement une quantité de Feu plus ou moins grande, ou une augmentation dans la raison selon laquelle les raions agissent sur les corps.
Le Feu central conserve toutes les propriétés que nous connoissons au Feu, mais il ne peut les déployer.Le Feu conserve toutes ses proprietés dans le centre de la terre, il y tend à l’équilibre, ses parties cherchent à se répandre de tous côtés, &c. mais il ne les exerce qu’en partie, car il ne peut surmonter entierement la force qui s’oppose à son action.
C’est ce Feu central qui fait que les Puits très-profonds ne se gelent point, que la Neige qui touche immédiatement la terre, fond plutôt que celle qui est sur du chaume, ou sur d’autres supports; enfin c’est lui qui est cause en partie du dégel, qui fait que pendant la gelée la plus forte, l’eau fume sous la glace, &c. Je n’aurois pas sitôt fini, si je voulois entrer dans le détail de tous ses effets.
Mais je n’ai déja que trop abusé de la patience du Corps respectable à qui j’ose présenter ce foible Essai, j’espere que mon amour pour la vérité me tiendra lieu detalens, & que le désir sincere que j’ai de contribuer à sa connoissance, me fera pardonner mes fautes.
Conclusion de la seconde Partie.
Je conclus de tout ce qui a été dit dans cette seconde Partie.
1o. Que le Feu est également distribué dans tous les corps inanimés.
2o. Que les créatures animées contiennent plus de Feu dans leur substance que les autres.
3o. Que l’attrition est le moyen le plus puissant pour exciter le Feu renfermé entre les Parties des corps.
4o. Que la masse des Corps, leur élasticité & la rapidité du mouvement qu’on leur imprime, augmentent infiniment l’activité du Feu qu’ils contiennent, & que l’attrition excite.
5o. Que le Feu raréfie tous les Corps, & les étend dans toutes leurs dimensions.
6o. Que les corps s’enflamment plus ou moins vîte selon leur couleur, toutes choses d’ailleurs égales, & que les plus réflexibles sont ceux qui s’enflamment les derniers.
7o. Que les liquides n’acquerent aucune chaleur par le plus grand Feu, passé l’ébullition.
8o. Que l’aliment du Feu, n’est pas du Feu, que ce sont les parties les plus tenuës des corps que le Feu enleve, & qu’elles ne se changent point en Feu.
9o. Que le Feu détruit l’élasticité des corps loin d’en être la cause.
10o. Que le Feu paroît être la cause de l’électricité.
11o. Que le Feu n’agit pas sur les corps seulement en raison de sa quantité.
12o. Que les rayons acquerent une activité dans leur approximation qui augmente infiniment les effets du Feu.
13o. Que le tems dans lequel les différens corps se refroidissent est à peu près le même que celui dans lequel ils s’échauffent.
14o. Que l’absence du Feu n’est pas la seule cause de la congellation, mais qu’il s’y mêle des partiesfrigérifiques.
15o. Que ces partiesfrigérifiquessont des particules de Sel & de Nitre.
16o. Que le Soleil est un corps solide.
17o. Que tout le Feu d’ici-bas ne nousvient pas du Soleil, mais que chaque corps en contient une certaine quantité.
18o. Qu’il y a dans la Terre un Feu central qui est la cause des végétations qui se font dans son sein.
FIN.
L’Approbation & le Privilege se trouvent aux Mémoires de l’Académie des Sciences.