[32]Voir aux Appendices une note du spirituel abbé sur le langage des chats.
[32]Voir aux Appendices une note du spirituel abbé sur le langage des chats.
Actuellement il faut s'en tenir, pour le commerce habituel avec ces animaux, à ce que dit Montaigne:
«Quand je me joue à ma chatte, qui sçait si elle passe son temps de moi, plus que je ne fais d'elle? Nous nous entretenons de singeries réciproques: si j'ai mon heure de commencer ou de refuser, aussi a-t-elle la sienne.»
Chat en porcelaine de fabrication chinoise. Musée de Sèvres.
Dans un parc est cachée sous la verdure la maisonnette que j'habite; un petit terrain moitié pelouse, moitié jardin, entouré d'une haie de sureaux & de rosiers sauvages, fait de cet endroit une solitude riante.
Le matin, certains oiseaux viennent s'ébattre dans les sureaux & font entendre un cri sec (t' t' t' t' t' t' t' t' t') comme s'ils frappaient du bec contre une planche. Ce bruit attire le chat, qui se met en embuscade dans la haie & reste immobile des heures entières, sans rien rapporter de sa chasse, car il n'est pas de la race de ses confrères dont parle Montaigne, qui, magnétisant les oiseaux d'un regard vert, les font tomber dans leur gueule[33].
[33]«On vit dernièrement chez moi un chat guestant un oyseau au hault d'un arbre, & s'estans fichez la veuë ferme l'un contre l'autre, quelque espace de temps, l'oiseau s'estre laissé choir comme mort entre les pattes du chat, ou enyvré par sa propre imagination, ou attiré par quelque force attractive du chat.» (Montaigne,De la force de l'imagination, liv. I, ch.XX.)
[33]«On vit dernièrement chez moi un chat guestant un oyseau au hault d'un arbre, & s'estans fichez la veuë ferme l'un contre l'autre, quelque espace de temps, l'oiseau s'estre laissé choir comme mort entre les pattes du chat, ou enyvré par sa propre imagination, ou attiré par quelque force attractive du chat.» (Montaigne,De la force de l'imagination, liv. I, ch.XX.)
Une cabane, autour de laquelle s'accrochent quelques brindilles de vigne vierge, est adossée à un grand acacia. C'est mon cabinet de travail.
Tout d'abord, le chat vient faire ses griffes contre le tronc de l'acacia, après quoi il grimpe aux premières branches, saute à terre, remonte, redescend.
Ayant fait quelques tours dans le jardinet, le chat s'aperçoit que son maître pensif est courbé devant une table, griffonnant du papier. Cela ne fait pas son affaire. Il grimpe sur le banc à mes côtés, s'y accroupit un instant, & tout à coup saute sur la table, se demandant quelle est la grave occupation qui m'empêche de prêter attention à sa personne.
—Je serai grave aussi, semble-t-il dire pour se faire pardonner sa familiarité.
Et il se pose devant moi sur la table, dans la tranquille attitude de ses frères de l'Égypte.
Mais le mouvement de la plume fait briller ses yeux verts. Mauvais symptôme! Le chat, trouvant que la plume ne court pas assez vite sur le papier, lui donne de petits coups de patte, que n'arrête pas un premier avertissement.
Qu'on est heureux d'être dérangé dans le travail, & quel excellent motif de paresse!
Le chat a repris son attitude solennelle, & moi ma plume. Mais ses taquineries recommencent.
—Hé! hé!lui dis-je, en manière de second avertissement.
Enfin unallons! ne l'ayant pas fait rentrer dans l'ordre, j'éloigne définitivement cet animal subversif.
Je suis donc délivré de l'opposition du chat; mais ce n'est pas pour longtemps.
Après un instant de silence, j'entends sur le toit de la cabane un bruit d'éraillements bizarres: la vieille toile goudronnée, qui se déchire, donne alors passage, à travers les lattes, à une patte qui s'agite & se remue dans le vide comme si elle sollicitait une poignée de main.
C'est une suprême jouissance pour les chats & les enfants qu'un trou! Une patte a crevé le toit, deux pattes vont donner la pantomime par la même ouverture. Comment travailler en face de la comédie qui se joue au-dessus de ma tête?
Espérant échapper à ces complots, je quitte la place pour m'étendre dans un hamac accroché aux troncs de vieux sureaux, dont les branches entrelacées forment une ombre épaisse. Si je n'écris pas ce matin, du moins pourrais-je lire en paix.
Justement un petit chat étranger vient de descendre du toit voisin, & les deux compères savent se distraire ensemble, entremêler leurs folles courses de luttes capricieuses à travers les plates-bandes, faire assaut d'étreintes, de bonds, de cachettes dans les buis, de grognements, de morsures, d'oreilles tendues, de sauts de côté, de passes inattendues, d'yeux allongés & de gueules roses.
Que les deux compagnons courent après les papillons, qu'ils s'acharnent après un brin d'herbe remué par la brise, je veux l'oublier, étendu dans le hamac, un livre à la main.
Un potage est excellent, le matin, pour l'estomac, & non moins excellente pour l'estomac intellectuel une page de quelque bon écrivain.
En me dérangeant du travail, le chat m'a fait souvenir que j'ai oublié depuis quelque temps de lire La Bruyère, & me voilà en train de feuilleter le volume.
Un vent frais souffle à travers le feuillage; les rayons de soleil ne peuvent traverser la voûte épaisse des sureaux. On est bien ici pour lire en paix.
Tout à coup un des petits chats s'élance après l'arbre de gauche, son compagnon saute après le tronc de droite, & les deux comédiens se rejoignent dans les branches au-dessus du hamac, passant leurs têtes à travers le feuillage. Ce sont des mines coquines, des trémoussements, des appels de pattes, des tressaillements de tout le corps, des jurons, de doux miaulements, des poses penchées, de comiques singeries qui, sans médire de l'écrivain le plus classique duXVIIesiècle, me font abandonner son livre, les deux petits chats m'intéressant plus pour le moment que les observations de La Bruyère sur l'homme.
Croquis d'après nature, dessin de Kreutzberger.
Au commencement d'un hiver, je pus observer les phénomènes de l'amour chez un chat & une chatte que je tenais renfermés; aucune de leurs évolutions ne fut perdue, grâce à un accident qui me faisait garder la chambre.
La chatte, plus joueuse que d'habitude, houspillait particulièrement le chat; le chat supportait ces agaceries en philosophe & se tenait dans le platonique.
Le lendemain, ce fut au tour du matou de poursuivre la chatte, qui à son tour fit la sourde oreille.
Trois jours durant, ces animaux jouèrent leDépit amoureux.
Le chat poussait de longs gémissements; la chatte restait inflexible. Pas d'écho dans le cœur de la cruelle!
L'amant devenait sombre, mangeait à peine. Les pupilles de ses yeux étaient extraordinairement dilatées; à son regard, on voyait combien il souffrait. Il miaulait d'une façon désespérée par intervalle, frottait sa robe contre les meubles, cherchant à éteindre le feu intérieur qui le dévorait. La chatte ne semblait pas avoir conscience de ce martyre.
Tout à coup j'entendis un cri lamentable, suivi defffff! énergiques. Sur le parquet de la pièce voisine se roulait la chatte en proie à une sorte d'attaque névralgique. De son dos elle eût usé le plancher, tant elle frottait ses flancs avec acharnement.
Debout non loin d'elle, gravement le chat contemplait ces bizarres convulsions, lui plein de calme, se demandant qui poussait la chatte à se lécher les pattes, à se rouler de nouveau, à se lécher encore.
Quelques instants après, l'amoureux, croyant le calme revenu dans l'esprit de sa belle, s'en approcha & en reçut deux soufflets vivement appliqués sur le museau, ce qui ne parut pas l'inquiéter démesurément, car cinq minutes plus tard ses galanteries recommencèrent.
Qu'ils sont curieux les prodromes de l'amour! D'abord le chat mord le cou de la chatte. L'immobilité est égale au silence. Puis l'animal pétrit de ses pattes le corps de la femelle, jusqu'à ce qu'un long cri retentisse.
Une semblable lutte se renouvela souvent le premier jour & sans trêve pendant les trois journées suivantes, la chatte jurant fortement après chaque triomphe de son vainqueur & administrant, sans y manquer, à la suite de la cérémonie, deux soufflets dont le matou riait dans sa barbe.
Toutefois, à partir du quatrième jour, le gaillard prit quelque repos. Allongé sur un fauteuil, il méditait sans doute sur ses bonnes fortunes; mais la chatte ne l'entendait pas ainsi. Ayant appris de son seigneur & maître le secret de l'ensorcellement amoureux, à son tour elle mordit le cou du chat, piétina son corps, malgré ses grondements, & ne cessa ce manége qu'elle n'eût entraîné le mâle dans quelque coin.
C'est en pareille matière qu'il faudrait pouvoir traduire la languechat. Entre la grande variété demiaou(on peut en compter soixante-trois, mais la notation est difficile), j'en citerai un particulièrement expressif & accompagné d'un geste si précis, qu'il ne peut être traduit que par:viens-tu?Alors d'un commun accord les chats vont dans une pièce voisine se prodiguer mille serments.
Il est à remarquer que l'amour chez les animaux enfermés dans des appartements commence au jour pour se terminer à la nuit, & qu'au contraire, en plein air, il commence à la nuit pour se terminer au petit jour.
A l'extérieur, le matou, ne trouvant pas toujours d'obligeantes voisines, publie sa flamme par de tels cris, que toutes les chattes l'entendent à une portée de fusil.
La rencontre se passant entre futurs qui se voient pour la première fois offre un cérémonial particulier.
Soit contrainte ou timidité, chat & chatte restent d'abord à une certaine distance l'un de l'autre. Ils épient leurs moindres gestes & se regardent dans le vert des yeux. Sans s'inquiéter si leur musique est d'accord (ce qui choque tant les gens au sommeil léger), ils entament un farouche duo, qui dure quelquefois plusieurs heures. Ne s'étant jamais vus, ils ont beaucoup à se dire. Le chat se sert de paroles brûlantes; la chatte, dans son langage, fait connaître ce qu'elle attend du soupirant.
Tous deux, rampent contre terre lentement & se rapprochent l'un de l'autre; mais à peine le matou est-il près de la chatte, que celle-ci prend la fuite avec des tours & détours, des sauts périlleux, des jeux de cache-cache dont sont témoins cheminées & gouttières. Cette course a excité les amoureux; ils s'arrêtent de nouveau, entre-croisent d'ardentes prunelles, jusqu'à ce que la chatte s'élance sur le mâle, l'égratigne & le morde.
Elle est plus violente qu'à l'intérieur la passion en plein air. La férocité se mêle aux transports de l'amour. Des jalousies féroces entraînent les matous dans des combats sans trêve ni merci. Le chat qui «a couru» revient au logis le nez fendu, l'oreille déchirée. Pendant ses excursions, il n'a vécu que d'amour & d'eau fraîche. Et pourtant son corps meurtri, son poil sale, sa maigreur, ses oreilles fendues, ne le retiendront pas longtemps au logis.
Trois mois plus tard, au moindre appel féminin, il n'aura de cesse qu'il n'ait repris ses travaux d'Hercule.
Fac-simile d'une gravure japonaise.
Rendez-vous de chats, d'après un dessin d'Édouard Manet.
Un polygraphe un peu confus dans ses idées, Pierquin de Gembloux, a laissé unTraité de la folie des animaux, où sont relatés quelques phénomènes nerveux des chats.
De l'ensemble des faits, il en est peu de concluants; d'autres auraient besoin de contrôle, toute observation scientifique ne pouvant être regardée comme sérieuse qu'apportée par des esprits d'une sincérité & d'une certitude de regard irréprochables.
Que conclure, par exemple, d'une telle affirmation?
«J'ai eu plusieurs fois, dit Pierquin de Gembloux, l'occasion d'observer les résultats d'une antipathie musicale poussée jusqu'aux convulsions chez un chat toutes les fois que l'on faisait entendre sur le piano des sons d'harmonica ou des sons filés, doux & vibrés avec la voix, tandis qu'un autre chat, son commensal, se plaçait sur le piano pour mieux entendre les plus beaux morceaux des opéras français & pour jouir des vibrations du corps sonore.»
Sans doute, le système nerveux chez les chats est d'une extrême délicatesse, quoique l'animal puisse supporter le son d'un instrument de musique; mais pourquoi l'observateur néglige-t-il de marquer si, parmi ces deux animaux d'organisation musicale si diverse, il n'y avait pas une chatte, car les deux sexes doivent offrir des variantes dans la sensibilité.
Au chapitre de laMonomanie infanticide, Pierquin de Gembloux cite trois exemples de chattes âgées qui, se voyant délaissées par leurs maîtres épris des gentillesses de leurs petits, montrèrent de la jalousie, de la haine pour ces nouveau-nés & les mirent à mort.
«Une chatte d'Espagne, dit-il, a, durant toute sa vie, témoigné la plus profonde horreur pour ses petits, qu'elle tuait; & si par hasard un était épargné par chaque plénitude, c'était constamment un mâle.»
Observations qui auraient besoin d'être affirmées par un naturaliste plus sérieux.
Il est certain que les chats sont jaloux: l'introduction d'un animal de leur race dans le centre où ils vivent les remplit de tristesse. Ils en perdent momentanément l'appétit; mais cette jalousie va-t-elle jusqu'à faire étrangler leurs petits par les femelles?
Quelquefois les matous mangent les nouveaux-nés; ce fait a été observé par tous ceux qui possèdent des chats. Le crime de monomanie infanticide dont sont accusées les chattes ne devrait-il pas être porté au compte des mâles? Aussi bien le motif est encore ignoré qui pousse les matous à la destruction de leur propre espèce.
Dupont de Nemours croit que lesmatousmangent les nouveau-nés «moins comme une proie que comme un obstacle au renouvellement de leurs plaisirs.»
J'ai dit au début de ce livre que cette opinion, quoique concordant avec celle d'Hérodote, était difficile à admettre.
Les matous, à qui rien ne manque dans l'intérieur des maisons, ne mangent jamais leurs nouveau-nés.
Des nichées de chats disparaissent seulement à la campagne, dans des endroits écartés, où l'animal affamé devient fatalement, si on peut risquer le mot, feliphage.
Quant à «l'obstacle au renouvellement des plaisirs,» dont parle Dupont de Nemours, les époques d'ardeur chez les matous sont régulières, & je ne les ai jamais vus émoustiller les chattes pendant la période d'allaitement.
Il est bien entendu que je ne parle que des chats à l'intérieur des appartements, c'est-à-dire d'animaux rendus doux & sociables par l'éducation.
Une observation de Pierquin de Gembloux me semble plus juste. Un angora voit entrer tout à coup un gros chien de Terre-Neuve. Aussitôt les poils du chat se hérissent; il ne pousse aucun cri, se pelote, paraît craindre de respirer. Sa physionomie exprime une profonde terreur. Tremblant de tout son corps, les yeux constamment attachés sur le chien, l'angora semble fasciné. Insensible aux caresses, sourd à la voix de ses maîtres, il ne retrouve même pas le calme quand l'ennemi est chassé. Le chat, longtemps immobile, regarde fixement la place où se tenait le chien. Un air d'hébétude générale remplace son intelligence habituelle. Les poils encore hérissés, il ne s'éloigne de sa place que pas à pas, graduellement & à reculons. Reculant une patte lentement l'une après l'autre, après avoir regardé autour de lui d'un air effaré, le chat semble craindre que le plus léger bruit ne ramène l'énorme animal.
«Sa terreur, dit le narrateur, ne cessa réellement que quelques heures après; mais le chat ne retrouva jamais ses facultés intellectuelles entières.»
Les voyageurs ont constaté de semblables effets de frayeur produits par le lion sur des chiens, par le chameau sur des chèvres. Mais ce ne sont pas là des cas de folie.
Un médecin a cité un fait de même nature, produit par d'autres causes. Un jeune chat, étant tombé dans un puits, réussit à se cramponner à une pierre formant saillie. Attirés par les cris de l'animal, ses maîtres purent le soustraire à la mort; mais ce danger avait frappé l'intelligence du chat, & dès lors il acheva tristement ses jours dans une sorte d'imbécillité.
Ces faits sont vraisemblables; il en est certains qu'on peut laisser au compte de Pierquin de Gembloux, entre autres l'anecdote suivante:
«Une jeune chatte, qui s'amusait constamment à faire vaciller la tête mobile d'un lapin blanc en plâtre, mit bas, peu de temps après, un chat exactement coloré comme cet animal imité, & qui, par la suite, branla la tête comme l'automate.»
J'ai été témoin deux fois, à la campagne, de crises nerveuses de jeunes chats, qui me paraissent rentrer, plus que ces phénomènes d'enviesbizarres, dans une sorte de trouble mental.
Tout à coup, sans motif apparent, mon chat parcourut la chambre avec l'emportement d'un cheval qui a pris le mors aux dents, traversa le jardin comme une flèche, grimpa à un arbre, s'aventura sur une brindille élevée, & là resta collé pendant des heures entières, le corps tressaillant, l'œil hagard.
Étude de chat d'après nature. Fac-simile d'un dessin d'Eugène Delacroix.
On appelait l'animal sans qu'il écoutât; la nourriture qu'on déposait au pied de l'arbre ne le tentait pas. Il était dans une prostration inquiète & tellement hors d'état de raisonner, qu'un moment le chat, sous le coup de cet accès bizarre, tomba du haut de l'arbre, la brindille sur laquelle il s'était aventuré offrant à peine un appui pour un oiseau.
Ce trouble mental fut observé, à diverses époques, chez deux individus de sexe différent, âgés d'à peu près six mois, bien portants, qui pouvaient s'ébattre en toute liberté dans un parc, & que leur jeune âge éloignait des penchants sexuels.
Rien à opposer à ces crises, rien qui pût les prévenir, nul symptôme ne les annonçant.
Le chat qui se sent devenirpossédécherche un endroit désert ou élevé, une cave, un arbre où personne ne troublera ses étranges émotions.
Je n'ai pas remarqué ce phénomène à l'intérieur des appartements, sauf quelques courses un peu vives de l'animal vers le milieu de la journée, & principalement lorsqu'au dehors souffle la bise.
Fac-simile d'un croquis japonais.
Au moment de terminer ces études, je tombe sur un passage de Plutarque qui donne à réfléchir.
L'historien conte que César voyant, à Rome, de riches étrangers qui allaient partout, portant dans leur giron de petits chiens & de petits singes, & les caressant avec tendresse, s'informa si dans le pays de ces voyageurs les femmes ne faisaient pas d'enfants. «C'était, dit Plutarque, une façon tout impériale de reprendre ceux qui dépensent, sur des bêtes, ce sentiment d'amour & d'affection que la nature a mis dans nos cœurs, & dont les hommes doivent être l'objet.»
Que dirait aujourd'hui César des kings-charles adorés, à qui les femmes à la mode font prendre l'air du bois de Boulogne, de quatre à six heures? Mais ces affections bizarres pour certains animaux de grand prix sont les passe-temps de gens désœuvrés; & tout en reconnaissant dans le passage de Plutarque la raison habituelle à l'auteur desVies des hommes illustres, on peut dire que l'homme a été assez étudié & glorifié depuis l'antiquité, & que l'attention qu'on porte aujourd'hui aux animaux méconnus & trop maltraités prouve en faveur des idées d'humanité duXIXesiècle.
Des mauvais traitements les tribunaux font aujourd'hui justice. L'étude des sciences naturelles donne des notions plus exactes sur la nature des animaux & je ne crois pouvoir mieux terminer qu'en traitant du prétendu égoïsme des chats.
«Ne croyez pas que le chat vous caresse, il se caresse,» dit spirituellement Champfort.
Ce joli mot toutefois doit être discuté, & pourrait au besoin se retourner contre l'homme.
Quand le chat a faim & que, pour solliciter sa pâture, ilronronne, frotte son corps contre les jambes de la personne qui a l'habitude de lui donner à manger, il est certain que ces vives démonstrations sont destinées à l'être dont il a besoin. Si, dans ce moment, il se caresse par la même occasion, des marques d'affection n'en sont pas moins prodiguées à son maître.
Le chat estnaturel, c'est ce qui le fait calomnier. Jouant naturellement dans le monde sa partie, quand il a faim, il le dit. Veut-il dormir? Il s'étend. S'il a besoin de sortir, il le demande.
Mais pourquoi cette constante ingratitude, reprochée sans cesse au chat, ne lui a-t-elle pas aliéné le cœur de pauvres gens qui ont reporté toutes leurs affections sur la tête d'un animal si égoïste? Car le culte du chat, pour n'être plus une religion, n'a pas été interrompu depuis l'Égypte ancienne; & si aujourd'hui on ne l'enveloppe plus de bandelettes après sa mort, il est entouré pendant sa vie de soins qu'il préfère à coup sûr à l'embaumement.
Dans les palais & les mansardes, le chat est traité sur un pied d'égalité par le riche & le pauvre.
Ce n'est ni un «serviteur infidèle» ni «un serviteur inutile», comme Buffon l'a écrit[34]: l'animal travaille suivant sa mesure avec un dévouement d'esclave[35].
[34]Voir aux Appendices.
[34]Voir aux Appendices.
[35]En ceci je ne suis pas tout à fait d'accord avec la deviselibertas sine labore, dont un maître semble vouloir décorer le blason de la race féline.
[35]En ceci je ne suis pas tout à fait d'accord avec la deviselibertas sine labore, dont un maître semble vouloir décorer le blason de la race féline.
Voilà dans la cour un chat tapi près d'un tuyau de plomb qui sort d'une maison. On peut appeler l'animal, il est à son poste & ne lèvera pas la tête. Accroupi sur le pavé, de temps en temps il fourre sa patte dans le tuyau & l'en retire avec des signes de vive contrariété.
Le chat a vu un rat disparaître par ce tuyau. De lui-même il s'est condamné à guetter pendant des heures entières le rat qui finira par succomber.
Ainsi un animal qualifié d'égoïste aurarendu servicece jour-là.
Pour débarrasser un appartement de souris, il ne demande rien, se contentant de manger les ennemis du logis. Et si la maison est privée de souris, la présence seule du chat les empêche de s'y introduire: même par son apparente fainéantise, l'animal est une sentinelle vigilante qui, du moment où il a planté sa tente dans un endroit, en écarte les rongeurs.
Faut-il accuser le matou, qui a subi l'opération des chapons, de son indolence pendant que les souris commettent des dégâts à sa barbe? Il est désarmé. Ce n'est pas lui, on le pense, qui a sollicité l'inhumaine castration qui l'empêche à jamais d'obéir aux instincts de sa race.
L'homme a voulu la société du chat.
Le chat n'a pas recherché la société de l'homme.
Laissez l'animal courir en paix dans les bois ou les jardins, il se moquera de la desserte & ne viendra pas s'étendre sur les tapis des salons. Le chat saura suffire à ses besoins, trouvera sa nourriture, couchera dans un arbre: huit jours de liberté lui rendront son indépendance naturelle.
L'homme, pour faire oublier ses vices, aime à faire croire à ceux des êtres qui l'entourent.
—Le chat est la personnification de l'égoïsme, répètent sentencieusement de graves messieurs à qui je ne voudrais pas demander le plus léger service.
D'après un dessin de M. Viollet-Le-Duc.
Ce qu'on appellela maladiechez les chats, quoique le cas soit moins fréquent que chez les jeunes chiens, provient habituellement d'un état inflammatoire.
L'animal devient triste & somnolent; la tête peut à peine se porter; la queue est tombante; la voix s'altère; la pupille est extraordinairement dilatée; la respiration courte & gênée. Tels sont les premiers symptômes. De plus en plus, l'animal deviendra paresseux & frileux; le poil perd son lustre; les oreilles sont chaudes. Le chat répond à peine aux caresses, se cache dans le coin le plus sombre de l'appartement, fait à peine entendre son ronron & ne mange plus.
S'il avale avec difficulté ou refuse de manger, on peut être certain que la langue est devenue pâle, verte ou jaunâtre, & il est prudent de veiller à cet état. Pour arrêter les progrès d'une inflammation qui peut devenir dangereuse, il convient de donner au chat une cuillerée à bouche du purgatif appelé sirop de nerprun.
L'animal, dans sa faiblesse, se laissera ingurgiter ce purgatif & se sauvera avec quelques traces de dégoût; mais il faut le laisser tranquille dans l'endroit qu'il a choisi & lui disposer une corbeille, s'il lui convient de s'y étendre. Surtout ne pas gêner son indépendance dans cet état.
A la suite dela maladie, on devra servir à l'animal du lait &, plus tard, de petites quantités de mou ou de foie. Plus sage que les hommes, le chat ne commet pas d'imprudence & s'en tient habituellement à l'eau pure pendant la convalescence.
Lamaladies'empare quelquefois des femelles privées de la société des mâles. Si la chatte tombe dans un état d'abattement & de langueur, qu'on la laisse sortir.
Il est également dangereux d'enlever, aussitôt après leur naissance, les petits à leur mère; le lait restant inactif dans les mamelles de la chatte peut causer des désordres dans sa santé.
Un certain nombre de personnes croient faire passer le lait des chattes en leur attachant au cou un collier de bouchons. Quel rapport peuvent avoir des rondelles de liége avec le travail des mamelles? C'est un ancien usage, comme de mettre une affiche de bière de mars à la porte d'un cabaretier. On a toujours vu orner le cou des mères chattes d'un pareil collier; on s'imagine alors que le lait suit son cours.
Il est un remède moins naïf pour rendre un cours naturel au lait des mères séparées de leurs petits.
On fera une sorte d'onguent, composé de carbonate de chaux & de vinaigre convenablement battus & délayés; avec cet onguent frictionnez les mamelles de l'animal soir & matin, & en même temps faites-lui boire une tisane de décoction de persil bouilli dans du lait.
Friction & tisane doivent durer dix jours, après quoi purgez la chatte pendant deux jours avec vingt grammes chaque fois d'huile de riccin; mais pour ne pas fatiguer l'animal, il convient de laisser vingt-quatre heures de repos entre les deux purgations.
Lady Cust, une Anglaise qui a écrit un livre sur les chats, donne des conseils aux personnes qui n'ont jamais soigné de chats malades.
Il est bon d'entourer doucement le chat dans une serviette assez grande pour que tout le corps disparaisse & que l'opérateur soit protégé contre les griffes.
L'animal étant placé entre les genoux de celui qui doit administrer la médecine, on passe un mouchoir sous le cou du chat, afin que sa robe ne soit pas salie.
«D'une main gantée, dit l'Anglaise, vous ouvrez largement, mais avec douceur & d'un seul effort, la bouche du chat, & vous y faites entrer la médecine au moyen d'une cuiller à thé, goutte à goutte, pour que le malade l'avale sans s'étouffer & par petites doses. Ne lui mettez pas la cuiller entre les dents, sinon il la mordra & en répandra le contenu. Enlevez avec une éponge & de l'eau tiède toute souillure; essuyez à sec avec un linge propre; démaillotez le patient, tenez-le pendant une heure & demie dans un lieu chaud & tranquille; ne lui donnez ni à boire ni à manger.
«Bref, surveillez l'effet de la médecine, comme chez un malade de l'espèce humaine.
«Organisez un hôpital temporaire, quelque chambre inhabitée, sans tapis, mais où vous entretenez un bon feu, car la chaleur fait la moitié de la cure, & tout animal malade en a particulièrement besoin.
«Ayez pour votre patient un lit confortable; laissez-lui de l'eau en cas qu'il ait soif; & que nul, hormis vous, n'entre près de lui, car la tranquillité est, avec la chaleur, l'auxiliaire par excellence de la bonne nature[36].»
[36]Revue britannique, mars 1868.
[36]Revue britannique, mars 1868.
Quelques personnes également croient délivrer le chat du ver en lui coupant le bout de la queue qui est censé le contenir. Des ciseaux ou une pelle à feu rougie à blanc privent l'animal d'une partie de cette libre queue serpentine dont le jeu s'associe si bien aux mouvements & aux sensations du chat.
C'est encore un préjugé barbare qui cause une telle mutilation. Mais que faut-il penser de l'écrivain qui entretient un tel préjugé dans les esprits & en fait l'objet d'un chapitre:Quand il faut couper la queue des chats, donnant à cette opération le pouvoir de diminuer l'intensité de leurs maladies[37].
[37]VoirTraité d'éducation physique & morale des chats, par Catherine Bernard, portière, 1828, in-12. Cette portière, on le pense, est le masque d'un barbouilleur de livres qui, flattant les passions & les usages populaires, n'a osé donner son véritable nom.
[37]VoirTraité d'éducation physique & morale des chats, par Catherine Bernard, portière, 1828, in-12. Cette portière, on le pense, est le masque d'un barbouilleur de livres qui, flattant les passions & les usages populaires, n'a osé donner son véritable nom.
Quelques affections cutanées des chats sont d'autant plus dangereuses, qu'elles se communiquent à l'espèce & peuvent atteindre les enfants & les hommes.
Hurtrel d'Arboval, savant médecin-vétérinaire, a donné, dans sonDictionnaire de médecine & de chirurgie, une description de maladies cutanées avec des moyens curatifs pour les guérir.
L'auteur du livre actuel a élevé nombre de chats & n'a pu heureusement constater ces sortes de maladies qui doivent provenir du manque de soins, à moins qu'un courant épidémique ne circule, comme en 1673, où la plupart des chats de Westphalie moururent.
En tout cas, dès qu'apparaîtront les premières pustules, il est bon de lotionner pendant quelques jours la partie malade avec une décoction de mauve, de guimauve ou de graine de lin, à laquelle on ajoute des lavages composés de feuilles de tabac bouillies dans la lessive, ou d'une dissolution de deutoxyde de potassium.
Exposez l'animal à un soleil ardent & frictionnez-le avec la composition antisporique suivante: deux onces d'huile de lin dans laquelle a été fondu un dixième d'onguent citrin. Le tout bien mêlé, étendez une couche épaisse sur les parties affectées; ajoutez-y, comme traitement interne, quelques infusions de sureau, de fumeterre & de lait. L'animal guérira bientôt, s'il a été purgé préalablement avec quelques grains de jalap délayés dans un peu d'eau miellée.
Les médecins de chats emploient un remède plus prompt pour combattre l'inflammation; mais l'animal a besoin d'un fort tempérament pour résister à un si énergique traitement.
Ces praticiens font vomir le chat au moyen de la staphisaigre, de l'euphorbe & du tabac. Deux fois par jour l'animal est trempé dans une décoction de pieds de griffon ou de tabac. Traitement sommaire, mais dangereux.
Il en est un plus doux lorsque l'éruption est déclarée. Il faut tenir le chat dans un endroit chaud, lui faire prendre quelque boisson sudorifique laxative & le frictionner avec une lotion de nitrate d'argent fondu (quatre gros) & d'eau naturelle (une livre).
Mais cette grave maladie qui décime la race féline se compte comme les invasions de choléra, & depuis l'année 1779, où succombèrent la plupart des chats de France, d'Allemagne, d'Italie & de Danemark, la science n'a pas enregistré de nouvelles épidémies.
Quant aux fractures des chats, la science du vétérinaire doit être invoquée.
J'ai vu un chat dont la colonne vertébrale avait été cassée se promener plus tard avec quelques difficultés, il est vrai. Sa chute du haut d'un toit élevé, quoiqu'elle lui eût enlevé l'agilité, n'avait modifié en rien l'affabilité de son caractère.
Il n'est pas question de chat domestique dans la Bible, & si le prophète, au nombre des animaux qui viendront crier la nuit dans les ruines de Babylone, évoque lesTsym[38]que certains commentateurs ont pris pour des chats, il est plus présumable qu'il s'agit des chacals.
[38]Le chat est appeléTsyen hébreu, au plurielTsyim, d'après Bochart.
[38]Le chat est appeléTsyen hébreu, au plurielTsyim, d'après Bochart.
Itobades, imité par Pilpai dans les Fables indiennes, appelle le chat «le mangeur de souris.» Pilpai copie Itobades, Ésope copie Pilpai, Phèdre copie Ésope, & c'est ainsi qu'à travers les siècles se présente le chat à La Fontaine, qui, lui aussi, admet la caractéristique perfide de l'animal félin, telle que l'ont donnée les fabulistes ses aïeux.
M. Dureau de Lamalle croit que dans leCombat des grenouillesattribué à Homère, le vieux poëte parle du chat domestique qu'il appellegalé.
Il est plus certain que le motailurosemployé par Hérodote & Aristote s'applique au chat domestique.
Diodore de Sicile, parlant des conquêtes d'Agatoche de Numidie, dit qu'il fit passer son armée à travers des montagnes élevées, habitées par un si grand nombre de chats, qu'aucun oiseau n'y fait son nid.
Élien prouve également que l'ailurosdes Grecs est notre chat domestique, en faisant figurer cet animal au nombre de ceux que l'on peut apprivoiser par la nourriture & des caresses; il ajoute (sans doute Élien avait en vue les chats sauvages) que les singes, pour leur échapper, se réfugient à l'extrémité des branches.
L'ailurosdes Grecs devintfelischez les Latins. Pline s'en est occupé particulièrement, & un écrivain de la décadence, Palladius, dans son ouvrage sur l'agriculture, parle duCattusouCatuscomme d'un animal utile dans les greniers pour détruire les souris.
«Il semblerait donc, dit M. de Blainville, que c'est vers cette époque que le chat est devenu domestique, puisqu'il paraît certain qu'il ne l'était pas si anciennement chez les Grecs, ni même chez les Romains, quoiqu'il le fût chez les Égyptiens.»
En effet, le naturaliste français, qui, dans son beau traité d'Ostéographiea cherché la confirmation par les monuments anciens de la domestication des animaux, ne trouve de représentations du chat ni en Grèce ni dans l'ancienne Rome.
M. de Blainville parle d'un chat momifié dont le squelette fut dépouillé de ses bandelettes pour les collections du Muséum. «M. E. Geoffroy, dit-il, a reconnu, ainsi que M. G. Cuvier, un animal ne différant en aucune manière de notre chat domestique en Europe,ce qui n'est pas exactement vrai. Depuis lors, M. Ehrenberg, qui a eu également l'occasion de voir ces momies de chats, a assuré qu'elles provenaient d'une espèce encore actuellement sauvage & également domestique en Abyssinie.»
Diverses autres momies de chats amènent M. de Blainville à conclure que les Égyptiens avaient plusieurs espèces de chats: «On peut donc assurer que les anciens Égyptiens possédaient trois espèces ou variétés de chats que les modernes connaissent encore aujourd'hui,en Afrique, à l'état sauvage aussi bien qu'à l'état domestique.»
Le chat n'était pas un animal domestique chez les peuples scytho-celtiques, car dans les tumulus fouillés en Europe & dans l'Asie boréale, où sont amassés de nombreux ossements de bœufs, de cerfs, de moutons, de cochons & de chiens, M. de Blainville n'en a trouvé aucun se rapportant au chat.
Dans son livre de l'Origine des espèces, Darwin s'était déjà occupé des chats. On lui doit cette observation, que les chats qui ont les yeux bleus sont presque toujours sourds. Il a fait remarquer encore que les chats ont l'oreille droite, parce qu'étant perpétuellement aux aguets, les muscles de l'oreille sont, dès le plus bas âge, sans cesse en exercice, tandis que les animaux domestiques apathiques ont les oreilles lâches & pendantes.
Dans un nouvel ouvrageDe la variation des animaux & des plantes sous l'action de la domestication[39], le naturaliste est revenu avec plus de détails sur les chats. J'emprunte à ce livre quelques recherches historiques & quelques observations:
[39]Traduit par J.-J. Moulinié, t. I, in-8º. Paris, Reinwald, 1868.
[39]Traduit par J.-J. Moulinié, t. I, in-8º. Paris, Reinwald, 1868.
«Le chat a été domestiqué déjà fort anciennement en Orient; M. Blyth m'apprend qu'il en est fait mention dans un écrit sanscrit datant de deux mille ans...
«... Les chats sans queue de l'île de Man diffèrent du chat commun non-seulement par l'absence de queue, mais par la longueur de leurs membres postérieurs, la grandeur de leur tête & par leurs mœurs...
«Desmarets a décrit un chat du cap de Bonne-Espérance, remarquable par une bande rouge sur le dos...
«Nous avons vu que les contrées éloignées possèdent des races distinctes de chats domestiques. Les différences peuvent être dues en partie à leur descendance d'espèces primitives différentes, ou du moins à des croisements avec elles. Dans quelques cas, comme au Paraguay, Mombas, Antigua, les différences paraissent dues à l'action directe des conditions extérieures. On peut dans quelques autres attribuer quelque effet à la sélection naturelle, les chats ayant, dans certaines circonstances, à pourvoir à leur existence & à échapper à divers dangers; mais, vu la difficulté qu'il y a à appareiller les chats, l'homme n'a rien pu faire par une sélection méthodique, & probablement bien peu par sélection inintentionnelle quoiqu'il cherche généralement, dans chaque portée, à conserver les plus jolis individus, & estime surtout une portée de bons chasseurs de souris. Les chats qui ont le défaut de rôder à la poursuite du gibier sont souvent tués par les piéges. Ces animaux étant particulièrement choyés, une race de chats qui aurait été aux autres ce que le bichon est aux chiens plus grands, eût été probablement d'une grande valeur; & chaque pays civilisé en aurait certainement créé quelques-unes, si la sélection eût pu être mise en jeu; car ce n'est pas la variabilité qui fait défaut dans l'espèce.
«Dans nos pays, nous voyons une assez grande variété dans la taille, les proportions du corps, & considérable dans la coloration des chats... La queue varie beaucoup de longueur; j'ai vu un chat qui, lorsqu'il était content, portait la queue rabattue à plat sur le dos...
«Les conditions extérieures du Paraguay ne paraissent pas être très-favorables au chat; car, quoique à moitié sauvage, il ne l'est pas devenu complétement, comme tant d'autres animaux européens. Dans une autre partie de l'Amérique du Sud, d'après Roulin, le chat a perdu l'habitude de hurler la nuit. Le Rév. W. D. Fox a acheté à Portsmouth un chat qu'on lui dit provenir de la côte de Guinée: la peau en était noire & ridée, la fourrure d'un gris bleuâtre & courte, les oreilles un peu nues, les jambes longues, & l'aspect général singulier. Ce chat nègre a produit avec le chat ordinaire.
«... Une race en Chine a les oreilles pendantes. Il y a, d'après Gmelin, à Tobolsk, une race rouge. En Asie, nous trouvons aussi la race angora ou persane.
«Le chat domestique est revenu à l'état sauvage dans plusieurs pays, & partout, autant qu'on en peut juger d'après de courtes descriptions, il a repris un caractère uniforme. A la Plata, près Maldonado, j'en ai tué un qui paraissait tout à fait sauvage; M. Waterhouse, après un examen attentif, ne lui trouva de remarquable que sa grande taille. Dans la Nouvelle-Zélande, d'après Dieffenbach, les chats redevenus sauvages prennent une couleur grise panachée comme les chats sauvages proprement dits: ce qui est aussi le cas des chats demi-sauvages des Highlands de l'Écosse.»
Étym.Wallon,chet; bourguignon,chai; picard,ca, co; provenç.,cat; catal.,gat; espagn. & portug.,gato; ital.,gatto. du latincatusoucattus, qui ne se trouve que dans des auteurs relativement récents, Palladius, Isidore, & qui était un mot du vulgaire. Il appartient au celtique & à l'allemand: vil.,cat; kymri,kâth; angl.-sax.,cat; ancien scandin.,köttr; allem. mod.,katze. D'après Isidore,cattusvient decattare, voir, & cet animal est dit ainsi parce qu'il voit, guette;catar, regarder, est dans le provençal & dans l'ancien françaischater(Ronciso., p. 97). Mais on ne sait à quoi se rattachent nicattusnicatar; la tardive apparition qu'ils font dans le latin porte à croire qu'ils sont d'origine celtico-germanique. Il y a dans l'arabegittoun, chat mâle; mais Freitag doute que ce mot appartienne à l'arabe. (Littré,Dictionnaire.)