Extrait d'une lettre de MlleMarguerite Périer à M. son frère, doyen de l'église collégiale de Saint-Pierre, à Clermont, contenant l'histoire de la sœur Marguerite de Saint-Augustin Stuart, religieuse carmélite de Paris.(Bibliothèque nationale,Supplément français, no1485, p. 494 et suiv.)
«Ce 23 février 1685.«... Je veux vous dire l'histoire de ma sœur Marguerite de Saint-Augustin des Carmélites qu'elle me conta l'autre jour; ce sera pour vous un petit divertissement... Cette bonne religieuse me conta donc qu'elle avoit été élevée depuis sa naissance jusqu'à seize ou dix-sept ans chez Mmede Belfond, sa grand'mère, qui étoit à la cour d'Angleterre, M. et MmeStuart, son père et sa mère, demeurant toujours en Écosse, qui étoit leur pays. Mmede Belfond étant morte, et ayant fait MlleStuart son héritière, son père et sa mère lui mandèrent qu'il falloit qu'elle retournât en Écosse, son pays. Elle, qui aimoit la cour et son plaisir, n'y vouloit point aller; de sorte qu'elle leur manda que s'ils ne venoient eux-mêmes la querir, elle ne s'en iroit point assurément, d'autant plus que le Roi l'aidoit dans le désir qu'elle avoit de ne point quitter la cour. Ils vinrent donc à l'ordre, dont MlleStuart fut fort surprise, et ne vouloit point absolument les suivre. Elle se conseilla de quelques personnes, dont les uns lui dirent qu'il falloit qu'elle se cachât chez quelques-uns de ses amis, et d'autres qu'il falloit qu'elle s'enfuît en France pour trois ou quatre mois, en attendant que son père et sa mère, ne voyant plus d'espérance qu'elle revînt, s'en allassent en Écosse. Ce fut le ridicule parti qu'elle prit, et, étant obligée de se servir de plusieurs personnes pour les mesures qu'elle avoit à prendre pour y réussir, il y eut un de ceux-là qui la trahit, et le dit à sa mère, de sorte que le lui ayant témoigné, elle n'en demeura pas d'accord. Cependant la mère ne s'y fioit pas, et elle la faisoit garder à vue. Après quelque temps, elle ménagea une occasion de se faire prier à un baptême, lorsque tout fut prêt à son évasion. Sa mère, qui ne pouvoit y aller avec elle, lui donna une dame de ses parentes pour l'y accompagner. Elle la corrompit en lui donnant un collier de perles qu'elle avoit de la succession de sa grand'mère, qui lui avoit laissé beaucoup de pierreries, et elle s'en alla au baptême avec elle et deux demoiselles à elle, et aussi une demoiselle et une femme de chambre, qui avoient le mot pour la suivre, j'entends ces deux dernières seulement et aussi un valet de chambre à elle, qui savoit tous les chemins, et qui la devoit accompagner en France. Tout cela s'en alla au baptême dans un carrosse à elle, car elle tenoit sa maison depuis la mort de sa grand'mère. Après le baptême, elle mena la dame, sa parente, dans une promenade publique, et lui dit seulement qu'elle s'en alloit dans son carrossefaire une visite chez une personne que sa mère ne vouloit pas qu'elle vît, car elle ne l'avoit corrompue que pour cela, ne lui ayant pas fait confidence de son dessein, et le collier ne fut donné que sous le prétexte de la visite. Elle la pria de l'attendre dans ce jardin; elle dit aussi à ses deux demoiselles qu'elles fissent la même chose. Elles, qui n'étoient pas si bien payées, ne le vouloient point; mais elle leur dit que si elles ne le faisoient de bonne grâce, elle les y contraindroit. Elles n'osèrent donc résister, de sorte que n'ayant que ceux qui lui étoient sûrs, elle se fit conduire à un passage de la rivière pour passer de l'autre côté de l'eau, où un carrosse et des relais l'attendoient, et ordonna à son cocher de ne retourner prendre les dames à la promenade qu'à neuf heures du soir. Il n'étoit que quatre heures quand elle eut passé la rivière. Elle alla par des chemins fort détournés, que le valet de chambre savoit fort bien, jusqu'à ce qu'elle fût à un port de mer fort reculé et peu fréquenté, de peur qu'on n'envoyât après elle. Quand elle fut à Dieppe, elle s'en alla chez les huguenots, pour qui elle avoit des recommandations, et, depuis Dieppe jusqu'à Rouen, elle alla toujours de calvinistes en calvinistes. Elle se fit service d'argent et de pierreries pour ses besoins. Quand elle fut à Rouen, elle prit un carrosse pour aller à Paris, et joignit par hasard le carrosse public, où les personnes qui y étoient la firent mettre, parce qu'il y avoit un certain homme, qui l'avoit jointe, qui l'embarrassoit. Il se rencontra dans ce carrosse une personne qui connoissoit Mllede Montalais, et, ayant su qui elle étoit, elle lui offrit de lui faire faire connoissance avec elle, dont elle fut fort aise, ayant été à feu Madame. Quand elle fut à Paris, Mllede Montalais l'alla voir et lui offrit d'aller demeurer chez elle. MlleStuart l'accepta volontiers, et elle s'adressa aussi à M. le milord Montague, ou autrement l'abbé de Montague, pour lequel elle avoit pris des lettres de deux nièces qu'il avoit à Londres. L'abbé de Montague reconnut bien les lettres; cependant il ne put pas se résoudre de s'y fier qu'il ne leur eût écrit, après quoi il la vint voir et lui promit tous ses soins et assistances, dont la principale fut pour la religion, à quoi il s'appliquoit extrêmement, lui en parlant toutes les fois qu'il l'alloit voir. Mllede Montalais lui en parloit aussi sans cesse. Enfin elle s'en ennuya et lui dit un jour qu'elle étoit assez fatiguée d'essuyer toutes les exhortations de l'abbé de Montague sans les siennes, et qu'elle la prioit de ne lui plus parler de religion, ce que Mllede Montalais lui promit. Durant ce temps, le père et la mère témoignoient leur colère, et faisoient tout ce qu'ils pouvoient pour la faire revenir; mais elle se moquoit de cela aussi bien que des sermons de l'abbé de Montague. Enfin je crois, après quatre ou cinq mois, un dimanche, Mllede Montalais entra dans sa chambre, et lui dit que quoiqu'elle lui eût promis de ne lui plus parler de religion, elle ne pouvoit s'empêcher de lire ce qu'elle lui montroit, qui étoit le sixième chapitre de saint Jean, etcelui de saint Paul aux Corinthiens, où il est dit que quiconque mange ce pain et boit ce calice indignement, mange et boit sa propre condamnation, ne faisant pas le discernement qu'il doit du corps du Seigneur. Ces paroles furent pour elle une lumière qui l'éclaira tout d'un coup, et lui firent connoître la vérité, comme si on eût ôté un voile de devant ses yeux. Le mot de discernement lui parut invincible, de sorte que ne pouvant y résister, elle dit à Mllede Montalais que si ce passage n'étoit point falsifié, elle demeureroit d'accord qu'il étoit bien fort, et elle alla sur-le-champ querir son Nouveau Testament, qui étoit de Charenton, où ayant trouvé ce passage tout semblable, elle demeura dans un étonnement extrême de l'avoir lu peut-être cinquante fois sans y avoir fait de réflexion. Mais ne voulant pas, par une petite vanité, dire tout d'un coup qu'elle étoit catholique sur une si petite lecture, elle demanda une dispute, ce qu'on lui accorda, entre un ministre anglais et un homme de chez l'ambassadeur d'Angleterre, d'un côté; et de l'autre, le Père Goffre de l'Oratoire et M. de Montague. Ils parlèrent d'abord de quelques articles, comme du purgatoire, de l'invocation des saints, de la confession, etc., dont elle fut fort satisfaite. Mais quand les hérétiques voulurent commencer à parler de l'eucharistie, alors elle se trouva si fortement convaincue qu'il lui fut impossible de supporter qu'on parlât contre; de sorte qu'elle leur imposa silence, en leur disant que pour cet article-là elle en étoit entièrement persuadée et qu'il n'en falloit pas parler; et, se levant, elle se déclara catholique. Cela étant fait, elle demanda qu'on l'instruisît, et sentoit, à ce qu'elle dit, ce que c'est que d'avoir faim et soif de la justice, par le désir qu'elle avoit d'apprendre les vérités de la religion. On l'instruisit donc pendant assez longtemps, et puis elle fit son abjuration entre les mains de M. de Paris le jour des Rois de l'année 1676. Après qu'elle l'eut faite, elle se trouva fort embarrassée pour la confession, car elle en connoissoit la conséquence, et elle comprenoit fort bien qu'il ne falloit plus faire les choses dont on s'étoit accusé. Cependant ayant toujours le dessein de retourner à la cour d'Angleterre aussitôt qu'elle sauroit que son père et sa mère seroient retournés en Écosse, elle trouvoit qu'il lui seroit fort inutile de se confesser puisqu'elle alloit être exposée aux mêmes occasions qui lui avoient fait commettre les péchés dont elle devoit se confesser. Cette difficulté lui dura quatre mois entiers, de sorte qu'elle passa les fêtes de Pâques sans satisfaire à son devoir, et sans qu'on pût l'y résoudre. Cependant on la tourmenta si fort que quinze jours après Pâques, elle s'y détermina, et une personne de ses amis lui enseigna son confesseur. Elle y alla. Étant là, elle se trouva fort touchée, en sorte qu'elle pleura beaucoup en se confessant, et elle avoit quelque peine de ce que ceux de sa compagnie la voyoient pleurer, de crainte qu'ils ne crussent qu'elle avoit donc fait quelque grand péché. Le lendemain elle alla communierà Saint-Sulpice avec Mllede Montalais. Aussitôt qu'elle eut communié, elle se trouva dans une paix, une tranquillité, une consolation et une joie que les paroles ne peuvent, à ce qu'elle dit, en aucune manière exprimer. Après cette première communion, elle retomba dans le même état qu'auparavant, c'est-à-dire qu'elle ne pouvoit plus se résoudre à se confesser, toujours pour les mêmes raisons. Cela dura six mois, durant lesquels on lui fit entendre qu'il étoit à propos que jeune comme elle étoit, elle se mît dans un monastère, ce qu'elle fit volontiers, mais toujours dans la résolution de s'en retourner à la cour d'Angleterre.Quand elle fut là, elle fit connoissance avec un religieux de Saint-Germain-des-Prés, nommé le Père Bergeret, qui s'attacha beaucoup à l'instruire, et surtout lui fit entendre qu'il ne falloit plus penser à la cour, et que si elle s'en retournoit, il falloit qu'elle se résolût d'aller en Écosse avec M. son père et Mmesa mère. Elle eut bien de la peine à cela, mais enfin elle s'y rendit, et se résolut aussi à se confesser. Elle se mit alors sous la conduite du Père général de l'Oratoire de Sainte-Marthe, à qui elle fit une confession générale bien mieux que la première fois, parce qu'elle avoit plus de connoissance de ce qu'elle faisoit. Dans ce temps-là elle faisoit de bonnes lectures, et elle lut entre autres les Confessions de saint Augustin, qui la touchèrent et lui inspirèrent beaucoup d'éloignement pour le monde et de désir de la retraite, à quoi elle s'adonna davantage qu'elle n'avoit fait jusque-là. Quelque temps s'étant passé ensuite, on commença à tâcher de la persuader de ne plus retourner du tout en son pays, et on lui représenta le danger qu'il y avoit pour elle, non-seulement pour le monde qui est dangereux à tous ceux qui y sont exposés, mais aussi pour sa religion, quoique le désir que son père et sa mère avoient de la faire revenir auprès d'eux les portoit à lui promettre toute sorte de liberté, même jusqu'à lui permettre de mener un prêtre avec elle. Ce fut là une chose qui lui fit bien de la peine, car elle avoit bien de la répugnance à demeurer en France sans bien ni espérance d'en avoir jamais, de sorte qu'on eut bien de la peine à gagner cela sur elle. Cependant Dieu lui fit enfin la grâce de s'y résoudre et de s'abandonner à sa providence. Quelque temps après, les personnes qui prenoient soin d'elle lui proposèrent un mariage avec un homme fort riche, mais qui n'étoit pas de sa condition. Elle ne put s'y résoudre, non pas, dit-elle, par orgueil, à cause de sa naissance, mais parce qu'elle ne se sentoit pas portée au mariage. Elle ne l'étoit pas non plus à la religion, mais elle vouloit demeurer en l'état où elle étoit. On la pressa là-dessus prodigieusement, tous ses amis la condamnoient. Il n'y avoit que le Père de Sainte-Marthe qui ne la condamnoit point, parce qu'il voyoit plus clairement que les autres que ce n'étoit point par un méchant motif qu'elle refusoit cela. Cette persécutiondura fort longtemps, après quoi on la laissa en repos; et ensuite, assez longtemps après, s'étant trouvée une nuit du jeudi au vendredi saint qu'elle passa tout entière à l'église devant le Saint-Sacrement, l'année 1678, dans une disposition d'une grande paix, elle disoit en elle-même: Que faudroit-il que je fisse pour passer ma vie en l'état où je suis? Tout d'un coup la pensée lui vint qu'il faudroit qu'elle se fît Carmélite. Cette pensée la jeta dans un trouble inexprimable, parce qu'elle voyoit d'un côté une vie dont elle ne se croyoit pas capable, et que de l'autre elle croyoit que le sentiment qu'elle en avoit étoit une marque de la volonté de Dieu. Cela lui ôta toute la dévotion qu'elle avoit, et il ne lui resta que le trouble, qui étoit terrible. Elle demeura dans cet état jusqu'au mardi de Pâques, qu'étant à la messe, toujours dans le trouble, elle ne put s'empêcher de prier Dieu, ou de lui ôter cette pensée d'être Carmélite, ou de la mettre en repos. Après sa prière elle se trouva tout d'un coup dans une paix très grande, et il ne lui resta qu'une envie très forte d'être Carmélite, qui ne l'a plus quittée depuis. Elle la communiqua au Père de Sainte-Marthe qui l'approuva, supposé qu'elle eût la force de soutenir cette vie; ensuite elle en parla à Mllede Montalais qui fut extraordinairement surprise, et qui la pria de demeurer un an sans exécuter cette résolution, tant pour s'éprouver, que pour lui donner le temps de se résoudre à se séparer d'elle. Elle lui donna ce temps-là, durant lequel le Père de Sainte-Marthe alla aux Carmélites en parler, et on l'accepta très volontiers. Elle y alloit aussi elle-même souvent, et y entroit quelquefois. Enfin au bout de l'année elle y entra tout à fait, et s'y fit religieuse.Voilà l'histoire de cette bonne religieuse. Je vous prie de la garder, car je pourrois en oublier bien des circonstances, qui sont bonnes à savoir. Elle conte cela avec une simplicité et une reconnoissance qui donne de la joie, et je vous assure que j'ai eu bien de la consolation de faire connoissance avec elle. Je la cultiverai, etc.»
«Ce 23 février 1685.
«... Je veux vous dire l'histoire de ma sœur Marguerite de Saint-Augustin des Carmélites qu'elle me conta l'autre jour; ce sera pour vous un petit divertissement... Cette bonne religieuse me conta donc qu'elle avoit été élevée depuis sa naissance jusqu'à seize ou dix-sept ans chez Mmede Belfond, sa grand'mère, qui étoit à la cour d'Angleterre, M. et MmeStuart, son père et sa mère, demeurant toujours en Écosse, qui étoit leur pays. Mmede Belfond étant morte, et ayant fait MlleStuart son héritière, son père et sa mère lui mandèrent qu'il falloit qu'elle retournât en Écosse, son pays. Elle, qui aimoit la cour et son plaisir, n'y vouloit point aller; de sorte qu'elle leur manda que s'ils ne venoient eux-mêmes la querir, elle ne s'en iroit point assurément, d'autant plus que le Roi l'aidoit dans le désir qu'elle avoit de ne point quitter la cour. Ils vinrent donc à l'ordre, dont MlleStuart fut fort surprise, et ne vouloit point absolument les suivre. Elle se conseilla de quelques personnes, dont les uns lui dirent qu'il falloit qu'elle se cachât chez quelques-uns de ses amis, et d'autres qu'il falloit qu'elle s'enfuît en France pour trois ou quatre mois, en attendant que son père et sa mère, ne voyant plus d'espérance qu'elle revînt, s'en allassent en Écosse. Ce fut le ridicule parti qu'elle prit, et, étant obligée de se servir de plusieurs personnes pour les mesures qu'elle avoit à prendre pour y réussir, il y eut un de ceux-là qui la trahit, et le dit à sa mère, de sorte que le lui ayant témoigné, elle n'en demeura pas d'accord. Cependant la mère ne s'y fioit pas, et elle la faisoit garder à vue. Après quelque temps, elle ménagea une occasion de se faire prier à un baptême, lorsque tout fut prêt à son évasion. Sa mère, qui ne pouvoit y aller avec elle, lui donna une dame de ses parentes pour l'y accompagner. Elle la corrompit en lui donnant un collier de perles qu'elle avoit de la succession de sa grand'mère, qui lui avoit laissé beaucoup de pierreries, et elle s'en alla au baptême avec elle et deux demoiselles à elle, et aussi une demoiselle et une femme de chambre, qui avoient le mot pour la suivre, j'entends ces deux dernières seulement et aussi un valet de chambre à elle, qui savoit tous les chemins, et qui la devoit accompagner en France. Tout cela s'en alla au baptême dans un carrosse à elle, car elle tenoit sa maison depuis la mort de sa grand'mère. Après le baptême, elle mena la dame, sa parente, dans une promenade publique, et lui dit seulement qu'elle s'en alloit dans son carrossefaire une visite chez une personne que sa mère ne vouloit pas qu'elle vît, car elle ne l'avoit corrompue que pour cela, ne lui ayant pas fait confidence de son dessein, et le collier ne fut donné que sous le prétexte de la visite. Elle la pria de l'attendre dans ce jardin; elle dit aussi à ses deux demoiselles qu'elles fissent la même chose. Elles, qui n'étoient pas si bien payées, ne le vouloient point; mais elle leur dit que si elles ne le faisoient de bonne grâce, elle les y contraindroit. Elles n'osèrent donc résister, de sorte que n'ayant que ceux qui lui étoient sûrs, elle se fit conduire à un passage de la rivière pour passer de l'autre côté de l'eau, où un carrosse et des relais l'attendoient, et ordonna à son cocher de ne retourner prendre les dames à la promenade qu'à neuf heures du soir. Il n'étoit que quatre heures quand elle eut passé la rivière. Elle alla par des chemins fort détournés, que le valet de chambre savoit fort bien, jusqu'à ce qu'elle fût à un port de mer fort reculé et peu fréquenté, de peur qu'on n'envoyât après elle. Quand elle fut à Dieppe, elle s'en alla chez les huguenots, pour qui elle avoit des recommandations, et, depuis Dieppe jusqu'à Rouen, elle alla toujours de calvinistes en calvinistes. Elle se fit service d'argent et de pierreries pour ses besoins. Quand elle fut à Rouen, elle prit un carrosse pour aller à Paris, et joignit par hasard le carrosse public, où les personnes qui y étoient la firent mettre, parce qu'il y avoit un certain homme, qui l'avoit jointe, qui l'embarrassoit. Il se rencontra dans ce carrosse une personne qui connoissoit Mllede Montalais, et, ayant su qui elle étoit, elle lui offrit de lui faire faire connoissance avec elle, dont elle fut fort aise, ayant été à feu Madame. Quand elle fut à Paris, Mllede Montalais l'alla voir et lui offrit d'aller demeurer chez elle. MlleStuart l'accepta volontiers, et elle s'adressa aussi à M. le milord Montague, ou autrement l'abbé de Montague, pour lequel elle avoit pris des lettres de deux nièces qu'il avoit à Londres. L'abbé de Montague reconnut bien les lettres; cependant il ne put pas se résoudre de s'y fier qu'il ne leur eût écrit, après quoi il la vint voir et lui promit tous ses soins et assistances, dont la principale fut pour la religion, à quoi il s'appliquoit extrêmement, lui en parlant toutes les fois qu'il l'alloit voir. Mllede Montalais lui en parloit aussi sans cesse. Enfin elle s'en ennuya et lui dit un jour qu'elle étoit assez fatiguée d'essuyer toutes les exhortations de l'abbé de Montague sans les siennes, et qu'elle la prioit de ne lui plus parler de religion, ce que Mllede Montalais lui promit. Durant ce temps, le père et la mère témoignoient leur colère, et faisoient tout ce qu'ils pouvoient pour la faire revenir; mais elle se moquoit de cela aussi bien que des sermons de l'abbé de Montague. Enfin je crois, après quatre ou cinq mois, un dimanche, Mllede Montalais entra dans sa chambre, et lui dit que quoiqu'elle lui eût promis de ne lui plus parler de religion, elle ne pouvoit s'empêcher de lire ce qu'elle lui montroit, qui étoit le sixième chapitre de saint Jean, etcelui de saint Paul aux Corinthiens, où il est dit que quiconque mange ce pain et boit ce calice indignement, mange et boit sa propre condamnation, ne faisant pas le discernement qu'il doit du corps du Seigneur. Ces paroles furent pour elle une lumière qui l'éclaira tout d'un coup, et lui firent connoître la vérité, comme si on eût ôté un voile de devant ses yeux. Le mot de discernement lui parut invincible, de sorte que ne pouvant y résister, elle dit à Mllede Montalais que si ce passage n'étoit point falsifié, elle demeureroit d'accord qu'il étoit bien fort, et elle alla sur-le-champ querir son Nouveau Testament, qui étoit de Charenton, où ayant trouvé ce passage tout semblable, elle demeura dans un étonnement extrême de l'avoir lu peut-être cinquante fois sans y avoir fait de réflexion. Mais ne voulant pas, par une petite vanité, dire tout d'un coup qu'elle étoit catholique sur une si petite lecture, elle demanda une dispute, ce qu'on lui accorda, entre un ministre anglais et un homme de chez l'ambassadeur d'Angleterre, d'un côté; et de l'autre, le Père Goffre de l'Oratoire et M. de Montague. Ils parlèrent d'abord de quelques articles, comme du purgatoire, de l'invocation des saints, de la confession, etc., dont elle fut fort satisfaite. Mais quand les hérétiques voulurent commencer à parler de l'eucharistie, alors elle se trouva si fortement convaincue qu'il lui fut impossible de supporter qu'on parlât contre; de sorte qu'elle leur imposa silence, en leur disant que pour cet article-là elle en étoit entièrement persuadée et qu'il n'en falloit pas parler; et, se levant, elle se déclara catholique. Cela étant fait, elle demanda qu'on l'instruisît, et sentoit, à ce qu'elle dit, ce que c'est que d'avoir faim et soif de la justice, par le désir qu'elle avoit d'apprendre les vérités de la religion. On l'instruisit donc pendant assez longtemps, et puis elle fit son abjuration entre les mains de M. de Paris le jour des Rois de l'année 1676. Après qu'elle l'eut faite, elle se trouva fort embarrassée pour la confession, car elle en connoissoit la conséquence, et elle comprenoit fort bien qu'il ne falloit plus faire les choses dont on s'étoit accusé. Cependant ayant toujours le dessein de retourner à la cour d'Angleterre aussitôt qu'elle sauroit que son père et sa mère seroient retournés en Écosse, elle trouvoit qu'il lui seroit fort inutile de se confesser puisqu'elle alloit être exposée aux mêmes occasions qui lui avoient fait commettre les péchés dont elle devoit se confesser. Cette difficulté lui dura quatre mois entiers, de sorte qu'elle passa les fêtes de Pâques sans satisfaire à son devoir, et sans qu'on pût l'y résoudre. Cependant on la tourmenta si fort que quinze jours après Pâques, elle s'y détermina, et une personne de ses amis lui enseigna son confesseur. Elle y alla. Étant là, elle se trouva fort touchée, en sorte qu'elle pleura beaucoup en se confessant, et elle avoit quelque peine de ce que ceux de sa compagnie la voyoient pleurer, de crainte qu'ils ne crussent qu'elle avoit donc fait quelque grand péché. Le lendemain elle alla communierà Saint-Sulpice avec Mllede Montalais. Aussitôt qu'elle eut communié, elle se trouva dans une paix, une tranquillité, une consolation et une joie que les paroles ne peuvent, à ce qu'elle dit, en aucune manière exprimer. Après cette première communion, elle retomba dans le même état qu'auparavant, c'est-à-dire qu'elle ne pouvoit plus se résoudre à se confesser, toujours pour les mêmes raisons. Cela dura six mois, durant lesquels on lui fit entendre qu'il étoit à propos que jeune comme elle étoit, elle se mît dans un monastère, ce qu'elle fit volontiers, mais toujours dans la résolution de s'en retourner à la cour d'Angleterre.
Quand elle fut là, elle fit connoissance avec un religieux de Saint-Germain-des-Prés, nommé le Père Bergeret, qui s'attacha beaucoup à l'instruire, et surtout lui fit entendre qu'il ne falloit plus penser à la cour, et que si elle s'en retournoit, il falloit qu'elle se résolût d'aller en Écosse avec M. son père et Mmesa mère. Elle eut bien de la peine à cela, mais enfin elle s'y rendit, et se résolut aussi à se confesser. Elle se mit alors sous la conduite du Père général de l'Oratoire de Sainte-Marthe, à qui elle fit une confession générale bien mieux que la première fois, parce qu'elle avoit plus de connoissance de ce qu'elle faisoit. Dans ce temps-là elle faisoit de bonnes lectures, et elle lut entre autres les Confessions de saint Augustin, qui la touchèrent et lui inspirèrent beaucoup d'éloignement pour le monde et de désir de la retraite, à quoi elle s'adonna davantage qu'elle n'avoit fait jusque-là. Quelque temps s'étant passé ensuite, on commença à tâcher de la persuader de ne plus retourner du tout en son pays, et on lui représenta le danger qu'il y avoit pour elle, non-seulement pour le monde qui est dangereux à tous ceux qui y sont exposés, mais aussi pour sa religion, quoique le désir que son père et sa mère avoient de la faire revenir auprès d'eux les portoit à lui promettre toute sorte de liberté, même jusqu'à lui permettre de mener un prêtre avec elle. Ce fut là une chose qui lui fit bien de la peine, car elle avoit bien de la répugnance à demeurer en France sans bien ni espérance d'en avoir jamais, de sorte qu'on eut bien de la peine à gagner cela sur elle. Cependant Dieu lui fit enfin la grâce de s'y résoudre et de s'abandonner à sa providence. Quelque temps après, les personnes qui prenoient soin d'elle lui proposèrent un mariage avec un homme fort riche, mais qui n'étoit pas de sa condition. Elle ne put s'y résoudre, non pas, dit-elle, par orgueil, à cause de sa naissance, mais parce qu'elle ne se sentoit pas portée au mariage. Elle ne l'étoit pas non plus à la religion, mais elle vouloit demeurer en l'état où elle étoit. On la pressa là-dessus prodigieusement, tous ses amis la condamnoient. Il n'y avoit que le Père de Sainte-Marthe qui ne la condamnoit point, parce qu'il voyoit plus clairement que les autres que ce n'étoit point par un méchant motif qu'elle refusoit cela. Cette persécutiondura fort longtemps, après quoi on la laissa en repos; et ensuite, assez longtemps après, s'étant trouvée une nuit du jeudi au vendredi saint qu'elle passa tout entière à l'église devant le Saint-Sacrement, l'année 1678, dans une disposition d'une grande paix, elle disoit en elle-même: Que faudroit-il que je fisse pour passer ma vie en l'état où je suis? Tout d'un coup la pensée lui vint qu'il faudroit qu'elle se fît Carmélite. Cette pensée la jeta dans un trouble inexprimable, parce qu'elle voyoit d'un côté une vie dont elle ne se croyoit pas capable, et que de l'autre elle croyoit que le sentiment qu'elle en avoit étoit une marque de la volonté de Dieu. Cela lui ôta toute la dévotion qu'elle avoit, et il ne lui resta que le trouble, qui étoit terrible. Elle demeura dans cet état jusqu'au mardi de Pâques, qu'étant à la messe, toujours dans le trouble, elle ne put s'empêcher de prier Dieu, ou de lui ôter cette pensée d'être Carmélite, ou de la mettre en repos. Après sa prière elle se trouva tout d'un coup dans une paix très grande, et il ne lui resta qu'une envie très forte d'être Carmélite, qui ne l'a plus quittée depuis. Elle la communiqua au Père de Sainte-Marthe qui l'approuva, supposé qu'elle eût la force de soutenir cette vie; ensuite elle en parla à Mllede Montalais qui fut extraordinairement surprise, et qui la pria de demeurer un an sans exécuter cette résolution, tant pour s'éprouver, que pour lui donner le temps de se résoudre à se séparer d'elle. Elle lui donna ce temps-là, durant lequel le Père de Sainte-Marthe alla aux Carmélites en parler, et on l'accepta très volontiers. Elle y alloit aussi elle-même souvent, et y entroit quelquefois. Enfin au bout de l'année elle y entra tout à fait, et s'y fit religieuse.
Voilà l'histoire de cette bonne religieuse. Je vous prie de la garder, car je pourrois en oublier bien des circonstances, qui sont bonnes à savoir. Elle conte cela avec une simplicité et une reconnoissance qui donne de la joie, et je vous assure que j'ai eu bien de la consolation de faire connoissance avec elle. Je la cultiverai, etc.»
INVENTAIRE DES OBJETS D'ART QUI ÉTAIENT AU GRAND COUVENT DES CARMÉLITES DE LA RUE SAINT-JACQUES, AVANT LA DESTRUCTION DE CE COUVENT EN 1793.
Ainsi que nous l'avons dit ailleurs[525], les couvents et les églises étaient, dans l'ancienne France, de véritables muséespopulaires. Rien d'arbitraire alors dans la destination des ouvrages d'art, ni par conséquent dans le choix des sujets représentés; et il en résultait cet avantage que les artistes cherchaient avant tout l'expression, qui ne pouvait leur être imposée et où ils mettaient leur génie; car les accessoires et en quelque sorte la scène extérieure étaient rigoureusement déterminés par les convenances souveraines du sujet, du lieu, de l'usage, sous les auspices d'une autorité qui ne pouvait, sans trahir des devoirs sacrés, laisser une trop grande part à la fantaisie. La sainte maison où travaillaient les artistes, l'effet moral qu'on leur demandait de produire sur l'âme des fidèles parlait à la leur, et guidait leur ciseau ou leur pinceau. A Paris, auXVIIesiècle, les Chartreux, Notre-Dame, Saint-Gervais, Saint-Germain-l'Auxerrois, les Célestins, les Minimes, les Jésuites de la rue Saint-Antoine, le Val-de-Grâce, Port-Royal, ont exercé et inspiré le Poussin, le Sueur, Lebrun, Champagne, Mignard, Sarasin et les Anguier, tout autant que le Louvre et les palais de la royauté et de l'aristocratie. Le couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques est un des principaux asiles que la religion ouvrit aux arts à cette grande époque, et il y aurait plus d'un genre d'intérêt à rechercher les divers ouvrages, soit de peinture, soit de sculpture, que ce couvent célèbre renfermait, avant que des insensés l'eussent profané, dépouillé, détruit.
Malingre, dans lesAntiquités de la ville de Paris, in-folio, p. 502 et 503, nous donne la première idée des richesses d'art que les Carmélites du faubourg Saint-Jacques, fondées en 1602, possédaient déjà en 1640, mais il nous laisse ignorer entièrement les noms des artistes français qui avaient été employés. Il est étrange que Sauval, dans sa savanteHistoire des antiquités de la ville de Paris, n'ait consacré que deux lignes aux Carmélites, t. II, p. 80. Brice, dans saDescription de la ville de Paris, depuis la première éditionde 1685 jusqu'à la dernière de 1725, nous fait connaître à quel état de splendeur était parvenu le monastère des Carmélites à la fin duXVIIesiècle.Le Voyage pittoresque de Paris, par d'Argenville, seconde édition, 1752, ajoute plus d'un renseignement nouveau. La dernière et la plus ample description que nous connaissions est celle desCuriosités de Paris, de Versailles, de Marly, etc., édition de 1771, t. I, p. 459-463: les différents traits en sont empruntés à d'Argenville et à Brice.
Tous ces témoignages sont bien surpassés, et pour l'étendue et pour la précision et pour l'absolue certitude, par un document inédit que nous allons mettre sous les yeux des lecteurs.
Lorsqu'en 1793 la tempête révolutionnaire s'abattit sur les Carmélites et renversa de fond en comble l'église sur la voûte de laquelle était le fameux crucifix de Philippe de Champagne[526], on enleva les tableaux et les sculptures, et on les transporta dans l'église des Petits-Augustins devenue le dépôt provisoire des objets d'art du département de la Seine. On fit alors un inventaire des dépouilles des Carmélites. Cet inventaire a été retrouvé par nous auxArchives nationalesparmi lesPièces domanialesrelatives aux Carmélites de la rue Saint-Jacques. Il a été fait avec soin par des experts qui ont quelquefois jugé ce qu'ils décrivaient. Nous y rencontrons tous les objets d'art indiqués par Brice, d'Argenville et l'auteur desCuriosités de Paris. Il est donc certain que les Carmélites n'avaient rien perdu de ce que leur avait donné la piété du grand siècle, et qu'elles en avaient été de fidèles gardiennes; nouvelle preuve de l'heureuseet naturelle alliance de la religion et de l'art. Voici ce document exactement transcrit:
État des tableaux et monuments d'arts et de sciences, provenant des dames Carmélites, rue Saint-Jacques, lesquels ont été déposés au dépôt provisoire établi aux Petits-Augustins.
ÉGLISE.—SCULPTURES.Maître autel.—Quatre grandes colonnes, marbre noir veiné avec leurs chapiteaux et bases de bronze doré. Deux anges en bronze modelés par Flamen. Un bas-relief en argent avec une frise pour bordure; même matière; le tout modelé par Flamen et représentant l'Annonciation. Les marbres de l'autel sont en noir veiné. Les marches et les rampes qui les accompagnent, même marbre. Quatre colonnes de vert d'Égypte forment la séparation du sanctuaire; elles sont surmontées de chapiteaux et portées par des bases en bronze doré; un Christ en bronze par Sarasin surmonte la grille.Chapelles.—Deux colonnes de noir veiné garnies de chapiteaux et bases de bronze ornent un des autels. Le cardinal de Bérulle, sculpté de grandeur naturelle en marbre blanc par Sarasin. Son piédestal est orné de deux bas-reliefs faits, dit-on, par Lestocart, son élève[527]. Plusieurs pavés et tombes de marbre noir et blanc. Deux bénitiers et leurs bases en marbre noir veiné.ÉGLISE.—TABLEAUX.Sanctuaire.—L'Annonciation de la Vierge, par Guido Reni[528].Six tableaux de la Vierge, par Philippe Champagne[529].Les cinq pains, miracle peint par Stella.Jésus apparaît aux saintes femmes, par Lahyre.Entrée de Jésus dans Jérusalem, par le même.La Samaritaine, par Stella.Le repas de Jésus chez le pharisien, par Lebrun[530].Jésus servi par les anges, par le même[531].Chapelle.—Apparition de saint Joseph à sainte Thérèse, par Verdier[532].Le songe de Joseph, par Champagne.—Panneaux représentant la vie de saint Joseph, par le même.Saint Joseph trouve son épouse en prière, par J. B. Champagne.Apparition de la Vierge à un religieux: école de ce maître.Panneaux peints par Verdier.Sainte Geneviève en prière, par Lebrun[533].Panneaux représentant la vie de cette sainte, par Verdier.La Madeleine repentante connue sous le nom de Mmede La Vallière, peinte par Lebrun[534].La Madeleine dans le désert, par Houasse[535].Vestibule d'entrée[536].—Quatre tableaux de divers maîtres ne méritant pas description.Jésus en jardinier et une apparition: école de Vignon.Quatre tableaux médiocres.Chapitre.—Portrait de Mmede La Vallière et celui de Mlled'Épernon, par de l'Eutef. Un tableau médiocre. Le bon Pasteur; école de Vignon. Saint Michel combat les vices, médiocre. Sainte Marie Égyptienne, par d'Olivet.Noviciat.—Quatre petits tableaux de la vie de la Vierge, par Houasse.Un religieux dans un désert, par Lahyre.Autre religieux dans la même situation, par un élève de Lahyre.La mort de saint Renaud: école de Champagne. Une Vierge, par Houasse. Jésus au milieu des docteurs: école de Champagne. Un médiocre tableau. Une Annonciation par Lallement.Escalier.—Apparition de la Vierge à saint François: école de Champagne.Le Chœur.—La Pentecôte, d'après Lebrun, par Houasse.Une descente de croix, par le même. Jésus apparaît aux saintes femmes, copie d'après Lahyre. Saint Michel, d'après Raphaël. Sainte Catherine au martyre, par un élève de Lahyre. Trois portraits. L'Annonciation, d'après Guide. Panneaux représentant des anges, etc.Oratoire.—Quatre tableaux de la vie de Jésus, par Houasse.Avant-Chœur.—Jésus à la colonne. Une Vierge et Jésus; médiocres. La Visitation de la Vierge, d'après Seb. del Piombo. La sainte Famille, d'après Raphaël. David en prière, par Vignon. La Cananéenne, par Stella. Saint Charles, copié d'après Lebrun.Galerie.—Jésus délivre le purgatoire: école de Vignon.—Jésus dans le désert: école de Lebrun. Six tableaux peints par des élèves de Vignon.Tête de Jésus; tête de la Madeleine: réclamés.Chapelle des Saints.—35 reliquaires plaqués, soit en vermeil, argent ou cuivre, ornés de cristaux, lapis et pierres de couleur.—Jésus prêche, par Stella.—Panneaux, éc. de Vignon.—Une sainte Famille, d'après Raphaël.—Tête de Madeleine, par Bloemaërt. Trois devants d'autel peints.—Une Vierge, par Champagne.—Six tableaux par J. B. Champagne.—Jésus couronne sainte Thérèse, par Houasse.Panneaux peints par le même. Arabesques et cartouches, par le même.—Tête de femme, par Champagne.Allée de la Reine.—Trois têtes par divers maîtres, dont une représente saint Denis.Roberie.—La Samaritaine, école de Champagne.—Job sur son fumier, par Lallement.Salle de la Reine.—Entrée de Jésus à Jérusalem. La Cananéenne.—Un Sauveur du monde.—La Pentecôte et l'Ascension. Ces six tableaux sont de l'école de Champagne. Plusieurs médiocres tableaux.Chauffoir.—Les douze apôtres, têtes colossales, par J. B. Champagne.Dortoir.—Jésus servi par les anges, éc. de Vignon.Parloir de la Supérieure.—Un dessus de porte, éc. de Champagne.—Un Calvaire, médiocre copie. Une Adoration des bergers, par Annibal Carrache.Petites Chapelles.—Jésus enfant. Six tableaux de la vie de saint Jean, et arabesques médiocres.Chapelles et oratoires.—Jésus apparaît à un religieux, par Houasse. Quatre petits tableaux de la passion de Jésus, par le même.—Saint Pierre éveille Jésus, par Vignon. Six médiocres tableaux. Deux petites copies d'après Carrache. Six autres médiocres tableaux.La Vierge portée par des anges, par Houasse.—Six panneaux de la vie de la Vierge, par le même. Douze autres panneaux, arabesques, etc., par le même. Plafond, par le même.Autres panneaux, grisailles, par le même.Jésus au jardin des Oliviers, dans le goût de Verdier. Neuf tableaux de la vie de Jésus, par le même. Un Christ entouré d'anges, par Lequesnoy. Plusieurs têtes médiocrement peintes représentant des Vierges.Le sommeil de Joseph, par Houasse. Huit panneaux, par le même. Six grands mauvais tableaux; douze mauvais paysages.Jardin, Oratoire.—Dix tableaux peints sur bois, par Champagne, représentant la vie de Jésus. Six panneaux et plafond par le même.
ÉGLISE.—SCULPTURES.
Maître autel.—Quatre grandes colonnes, marbre noir veiné avec leurs chapiteaux et bases de bronze doré. Deux anges en bronze modelés par Flamen. Un bas-relief en argent avec une frise pour bordure; même matière; le tout modelé par Flamen et représentant l'Annonciation. Les marbres de l'autel sont en noir veiné. Les marches et les rampes qui les accompagnent, même marbre. Quatre colonnes de vert d'Égypte forment la séparation du sanctuaire; elles sont surmontées de chapiteaux et portées par des bases en bronze doré; un Christ en bronze par Sarasin surmonte la grille.
Chapelles.—Deux colonnes de noir veiné garnies de chapiteaux et bases de bronze ornent un des autels. Le cardinal de Bérulle, sculpté de grandeur naturelle en marbre blanc par Sarasin. Son piédestal est orné de deux bas-reliefs faits, dit-on, par Lestocart, son élève[527]. Plusieurs pavés et tombes de marbre noir et blanc. Deux bénitiers et leurs bases en marbre noir veiné.
ÉGLISE.—TABLEAUX.
Sanctuaire.—L'Annonciation de la Vierge, par Guido Reni[528].
Six tableaux de la Vierge, par Philippe Champagne[529].
Les cinq pains, miracle peint par Stella.
Jésus apparaît aux saintes femmes, par Lahyre.
Entrée de Jésus dans Jérusalem, par le même.
La Samaritaine, par Stella.
Le repas de Jésus chez le pharisien, par Lebrun[530].
Jésus servi par les anges, par le même[531].
Chapelle.—Apparition de saint Joseph à sainte Thérèse, par Verdier[532].
Le songe de Joseph, par Champagne.—Panneaux représentant la vie de saint Joseph, par le même.
Saint Joseph trouve son épouse en prière, par J. B. Champagne.
Apparition de la Vierge à un religieux: école de ce maître.
Panneaux peints par Verdier.
Sainte Geneviève en prière, par Lebrun[533].
Panneaux représentant la vie de cette sainte, par Verdier.
La Madeleine repentante connue sous le nom de Mmede La Vallière, peinte par Lebrun[534].
La Madeleine dans le désert, par Houasse[535].
Vestibule d'entrée[536].—Quatre tableaux de divers maîtres ne méritant pas description.
Jésus en jardinier et une apparition: école de Vignon.
Quatre tableaux médiocres.
Chapitre.—Portrait de Mmede La Vallière et celui de Mlled'Épernon, par de l'Eutef. Un tableau médiocre. Le bon Pasteur; école de Vignon. Saint Michel combat les vices, médiocre. Sainte Marie Égyptienne, par d'Olivet.
Noviciat.—Quatre petits tableaux de la vie de la Vierge, par Houasse.
Un religieux dans un désert, par Lahyre.
Autre religieux dans la même situation, par un élève de Lahyre.
La mort de saint Renaud: école de Champagne. Une Vierge, par Houasse. Jésus au milieu des docteurs: école de Champagne. Un médiocre tableau. Une Annonciation par Lallement.
Escalier.—Apparition de la Vierge à saint François: école de Champagne.
Le Chœur.—La Pentecôte, d'après Lebrun, par Houasse.
Une descente de croix, par le même. Jésus apparaît aux saintes femmes, copie d'après Lahyre. Saint Michel, d'après Raphaël. Sainte Catherine au martyre, par un élève de Lahyre. Trois portraits. L'Annonciation, d'après Guide. Panneaux représentant des anges, etc.
Oratoire.—Quatre tableaux de la vie de Jésus, par Houasse.
Avant-Chœur.—Jésus à la colonne. Une Vierge et Jésus; médiocres. La Visitation de la Vierge, d'après Seb. del Piombo. La sainte Famille, d'après Raphaël. David en prière, par Vignon. La Cananéenne, par Stella. Saint Charles, copié d'après Lebrun.
Galerie.—Jésus délivre le purgatoire: école de Vignon.—Jésus dans le désert: école de Lebrun. Six tableaux peints par des élèves de Vignon.Tête de Jésus; tête de la Madeleine: réclamés.
Chapelle des Saints.—35 reliquaires plaqués, soit en vermeil, argent ou cuivre, ornés de cristaux, lapis et pierres de couleur.—Jésus prêche, par Stella.—Panneaux, éc. de Vignon.—Une sainte Famille, d'après Raphaël.—Tête de Madeleine, par Bloemaërt. Trois devants d'autel peints.—Une Vierge, par Champagne.—Six tableaux par J. B. Champagne.—Jésus couronne sainte Thérèse, par Houasse.
Panneaux peints par le même. Arabesques et cartouches, par le même.—Tête de femme, par Champagne.
Allée de la Reine.—Trois têtes par divers maîtres, dont une représente saint Denis.
Roberie.—La Samaritaine, école de Champagne.—Job sur son fumier, par Lallement.
Salle de la Reine.—Entrée de Jésus à Jérusalem. La Cananéenne.—Un Sauveur du monde.—La Pentecôte et l'Ascension. Ces six tableaux sont de l'école de Champagne. Plusieurs médiocres tableaux.
Chauffoir.—Les douze apôtres, têtes colossales, par J. B. Champagne.
Dortoir.—Jésus servi par les anges, éc. de Vignon.
Parloir de la Supérieure.—Un dessus de porte, éc. de Champagne.—Un Calvaire, médiocre copie. Une Adoration des bergers, par Annibal Carrache.
Petites Chapelles.—Jésus enfant. Six tableaux de la vie de saint Jean, et arabesques médiocres.
Chapelles et oratoires.—Jésus apparaît à un religieux, par Houasse. Quatre petits tableaux de la passion de Jésus, par le même.—Saint Pierre éveille Jésus, par Vignon. Six médiocres tableaux. Deux petites copies d'après Carrache. Six autres médiocres tableaux.
La Vierge portée par des anges, par Houasse.—Six panneaux de la vie de la Vierge, par le même. Douze autres panneaux, arabesques, etc., par le même. Plafond, par le même.
Autres panneaux, grisailles, par le même.
Jésus au jardin des Oliviers, dans le goût de Verdier. Neuf tableaux de la vie de Jésus, par le même. Un Christ entouré d'anges, par Lequesnoy. Plusieurs têtes médiocrement peintes représentant des Vierges.
Le sommeil de Joseph, par Houasse. Huit panneaux, par le même. Six grands mauvais tableaux; douze mauvais paysages.
Jardin, Oratoire.—Dix tableaux peints sur bois, par Champagne, représentant la vie de Jésus. Six panneaux et plafond par le même.
Tous les objets portés dans cet inventaire subsistaient donc au commencement de notre siècle. Depuis, que sont-ils devenus? Parmi les sculptures, le Christ en bronze, qui surmontait la grille du chœur, chef-d'œuvre de Sarasin, a péri ou du moins a disparu, ainsi que les anges en bronze et le bas-relief en argent de Flamen. Nous ignorons où sont allées les belles et précieuses colonnes. Le musée des Petits-Augustins a longtemps conservé la belle statue en marbreblanc du cardinal de Bérulle, de la même main qui a fait le mausolée d'Henri de Bourbon et les cariatides de la cour du Louvre. Elle est décrite page 57 du tome V duMusée des monuments français, en l'année 1806; et le catalogue duMusée royal des monuments françaisde 1815 atteste, p. 95, que cette statue y était encore dans les premières années de la restauration. Quant aux tableaux, il serait fort curieux de rechercher et de suivre leur destinée. On le pourrait pour quelques-uns. La fameuse Madeleine de Lebrun, après avoir été sous l'empire transportée dans la galerie de Versailles, «le seul lieu du monde, dit éloquemment M. Quatremère de Quincy, qui ne devait jamais la revoir,» est aujourd'hui au musée du Louvre, avec leJésus servi dans le désert par les anges, ainsi quel'Apparition de Jésus aux saintes femmes, de Lahire, etl'Entrée de Jésus dans Jérusalem, tableau du même artiste que le livret attribue mal à propos à Lebrun. Mais au lieu de nous engager dans ces recherches difficiles, nous aimons mieux donner ici une pièce intéressante que nous devons à la bienveillance des aimables et saintes femmes qui ont ranimé la tradition du Carmel, et se sont bâti une humble demeure parmi les débris de l'ancien et magnifique couvent. A notre prière, elles ont bien voulu dresser un état contenant les objets d'art qu'elles avaient sauvés en 1793, par divers pieux moyens, et qui ne sont pas portés dans l'inventaire desArchives nationales, et quelques autres encore, en bien petit nombre, que depuis elles ont pu recouvrer.
SCULPTURES.«La statue de saint Denis qui était autrefois dans la chapelle souterraine qui portait son nom.«Une statue de la sainte Vierge, appelée Reine des anges, et représentée son sceptre à la main.«Une statue fort ancienne représentant la sainte Vierge assise avecJésus enfant, autrefois au noviciat, et maintenant placée à l'avant-chœur des religieuses.«Un buste du cardinal de Bérulle.«La statue en marbre du même cardinal, par Sarasin, avec les bas-reliefs de Lestocart, celle même qui était encore au musée des Petits-Augustins en 1815. Dans la dispersion des monuments de ce musée, elle fut achetée par une dame de Bérulle, petite-nièce du cardinal, laquelle en fit don aux nouvelles Carmélites de la rue Saint-Jacques[537].PEINTURES.«Un portrait peint sur pierre de la sainte Vierge tenant l'enfant Jésus. Cette peinture est fort ancienne, et une tradition la fait remonter à saint Luc lui-même, et la fait apporter en Gaule par saint Denis, qui l'aurait laissée dans la cave souterraine où il se réfugiait pour éviter la persécution.«Deux tableaux sur bois attribués à Lebrun. L'un représente sainte Thérèse priant pour les âmes détenues en purgatoire, et voyant plusieurs d'entre elles sortir de ce lieu d'expiation et s'élever vers le ciel. L'autre représente la même sainte en oraison: un séraphin lui perce le cœur d'un dard enflammé.«Un tableau beaucoup plus ancien représente le même sujet; on ignore le nom de l'artiste.«Dans le sanctuaire de l'église actuelle, près de la grille du chœur, est un grand tableau de Lebrun: Jésus-Christ apparaissant à la mère Anne de Jésus, carmélite espagnole, disciple de sainte Thérèse, et à la mère Anne de Saint-Barthélemy, leur prédisant à l'une et à l'autre la fondation de l'ordre en France, et leur apprenant que sa volonté était qu'elles y fussent envoyées.«Deux portraits de Mlled'Épernon, sœur Anne Marie[538].«Un portrait de Mmede La Vallière, sœur Louise de la Miséricorde, de Mignard ou d'un de ses élèves.«Mllede Bains, la mère Marie Madeleine de Jésus[539].«Un portrait de Mmede Bréauté, la mère Marie de Jésus[540].«Plusieurs portraits de Mllede Fontaines, la vénérable mère Madeleine de Saint-Joseph, première prieure française du grand couvent[541].«Un portrait de Mllede Bellefond, la mère Agnès de Jésus-Maria[542].«La sœur Catherine de Jésus en extase[543].«Un portrait de MlleLangeron de Maulevrier, la mère Anne Thérèse de Saint-Augustin, portrait attribué à Largillière[544].»
SCULPTURES.
«La statue de saint Denis qui était autrefois dans la chapelle souterraine qui portait son nom.
«Une statue de la sainte Vierge, appelée Reine des anges, et représentée son sceptre à la main.
«Une statue fort ancienne représentant la sainte Vierge assise avecJésus enfant, autrefois au noviciat, et maintenant placée à l'avant-chœur des religieuses.
«Un buste du cardinal de Bérulle.
«La statue en marbre du même cardinal, par Sarasin, avec les bas-reliefs de Lestocart, celle même qui était encore au musée des Petits-Augustins en 1815. Dans la dispersion des monuments de ce musée, elle fut achetée par une dame de Bérulle, petite-nièce du cardinal, laquelle en fit don aux nouvelles Carmélites de la rue Saint-Jacques[537].
PEINTURES.
«Un portrait peint sur pierre de la sainte Vierge tenant l'enfant Jésus. Cette peinture est fort ancienne, et une tradition la fait remonter à saint Luc lui-même, et la fait apporter en Gaule par saint Denis, qui l'aurait laissée dans la cave souterraine où il se réfugiait pour éviter la persécution.
«Deux tableaux sur bois attribués à Lebrun. L'un représente sainte Thérèse priant pour les âmes détenues en purgatoire, et voyant plusieurs d'entre elles sortir de ce lieu d'expiation et s'élever vers le ciel. L'autre représente la même sainte en oraison: un séraphin lui perce le cœur d'un dard enflammé.
«Un tableau beaucoup plus ancien représente le même sujet; on ignore le nom de l'artiste.
«Dans le sanctuaire de l'église actuelle, près de la grille du chœur, est un grand tableau de Lebrun: Jésus-Christ apparaissant à la mère Anne de Jésus, carmélite espagnole, disciple de sainte Thérèse, et à la mère Anne de Saint-Barthélemy, leur prédisant à l'une et à l'autre la fondation de l'ordre en France, et leur apprenant que sa volonté était qu'elles y fussent envoyées.
«Deux portraits de Mlled'Épernon, sœur Anne Marie[538].
«Un portrait de Mmede La Vallière, sœur Louise de la Miséricorde, de Mignard ou d'un de ses élèves.
«Mllede Bains, la mère Marie Madeleine de Jésus[539].
«Un portrait de Mmede Bréauté, la mère Marie de Jésus[540].
«Plusieurs portraits de Mllede Fontaines, la vénérable mère Madeleine de Saint-Joseph, première prieure française du grand couvent[541].
«Un portrait de Mllede Bellefond, la mère Agnès de Jésus-Maria[542].
«La sœur Catherine de Jésus en extase[543].
«Un portrait de MlleLangeron de Maulevrier, la mère Anne Thérèse de Saint-Augustin, portrait attribué à Largillière[544].»
Les Carmélites n'ont plus aujourd'hui aucun des magnifiques reliquaires qu'elles possédaient avant la révolution, et qui leur venaient en grande partie de Marie de Médicis. En 1793, ils furent enlevés et fondus. Voilà pourquoi ils ne sont pas portés dans l'inventaire desArchives. Parmi ces reliquaires il y en avait un où était déposé le cœur du cardinal de Bérulle; il eut le même sort que tous les autres. Mais les bonnes religieuses sauvèrent le cœur de leur premier et vénéré supérieur, et elles le conservent précieusement enchâssé dans une boîte d'argent, présent de cette même petite-nièce de Bérulle, qui leur a donné aussi, après l'avoir rachetée, la statue de son grand-oncle.
Ces dames nous assurent qu'elles possédèrent autrefois bien des objets d'art que Brice et d'Argenville n'ont pu connaître et décrire, parce qu'ils étaient dans l'intérieur de la maison, et qui ne se retrouvent point non plus dans l'inventaire desArchives. Elles citent plusieurs peintures alors fort estimées: un Saint François de Paule, de Simon Vouet; quatre tableaux entourés d'arabesques dorées, du même artiste: 1ol'Apparition des Anges après l'Ascension; 2oDavid avec l'ange qui répand le fléau de la peste; 3oTobie tirant le poisson de l'eau; 4oZacharie à qui l'ange apparaît; divers tableaux espagnols; une Sainte Catherine de Sienne, de Pietro de Cortone; un Ecce Homo de Carlo Dolce; une Vierge de Sasso Ferrato; un assez bon nombre de miniatures, une entre autres attribuée à Petitot, représentant la princesse de Condé, mère de Mmede Longueville, une des bienfaitrices de l'ordre. Enfin, ces dames nous ont parléd'une statue en marbre de Girardon, Jésus-Christ ressuscitant, qui était placée dans le jardin avec une Sainte Thérèse et une Madeleine en pierre. Elles nous ont raconté un trait bien frappant du désordre et du gaspillage révolutionnaire. Il y avait aux Carmélites deux tableaux de Lebrun représentant, l'un la Résurrection de Jésus-Christ; l'autre, Jésus-Christ attaché à la colonne du prétoire pour subir la flagellation. Quelqu'un s'en empara, et ils furent retrouvés au commencement de ce siècle chez un marchand de bric-à-brac, reconnus et achetés par la mère Camille, Mmede Soyecourt, prieure des Carmélites de la rue de Vaugirard, et on peut les voir encore aujourd'hui dans l'église extérieure de ce couvent.
De toutes ces pertes, si justement déplorées, une des plus regrettables est assurément l'émail de la princesse de Condé, la belle Charlotte Marguerite de Montmorency. Il est fort douteux qu'on ait détruit un ouvrage de ce prix. Il aura été volé, et probablement il orne aujourd'hui quelque cabinet particulier, comme nous avons vu nous-même, en 1842 ou 1843, sur la cheminée d'un député d'alors, M. Armez, la propre tête de Richelieu, qu'en 1793 on avait coupée, comme celle d'un aristocrate, dans la dévastation de la Sorbonne, et qui, heureusement sauvée, était encore aussi intacte qu'elle avait pu l'être le lendemain de la mort du grand Cardinal.
LA MÈRE MADELEINE DE SAINT-JOSEPH
Nous avons dit quelques mots des quatre grandes prieures françaises du couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques auXVIIesiècle; nous voudrions ici les faire mieux connaître, et pénétrer davantage dans l'intérieur dela sainte maison, et surtout dans l'âme de ces admirables religieuses. Nous allons donc tirer des archives des Carmélites et rassembler un certain nombre de pièces qui concernent la mère Madeleine de Saint-Joseph; nous donnerons ensuite une vie inédite et détaillée de la mère Marie de Jésus, Mmede Bréauté, avec sa circulaire écrite par Mllede Bellefond, la mère Agnès de Jésus-Maria; une biographie inédite aussi de cette belle Marie de Bains, en religion la mère Marie Madeleine; enfin la circulaire de la mère Agnès, écrite par la mère Marie du Saint-Sacrement, Mllede la Thuillerie.
Disons d'abord que les Carmélites possèdent une foule de lettres de la mère Madeleine de Saint-Joseph, adressées à diverses personnes, qui mériteraient d'être publiées et donneraient une bien haute idée de son caractère. Nous avons cité la belle épitaphe qu'elle mit sur le tombeau de son ami, le garde des sceaux, Michel de Marillac; rappelons que c'est elle qui avait écrit la vie de MlleNicolas, sœur Catherine de Jésus, imprimée par le cardinal de Bérulle,la Vie de sœur Catherine de Jésus, Paris, 1628.
On connaît la«VIE DE LA MÈRE MADELEINE DE SAINT-JOSEPH, RELIGIEUSE CARMÉLITE DÉCHAUSSÉE, par un prêtre de l'Oratoire (le P. Senault); Paris, 1655, in-4o.» Il y en a une seconde édition de 1670, avec des augmentations. Dans la préparation de cette seconde édition, l'auteur appliquait, chap.XXVIII, aux visions de la mère de Saint-Joseph ce qu'on dit des visions des bienheureux. Cela excita quelques scrupules. Le P. Senault proposa une correction. On consulta, et ces diverses consultations ont été conservées. Dans le nombre est celle de Bossuet, qui, comme on le sait, fuyait les excès de scrupule et aimait à prendre les bonnes choses du bon côté. Ce billet autographe et inédit nous a paru digne d'être mis au jour. Il n'est pas daté, mais on le peut certainement placer dans le mois de septembre 1667:
«J'ai lu et examiné votre correction. Je ne crois pas que personne y puisse rien trouver à désirer; et pour moi je trouve ce sens très-beau et très véritable et très solide. J'ai vu le passage de saint Augustin, qui parle en effet de la vision bienheureuse: mais il est vrai que l'état de certaines âmes épurées tient de celui de la patrie, et en cette sorte on leur peut appliquer ce qui est écrit des bienheureux. Je ne trouve en cela aucune difficulté.Bossuet.»
«J'ai lu et examiné votre correction. Je ne crois pas que personne y puisse rien trouver à désirer; et pour moi je trouve ce sens très-beau et très véritable et très solide. J'ai vu le passage de saint Augustin, qui parle en effet de la vision bienheureuse: mais il est vrai que l'état de certaines âmes épurées tient de celui de la patrie, et en cette sorte on leur peut appliquer ce qui est écrit des bienheureux. Je ne trouve en cela aucune difficulté.
Bossuet.»
Après la mort du cardinal de Bérulle, Richelieu prit l'ordre des Carmélites et le couvent de la rue Saint-Jacques sous sa protection. La mère Madeleine de Saint-Joseph lui adressa en cette occasion la lettre suivante, que nous avons trouvée aux Archives des affaires étrangères,France, t. LII:
«Monseigneur,Je supplie Notre-Seigneur Jésus-Christ vous donner sa sainte paix. Ayant su par madame votre nièce l'honneur que vous avez fait à notre ordre, j'ai cru que vous n'auriez point désagréable que je vous remercie très humblement de ce qu'au milieu de notre affliction il vous a plu nous donner votre protection et nous honorer de votre assistance, qui est une grâce qui nous fait demander celle du fils de Dieu pour vous récompenser de ses bénédictions. C'est une obligation que nous avons eue de longtemps, tant pour votre mérite, Monseigneur, et les services que vous rendez à l'Église et au public, que pour nous avoir été très soigneusement recommandé par celui qu'il a plu à Dieu ôter depuis peu de la vie mortelle pour le faire entrer dans son éternité, où je crois que vous aurez grande part à ses prières; et je supplie la divine bonté qu'elles puissent obtenir de lui les grâces que vous désire celle qui est,Monseigneur,Votre très humble et très obéissante filleet servante en Jésus-Christ,Sœur Madeleine de Saint-Joseph,Carm. ind.7 octobre (1629).»
«Monseigneur,
Je supplie Notre-Seigneur Jésus-Christ vous donner sa sainte paix. Ayant su par madame votre nièce l'honneur que vous avez fait à notre ordre, j'ai cru que vous n'auriez point désagréable que je vous remercie très humblement de ce qu'au milieu de notre affliction il vous a plu nous donner votre protection et nous honorer de votre assistance, qui est une grâce qui nous fait demander celle du fils de Dieu pour vous récompenser de ses bénédictions. C'est une obligation que nous avons eue de longtemps, tant pour votre mérite, Monseigneur, et les services que vous rendez à l'Église et au public, que pour nous avoir été très soigneusement recommandé par celui qu'il a plu à Dieu ôter depuis peu de la vie mortelle pour le faire entrer dans son éternité, où je crois que vous aurez grande part à ses prières; et je supplie la divine bonté qu'elles puissent obtenir de lui les grâces que vous désire celle qui est,
Monseigneur,Votre très humble et très obéissante filleet servante en Jésus-Christ,Sœur Madeleine de Saint-Joseph,Carm. ind.
7 octobre (1629).»
Voici deux lettres qui prouvent quel intérêt prenait en effet Richelieu aux Carmélites, et quel respect il portait à la mère Madeleine de Saint-Joseph. Il s'agissait alors de la prétention qu'eurent un moment les Carmes de gouverner, en France comme en Espagne, les couvents de femmes de l'ordre du Carmel. Les prêtres de l'Oratoire, voisins desCarmélites, avaient aussi élevé quelques difficultés sur une ruelle qui séparait les deux monastères.
Lettre entièrement autographe de Richelieu, avec son cachet intact, provenant du couvent de la rue Saint-Jacques:
«AMadame de Combalet(depuis la duchesse d'Aiguillon[545]).«Ma nièce, je n'ai point su le particulier de l'affaire dont vous m'écrivez; je m'en informerai soigneusement. Cependant vous assurerez, s'il vous plaît, de ma part, les Carmélites, que je contribuerai tout ce qui dépendra de moi pour empêcher qu'on ne puisse troubler le contentement et le repos dont elles ont joui jusqu'à présent. Je vous promets que les prêtres de l'Oratoire leur serviront en tout ce qui leur sera possible. Je vous écrirai plus amplement sur ce sujet lorsque j'en aurai une plus exacte connoissance. En attendant, assurez ces bonnes âmes de mon affection et de mon service, et croyez que je suis«Votre très affectionné oncle et serviteur,«Le Card. de Richelieu.«Si le petit-fils de madame Bouthillier ne la retient point, je vous attendrai demain toutes deux.—De Bois-le-Vicomte, ce 15 août 1631.»
«AMadame de Combalet(depuis la duchesse d'Aiguillon[545]).
«Ma nièce, je n'ai point su le particulier de l'affaire dont vous m'écrivez; je m'en informerai soigneusement. Cependant vous assurerez, s'il vous plaît, de ma part, les Carmélites, que je contribuerai tout ce qui dépendra de moi pour empêcher qu'on ne puisse troubler le contentement et le repos dont elles ont joui jusqu'à présent. Je vous promets que les prêtres de l'Oratoire leur serviront en tout ce qui leur sera possible. Je vous écrirai plus amplement sur ce sujet lorsque j'en aurai une plus exacte connoissance. En attendant, assurez ces bonnes âmes de mon affection et de mon service, et croyez que je suis
«Votre très affectionné oncle et serviteur,«Le Card. de Richelieu.
«Si le petit-fils de madame Bouthillier ne la retient point, je vous attendrai demain toutes deux.—De Bois-le-Vicomte, ce 15 août 1631.»
Autre lettre du Cardinal de Richelieu adressée à la mère Madeleine de Saint-Joseph:
«Ma mère, je prends la plume pour vous dire que le Père Provincial des Carmes déchaussés m'est venu trouver, sur le bruit que l'on fait courre qu'il vouloit rentrer en la direction des Carmélites, et m'a protesté que c'étoit chose à laquelle il n'avoit aucunement pensé et ne penseroit jamais. Je n'ai pas voulu différer à vous en donner avis, afin de mettre votre esprit en repos de ce côté-là, et vous assurer qu'en toutes occasions vous recevrez des effets de la protection qu'il a plu à Sa Sainteté et au Roy que je prenne de votre ordre, comme étant sincèrement, ma Mère, votre très affectionné serviteur.«Le Cardinal de Richelieu.—De Compiègne, ce 17 sept. 1631.»
«Ma mère, je prends la plume pour vous dire que le Père Provincial des Carmes déchaussés m'est venu trouver, sur le bruit que l'on fait courre qu'il vouloit rentrer en la direction des Carmélites, et m'a protesté que c'étoit chose à laquelle il n'avoit aucunement pensé et ne penseroit jamais. Je n'ai pas voulu différer à vous en donner avis, afin de mettre votre esprit en repos de ce côté-là, et vous assurer qu'en toutes occasions vous recevrez des effets de la protection qu'il a plu à Sa Sainteté et au Roy que je prenne de votre ordre, comme étant sincèrement, ma Mère, votre très affectionné serviteur.
«Le Cardinal de Richelieu.—De Compiègne, ce 17 sept. 1631.»
Il faut que la mère Madeleine de Saint-Joseph ait été une personne bien extraordinaire pour qu'une religieuse, qui avait été très liée avec elle au couvent de Paris, n'ait pu supporter d'en être séparée, quand on l'envoya sous-prieure à Saintes, et que le P. Gibieuf, de l'Oratoire, ait été obligé d'écrire à cette religieuse la lettre qui suit, pour adoucir son chagrin et relever son courage. On conçoit que l'auteur d'une telle lettre ait été si fort estimé de Descartes:
«Pour la Mère Sous-Prieure de Xaintes.«Jésus † Maria.«La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais. J'ai reçu la vôtre qui m'a fait connoître l'exercice que vous portez dans la séparation de la personne à laquelle il a plu à Dieu vous donner une liaison si intime; et je vous dirai que j'ai été touché de votre peine, à laquelle je ne peux penser sans y compatir, vous regardant comme l'enfant sevré de la mamelle, et comme les disciples de Jésus-Christ nouvellement privés de sa présence visible par son ascension au ciel. Le principe de votre peine est très bon, puisque c'est la liaison à cette sainte âme; mais la nature se mêle parmi, et l'esprit malin encore davantage qui essaye de vous inquiéter et de vous affoiblir pour vous rendre inutile, s'il pouvoit, aux fins pour lesquelles vous êtes envoyée. Ne croyez point que vous ne soyez bonne à rien, et que vous serez plutôt à charge qu'à soulagement. Ce n'est pas là l'humilité que Jésus-Christ nous commande d'apprendre de lui:Discite a mequia mitis sum et humilis corde; c'est une fausse humilité dont il se faut donner garde, aussi soigneusement qu'il y a d'obligation de rechercher celle que le fils de Dieu nous apprend. Pour celle-là, l'âme, sous prétexte de se mépriser, se regarde incessamment et s'occupe toujours d'elle-même. Pour celle-ci, l'âme s'oublie elle-même comme n'étant rien, et se retire à Jésus-Christ comme à celui qui est vie et subsistance, lumière et force, et généralement toutes choses. Par celle-là l'âme déchoit; par celle-ci elle s'élève et se fortifie. C'est à quoi je désire que vous tendiez et vous travailliez, et un des moyens que vous devez pratiquer pour cela est de vous lier tous les jours à cette sainte âme dont nous parlons. Ne laissez passer un seul jour sans vous lier à sa grâce et à sa conduite; et lorsque vous vous trouverez plus peinée, unissez-vous à ses dispositions et recourez ainsi à J.-Christ avec elle. Il vous a séparée d'elle selon les sens pour vous y lier davantage en purifiant votre liaison du mélange de la nature, et qu'elle ne soit plus que par grâce. Les liaisons qui entrent dans l'œuvre de Dieu et qui commencent avec le temps en la terre pour être consommées au Ciel dans l'éternité, doivent être telles: c'est son esprit seul qui les fait sans que les sens et la nature y aient part. Depuis, dit saint Paul, que J.-Christ est mort et ressuscité pour nous, nous ne devons plus connoître personne par la fin de notre chair. Et combien que nous ayons, c'est-à-dire les apôtres, pendant que J.-Christ étoit en la terre, autrefois ainsi regardé J.-Christ, nous ne le regardons plus maintenant en cette manière. Toutes choses sont renouvelées. Tout ce qui est du vieil homme est passé, et nous ne sommes en J.-Christ qu'en qualité de nouvelles créatures dont les usages doivent être par-dessus les sens. La nature porte cette nouvelle manière de vie, mais elle n'y entre pas. Je supplie J.-Christ Notre-Seigneur, qui est le principe de cette seconde et nouvelle création, de l'avancer et l'affermir en vous, et vous faire porter en sa force tout ce qu'il faut porter pour cela. Écrivez-moi de temps en temps le progrès de votre disposition et vous assurez que j'aurai toujours un soin très particulier de votre âme, et serai pour jamais en J.-Christ Notre-Seigneur et sa très sainte Mère,«Votre affectionné à vous servir selon Dieu,«Gibieuf, prêtre de l'Oratoire de Jésus.«De Paris, ce 4 février 1634.»
«Pour la Mère Sous-Prieure de Xaintes.
«Jésus † Maria.
«La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais. J'ai reçu la vôtre qui m'a fait connoître l'exercice que vous portez dans la séparation de la personne à laquelle il a plu à Dieu vous donner une liaison si intime; et je vous dirai que j'ai été touché de votre peine, à laquelle je ne peux penser sans y compatir, vous regardant comme l'enfant sevré de la mamelle, et comme les disciples de Jésus-Christ nouvellement privés de sa présence visible par son ascension au ciel. Le principe de votre peine est très bon, puisque c'est la liaison à cette sainte âme; mais la nature se mêle parmi, et l'esprit malin encore davantage qui essaye de vous inquiéter et de vous affoiblir pour vous rendre inutile, s'il pouvoit, aux fins pour lesquelles vous êtes envoyée. Ne croyez point que vous ne soyez bonne à rien, et que vous serez plutôt à charge qu'à soulagement. Ce n'est pas là l'humilité que Jésus-Christ nous commande d'apprendre de lui:Discite a mequia mitis sum et humilis corde; c'est une fausse humilité dont il se faut donner garde, aussi soigneusement qu'il y a d'obligation de rechercher celle que le fils de Dieu nous apprend. Pour celle-là, l'âme, sous prétexte de se mépriser, se regarde incessamment et s'occupe toujours d'elle-même. Pour celle-ci, l'âme s'oublie elle-même comme n'étant rien, et se retire à Jésus-Christ comme à celui qui est vie et subsistance, lumière et force, et généralement toutes choses. Par celle-là l'âme déchoit; par celle-ci elle s'élève et se fortifie. C'est à quoi je désire que vous tendiez et vous travailliez, et un des moyens que vous devez pratiquer pour cela est de vous lier tous les jours à cette sainte âme dont nous parlons. Ne laissez passer un seul jour sans vous lier à sa grâce et à sa conduite; et lorsque vous vous trouverez plus peinée, unissez-vous à ses dispositions et recourez ainsi à J.-Christ avec elle. Il vous a séparée d'elle selon les sens pour vous y lier davantage en purifiant votre liaison du mélange de la nature, et qu'elle ne soit plus que par grâce. Les liaisons qui entrent dans l'œuvre de Dieu et qui commencent avec le temps en la terre pour être consommées au Ciel dans l'éternité, doivent être telles: c'est son esprit seul qui les fait sans que les sens et la nature y aient part. Depuis, dit saint Paul, que J.-Christ est mort et ressuscité pour nous, nous ne devons plus connoître personne par la fin de notre chair. Et combien que nous ayons, c'est-à-dire les apôtres, pendant que J.-Christ étoit en la terre, autrefois ainsi regardé J.-Christ, nous ne le regardons plus maintenant en cette manière. Toutes choses sont renouvelées. Tout ce qui est du vieil homme est passé, et nous ne sommes en J.-Christ qu'en qualité de nouvelles créatures dont les usages doivent être par-dessus les sens. La nature porte cette nouvelle manière de vie, mais elle n'y entre pas. Je supplie J.-Christ Notre-Seigneur, qui est le principe de cette seconde et nouvelle création, de l'avancer et l'affermir en vous, et vous faire porter en sa force tout ce qu'il faut porter pour cela. Écrivez-moi de temps en temps le progrès de votre disposition et vous assurez que j'aurai toujours un soin très particulier de votre âme, et serai pour jamais en J.-Christ Notre-Seigneur et sa très sainte Mère,
«Votre affectionné à vous servir selon Dieu,«Gibieuf, prêtre de l'Oratoire de Jésus.
«De Paris, ce 4 février 1634.»
La plus grande affaire qui ait occupé les Carmélites au milieu duXVIIesiècle est celle de la canonisation de la mère Madeleine de Saint-Joseph, morte en 1637. Pour arriver à cet honneur, les Carmélites se donnèrent toutes sortes demouvements, et firent bien des dépenses. Elles entretinrent un agent à Rome. Il fallait persuader au Saint-Père de nommer une commission dite apostolique, pour connaître des faits, recevoir et apprécier les témoignages. Il fallait donc avant tout recueillir des témoignages, et les avoir les plus nombreux, les plus certains, les plus autorisés. Enfin, il était nécessaire de les faire valoir auprès de Sa Sainteté et de la Congrégation des sacrés rites. De là bien des démarches où les Carmélites s'engagèrent avec une ardeur qui n'est pas, à vrai dire, la chose du monde que nous admirons le plus, car, après tout, Dieu discerne lui-même ses saints, et avec l'argent que coûta cette interminable procédure, on aurait soulagé bien des misères, reçu bien des pauvres novices, et gagné à Dieu bien des âmes. La mère Madeleine de Saint-Joseph fut assez aisément vénérabilisée, c'est-à-dire déclarée vénérable, mais elle ne fut ni canonisée ni même béatifiée; les instances des Carmélites pour obtenir au moins la béatification de leur vénérable mère duraient encore en 1789, quand la tempête révolutionnaire se déchaîna sur tous les établissements religieux, et, en croyant abattre le Carmel français, le ranima dans la persécution, ainsi que l'Église tout entière.
Dès l'année 1637, où mourut la mère Madeleine de Saint-Joseph, on voit les bonnes Carmélites s'agiter un peu, et s'adresser à toutes leurs amies et protectrices pour qu'elles écrivent ou fassent écrire, en leur faveur, au Saint-Père, viennent déposer devant la Commission apostolique ou lui envoient d'authentiques témoignages. La reine Anne, Mademoiselle, la reine d'Angleterre, la reine de Pologne, la princesse de Condé et Mmede Longueville; de grandes dames médiocrement édifiantes, et des personnages plus puissants que pieux, Mazarin et Retz lui-même, interviennent ici: nul moyen humain n'est épargné pour ce qui semble le service de la sainte cause.
Deux lettres autographes écrites par le cardinal de Retz, de Rome, le même jour, à deux religieuses Carmélites: