Madame,
Le souvenir que j’ay de vous, au lieu de vous rejoüir, devroit vous faire pitié. Imaginez-vous un feu composé de glace embrasée qui brûle à force de trembler, que la douleur fait tressaillir de joye, et qui craint autant que la mort la guérison de ses blessures : Voilà ce que je suis lors que je parle à vous. Je m’informe aux plus habiles de ma connoissance d’où vient cette maladie ; ils disent que c’est Amour : mais je ne le puis croire, à cause que ceux de mon âge ne sont gueres travaillez de cette infirmité. Ils répondent que l’Amour est un enfant, et qu’il s’arreste à ses pareils, qu’il est malaisé à des enfans de se joüer long temps avec du feu sans se bruler, et que leur poitrine est plus tendre que celle des Hommes. O Dieux ! s’il est vray, que deviendray-je ? Je n’ay point d’experience, je hay les remedes, j’aime la main qui me frape, et enfin je suis attaqué d’un mal où je ne puis appeller le Medecin, qu’on ne se moque de moy : Encore si vous n’aviez mon cœur, j’aurois le cœur de me défendre ; Mais j’ay fait par ce present que je n’oserois pas mesme me fier a vous, à cause que vous avez le cœur double. Songez donc à me donner le vostre ; car je suis d’une profession à estre montré au doigt, si l’on vient a sçavoir que je n’ay point de cœur ; et puis voudriez-vous avoüer une personne sans cœur pour vostre passionné serviteur ?